Jean-Claude Bourdin (avatar)

Jean-Claude Bourdin

Philosophe

Abonné·e de Mediapart

84 Billets

0 Édition

Billet de blog 12 mars 2022

Jean-Claude Bourdin (avatar)

Jean-Claude Bourdin

Philosophe

Abonné·e de Mediapart

En défense de Fabien Roussel

Ce n'est peut-être pas le moment de dire du bien du candidat Fabien Roussel. La polarisation liée à la campagne électorale ne permet pas de relever des nouveautés politiquement intéressantes. Fabien Roussel a cependant avancé une idée politique qui mérite d'être soulignée: l'alliance de Coco et de Cocorico.

Jean-Claude Bourdin (avatar)

Jean-Claude Bourdin

Philosophe

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ce n'est peut-être pas le moment de dire du bien du candidat Fabien Roussel qui se trouve à affronter une enquête du PNF pour soupçons d'emploi fictif ( 2017 a eu Fillon, 2022 aura-t-elle Roussel?). En outre et indépendamment de cet question judiciaire, certains positions du candidat communiste sont franchement discutables, venant de quelqu'un qui veut s'affirmer comme étant de gauche communiste. Comme l'engagement pour le nucléaire qui ne prend même pas la précaution de répondre à ceux qui critiquent le choix macronien du tout nucléaire, sans proposer une analyse de la politique énergétique à l'heure de la transition du même nom qui soit à la hauteur de la crise climatique et environnementale. D'autre part, son adhésion à la forme conservatrice et autoritaire de la laïcité surprend dans ce moment où nous assistons à une offensive, venue du gouvernement et soutenue par les idéologues professionnels du néo-conservatisme français, contre les musulmans. 

Il est vrai que la polarisation liée à la campagne électorale ne permet pas de relever des nouveautés politiquement intéressantes. Fabien Roussel a avancé une idée politique qui mérite d'être soulignée: l'alliance de "Coco et de Cocorico". Il reprend le discours que Maurice Thorez adressa le 17 avril 1936 aux catholiques et aux Croix de feu de voter communiste. La main tendue par le secrétaire général du PCF visait essentiellement à réconcilier le peuple divisé par le nationalisme et le fascisme. Elle se manifestera par l'appel réconcilier La Marseillaise et L'Internationale, le drapeau rouge et le drapeau tricolore. Fabien Roussel dit la même chose, dans la langue qu'il a jugé la plus propre à s'adresser à une électorat populaire, "Coco et Cocorico". Après ses propos sur le bon beefsteak et le bon fromage, il faut s'attendre à ce qu'il soit brocardé. On aurait tort de ne pas voir qu'il est, peut-être, le seul à gauche, à énoncer une idée vraiment politique, d'une réelle teneur politique, puisqu'elle signifie de recomposer le "peuple de gauche" en surmontant sa division entre gauche radicale, en l'occurrence communiste, et une fraction très importante du vote des classes populaires s'égarant dans le vote pour l'extrême-droite. Dit autrement, il est question d'affirmer que la lutte pour l'émancipation n'est pas incompatible avec l'assomption nationale. Il s'agit d'arracher à l'extrême-droite la prétention à défendre la nation. D'où les propos de Roussel qui ne cache pas un certain "souverainisme". Il est vrai qu'il n'est pas le seul à gauche à se réclamer de cette notion très ambigüe. Il serait dommage de ne pas voir que l' "alliance Coco et de Cocorico" est la seule réponse politique à cette question qui a agité les sciences sociales et politiques, dès la montée du FN, sous l'ère Mitterrand: pourquoi le peuple s'est-il détourné du vote de gauche, du vote communiste en particulier. Cette question appelle des réponses variées. Mais il est clair que le "peuple" a compris que le ralliement de la gauche socialiste au néolibéralisme et à la mondialisation se faisait au détriment de la nation. La gauche se trouvait une fois de plus devant la "question nationale", mais cette fois-ci elle se pose "chez nous" et non aux "colonies". On sait comment l'abaissement de la nation est le terreau favorable au nationalisme, aux groupes identitaires, au racisme. L' "alliance" de Roussel est la franche réponse politique à cette question brûlante.

Reste à se demander en quoi consiste réellement cette "alliance". Agiter drapeaux rouges et tricolores, chanter La Marseillaise et L'Internationale est une chose, c'est une image, mais il serait souhaitable qu'elle devienne le signe d'engagements qui traduisent cette "alliance". Or il semble que la nouveauté avancée par le secrétaire général du PCF s'épuise dans la pure et simple reprise de thèmes qui datent des soit disant Trente glorieuses, dont celui du nucléaire, impliquant EDF et son pouvoir exorbitant. Ou bien, alors que la laïcité est devenue une question propice au confusionnisme des idées et le cache-sexe de la discrimination contre les musulmanes et musulmanes, le choix de Roussel manifeste le pire du repli défensif national, le refus de prendre en compte la nature concrète actuelle de la nation française. Bientôt verra-t-on les communistes entonner l'hymne du "roman national"? Espérons que non.

La parole politique, quand elle s'exprime dans une conjoncture surdéterminée par des crises et des complexes idéologiques et des retours de refoulé historiques, est toujours menacée de basculer du côté réactionnaire, alors qu'elle commence à se mouvoir sur une crête émancipatrice et révolutionnaire. Est-ce le cas avec la proposition de Roussel? L'avenir de la politique du PCF, au-delà de la présidentielle, le montrera.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.