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Billet de blog 12 avril 2023

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De Maurice Thorez à Fabien Roussel

En multipliant les déclarations provocatrices, Fabien Roussel ajoute de la confusion à la confusion de la pensée de la gauche électorale. Un communisme de droite est ne va pas aider à transformer la France.

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Depuis la campagne pour l'élection présidentielle, Fabien Roussel accumule les déclarations qui désorientent militants du PCF, militants de gauche, électeurs de gauche. Les polémiques qu'elles provoquent accélère le désamour pour la NUPES et la gauche électorale, nettoyant proprement le chemin qui conduit à la victoire de l'extrême-droite lepéniste et zemmouriste, alliée aux LR et aux inévitables retourneurs de veste à gauche, en 2027.

On est tenté de penser que Roussel fait tout ce qu'il peut pour exister médiatiquement et redonner une visibilité médiatique au PCF. En cela il n'innove pas, il doit apparaître comme épousant les opinions, les craintes, les préférences attribuées au "peuple" et il doit se donner l'allure d'exprimer ce que ledit peuple veut qu'on lui dise. Enfin il lui faut se distinguer des autres leaders de gauche (JL Mélenchon semble-t-il en premier lieu) et dénoncer ce que ledit peuple est censé penser des écolos, des intellos, des belles âmes éloignées de la réalité.

Si on adopte une attitude plus charitable, on dira qu'il s'attaque au problème sur lequel François Ruffin insiste à juste titre: la gauche doit comprendre que sa tâche prioritaire après le score de l'extrême-droite est de gagner les électeurs populaires, les travailleuses et travailleurs là où ils sont, aux idées qu'elle porte. Sachant que l'extrême-droite a réussi à capter durablement cet électorat, François Ruffin explique que la gauche doit se combattre le RN à la fois sur le plan des idées et par sa mobilisation dans l'organisation des luttes sur le terrain. La force de l'aide de F. Ruffin est de redonner aux gens le sens de leur force et de leur dignité opposées au mépris et à la relégation dont ils sont victimes. L'ennui est que la stratégie de Ruffin doit s'inscrire dans la durée et ne pas être orientée par les gains électoraux escomptés à court et moyen terme.Or Roussel veut aller vite, on suppose qu'il consulte les sondages souvent. C'est pourquoi il s'engage dans une politique de droite, puisque c'est la droite qui est maître de l'agenda, des thèmes, des mots et qu'il s'inscrit sans difficulté dans ce théâtre médiatique. Quand il oppose ceux qui travaillent à ceux qui sont assistés, quand il parle de la porosité des frontières, quand il suscite les mythes bien de chez nous de la bonne viande et du bon fromage, il reprend sans complexe la rhétorique de la droite. Il fait pire en fait.

Mais, surtout, on doit lui reprocher vertement de rendre un mauvais service aux défis que nous pose la crise climatique et environnementale, quand il tourne en dérision la nécessité de changer et nos habitudes alimentaires et notre façon de produire. Il recule devant la tâche sans doute difficile, de convaincre à la fois de la nécessité et du caractère bénéfique de ce changement. 

En opposant ceux qui travaillent aux prétendument assistés, non seulement il entonne une antienne des bourgeois bien pensants, mais il entretient la confusion théorique et politique à propos de la "valeur-travail", expression qui ne veut rien dire et qui sonne étrangement en ce moment où les manifestants contre la loi des retraites Macron posent avec force la question du sens du travail — et pas de sa "valeur". 

Quand il évoque les frontières passoires, non content d'insulter les noyés de la Méditerranée et celles et ceux que pourchassent gendarmes et "identitaires" de tout poil, il conforte la politique répressive de l'UE et avalise les traitements inhumains que cette politique induit. 

Écologie, travail, immigration, aujourd'hui, mais rappelons-nous sa participation à la manifestation des policiers qui a fini, après le prétexte de la solidarité avec les collègues morts, par dégénérer en manif contre la justice. Autre occasion perdue de faire avancer la réflexion pour la gauche.À côté de cela, imaginer de faire alliance avec Bernard Cazeneuve est persane anecdotique...

La faiblesse de la pensée théorique du PCF, accompagnant et causant son déclin électoral, explique sans doute la figure Fabien Roussel. Il inaugure un "communisme" de droite, obnubilé par les gains électoraux, empruntant sans vergogne le langage de la droite et de la bourgeoisie, méprisant le peuple comme un bon leader populiste, son manque de courage politique éclate quand on compare ses postures avec la stature qu'avait adoptée son lointain prédécesseur Maurice Thorez dans le discours de "la main tendue" du 17 avril 1936. Après  s'être adressé aux catholiques, il s'adresse aux électeurs anciens combattants  des partis d'extrême-droite. Non pour agiter les thèmes de sa propagande, mais pour montrer que ce qui unit la classe ouvrière c'est la solidarité de classe, contre les détournements des fascistes. On peut émettre des réserves à l'égard de ce discours; peu importe, lisons comment un dirigeant communiste, en "tendant la main" se situait sur un tout autre terrain que celui de la réaction et faisait du PCF un pôle d'attraction et non un misérable suiviste:

. « Nous te tendons la main, catholique, ouvrier, employé, artisan, paysan, nous qui sommes des laïques parce que tu es notre frère et que tu es comme nous accablé par les mêmes soucis. Nous te tendons la main, volontaire national, ancien combattant devenu croix-de-feu, parce que tu es un fils de notre peuple, que tu souffres comme nous du désordre et de la corruption, parce que tu veux comme nous éviter que le pays ne glisse à la ruine et à la catastrophe »

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