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Billet de blog 16 septembre 2017

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Après Loup Bureau, Salah Hamouri!

Le journaliste Loup Bureau va être libéré après 50 jours de détention en Turquie pour "appartenance à une organisation terroriste". Cette libération montre que la diplomatie française peut être efficace pour sortir un compatriote d'une situation visiblement arbitraire. Nous espérons que maintenant elle fera preuve de la même réussite pour sortir Salah Hamouri, victime de l'arbitraire israélien.

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Le journaliste Loup Bureau va être libéré après 50 jours de détention en Turquie pour "appartenance à une organisation terroriste". Nous nous réjouissons de cette libération qui montre que la diplomatie française peut être efficace pour sortir un compatriote d'une situation visiblement arbitraire. Nous espérons que maintenant elle fera preuve de la même réussite pour faire libérer Salah Hamouri, notre compatriote, victime de l'arbitraire kafkaïen des autorités israéliennes. Loup Bureau a aussi bénéficié de la mobilisation de l'opinion publique. Salah Hamouri a besoin lui aussi d'être soutenu, il faut que son cas soit l'objet de la plus grande publicité possible. Rappel des faits.

Le mercredi 23 août, Salah Hamouri, 32 ans, a fêté la fin avec succès de ses études d’avocat. Ses parents sont heureux pour lui, ses amis se réjouissent, mais il lui manque quelque chose à son bonheur: sa femme et son enfant sont en France, interdits rentrée en Israël, car suspectés d’être des « menaces pour l’État ». Chaque jour il leur téléphone. 

Dans la nuit qui suit, l’armée d’occupation arrête Salah chez lui à Jérusalem-est, sous le soupçon d’appartenir à une « organisation politique ennemie », et le conduit dans un centre de Jérusalem-Ouest. Un juge l’interroge durant 20 minutes après quoi et il est placé à l’isolement. Aucun élément d’une quelconque accusation ne lui a été signifié. Le dossier de son arrestation et sa détention est un « dossier secret ». Le tribunal militaire devait rendre sa décision 4 jours plus tard. Le dimanche 27, premier report, l’armée demande deux jours supplémentaires pour les besoins de son « enquête ». Ses avocats avaient réussi à négocier sa remise en liberté contre une caution et Salah Hamouri devait sortir le mardi 29 août. Le 29, alors que son père avait pu réunir la somme de la caution, un ordre du Ministre de la Défense, Avigdor Lieberman arrive demandant au tribunal de placer Salah en « détention administrative » pour 6 mois. Rappelons qu’Avigdor Lieberman est une figure de l’extrême-droite israélienne, connus pour tenir des propos violents et racistes. Le tribunal a 48 heures pour confirmer ou contester la décision, mais ses avocats obtiennent un nouveau délai de 4 jour. Leur tâche est très difficile car ils n’ont pas accès au dossier qui comporte des éléments qui doivent rester secrets. Il faut attendre le mardi 5 septembre pour apprendre que l’ordre du ministère de la défense est rejeté par le juge qui décide à la place de faire purger à Salah les 3 mois non effectués en 2011 ! Depuis, comme chez Kafka, Salah Hamouri est balloté d’une attente de décision définitive sur son sort à son report, et de ce report à un autre à venir, et ainsi de suite, sans connaissance des preuves contre lui alléguées.

Il semble que la justice soit en désaccord avec le Ministre de la Défense qui veut une détention administrative de six mois, reconductible indéfiniment, sans que la raison soit publiée. Il le semble seulement, car il se pourrait bien que l’attente constamment reconduite soit une stratégie pour décourager le militant et ses soutiens de se battre pour obtenir sa libération. Pour trancher ce désaccord largement scénarisé, son « dossier » — connu seulement par ses accusateurs, car contenant des « preuves secrètes » — est allé à la Haute Cour de justice, qui a décidé ... de s’en dessaisir au profit d’un tribunal de district de Jérusalem, réponse le 17 septembre.

Cela fait plus de 15 ans que le pouvoir israélien s’acharne sur ce jeune homme franco-palestinien qui, comme c’est son droit le plus élémentaire, refuse d’accepter l’occupation, l’annexion et la colonisation de sa ville, Jérusalem Est, l’occupation et la colonisation de son pays.

Au cours d’une manifestation lors de la seconde intifada, il a la "chance" de n’être que blessé par balles. A 16 ans, on l’arrête et il fait connaissance avec la détention administrative: il prend six mois de prison. A 19 ans on l’arrête à nouveau et ils passe 5 mois en détention administrative. Mais c’est en 2005 que l’armée l’arrête et va s’arranger pour ne pas le laisser sortir continuer son combat. Il est accusé d’avoir eu l’ « intention » de tuer le rabbin Yossef Ovadia, initiateur de la fondation du parti politique ultra religieux Shas dont il fut le guide spirituel. Ce personnage qui a été admiré par beaucoup en Israël est aussi l’auteur de déclarations délirantes et racistes. Salah Hamouri proteste de son innocence et malgré l’absence de preuve il est condamné à quinze ans de prison. Pour écourter sa peine, il est contraint de « plaider coupable », il ne ferait que sept ans. 

C’est alors qu’intervient un échange entre des prisonniers politiques palestiniens et le soldat Gilad Shalit, de double nationalité lui aussi, franco-israélien. Ce dernier a été enlevé le 25 juin 2006 par un commando palestinien près de la colonie Kerem Shalom, au sud de la bande de Gaza, après une action contre un poste militaire. Il sera retenu sous l’autorité du Hamas qui compte l’échanger contre des militants prisonniers en Israël. La diplomatie française a multiplié dès le début les contacts pour faire libérer Shalit, en tant que citoyen français. Les media français ont apporté un écho important à son cas, alors que le sort de Salah est resté dans l’ombre, malgré les efforts d’un Comité de soutien pour sa libération. Lorsque finalement  l’échange se fait, Salah Hamouri fait partie des palestiniens libérés. Par rapport à la durée de sept ans, il lui serait resté trois mois à faire. Mais en le libérant les Israéliens reconnaissaient qu’il avait accompli la totalité de sa peine. Maintenant ils réclament son accomplissement.

Dans un billet précédent j'avais noté ce que cette demande a d'extravagant et, en outre, d'insultant pour la diplomatie française. Reste à montrer que son arrestation du 23 août et la demande du juge ne tiennent pas. S'il est vrai que Salah Hamouri milite avec une organisation interdite, jugée terroriste, pourquoi les services de sécurité ne s'en sont-ils rendus compte que six ans après sa libération? Pendant cette période il s'est marié, il poursuivi ses études, voyagé en Europe et est revenu. S'il est vrai qu'il avait à l'égard de la justice israélienne cette fameuse "dette" de trois mois, même question: pourquoi avoir attendu si longtemps pour lui demander de la solder? Il est assez clair que les autorités en l'arrêtant il y a trois semaines voulaient l'empêcher de continuer à militer et de mettre ses compétences d'avocat au service de ses camarades poursuivis. Elles disposent de cette arme, mise au point par les Britanniques pendant leur mandat sur la Palestine, la "détention administrative", pur déni de justice, farce procédurale, qui fait planer sur chaque militant la menace d'une arrestation sur la base d'éléments qui ne sont déterminés (inventés, fabriqués) que par l'armée et sa justice. Il est comique d'imaginer que la justice civile se soit réveillée quand elle a su que l'on avait coffré Salah Hamouri: tiens, c'est celui qui nous doit trois mois!

Il faut que la diplomatie française et le Président de la République mettent tout en oeuvre pour faire cesser cette détention. Il faut qu'ils obtiennent du gouvernement de Netanyahu la levée de l'interdiction faite à sa femme de le rejoindre avec leur enfant pour vivre à Jérusalem. Il serait juste que les efforts déployés pour la libération de notre compatriote Gilad Shalit, de la part de la diplomatie, de la mairie de Paris et d'autres instances soient de même mis au service de Salah Hamouri. Sinon on sera fondé à s'interroger sur les raisons de ce "deux poids, deux mesures".

Liberté pour Salah! 

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