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Billet de blog 19 novembre 2021

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Papacito et Zemmour, les deux corps du fachisme français

Le devoir de décence dans l'expression publique des opinions politiques conduit à ne pas parler du physique des personnages de la fachosphère. C'est dommage, car nos fachos mettent en scène leurs corps.

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Le populisme de droite et d'extrême droite a toujours su mettre en scène le corps du chef. Les actuels activistes fachistes savent utiliser les réseaux sociaux pour imposer un visuel. Il n'est pas très original: il consiste à souligner un certain virilisme en cultivant des postures de corps au combat, même si c'est sous la forme de simulacres d'exécutions de militant de gauche. Mais comme on est à l'ère du spectacle permanent, ces poses se donnent comme des sortes de jeux, qu'est-ce qu'on se marre. On pourrait hausser les épaules et dire que le pauvre Papacito es un malparrido. Ce qui est en partie vrai. Prenons tout de même au sérieux un moment ces postures. Elles disent, nous l'extrême-droite nous voulons faire peur, et nous faisons peur en montrant que rien ne nous arrête. Par les paroles violentes, et par les gestes, nous nous affranchissons de toute décence. Des trumpistes en  somme. La peur que nous voulons diffuser est la preuve que si la France vit encore, c'est parce qu'il y a des Français qui ont des couilles. Nous en sommes. Nous avons là un premier corps de la fachosphère, un corps couillu.

On dira qu'il n'y a là rien de nouveau. Les nazis, les fascistes, les nazillons français ont toujours exalté le corps viril, dur, au-delà du bien et du mal, instrument du triomphe de la volonté. Mais à cette époque déjà, la mise en scène des corps, jusqu'au ridicule, avait pour fonction de sublimer, par une compensation  fantasmatique, la banalité, l'insignifiance du chef suprême. Certes Mussolini avait un corps imposant. Mais il n'était pas assez sculptural. D'où les poses qu'il prenait à la tribune, et, regardez bien, les profils que les caméras saisissaient: profils romains, dictateurs, généraux, empereurs des statues. Quant à Hitler, il n'est pas nécessaire d'ironiser entre son physique et son exaltation  des mythique Aryens. Son physique était des toutes façon celui d'un individu banal, insignifiant, médiocre. Au point que ses soutiens, les courtisans qui se  recrutaient dans l'intelligentsia,, en étaient venus à s'extasier devant ses ... mains. Il n'y a que quand il parlait qu'il se haussait à un nouveau hors du commun, il ressemblait au grand Chaplin.Mais enfin, des discours il n'en faisait pas tout le temps. Il fallait que son Reich soit toujours le sien, cette permanence fut assurée, on le sait par la terreur et l'idéologie (Arendt) et par le spectacle de corps d'acier. Le menu corps du Führer était porté comme sur un pavois par la mythique de la force virile qui ne recule devant rien.

Aujourd'hui, en France, ce petit département du capitalisme néolibéral, nous avons comme prétendant au rôle de Chef, Zemmour. Avouons que son physique n'est pas impressionnant. Comme Hitler, il trimbale une allure banale et minuscule. L'avez-vous vu faire un exposé? Pas de quoi fouetter un néo Führer. Bien sûr il compense par la violence inouïe de ses propos, qui lui valent quelques condamnations. Mais cela ne suffit pas.  Cet individu est toujours sous la menace de passer pour inaperçu. Il a trouvé deux parades. Sur certaines photos il pose de profil, ce qui lui donne un air décidé, dur, concentré, le regard perdu vers des horizons qu'on imagine enfin débarrassés des Maghrébins et des Noirs. Mais n'est pas Mussolini qui veut. Le profil est tout de même trop effilé. D'où la scène d'octobre où il se saisit d'un fusil qu'il dirige sur des journalistes, semble-t-il. Bolsonaro jouait à ce petit jeu lors de sa campagne. Mais n'est pas Bolsonaro non plus qui veut. Qui n'aa pas vu le moment où pris dans son costume cravate, Zemmour allait tomber emporté par le poids de l'arme? D'où la vraie trouvaille qui révèle clairement que Zemmour "en a": interrogé sur les conditions de vie des réfugiés à la frontière de la Pologne et de la Biélorussie, il répond, les yeux jetants des éclairs: "Je m'en fous". Voilà de mâles paroles. Il est regrettable que les chaînes TV qui par ailleurs ne l'épargnent pas, ne passent pas ce moment en boucle. Pas pour s'en indigner, mais parce qu'il dit une vérité: je suis à ce point libéré des pesanteurs de la morale et des sentiments d'humanité, que je peux dire que le sort d'humains en détresse je m'en fous, c'est-à-dire je les emmerde, je les encule. C'est le moment couillu de Zemmour. Mais comme avec Hitler qui redevient petit-bourgeois quand il ne fait pas de discours et qui a besoin que son corps insignifiant soit englobé par ceux des SS, Zemmour ne peut pas vociférer en permanence ni jouer à faire "pan" sur ses ennemis et son corps malingre doit être transfusé en permanence par ceux des Papacitos.

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