Franchement, on s'y attendait: après le coup réussi par Macron/Borne de nommer Pap Ndiaye, l'extrême droite et la droite extrême ont fait ce qu'on attendait d'eu: accumuler des suspicions sur ses positions (est-il républicain? français?), jeter le doute sur ses intentions au Ministère de l'Éducation Nationale, l'accuser des pires crimes inventés par des membres de l'ancien gouvernement, islamophobe-gauchisme, wokisme, déconstruction de l'histoire, participation à une réunion non-mixte, et j'en oublie.
Avant de continuer, remarquons l'habileté de Macron: Pap Ndiaye est le ministre dont on parle le plus, et de ce fait on en néglige d'autres dont la présence interroge, par exemple le tandem placé à l'écologie.
Le gouvernement devait réagir. Mme Elisabeth Borne l'a fait en assurant que son ministre de l'Éducation nationale est un Républicain convaincu, attaché aux valeurs de la République. Nous devrions être satisfait de cette défense rapide. Et bien, non. Parce qu'en répondant ce qu'elle a répondu, Mme Borne a accrédité l'accusation. À qui viendrait-il à l'esprit de demander si, au hasard, Brigitte Bourguignon a de solides garanties de républicanisme ? En répondant comme elle l'a fait, elle a commis la faute de se placer sur le terrain imposé par l'extrême-droite, d'en accepter les termes et la légitimité.
Or, tout le monde comprend que c'est parce qu'il n'est noir, qu'il ne s'appelle pas Corinne, qu'il est la cible du racisme. Ou plutôt, on devrait comprendre que toutes ces attaques nauséabondes sont des attaques racistes. On n'ose plus aujourd'hui (jusqu'à quand?) dire que les personnes noires sont des êtres inférieurs. Mais on déplace le racisme, de la couleur de la peau à l'appartenance ethnique et nationale. Comme toujours ont piétine le fameux universalisme républicain qui est (censé être) indifférent à toutes les différences. Et on rejoue les postures de l'époque coloniale: ces gens-là, les "indigènes" ne sont pas accessibles à la pleine citoyenneté et quand ils le prétendent il faut les soupçonner du contraire. Autre chose se joue avec Pap Ndiaye: il est, comme il s'est présenté lui-même, un produit de la "méritocratie républicaine". Laissons cette catégorie de côté qui mérite pourtant une analyse critique. Relevons plutôt que ce que l'extrême-droite raciste ne supporte pas c'est que des individus racisés fassent partie de l'élite académique, qu'ils puissent faire valoir des compétences indiscutables et internationalement reconnues. Réflexe de "petits-Blancs", renvoyés à leur petite pensée.
Il ne fallait pas prendre la peine d'assurer que Pap Ndiaye est un Républicain, donc un bon Français. Mais en adoptant cette défense, Mme Borne a épongé en réalité les dégâts commis par les ministres Blanquer, Vidal et leurs cohortes d'intellectuels, et par Macron lui-mêmes avec leur croisade anti islamo-gauchisme et anti wokisme. En effet Pap Ndiaye a énoncé un certain nombre de jugements qui prenaient leur distance avec cette propagande inique. La première ministre se devait de dissiper les vapeurs toxiques de cette propagande. Et la nomination de Pap Ndiaye lui en a donné l'occasion face au racisme.
On peut, pour terminer, souffler à Mme Borne quelques répliques qu'elle aurait dû élaborer: ce qu'est être français dans la République; de quoi la nation française est faite; parler d'égalité, de citoyenneté. Bref un autre discours que celui de l'extrême-droite.
Cela dit, on jugera de l'action du ministre Pap Ndiaye.