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Billet de blog 23 avril 2024

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La faute politique de Gabriel Attal

En dénonçant "l'entrisme islamiste" à l'école de la part de "groupes plus ou moins organisés", Gabriel Attal a voulu faire plaisir à un électorat disposé à se faire peur et à accepter des mesures supplémentaires de réduction des libertés publiques. Mais il fait pire, une faute politique grave. Explications.

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Sur BFMTV jeudi, Gabriel Attal a dénoncé « des groupes plus ou moins organisés qui cherchent à faire un entrisme islamiste » prônant « les préceptes de la charia, notamment dans les écoles ».

Tout dans cette déclaration suinte la manipulation de l'opinion: groupes (lesquels?, combien?) "plus ou moins organisés" (on est organisé ou on ne l'est pas; si on ne l'est pas où est le danger?; si on l'est, alors de quel groupe on parle?). Le plus important est ce qui suit:  prônant "les préceptes de la charia dans les écoles". Pris à la lettre cet énoncé est faux: au pire, ces fameux groupes anonymes incitent des élèves à manifester par leur comportement leur religion. Dans ce cas, pas de raison de paniquer, nous avons loi, dispositifs, décrets censés protéger l'école et la société contre le danger islamiste. La DGSI fait sans doute ce qu'elle est habilitée à faire, obtenir des renseignements et les analyser pour les transmettre aux services compétents pour contrer ledit danger.

Or Gabriel Attal dit autre chose, un sous texte dont le contenu est celui-ci: nous, nous la société, notamment l'école, nous la France sommes menacés par des "groupes plus ou moins organisés". Nous, c'est-à-dire combien d'individus, combien d'institutions, combien de services ministériels, combien de forces de police, combien de professeurs, de directeurs, de proviseurs, d'associations, nous serions menacés par des groupes. Combien de groupes, combien de membres? Quels moyens? M. Attal parle comme s'il avait mesuré les forces en présence et conclu que nous sommes menacés. Une poignée de militants islamistes, aidés par des rezosocio mettent en péril, via leur petite armée de porteurs(ses) de foulard et d'abaya, un pays comme la France. Des groupes cherchent "à faire de l'entrisme islamiste"? Qu'est-ce que cela veut dire? Une entreprise de conversion massive à l'islam des Français? Si c'est le cas, la loi de 1905 garantit la liberté de culte et de là de son exercice et de là des pratiques de prosélytisme à l'école. Bref, M. Attal est en train de dire que la France est en péril à cause de "groupes"  islamistes. Si c'est vrai, que vaut la France? Quel est sa puissance intrinsèque? On n'avait pas poussé le déclinisme jusqu'à un tel point.

Si le premier ministre de ce pays peut en venir à s'abaisser à des propos de bistrot de ce genre, c'est se retrouver sur les mêmes positions que les zemmouriens, les deviliéristes, les lepénistes et la poussière d'identitaires qui ne vivent que de se croire en croisade. Il est certain que ses propos leur fait plaisir et qu'ils annoncent des mesures liberticides à venir.  On oublierait ces déclarations, si elles ne constituaient pas une faute politique grave, en s'inscrivant dans une logique et une rhétorique défaitiste, typique de la droite française. Au lieu de souligner les ressources dont la société dispose, au lieu d'appeler à unir les habitants et la jeunesse, au lieu de faire confiance aux individus, aux professeurs par exemple, Attal et derrière lui le gouvernement de Macron activent le ressort de la peur et du besoin de sécurité. Sur ce terrain le RN est déjà gagnant. Et avec ce climat les groupes parfaitement organisés qui de l'extérieur  préparent des attaques terroristes et fanatiques ont déjà gagné. "Soumission" s'appelait un roman de politique-fiction de Houellebecq et la "soumission" renvoyait au sens de "muslim", celui qui se soumet ou se remet à Dieu. Les deux quinquennats de Macron s'achèvent sur un appel lancé à se soumettre à la peur pour accepter de passer sous un régime de limitation indéfinie des libertés. L'accent mis sur l'autorité par M. Attal et l'usage répressif de la laïcité nous préparent un avenir de servitude qui dessinera un type de régime politique nouveau: illibéralisme? démocratie autoritaire? démocratie de la sécurité? 

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