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Billet de blog 2 mars 2009

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Le Diagnostic : 4 - les maladies françaises

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

1. Clientélisme, lobbying et féodalité :

Officiellement conçue pour renforcer la vie démocratique par le rapprochement des centres de décision du citoyen, la décentralisation à la française a surtout porté en elle le retour d’une certaine forme de féodalité et la perversion de la vie démocratique par un clientélisme déchaîné. Elle a par ailleurs favorisé l’émergence d’une « classe politique » aux effectifs désormais non négligeable, dont les membres, jonglant habilement sur les différents mandats, parviennent à ce professionnaliser en tant que tel, et ce faisant à confisquer le pouvoir au risque d’une sclérose qui n’est hélas plus à démontrer.

Accessoirement, cette décentralisation très dogmatique (paradoxalement très jacobine dans sa conception) a entraîné une inflation démesurée des corps administratifs territoriaux et de leurs coûts, non corrélés par une désinflation correspondante des services de l’état. La propension naturelle de tout un chacun à justifier sa propre existence a ensuite conduit à l’inflation bureaucratique et procédurière.

Le bilan du coût global de la décentralisation à la Française reste à établir.

Enfin il ne saurait être fait l’impasse sur la remise en cause du principe d’égalité en droit des citoyens au regard des divergences parfois importantes des politiques territoriales, aux niveaux départemental et régional.

L’alternative anglo-saxonne au clientélisme, le lobbying, fait désormais partie de notre paysage politique national. Sa pratique, un moment honteuse, est désormais revendiquée comme une preuve de modernité, elle se répand et parvient à circonscrire peu à peu toutes les instances délibératives, à l’aune de l’inflation des services d’assistance à la prise de décision justifiée par la décentralisation.

D’une certaine façon, il s’agit tout simplement d’électeurs qui achètent leurs élus, ce n’est au fond pas plus condamnable que des élus qui achètent leurs électeurs. Il n’en reste pas moins qu’à ce petit jeu, une fois de plus, les plus fortunés sont toujours gagnants, et qu’il ne s’agit donc de rien d’autre que de l’assujettissement de l’intérêt général au négoce, encore une fois, et d’un mode de perversion de la démocratie représentative.

2. Le virus Bonapartiste :

Le clientélisme et le lobbying comme formes convergentes de négation de la démocratie, entrent en synergie avec la culture française Bonapartiste (ultime forme d’attachement à la culture politique de l’ancien régime).

Ainsi cette tradition se renforce au lieu de s’affaiblir, et se propage sous la contrainte de l’immédiateté télévisuelle, à l’ensemble des composantes du spectre politique. Elle est ambivalente, à la fois cause et conséquence de la présidentialisation de tous les exécutifs. Elle a pour conséquence directe de rompre le fragile équilibre du politique en tant que champ de tension entre 2 pôles contradictoires : réel immédiat / objectif à long terme, gestion/projection, décision/réflexion, compromis/conviction, etc., etc. systématiquement en faveur du premier.

Ainsi elle enferme et anesthésie l’engagement politique dans le dilemme (sans issue satisfaisante) : stratégie de conquête et de conservation du pouvoir ou poursuite de l’émancipation démocratique.

Cette tradition marque l’inachèvement démocratique français, elle se traduit en particulier par :

- la permanence du patriotisme démagogique à tous les étages de la République,

- le centralisme coercitif comme contrepoids aux féodalités centrifuges, (je ne sais pas si les propositions de réforme de la commission Balladur font l’objet d’une discussion sur Médiapart, je viens juste de recevoir le PDF du rapport aujourd’hui)

- la vacuité du débat politique et l’hypertrophie du « combat des chefs », lors des échéances électorales,

qui restent les maladies infantiles de notre République.

Parmi ses symptômes (et non ses conséquences), la déchéance de la presse et sa chute dans le caniveau ne sont pas les moindres.

Suite (5) "Les maladies françaises" (suite)

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