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Billet de blog 3 janvier 2010

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Tintamarre dans le caisson.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

C’était pour le 1er de l’an. J’avais, au détour de mon billet de vœu, émis l’hypothèse heureuse d’un caisson qui éloignerait de nous cette cacophonie assourdissante qui nous égare. Ce flot continu de communications inutiles et discordantes au travers desquelles la petite musique de notre humanité en devenir n’est plus audible.
(Pour les retardataires intrigués, voici le chemin de repérage du caisson « Pour bien commencer l’année : MISE AU POINT ! »)
Mais il faut prestement revenir à nos moutons car l’affaire n’est pas mince. Elle s’annonce fort délicate en effet et redoutablement périlleuse d’effets.
Il s’agit, rien de moins, que d’une grande disqualification.
C’est une partie qui se joue en coulisse, sur le tapis vert, tandis que sur le champ de bataille petits chevaux et fantassins s’étripes joyeusement pour se donner le change.
Une belle partie de poker menteur qui se joue en plusieurs manches.
Et il se pourrait bien que ce coup ci, il faille faire « tapis » !
Mais attention, malheur à celui qui ayant fait « tapis » un peu hâtivement, se retrouverait illico au tapis, en habit de zouave ou de spahis, mitraillé de toutes parts et définitivement disqualifié.
Car rien n’est moins sûr que de savoir pour celui qui joue à quel jeu il joue, et en fait de poker ce pourrait bien être au billard que sa propre tête se joue.
Il ne manqua d’ailleurs point, l’esprit perspicace qui s’inquiéta et sut habilement se soucier de savoir si nos spéculations du nouvel an participaient ou non, du tintamarre dans le caisson.
Or donc ; ce caisson… ?
En fait, c’est un peu comme une poupée russe.
Au milieu, se trouve un tout petit caisson, plein de fureurs électorales. S’y entassent pêle-mêle les échos des dernières batailles gagnées ou perdues, les sonneries des grandes mobilisations à venir, le vacarme des combats indistincts d’arrières et d’avants gardes et, les vociférations des stratèges de tous poils dont il est le royaume ; passionnant et passionné royaume de nos passions, redoutable œil du cyclone, tambour démoniaque de cette lessiveuse de l’immédiateté qui nous enivre, nous essore et nous aspire.
Mais un pas de côté, indiscipliné et hors de la ligne suffit, nous voilà comme une toupie désaxée, divagants et hébétés, couverts de gnons et titubants. Alors la force centrifuge nous éjecte de l’œil, nous plaque contre la paroi qui nous enveloppe, puis nous gobe et nous expulse.
Deuxième caisson, un peu plus grand, un peu moins bruyant. L’avenir est moins immédiat, les stratèges se font pédagogues, la prise de chou remplace le mot d’ordre, et la controverse l’aboiement. La mise augmente et le jeu se fait désormais à deux bandes minimum, ici règnent les faiseurs, fini le cambouis place à l’esthétique. Entremise et négociation, coups fourrés à l’étouffé et délices florentin sont au menu ; en coulisse comme en plateau, à la ville comme à la scène, la séduction vaut pour argument. Servir la soupe, porter la serviette, cirer les pompes… tout est bon pour piquer la vedette à la vedette et enfin paraître. Même sur un strapontin, se faire élire et venir sous les sunlights expliquer la simplicité du monde au monde hébété.
Attention ! terrain glissant, sur la carte de vigilance, c’est en orange (vraiment pas fait exprès… y a des trucs comme ça qui tombent juste du premier coup, on se demande bien comment), dans la légende c’est marqué : risque de complexité – ralentir d’urgence ! Et sur la boîte : « la complexité tue ».
« Le premier qui dit qui y est …
… » hop éjecté.
Troisième caisson.
Là ça devient sérieux, attention les babouins va falloir s’accrocher.
La partie maintenant se joue dans le vaste monde.
« Amis et frères babouins, ce n’est pas aux vieux singes qu’on apprend à faire la grimace, nous allons donc ensemble nous recueillir et observer un instant de méditation… en mémoire de nos innocences. Dans quelques instants nous allons sauter dans le marigot, il sera alors trop tard pour faire marche arrière, nous ne pourrons plus jamais revenir dans le premier caisson, et nous acceptons de quitter définitivement la matrice de nos illusions perdues.»
Hop… c’est terminé.
Foutus, happés, intoxiqués à la complexité.
Doctes spéculations et hypothèses hardies sont désormais notre quotidien. A l’esthétisme trivial et besogneux, kitchissime parfois du deuxième caisson, succède l’ambitieuse élégance de pensées qui se flattent désormais d’honorer leurs généalogies et font de la fidélité leurs cultures distinctives. La joute devient jubilatoire et feutrée.
Il faut dire que les sièges sont confortable et la moquette épaisse.
Portes capitonnées et breuvages capiteux… hors des lointaines rumeurs on en viendrait presque à jouter pour le plaisir de jouter !
Comme s’il n’y avait rien de plus important que cette aspiration grisante et tenace à l’éternité.
On en viendrait presque à oublier qu’on est là pour s’entretuer.
Vous laisseriez-vous aller ?
Alerte ROUGE !
Expulsion immédiate.
Expertise à postériori (principe de précaution oblige).
Verdict implacable.
Vous avez été contaminé par le virus et êtes atteint d’une maladie incurable la « Cynite » hautement contagieuse.
Fallait vous faire vacciner avant, on vous avait prévenus, maintenant c’est trop tard.
Ejection.
Quatrième caisson.
Là, on n’entend plus rien.
Ce pourrait n’être que le caisson des sourds.
Hautement qualifiés, ils affectent une indéniable sérénité. Comme hors d’atteinte, ils vaquent et s’occupent. Tirer quelques ficelles, pousser leurs pions, engranger les dividendes et distribuer de menues cacahouètes aux grands babouins suffit à l’imperturbable bonheur de leur entre-soi. Dans ce monde feutré, le meurtre n’est plus de mise. Une tranquille et ô combien confortable certitude d’éternité vous étreint.
Un seul danger vous guette désormais : la disqualification pour persistance d’une trop grande réceptivité auditive aux lointains échos du tintamarre.
Perte de raison terminale, sensiblerie, absurdité et confusion.
Soins palliatifs possiblement impuissants.
Risque de chien fou dans un jeu de quille voire d’éléphant dans un magasin de porcelaine.
Re-principe de précaution.
Elimination immédiate et sans appel du sujet.
Mais ce quatrième caisson est aussi l’ultime et fragile rempart contre cette petite musique obstinée qui vient… du fin fond de nos mémoires.
Qu’il vienne à céder.
Et c’est tout l’édifice du spectacle qui s’écroule.
Pour la grande disqualification à venir… on demande une fanfare !
Ça urge.

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