(post édition, je m'aperçois avec retard que c'est mon premier billet de l'année 😮 j'en profite donc pour adresser mes meilleurs vœux aux passants, et même à ceux qui se sont déjà arrêtés ou vont le faire 🙂)
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A la mi-décembre, 80% des français affirmaient soutenir la mobilisation des gilets jaunes et leurs revendications.
On était passé d'une révolte contre la taxe de trop, à la revendication explicite d'une politique de réduction des inégalités sociales à travers quelques exigences emblématiques : rétablissement de l'ISF, augmentation du SMIC et des minimas sociaux, diminution des taxes à la consommation (les impôts indirects), renforcement de la progressivité de l'impôt sur le revenu en particulier.
Et tandis que Macron concédait quelques miettes ridicules dans la panique d'une "République en marche" fissurée et d'une communication gouvernementale totalement désordonnée, on commençait à spéculer sur l'avenir de sa présidence, à tout le moins du gouvernement d’Édouard Philippe.
Depuis, il y a eu convergence. Non pas des luttes, mais des stratégies de l'échec.
On évoquera pour conclure les stratégies gouvernementales, de bonne guerre, et sommes toutes assez prévisibles. Quoique assez vicelardes... ou machiavéliques pour parler plus riche.
Mais commençons par celles des gilets jaunes eux-mêmes, qui ont été infiniment plus efficaces.
Au premier plan, je retiens le RIC. L'acronyme sonne bien. Simple comme un slogan. Quel succès ! Facile.
Un peu trop ?
Évidemment. Ne dit-on pas que "le diable se cache dans les détails" ?
Or voilà une hypothèse, le RIC, qui n'en manque pas (quelques éléments mis en liens en bas de page pour s'en faire un rapide aperçu).
Mon propos n'est donc pas ici de dénigrer le RIC en principe. Tout simplement et au contraire par ce qu'il mérite attention, débat contradictoire, saine controverse et délibération éclairée. Faute de quoi il n'est dans la précipitation et l'enthousiasme spontané qu'un attrape couillon. Une diversion loin des objectifs premiers, vers un outil sensé les atteindre comme par magie, avant même d'en avoir acquis le mode d'emploi. Ces promoteurs ont d'ailleurs chacun sa version, chacun son modèle usiné selon son cahier des charges... bon courage.
Avec le RIC, on a eu droit aussi à : Macron démission. On imagine avec quelle facilité son successeur serait désigné par acclamation autour des rond-points... là aussi, bienvenue la division.
Il faut également parler de LA liste des revendications.
L'officielle et originelle comptait paraît-il 42 articles. Il semble toutefois qu'il y ait eu plusieurs versions, et depuis on ne compte plus les variantes plus ou moins grimées en "cahier de doléances". On ne peut imaginer meilleur marécage pour noyer cette chienne d'aspiration populaire à l'égalité et à la justice sociale. Essentielle, aux pleins sens du terme, et si dangereuse pour les rentiers de l'exploitation des peuples, et de la nature.
Et on ne peut pas faire l'impasse sur l'épineuse question des représentants-délégués-porte-paroles... doublée de l'hypothèse électoraliste en vue des européennes. Ou comment se faire avaler par les subterfuges de la participation au système dont on veut combattre les tares.
Il faudrait aussi parler de la tentation insurrectionnelle. Assez fanfaronne et franchouillarde dans ses références mais surtout, complaisante plus que toutes autres envers les stratégies gouvernementales de muselage du mouvement par le signal d'invitation à la violence qu'elle envoie indistinctement aux nervis fascisants comme aux révoltés certes légitimes mais en l'occurrence idiots utiles de l'état répressif.
Au total, une assez fabuleuse capacité d’innovation en matière de chausse-trappes, pour un mouvement qui à la mi décembre semblait promis à un avenir victorieux .
Concernant les stratégies gouvernementales, diviser le mouvement et retourner l'opinion, on les examinera sans surprise, et donc à la sauvette, loin de toute ambition d'exhaustivité mais, sous le prisme d'un principe directeur, l'avenir du bail de la "République en marche" avec les institutions de la République suppose quelques succès de la Lepennie aux étapes intermédiaires.
- Il faut que ça dégénère : l'absence de stratégie comme stratégie du désordre par les forces de l'ordre (se rappeler du communiqué sournois du préfet de police de Paris au lendemain du 1er (ou 8 ?) décembre et surtout de l'hypocrisie de Castaner annonçant le 4 décembre le changement de stratégie des forces de l'ordre).
- Il faut déplorer l'absence d'organisation et de représentants pour inciter à leur désignation forcément problématique vu l'hétérogénéité des troupes.
- Il faut ouvrir des chenaux de diversion : le grand "débat public", ou grande "consultation" populaire comme "revival" et pédagogie du TINA.
- Il faut désigner et mouiller des substituts pour "porter le singe" : élus locaux, associations, syndicats... les corps intermédiaires convoqués en bons cocus de l'affaire pour recueillir et raffiner avant "mise en marché" avec le tampon NF les doléances du petit peuple.
On pourrait bien sûr rallonger la liste ne serait-ce qu'en détaillant.
La seule question qui vaille en fait c'est quelle serait la bonne stratégie pour les gilets jaunes ?
Le débat est ouvert.
Pour prolonger à propos du RIC, voici quatre contributions (on remarquera qu'elles ne sont pas toutes à charge):
- "Gouverner par référendum ?"
- "Le RIC, un hochet"
- "Dix erreurs qui circulent sur le RIC"
- "De Le Pen à Ruffin en passant par Chouard, le RIC ou la confusion des genres"
Il faut que ça dégénère : la preuve par "l'appel aux barricades"