En 2005 nous avons donc répondu NON à la question qui ne nous était pas posée mais à laquelle il eût été préférable de répondre OUI. Ce coup ci, allons nous encore une fois nous tromper ?
Comment savoir ?
Je vous propose d’abord de refaire un petit tour en 2005, histoire de nous rafraîchir la mémoire et de nous mettre en jambe.
Partisan du OUI, j’avais entretenu à l’époque une saine controverse avec une amie militante d’ATTAC, donc du NON, (elle n’a pas changé d’avis depuis, moi non plus, elle est restée une amie que j’estime toujours autant, mais elle n’est pas restée à ATTAC). Voici le texte des messages que je lui avais adressés en 2005, quelques jours avant le scrutin.
Traité Constitutionnel Européen : le référendumEn accord avec la plupart les arguments développés par les adversaires « progressistes » de ce traité, j’ai pourtant l’intuition qu’il vaudrait mieux l’adopter.Je n’arrive pas pour l’instant à formuler un argumentaire clair et synthétique, j’entrevoie simplement des lendemains plus que difficiles en cas de rejet, et je suis tenté d’introduire ma réflexion par les questions suivantes :1- Quel est le projet politiquement crédible et socialement positif dont l’acte fondateur ou plus modestement la condition nécessaire pourrait être le rejet du traité ?2- Fallait-il attendre le suffrage « universel » de Février 1848 pour abolir les privilèges le 4 Août 1789 ? et fallait-il attendre l’acquisition du droit de vote par les femmes en 1944 pour réaliser les avancées démocratiques de 1848 ?La question posée pose son absurdité ; ai-t-il besoin de développer ?
3- Le rejet du traité n’est-il pas de la part de ceux qui en sont partisans l’aveu de leur abdication anticipée, de leur renoncement préventif par crainte de l’échec, à livrer le combat politique qu’imposerait son acceptation en ouvrant un nouvel espace de citoyenneté ?Ne sont-ils pas en réalité en train de fuir leurs responsabilités (en tant que leaders ou en tant que mouvement d’opinion prétendant à une position avant-gardiste), de masquer leurs contradictions ?
Leurs popularités nationales et le confort de leurs positionnements actuels ne seraient-ils pas en fait l’unique et à très court terme enjeu de leur campagne pour le Non ? (A nuancer)
J’ai entendu plusieurs d’entre eux réfuter par avance l’argument du chao comme argutie traditionnelle reprise par les partisans du traité voulant user et abuser du sempiternel et dangereux réflexe de peur.J’ai l’impression qu’en l’occurrence, ce sont eux, qui pratiquant une inversion douteuse et démagogiquement manipulatoire du sens, agitent le spectre de l’inconnu et se risquent à une alliance objective avec tous les conservatismes obscurs au nom du principe bien réac : « on sait ce qu’on a, on sait pas ce qu’on aura ». Reste en fait à savoir qui est ce « on » et pourquoi ?En disant Non, ne court-on pas finalement le risque majeur de renvoyer pour 2, 3 ou 4 décennies supplémentaires le débat politique hexagonal dans les errements où l’a enfermé le gaullisme et où se complaisent à le maintenir les réacs de tous poils, les errements du nationalisme, du patriotisme chauvin et de la primauté du sol ou des « caractères propres » sur les valeurs universelles comme fondements du droit.Que De Villiers, Pasqua, Chevènement et autres attardés de l’histoire en soient là ne m’étonne pas, au contraire et tant mieux, ça les disqualifie un peu plus. Par contre, à partir d’Emmanuelli en allant à gauche ça fait peur.C’est un vrai cul de sac qui risque de coûter très cher en version négative et qui ne peut pas rapporter grand chose en version positive de l’avenir, si l’on veut bien faire l’effort d’y réfléchir avec le recul d’un siècle ou deux d’histoire.La pire des positions de rejet étant à mon avis celle des centrales syndicales qui après environ 4 décennies passées à convertir le bon peuple de leurs adhérents au culte du consumérisme libéral persistent et signent dans l’erreur de jugement (ou le cynisme suicidaire ?) et la démagogie boutiquière.Merci d’avance pour une lecture critique, cordialement Rodez le 12/03/05 OUI ou NON : les impasses du référendumAu départ, je n’étais pas partisan du référendum.Une fois celui-ci annoncé, j’ai tout de suite décidé de voter OUI à ce Traité Constitutionnel Européen.Voici pourquoi je n’ai pas changé d’avis.Je ne reviendrais pas sur les éléments d’une analyse au fond que j’ai développés par ailleurs, et qui l’ont je pense été aussi par d’autres et beaucoup mieux ; ceci dit j’attends toujours de la part des partisans du NON les réponses aux 2 ou 3 questions précédentes que leur position m’inspire et dont je ne vois poindre aucun début de commencement dans le débat public.Soit.Je voudrais plutôt compléter ces questions à partir de l’approche plus formelle que m’ont conduit à faire de cet événement les derniers développements du dit débat public perceptibles en ce 31 Mars 2005.Plus précisément, c’est l’insensibilité croissante qui est la mienne aux arguments échangés dans ce débat qui est à la source d’un questionnement et conséquemment d’un ajustement de mon approche.A l’origine, le sentiment confus qu’il m’était impossible de convaincre (de voter Oui) à l’appui d’arguments uniquement fondés sur le seul contenu du texte proposé à notre approbation.Ayant fait l’effort d’écouter, de lire et de me confronter aux arguments développés par les partisans du NON, j’ai aussi fait l’effort de lire le texte.Pas dans son intégralité, mais au grès des questions soulevées dans la controverse et dans ma réflexion.Peu à peu est ainsi née ma conviction qu’il fallait tenir bon et que s’il y avait un Non à exprimer, ce n’était pas à l’endroit du texte mais bien plutôt à la façon dont nous étions consultés, au référendum lui même.Ceci renvoie à la question première : Référendum ou Délibération Parlementaire.Comme je le disais à l’instant, je faisais partie quand la question était d’actualité de ceux qui privilégiaient la voie parlementaire au nom de la complexité et surtout de la technicité du sujet à débattre.Nous avions raison.Car en réalité, au motif d’une soit-disant démocratie directe qui serait plus démocratique, à quoi assistons nous aujourd’hui ?A un débat où s’enchevêtrent des stratégies aux 1er, 2ème voire 3ème degrés, moyennant quoi, le sens (la signification) des questions et des réponses échangées n’est pas le même selon leurs origines, et ce aussi bien dans le camp du OUI que dans celui du NON.Et une fois de plus le citoyen est pris en otage au nom même d’un exercice sensé lui rendre sa souveraineté … perversion.Et tous les protagonistes sont complices. Que pas un n’essaie de s’absoudre de cette faute c’est trop tard, pris la main dans le sac. (Même José !)De DeVillier à Nikonof d’un côté et de Hollande à Sarko de l’autre (et tant pis pour les oubliés z’avaient qu’à pas s’y mettre !), TOUS cautionnent la supercherie puisqu’ils y participent.Enfoirés de supercheurs !Quelle est-elle cette supercherie ?Ce référendum repose en effet la supercherie qui consiste tout simplement à poser plusieurs questions à la fois, et en plus de natures différentes.1ère Question : Voulez-vous d’une Constitution Européenne , OUI ou NON ?Les termes du débat sont clairs, partisans d’un Etat européen supranational contre « souverainistes ».Il resta à décliner toutes les nuances de la supranationalité à travers un texte constitutionnel, un autre débat s’ouvre tandis que les « souverainistes » de tous poils, bien sagement alignés au nom de tous les conservatismes obscurs ou prétendument éclairés, accrochés pour la plupart à une dévote soumission au passé sont renvoyés aux oubliettes.En tout cas, OUI ou NON le référendum s’impose pour cette première question.2ème Question : Quelle constitution voulez-vous pour l’Europe ?Là il est impossible de répondre par oui ou par non, à la rigueur pourrait-on imaginer une consultation par laquelle il nous serait demandé de choisir entre plusieurs projets alternatifs. Mais pour en arriver là il faudrait au préalable que la question soit débattue par ceux que nous payons, nous bons citoyens, pour cela : nos représentants parlementaires. C’est ce débat sur lequel la procédure en cours nous impose de faire l’impasse, c’est bien là qu’est la perversion. Il y a effectivement à débattre, à convoquer tous les courants de pensée pour un affrontement citoyen au bout duquel un rapport de force s’impose en vertu duquel un choix majoritaire est défini, pour un temps. Ce débat, nous avons tous les outils pour le mener, en particulier nos représentants parlementaires. Ils sont payés pour ça je le répète, qu’ils fassent leur boulot !En lieu et place, nous avons eu droit au numéro de V.G.E l’antédiluvien et pire, à la complicité de tous les démagos bénis-oui-oui de la supercherie référendaire. Que les morveux se mouchent.Conclusion, je voterai OUI parce que la réponse à la première question est, et de loin, la plus importante.Et simultanément je souscris sans état d’âme à toutes les oppositions formulées par les partisans progressistes du NON.En ayant un espoir : que le OUI l’emporte et que la mobilisation pour le NON se transforme au lendemain du scrutin en une mobilisation pour un AUTREMENT féconde des majorités qu’il nous faudra de toute façon construire par le combat des réformateurs contre les conservateurs, comme toujours et non dans la confusion et la pétaudière, comme aujourd’hui où l’on voit de tout partout.Et que l’on ne vienne pas m’expliquer que le NON majoritaire ne changerait rien, ne serait porteur d’aucun danger.Me prendrait-on pour un imbécile ?Qu’il puisse avoir des effets négatifs pour les conservateurs ne me gène guère, au contraire.Mais il est bien évident que les effets seront beaucoup plus dévastateurs de notre côté, c’est un boulevard qui s’ouvre pour Sarko, les réacs n’ont jamais d’états d’âme quand les intérêts de classes sont en jeu, les revirements et retournements de vestes sont même leur spécialité, réalisme, pragmatisme, opportunisme et démagogie sont les points cardinaux de leurs engagements. Demain Sarko reniera sans sourciller son engagement pour l’adoption du Traité au nom des intérêts supérieurs de la nation, il ralliera sans difficulté tous les conservatismes arqueboutés sur le patriotisme gaulois et gaullien, cocufiant au passage tous les progressistes alliés objectifs d’un moment qui avaient naïvement fondé des espoirs sur la dynamique du NON. Et en face ne resteront que les décombres d’un mouvement social déboussolé.Ils sont forts les ricains, l’Europe et le mouvement social européen d’un coup, merci Bolkestein. Non hélas non ce n’est pas l’effet d’un délire machiavélo-paranoïaque.Cordialement mais avec un petit début de goût amer.Sortirons-nous un jour de notre naïveté ? pour faire enfin de la politique.Rodez le 31/03/05Traité Constitutionnel Européen, les vraies questions :Entendu ce matin sur France-Inter de la bouche de Cohn Bendit citant le fondateur du parti Social-Démocrate Allemand (dont je n’ai pas retenu le nom) et qui disait à peu près ceci :« La constitution, la vraie c’est le rapport de force qu’il faut construire inlassablement, ce ne sont pas les textes. »Je ne sais pas quand à été créé le SPD, je n’ai pas cherché, mais je suis parfaitement d’accord avec l’actualité relevée par Cohn Bendit de cette parole à propos du débat qui nous oppose sur le traité.Autrement dit, j’en reviens à l’argument de ma deuxième note, la question n’est pas de discuter du texte (et l’on fourvoie l’opinion publique en centrant le débat la dessus en s’y fourvoyant soi-même), ce qui en réalité peut éventuellement nous opposer, c’est l’analyse politique (au sens de stratégique et non de philosophique) c’est à dire circonstancielle et circonstanciée de l’alternative devant laquelle nous sommes.Encore faudrait-il que ce débat puisse avoir lieu, en sortant de l’approche Franco-Française qu’implicitement les partisans (de gauche) du Non en imposent, à leur corps défendant ce me semble. Ceci m’amène à considérer le deuxième élément intéressant de l’intervention de Cohn Bendit ce matin, rappelant que le principe d’indépendance de la Banque Centrale est adossé en Allemagne à un très large consensus lui même fondé sur le traumatisme du IIIème Reich et à l’utilisation, l’instrumentalisation de la Banque Centrale Allemande par Hitler au service de son projet politique.En l’occurrence il serait vain je crois à la fois de contester la réalité des faits (Hitler s’est bien servi de la planche à billets pour crédibiliser à court terme son projet politique aux yeux de l’opinion publique Allemande déboussolée par une crise économique bien réelle) et de faire un procès d’intention (à mon avis douteux) aux démocrates Allemands.Pour autant et sur le fond, je suis d’accord avec le principe d’assujettissement de tous les outils techniques de la gestion monétaire à la souveraineté populaire.La vraie question alors c’est : comment faire en sorte que l’opinion publique ne soit pas déboussolée ?Cela renvoie bien évidemment à l’éducation : initiale et permanente.C’est en réalité le vrai enjeu du débat actuel et pour cela il convient de l’approfondir et de le cultiver. A cet égard la contribution des opposants au texte est salutaire, mais seulement à cet égard.Accessoirement (mais pas tant que ça) cette différence d’approche sur la Banque Centrale doit nous renvoyer au principe de relativité des opinions et au delà, au nécessaire dépassement de cette relativité : non par le débat sur ses conséquences (en termes constitutionnels) qui est par nature voué à l’échec, mais par le débat sur ses origines.Ce débat met en question des histoires distinctes, des héritages culturels différents et au bout du compte des valeurs de référence particulières.Son enjeu, c’est l’émergence de valeurs communes non pas en tant que « plus petit dénominateur commun » (par soustraction de différences irréductibles), mais en tant que constructions nouvelles par addition d’aspirations communes vers l’universel (au sens de planétaire).En conclusion provisoire, je ne peux que confirmer : Du débat actuel sont entrain d’émerger les vraies questions que doivent affronter ensemble les citoyens Européens. Ils ne pourront apporter les vraies réponses qu’ensemble.Mais il faut d’abord qu’ils veuillent bien faire l’effort d’être ensemble. Rodez le 11/04/05Deux autres messages ont suivis, les 2 et 10 Juin 2005, pour tirer un bilan à chaud.
Après ces hors d’œuvres, inutile de dire que je serai très attentif aux qualités pédagogiques et stratégiques, c’est çà dire politiquement utiles, des positionnements et des contributions des différents protagonistes de la campagne électorale qui arrive.
C'est en effet vers le 7 juin qu'il s'agit maintenant de débattre.