Jean-Claude ICHAI

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Billet de blog 7 décembre 2021

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{X} , la volonté, le temps, l'arrogance

Vouloir c'est vouloir "de", c'est toujours vouloir que quelque chose ou que quelqu'un plie. {X}, ce "quelque chose qui veut nous faire plier, voire nous casser" est ce principe volontariste auquel il n'a pas été renoncé à cette heure. Tant que ce principe est prôné, tant qu'il est activé, on reste dans son paradigme, sous son règne.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ce billet est une nouvelle proposition portant une fois encore sur le thème selon moi crucial de la volonté et de son paradigme induit. Je l'écris suite à la lecture de ce billet d'André Bernold et de ce commentaire d'Olivier Hammam. Comme souvent, à me relire, il ne brille pas par sa concision. Tant pis, je le publie quand même, en l'état.

Il y a la chronologie, et il y a la durée. Je m'intéresserai ici  à la durée, à la mesure, au temps psychologique.

Qu'y a t-il de plus représentatif de la menace, de ce qui "veut nous faire plier", que le temps ? Bien plus que les lendemains qui chantent, quelle certitude est-elle plus communément admise que ce jour à venir de l'ultime déchantement ? Le temps ne peut être exempt de peur, laquelle l'implique systématiquement. La peur imagine une chronologie depuis une mémoire chronologique dont l'autorité est quant à elle purement psychologique. La durée, lorsqu'on l'envisage comme moyen, signifie toujours acquisition ou perte, la peur d'acquérir se confondant avec celle de perdre. Avoir, c'est d'abord (seulement ?) avoir peur (en réalité être cette peur).

La durée introduit la matière en même temps que la distance. Mettre à distance, par l'organisation en positions relatives mesurables, implique le temps, et c'est aussi, concrètement, surfacer, matérialiser. Cela implique nécessairement la volonté. Tout se passe comme si, depuis un centre immatériel et immobile, la matière était générée à partir de l'expérience et de la volonté. Pas d'arbre, pas de pin, pas de tronc, pas de branches, pas de résine, pas de feuille discernables, isolables, sans en avoir déjà fait l'expérience. Où que se tourne le regard, le champ de perception consciente est envahi par l'adhésion à  la mémoire, par l'adhérence de la mémoire. Par la mémoire faite autorité.

Le temps est une menace, la menace est du temps, un temps produit par la volonté, laquelle définit la temporalité qui la sert, on ne peut vouloir qu'au moyen du temps. Le vieillissement, si souvent redouté,  n'est pas factuellement observable, il ne peut qu'être comparatif. Ainsi, ce n'est pas parce que nous vieillissons que nous trouvons que c'était mieux avant, c'est parce que nous trouvons que c'était mieux avant, parce que nous mesurons par le temps, volontairement, que nous vieillissons. Un biais d'observation qui fait du monde une menace justifiant le montage délibéré mais inepte de son propre cercueil et son scellement de l'intérieur.

Vouloir c'est vouloir "de", c'est toujours vouloir que quelque chose ou que quelqu'un plie. {X}, ce "quelque chose qui veut nous faire plier, voire nous casser" est ce principe volontariste auquel il n'a pas été renoncé à cette heure. Tant que ce principe est prôné, tant qu'il est activé, on reste dans son paradigme, sous son règne. Vouloir c'est déployer le temps, c'est déployer l'espace et donc la matière. La matière distante, altérée.

La volonté initie aussi l'arrogance systémique, attitude universellement répandue dans le monde éclaté des existences voulues comme séparées. La mise à distance fragmente en autant de choses et/ou d'individus, et signifie le passage de l'intra à l'inter-action. Celle-ci, en tant que résultat d'un postulat au service et venu de l'autorité, définit des enclos individuels extérieurs dont l'autonomie supposée est chargée d'un potentiel menaçant, inhérent à son inscription dans la temporalité. C'est sur ce terreau que se développe l'arrogance. Alors que je ne sais ni ce que tu penses ni seulement s'il existe un "toi" distinct qui pense, alors que ma réalité est de fait la constante manifestation révélée du monde sur le fil de la présence, la tentation de l'arrogance, la tentation de savoir ce qu'il est impossible de savoir se fait pressante à qui prête quelque stupide intérêt à "ce qui risque d'arriver", à ce que l'artifice de la séparation programme indéfiniment comme lutte contre une forme apparente de pression osmotique, contre la perméabilité, contre l'imbibition fondamentale.

La charge percussive d'une énergie perçue comme extérieure autorise tous les mécanismes de défense et d'enfermement, dans un isolement sécuritaire qui est l'institution même de l'insécurité, la culture délibérée d'une peur née avec  et entretenue par la croyance en un extérieur à soi.

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