Jean-Claude ICHAI

Abonné·e de Mediapart

23 Billets

0 Édition

Billet de blog 27 décembre 2021

Jean-Claude ICHAI

Abonné·e de Mediapart

De la Résistance

Pour certains d'entre nous, la santé est un état sans rapport avec la durée, vivre étant infiniment plus sensé que rester en vie, réalisant qu'exister ce n'est pas avoir une existence. L’invitation lancée est celle de vivre sans, plutôt qu'en, défense. Sans peur, donc sans effort ni courage.

Jean-Claude ICHAI

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ayant récemment été sollicité sur le thème de la résistance, sur le fil de ce billet de Cham Baya, je mets sous forme de billet  un commentaire que j’ai écrit, en réponse à celui d’Esra*Rengiz, faisant lui-même suite à une réponse (dont le chapô du présent billet dit l'essentiel) que j’avais apportée à un autre contributeur (Lairderien) qui demandait “Pourquoi sommes nous si peu nombreux à résister à l'hypnose générale engendrée par les médias aux ordres de la nomenklatura oligarchique comprenant ce petit monde des dominants et leurs larbins corrompus ?

Extrait du commentaire évoqué plus haut, d’Esra*Rengiz :
Vivre sans peur, dans les circonstances actuelles, est certes le but à atteindre, dans un esprit de résistance - je tiens à ce mot, car il ne s'agit pas seulement d'être en défense : la résistance peut, et à mon sens doit, passer par l'affirmation redoublée du principe de vie, plutôt que par la seule opposition aux pulsions de mort.
Pour autant, vouloir vivre ainsi, ici-maintenant, demande un certain courage. Ne serait-ce que celui de traverser le (gros) temps sans sombrer, ou simplement sans se décentrer.(…) Ce n'est pas un courage (…) dans le sens que nous n'avons pas véritablement le choix. C'est ce qu'on pourrait appeler une évidence. Mais c'est tout de même un courage, celui du poisson qui doit remonter le courant... que dis-je, le déluge, les torrents de boue, pour retourner à la mer. Et avec grâce, tant qu'à faire. Il y a un dicton en allemand qui dit "Seuls les poissons morts nagent avec le courant"... Croiser tant de zombies demande tout de même une forme de courage, celui des vivants.


La question de la résistance, comme celle du courage, est assez épineuse à mes yeux, tant la notion me semble chargée, minée pour ainsi dire.  
Je tente un début de déminage.
Nous voyons le poisson remonter le courant et nous disons son courage. Pourquoi ?
Nous vient-il de  la même façon à l'idée de qualifier de courageux l'enfant qui devient bipède ? Ou l'arbre dans la rigueur de l'hiver ? Le juste qui aurait caché des juifs pendant le dernier conflit mondial résiste t-il, est-il courageux, ou seulement respectueux, d'abord de et en lui-même ? 
Les éléments quels qu'ils soient donnent à voir la constance de l'impermanence, pourquoi les mettre en concurrence? S'il est commode de nommer les choses et de les re-connaître, sommes-nous obligés de leur prêter quelque intention ou mérite, d’en faire idéologiquement des opposants ?
Quel sens y a t-il à attribuer de la valeur à des mouvements, des expressions du vivant ? Sinon celui d'opérer dans cet ordre une séparation dont les effets délétères sont par ailleurs dénoncés ?
Car le courage, ou la résistance qu'on met en valeur sont nécessairement sous-tendus par la culture de la peur, laquelle naît toujours de la tension entre ce qui est et ce qui pourrait être. L'entre-deux est toujours requis dans la manifestation du courage ou de la résistance.
Il est strictement impossible de vivre sans peur si vivre sans peur est un objectif, car c'est celui-ci qui génère la peur, laquelle n'existe que dans un ordre temporel. La volonté est ce qui permet d'orienter la peur vers le courage ou la résistance, mais elle valide pour cela nécessairement le principe de division, celui-là même qui fait advenir l'autre, depuis la menace, la peur.

Il existe deux mondes possibles, tout à fait différents : le monde de ce qui arrive et celui de ce qui devrait ou devrait ne pas arriver. Le courage, l'effort, la peur, font partie de ce dernier.
Le jugement passe forcément par l'Autre, élu ou exclu. Et l'Autre est le support indispensable du jugement. La résistance, le courage, se réfèrent toujours à un autre, une altérité.
Dans le monde de ce qui se doit naît l'hostilité et l'avoir, la culture du conflit qui y sévit n’est pas réductible. Peu en ont conscience.
La question est : quelle est l'orientation indiquée, au plus profond, par notre boussole intérieure, celle du conflit assumé ou celle de son rejet ? Si le conflit auto-destructeur est rejeté, ayant à l'esprit que cette boussole est une donnée du présent, qu'elle guide l'action au présent, qu'elle n'indique aucun but différé, elle est elle-même la vérité, la paix.

Je copie ici cette formule ô combien lucide tirée du dernier billet d'Olivier Hammam, je ne suis pas devin
Les prophètes ne sont pas crédibles car ils ne s'intéressent pas aux croyances mais à la réalité, ce qui est bien trop trivial. 
La réalité, ce qui me parvient, n'est jamais crédible en effet. La vouloir ou la refuser, et donc la juger, est la démarche du croyant et le fond de commerce du devin.

Je me cite à présent, dans un commentaire récent, sur un autre fil :
Rien de ce qui doit être défendu n’est réel, on ne défend jamais que des concepts.
Dire la vérité, autrement que dans la vérité du dire, est une impossible mission. La description, définitivement, n'est pas la chose...
Les religions fonctionnent ainsi, elles qui portent la bonne parole...nom de dieu, la bonne parole ! De la bonté à la récupération, l'appropriation du réel, en voilà un drôle de pas, du genre de celui qu'on ferait pour tomber dans le précipice, 
Ou comment transformer l'indicatif en impératif, comment donner artificiellement de la valeur comparée à l'amour du prochain en greffant un commandement sur une prophétie...
Vérité de la révélation, fausseté du devoir.

Ou comment faire d'un évènement, d'une réalité, un dessein. C'est le principe directeur des religions, le principe qui asservit. Jésus mort pour nous sauver. Mémoire/devoir de mémoire, amour/commandement d'aimer, vivre/rester en vie. Le dessein étant incapable de par l'entendement de pointer ailleurs que vers le passé. Le dessein, par nature conservateur, qui tend vers hier en puisant dans ce qu'il est, la mémoire. Qui ne peut appeler de ses vœux que le passé.
Le monde de ce qui doit exister est fondamentalement différent du monde qui existe.
La résistance défend le monde qui doit exister, le monde qui existe n'ayant besoin d'aucune défense. La résistance s'inscrit dans l'ordre volontaire des choses,  la croyance (que le dessein implique), le principe destructeur.
Le droit est au service du dessein, quel que soit ce dessein, il est résistance à ce qui est. Défendant les "libertés individuelles", au service de la division/individuation/propriété, il est fait d'interdits et d'autorisations qui n'ont aucun rapport avec quelque liberté que ce soit. 

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.