Dans les colonnes de Charlie Hebdo, Gébé avait commis une planche dans laquelle derrière chacun des passagers d'un bus se trouvait un flic. Nous y sommes, la logique d'état, libéral fasciste ou insoumis, étant d'être intrinsèquement autoritaire, rien d'illogique à ce qu'il surveille ses citoyens et qu'il enferme au nom de l'intérêt commun ceux dont le comportement lui paraît déviant ou dangereux. Les maoïstes français de 68 ne demandaient rien d'autre. Reste à préciser ce qu'est le "bien commun". "Voisins vigilants" le rêve de la surveillance de tous par chacun devenu réalité. Un remake de western est projeté dans mon hameau bourguignon temporaire depuis quelques années. "Voisins vigilants", le titre de ce succès du box-office. Magie de la technologie, la figure du shérif a disparu des affiches en quadrichromie, remplacée par un oeil inquisiteur peint sur le panneau placé à l'entrée du village et le représentant de la loi est devenu un presque hologramme aux pouvoirs de surveillance démultipliés mais le message reste inchangé : "Etranger rebrousse chemin, surtout si tu es venu avec des intentions coupables. Ici, visiteurs, outlaws et voleurs ne sont pas les bienvenus". Contribuable, paye pour ta sécurité et dors en paix mais d'un oeil seulement puisque ta sécurité est participative. On t'offre en effet la chance d'être davantage qu'un figurant, l'acteur d'un dispositif qui n'est rien d'autre qu'une plate-forme téléphonique qui se trouve en Paca, région au biotope favorable à cet état d'esprit. Lesdits voisins vigilants composent le numéro quand ils suspectent qu'un acte délictueux se commet ou va se commettre. Plutôt qu'enfourcher une monture, cette société privée lucrative contacte la gendarmerie nationale située à dix kilomètres du hameau qui se rend alors sur place. Tu te demandes peut-être quel intérêt peut présenter ce contrat souscrit auprès de chasseurs de prime d'un nouveau genre, moi aussi. La seule réponse que j'ai trouvé, assurer le résultat des élections municipales de la commune qui compte ... trois cent cinquante cinq habitants. La maxime d'Albert Libertad se vérifie une fois encore : qu'il soit français, russe chinois, habitant de Levallois Perret ou morvandiau, comme ici, "le criminel c'est l'électeur", c'est lui qui acceptant de participer à cette série Z calamiteuse légitime un scénario digne de l'inspecteur Harry.
Ici c'est mieux qu'en face et bien moins que demain. La complaisance et la répétition des images avec lesquelles les télévisions diffusent les conditions de vie apocalyptiques des vingt six millions d'habitants de la capitale économique chinoise ne peut que nous interroger. Tant qu'à faire, le choeur des journalistes, des éditorialistes et des experts devrait ouvrir les éditions de " news" avec une ode au progrès technologique à l'intention d'une audience fascinée par les résultats du jus de cerveau mis à sa disposition. "Vive Shanghaï, Vive l'I.A. (Intelligence Artificielle ), vive la domotique et les robots ménagers, vivent les drones, vivent les "applis" et les téléphones portables, vive Linky, vivent les cartes à puce, vive la dématérialisation et les porte-monnaie électroniques ... ". On vit une époque formidable ! Il suffit d'accepter de payer la note présentée par nos dirigeants qui restent des démocrates et qui n'ont rien de commun avec des dictateurs. Reste à espérer pour eux qu'aucune caméra cachée n'enregistre la signature des contrats dans le secret de leur bureau.
Salut Patrick ! En attendant, ayons une pensée pour Balkany et souhaitons qu'au-delà de cette contrepèterie, nos dirigeants, sino-amoureux et sino-compatibles, lui accordent la grâce présidentielle qu'ils doivent bien à celui qui fut un précurseur et dont les caméras de vidéosurveillance ont préparé l'acceptation d'une spirale de la surveillance, dont il semble pourtant qu'elle soit peu efficace, mais qui présente l'incomparable avantage de justifier un gâchis toujours plus important d'argent public et d'imposer la "soumission volontaire" au nom de notre bien être et de notre sécurité.
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