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Billet de blog 12 mars 2020

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Mon quotidien pendant l'épidémie

Les très riches heure d'un citoyen ordinaire pendant l'épidémie de coronavirus.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

7h30, France Inter, "contaminés par le virus, Nicolas Demorand et Léa Salamé resteront confinés dans leurs domiciles respectifs". La journée s'annonce belle mais la sonnerie du réveil met fin à mes rêves quelques secondes plus tard. 7h40, j'adresse un message aux quelques abonnés de ce blog :  votre nombre étant inférieur à cent cinquante, le premier ministre vous autorise à continuer d'en lire les billets, en plein air comme en milieu fermé. 8h00 France inter détaille l'agenda du chef de l'état : le matin, serrage de mains lavées de frais dans une clinique de l'Oise, l'après midi bal masqué sans masque dans un ehpad. Le soir, cérémonie commémorant la mémoire des fidèles d'une église évangélique morts au champ religieux ; pas fainéant, le père de la nation. 8h30, l'heure de partir au boulot. La perspective du transport en bus, RER, Métro avant de grimper dans l'ascenseur qui conduit à l'openspace où nous serons une cinquantaine à éternuer pendant quelques heures, me panique. C'est décidé, je me vote  la grève sanitaire. 9h02, le manager me contacte par téléphone. Jean Claude, me dit-elle, l'entreprise et ses actionnaires vous félicitent d'avoir pris la décision de libérer un emploi pour les plus jeunes. Elle me rappelle à 9h05 pour m'inciter à poursuivre par télé travail. Aides aux entreprises et généralisation de l'asservissement permanent, de l'isolement et de l'individualisation ...je prendrai le temps de réfléchir avant de répondre. 9h25 : au pied de l'immeuble, je croise Elvire. Un baise main mais avec un masque chirurgical sur une main gantée. Sensation étrange, remarque, avec le sida, on s'est habitué aux préservatifs. 9h50, prêt pour l'aventure, la balade dans le métro. L'odeur des huiles essentielles autour de moi me chatouille le nez et je sens montet un irrépressible besoin d'éternuer qui m'attire une remarque que je suppose cinglante : " le sans gêne, là, il se mouche pas du coude !" Penser à demander à maître Capelo le sens de cette interpellation. 10h00, c'est l'heure des courses. A l'entrée du magasin, une pancarte 21×29,7 en recto verso liste les articles en rupture de stock. N'ayant aucun besoin d'un cassoulet premier prix ou d'un pot de gingembre, je repars.  A midi, diffusion d'une émission d'éducation sanitaire. Michel Cymes étant indisponible (qu'est-ce qu'on nous cache ?), c'est Macron qui s'y colle et nous explique la méthode pour s'en laver les mains. De la précarité qui augmente, du chômage qui stagne et des colères qui montent. Besoin d'un peu de distraftion ... 14h00, au ciné, "Le Parrain" avec cet avertissement' utile en cette période de prudence sociale : "le film comporte des scènes d'accolade et d'effusions susceptibles de heurter les spectateurs sensibles ". D'autant que les mafieux sont d'origine italienne ... Déjà 16h30, juste le temps de passer à l'Ehpad dans lequel mes vieux parents sont enfermés accueillis. J'apprends que les visites sont interdites comme quoi, l'épidémie a ses bons côtés. A 18h00, rediffusion d'un "dossier de l'écran". "Vive la crise !" avec Yves Montand, un vieux chanteur capitalo-stalino-reaganien- tendance Tapie. Il nous explique comment profiter des situations de crise. Le documentaire est suivi d'un débat avec R. Bachelot et A. Buzyn, expertes ès gestion de crises sanitaire et hospitalière. 20h00, l'heure de la conférence de presse du président. Vite, un masque. Tu vois pas qu'il m'infecte avec ses idées de traverser le trottoir sans regarder ou de faire de l'escalade sous ruissellement. Frappé le type ! A 20h30, direction le parc des princes. Manque de chance, O. Veran vient d'annoncer que le match se jouerait à huis clos. J'assiste donc depuis l'extérieur du stade à un match dont je ne vois rien, au milieu d'une foule se contaminant en toute bonne conscience. Qu'est-ce qu'il disait le Coubertin, l'important c'est de supporter ? 22h30, l'heure de ma vie sexuelle. Hélas, mon amoureuse applique à la lettre les consignes gouvernementales des ministres de la santé, Christine Boutin et Jean Royer. Finis les bécots, les pelles et les galoches qu'elle me susurre et pour les contacts corporels, tintin, garde la distance sociale. Le doute m'habite (d'accord ... ), si son attitude était due à une autre raison. 22h45, au télé achat, un défilé de masques. J'en commande un pour ma réunion "Black Block" de samedi. Le presentateur précisant qu'il peut être réutilisé, je me programme également un braquage dans une B.C.E. de quartier. Mais à 23H32, c'est la déception. Un message apparaît sur l'écran avertissant de la rupture de stock. Tant pis, je me contenterai de braquer la démocratie au bureau de vote. Me préparant consciencieusement, je double checke l'équipement de survie : stylo, brillantine pour ma banane (je n'ai pas de gel), cagoule, décamètre pour mesurer la distance sociale et chronomètre pour éviter les heures d'affluence.  Seule manque ma carte d'électeur. Impossible de savoir où je l'ai rangée. Soudain, un flash, Je n'en possède pas. Impossible d'accomplir mon devoir électoral. Demain à l'aube, le préfet lallemand viendra sans doute reprendre mon autorisation de circuler pendant l'épidémie, ma carte de rationnement et mon passeport pour droits sociaux. J'espère simplement ne pas être exilé dans le "Grand Est", des fois que les cosaques arrivent.

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