Paris, quinze heures ce dimanche de juin. Accoudés à une barrière Vauban, deux agents de la ville de Paris en costume siglé "Sécurité", montent la garde de façon à interdire l'accès d'un rue adjacente au boulevard saint Martin à d'autres véhicules que ceux des riverains. A une centaine de mètres de là, le théâtre qui porte le même nom (inculte ! on dit "éponyme") de la porte saint Martin où sera donnée Cendrillon, la pièce de Joël Pommerat. Les deux "bleus" doivent sans doute aux dernières du "Ministre de l'Intérieur et de la Fraude de Billets Imprimés" (1) prises après les violences du stade de France, de passer leur après-midi au soleil. Cette présence rassurante promet une organisation sans faille grâce à un contrôle effectué "en amont". Les spectateurs hooliganesques et les fraudeurs seront refoulés. L'ami Gérald a réussi dans l'urgence à mettre en place un plan de première bourre comme on dit chez les cognes, son préfet de police favori à la baguette. Mais alors que je m'apprête à voter des félicitations au ministre, l'angoisse m'étreint. Comme j'ai coché la case " retrait du ticket à la caisse", je dois franchir à découvert un hinterland d'une centaine de mètres séparant l'arrêt du bus 38 (4) de l'entrée du théâtre sans bénéficier de la protection du précieux sésame (2). Une aventure au goût d'Ukraine... Il me reste à espérer qu'aucune ouvreuse ne patrouille sur le boulevard si je veux m'asseoir sans encombres sur les gradins de velours rouge. Par chance, je ne subis ni contrôle ni fouille et je ne perçois rien d'une quelconque présence policière. Pas de vieilles dames gisant dans l'anonymat de l'encoignure d'une entrée d'immeuble (le respect de la vie privée est une priorité de ce gouvernement ), aucun passant délicatement tabassé sur le trottoir, pas davantage de représentants de ces minorités trop visibles qui harcèlent les représentants de la force publique dans l'espoir de grimper dans leurs camping-cars avec sirènes et gyrophares qui stationnent le long des cortèges et les seuls gaz qui me chatouillent les narines sont ceux des pots d'échappement. Une anomalie due à une erreur d'horaire ? A moins que la pièce n'ait pas été jugée capable de déchainer les passions, auquel cas il est facile d’imaginer la déception de Joël Pommerat et de la troupe Louis Brouillard mais n'est pas roi Lion qui veut…
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Cédant à mon exhortation, les deux supplétifs mentionnés ci-dessus acceptent de scruter l'horizon qui polloie sans rien voir venir, en tout cas aucune de ces horde de minorités insupportablement visibles qui cherchent à resquiller pour profiter d'un transport gratuit vers un commissariat quelconque. Passant à leur hauteur, j'entends un inquiétant "j'en ai nassé" qui traduit bien la démobilisation de nos vaillants pioupious. Pareil comportement laxiste confirme la déliquescence du sévice public au service du public et contribue à dégrader la réputation du pays. J'apprendrai le lendemain que ce bug sécuritaire résulte d'une confusion entre initiales. En effet, le commandant qui dirige l'opération aurait rentré par erreur les coordonnées de la Fédération Française de Tennis et du stade Roland Garros au lieu de celles de la Fédération Française des Théâtres, établissement de la porte Saint-Martin où la présence d'un aréopage casqué et botté était requise. Buvant le calice jusqu'à l'hallali (5), le préfet à la distraction impardonnable mais dont la grandeur d'âme est infinie annonce qu'il prend sur lui l'entière responsabilité de ce drame ordinaire du burn out, qui par chance ne connut aucune conséquence fâcheuse.
Parvenant sur le lieu de la manifestation annuelle des panamas crèmes et gilets roses qui lézardent au soleil, l'escouade voulut tout de même faire la preuve de l'utilité de sa présence et s'employa à mettre fin aux exactions d'une bande de deux jeunes majeurs étrangers qui tiraient des balles et échangeaient des coups de raquette au milieu de la foule pendant qu'un probable rappeur juché sur une chaise égrenait d'une voix impavide le décompte des victimes. Quinze, trente, quarante ... L'image de la France ne sortira pas grandie de ces avanies et la réputation d'efficacité qui faisait la fierté de la police de papa et de Papon comme celle d'Alliot-Marie a disparu depuis longtemps. E. Macron, le Ministre de tout et notamment des Affaires Etrangères aura beau gâcher ses vacances en invitant un criminel de guerre russe dans sa résidence d'été ou épuiser son forfait téléphonique dans des conversations stériles à la seule fin de ne pas humilier des dictateurs, l'époque est révolue où le pays des droits de l'homme faisait l'admiration de tous pour sa faculté à faire respecter l'ordre public. On est loin du succès remporté à l'ete 1942 qui avait fait l'admiration de nos amis allemands, de la réussite du 8 février 1962 ou de celle du 5 décembre 1986, même les péripéties imparfaites de 2016 et de 2019 appartiennent au passé.
Depuis qu'on fait un pont d'or aux pandores, la start-up Police en a pris un coup sur l'efficacité leurs meilleurs éléments ayant rejoint des bancs de requins et de squales auxquels ils apportent leur connaissance de la nage en eaux troubles. Il faut reconnaître qu'entre l'ingratitude de la société, la modicité de leurs traitements et d'invraisemblables comptes à rendre, on comprend qu’ils préfèrent pantoufler. Puisqu'on revient à Cendrillon, reportez-vous aux enquêtes de l'inspecteur Grimm (6) pour se rappeler des péripéties. Les spectateurs sortent ravis de ce détournement de conte, Joël Pommerat maintenan le cap sur son exigence de qualité bien que dans cette période, les compagnies naviguent à l'ouïe et dans le brouillard (7). En revanche, on peut regretter que les mains des spectateurs soient ensanglantées par des applaudissements trop nourris. Un monsieur Paul Claudel laissa un commentaire aigre sur le site "Theatrerevizor.org" pour se plaindre de blessures qu'il se serait faites en marchant avec ses souliers de satin sur des morceaux de vair que la souillon à son quinzième jour de grève, laissa sur les escaliers. Vous avez jusqu'au 19 juillet pour venir, ensuite c'est Chantal Ladesou à l'affiche.
(1) sa collègue porte bien le titre de "Ministre des Sports et des jeux olympiques et paralympiques "
(2) résolution 2022,essayer d’arrêter des expressions de ce genre.
(3) ce n'est pas sans me rappeler les contrôles des coffres de véhicules et ceux des passagers des Micheline en amont d'Aurillac, une ville et une région dirigées par le PS, un peu avant et pendant le festival de théâtre de rue.
(4) note aux parisiens, c'est du boulot maché.
(5) expression utilisée dans la chasse à courre lorsque les serfs sont aux abois.
(6) en accès gratuit, le Grimm ne fait pas payer
(7) pour les habitués de la compagnie Louis Brouillard