"Le retour sur investissement, c'est maintenant", ce slogan pourrait être celui de la maison Bolloré. Les annonces faites par le jockey aux couleurs Bolloré (chemise brune, casaque intégriste ) expliquent en quelques phrases les raisons de l'intérêt manifesté par le boss pour le grand prix du président de la république disputé au printemps prochain : "Allégement des charges pour les entreprises", "réduction des impôts de production", "crédit d’impôt pour la re-localisation des entreprises" et la "réduction des droits de successions pour les entreprises", en guise de dessert puisque la maison Bolloré doit changer de mains en 2022.
Trot, c'est trot ! Zemmour élu, atteindre ces objectifs devrait être encore plus facile qu'avec Macron. Mais une chute, un refus d'obstacle ne sont pas à écarter et il serait regrettable que des enjeux aussi importants soient à la merci d'un fait de course. Il est donc primordial de mobiliser les pronostiqueurs de façon à faire connaître ces mesures et à persuader ceux qui en subiront les conséquences qu'elles sont incontournables. Le propriétaire invite les médias aux innombrables canters qu'effectuent les poulains de son écurie, le crack comme ses camarades d'entraînement, tous nourris au même picotin par les mêmes lads. Le programme du champion est épuisant. A "la maison " ou sur les ondes concurrentes, dans les parcs de surexposition médiatique de la capitale comme sur les longs champs de villes de province oubliées, c'est la stratégie utilisée pour faire monter sa cote, populariser le haras, ses méthodes et ses tactiques de course et récolter les paris.
La dernière annonce, la volonté de privatisation de l'audiovisuel public fait partie de cette tactique, faut dire que les médias, c'est son truc à Vince. Suspecterait-on ce champion de la concurrence libre et non faussée de manquer de fair play en recourant à une manœuvre déloyale pour faire disparaître un mastodonte de l'audiovisuel afin d'augmenter ses propres recettes publicitaires ? Sans compter qu'il disposerait d'une surface de lobbying proportionnellement plus importante, lui permettant de faire évoluer les réglementations en fonction de ses intérêts commerciaux et politiques. Façonner l'opinion publique, la préparer à accepter des mesures qu'autrement elle refuserait, c'est d'ailleurs la principale utilité de l'élevage de cafards de plateaux grassement nourris qu'il entretient. Du côté de l'oligarchie, la lutte de classes se mène aussi avec de mauvais sketches interprétés par de navrants guignols.
A force d'être abreuvés d'images et de commentaires portant sur la couleur de la robe, le port de tête ou les foulées du Crack, les spectateurs sont nombreux à les admirer, de crainte d'être distancés, les éléments du peloton calquent leur allure sur la sienne. Qu'importe si le champion maison est disqualifié pour avoir pris l'amble, être parti au galop ou pris des substances interdites, les méthodes de l'écurie Bolloré auront infusé dans le public qui se retrouvera une fois de plus, être les perdants. Ils pourront déchirer leurs tickets, le seul gagnant restant, comme toujours, la société de course et les propriétaires puisque ce sont eux qui fixent les règles.
Bien sûr, les parieurs pourraient suivre une thérapie contre les addictions voire un traitement plus radical. Devant l'envahissement des nuisibles, les entreprises de dératisation sont débordées, d'ailleurs leur efficacité peut être remise en cause. Reste aux spectateurs à s'en charger, encore faudrait-il inscrire cet enjeu de santé publique en haut de sa liste de "bonnes résolutions" plutôt que sur sa liste au père noël et adopter sans attendre les mesures prophylactiques appropriées.