Un billet en forme de gâterie, douceur à l'occasion des fêtes de fin d'année.
"Anjou ... feu sur les gaudrioles salaces", le commandement des punaises de chambre froide, claque dans l'arrière salle d'une boutique de la capitale du roi René. Espèce réincarnée du peu regretté Jean Royer, elles se sont donné pour mission de protéger l'innocence des enfants des sous-entendus pâtissiers à connotation sexuelle exposés à la pureté de leur regard sur des étalages impies. Sans attendre qu'un observatoire de la protection de l'enfance, un grand débat ou une commission citoyenne s'emparent du problème, on trouvera ici quelques unes de leurs propositions pour maintenir les mineurs à l'écart de ces agressions oculaires et conserver au nom de la loi une décence de bon aloi. Pour s'engager dans la croisade purificatrice des pâtisseries et pour prévenir les crises de foi, dans leurs vitrines, les commerçants remplaceront les "Divorcés" par des "Religieuses". Les farceurs de moins de dix-huit ans surpris en train de mordre dans les Miches des boulangères, et à tâter la confortable Brioche des boulangers seront mis au pain sec et à l'eau. L'office catholique annonce l'excommunication des gourmands ayant participé ou assisté à l'effeuillage d'un "Mille-feuilles".
Aussitôt que le delta du virus sera supérieur à 0, la réglementation sanitaire interdira de commander un "Apfelstrudel" ou un "Schneckenkuchen" à moins de deux mètres du comptoir pour éviter la contamination par aspersion postillonnaire. A cette occasion nos amis racisés d'extrême orient ouvrent une pétition. Ils n'accepteront pas le grand remplacement de "Schneckenkucken" par "Chinois". Ils ont déjà reçu le soutien du comité "Tête de nègre" qui a obtenu sa disparition au profit de "Meringue chocolat" et de "Tête de choco". Une décision qui n'a pas manqué de susciter des réclamations venues de Brazzaville et de Privas, en raison de l'utilisation de "Congolais" et d'"Ardéchois". Le conseil supérieur de la langue française a promis de s'attaquer au problème. En attendant, il reste possible de montrer ces gâteaux du doigt sauf pour le "Chinois", ce qui, de Singapour à Tokyo constitue une offense à la plus élémentaire des politesses.
Les amateurs de Paris Brest, de Pithiviers, ceux qui se régalent des Navettes de Marseille présenteront leur passe carbone pour satisfaire leur passion. Les militants des droits de l'arbre et de la forêt sont abattus à l'idée que des Bûches soient servies à noël, les défenseurs des animaux demandent la fin du massacre des Cornes de gazelle et du génocide des Hérissons au nom du seul plaisir des palais de quelques goinfres. Enfin, l'échaudé craint le supplice de l'eau froide pour le ramollir et les bretons qui auront piqué un far se rendront en prison sans passer par la case départ.

La présence de conservateurs intégristes n'est pas sans laisser craindre une restriction du vocabulaire qu'il sera possible d'employer dans d'autres secteurs, la viticulture, par exemple. Peut-on tolérer qu'on incite à boire le nectar de Tabit à portée de ricanements des écoliers ou le vigneron doit-il rebaptiser sa cave ? Et que penser de l'agression subie par ceux qui passent devant à l'entrée et à la sortie de ce bourg du Cantal ? Deux verges ... Il est plus que temps de mettre fin à ces dérives lexicales.
