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Billet de blog 10 octobre 2022

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Latour et son époque ou la vérité visitée par Georges Perec

Bruno Latour a illustré une époque troublée en constatant les errements des vérités "scientifiques" et mobilisée pour trouver les moyens de penser la fabrication de la vérité. Il faut lui associer l'inventivité de Georges Perec qui avait apporté une contribution, à sa façon, qu'il faut relire.

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Latour et son époque ou la vérité visitée par Georges Perec

Il me semble nécessaire d'associer la réflexion de Bruno Latour à Georges Perec et l'ouvrage Cantatrix sopranica L paru en 1974. On relèvera les abréviations, surtout les notes (à l'américaine) dans le texte, il faudrait citer les graphiques...

C'est toute une époque qui a été affrontée à la nécessité de repenser la vérité scientifique mise à mal par les premières contestations de la science par l'écologie - plus ou moins radicale (l'espoir de l'an 0)- par le négationnisme et les doutes qu'il a inspiré (je pense à N. Chomski), par les inventions de fausses nouvelles (je pense à Timisoara). L'affaire Sokal (je renvoie les moins de 60 ans à Wikipédia) a enfoncé le clou.

Un air du temps - un vrai vent plutôt - a soufflé sans renverser tous les moulins à vent scientifique (et historique) loin de là ; il aura permis de penser autrement le savoir - pour moi ce fut la critique des récits de la Révolution et de la guerre de Vendée. Il est loin d'avoir triomphé.

Relevons toutefois ce que les hommages rendus à Bruno Latour - d'ailleurs souvent bien contournés - ne doivent pas masquer : cette lecture critique de la fabrication de la vérité (il s'agit bien de technique et pas de grandes théories) reste mal acceptée et elle est même mal comprise, confondue avec le relativisme global que Latour refusait à raison.

Je garde, par conviction et nécessité, l'espoir que ce courant critique puisse se maintenir et continuer d'irriguer nos réflexions.

 
Voilà le début du texte de G. Perec (édité au Seuil en 1991)


« Démonstration expérimentale d'une organisation tomatotopique chez la Cantatrice.
L'auteur étudie le lancement de la tomate qui provoquait la réaction yellante chez la cantatrice et démontre que plusieurs aires de la cervelle étaient impliquées dans la réponse, en particulier le trajet légumier, les nuclei thalameux et le fiçure musicien de l'hémisphère nord.*
Les effets frappants du jet de tomates sur les sopranos, observés aux heures ultimes du siècle dernier par Marks et Spencer (1899) qui, les premiers, employèrent le terme de réaction de hurlements (RH), ont été largement décrits dans la littérature. Si de nombreuses études expérimentales (Zeeg & Puss, 1931; Roux & Combaluzier, 1932; Sinon & coll., 1948), anatomopathologique (Hun & Deu, 1960), comparative (Karybb & Szyla, 1973) et prospective (Else & Vire, 1974) ont permis de décrire avec précision ces réponses caractéristiques, les données neuroanatomiques, aussi bien que neurophysiologiques sont, en dépit de leur grand nombre, étonnamment confuses. Dans leurs démonstrations désormais classiques, publiées dans la fin des années 20. Chou & Lai (1927 a, 16, c, 1928 a, 16, 1929 a, 1930) ont écarté l'hypothèse d'un simple réflexe nociceptif facio-facial qui avait été émise il y a de nombreuses années par certains auteurs (Mace & Doyne, 1912; Payre & Tairnelle, 1916; Sornette & Billevayze, 1925). »

Je ne résiste pas à citer la note 19 : Einstein, Z., Zweistein, D., Dreistein, V., Vierstein, F. & St. Pierre, E. : "Spatial integration in the temporal cortex". Res. Proc. neurophysiol Fanatic Soc. 1, 45-52, 1974.

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