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Billet de blog 25 juillet 2024

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Et si les non-inscrits prenaient la parole pour casser le « grand jeu » politicien ?

L’invention d’une nouvelle classe politique est une évidence. Leur prise de parole serait légitime, elle est nécessaire, urgente, sans doute notre dernière chance pour casser le grand jeu qui nous est imposé.

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Et si les non-inscrits prenaient la parole pour casser le « grand jeu » politicien ?  

S’il était encore possible d’espérer qu’une solution négociée puisse mettre fin au blocage de notre vie politique et qu’un gouvernement ne soit pas torpillé immédiatement par une motion de censure, l’interview donnée par Jean-Luc Mélenchon à La Repubblica, paru dimanche 21 juillet, p.7, douche tous les espoirs. Se posant en leader incontestable, il dénonce les socialistes qui ne veulent pas qu’il soit nommé Premier Ministre et les accuse de vouloir reproduire les tractations et les combinaisons parlementaires. Ce qui ne l’empêche pas de rappeler que les démocraties voisines, Allemagne et Espagne, mettent des mois entiers pour former leurs gouvernements. Comprenne qui pourra.

Reste qu’il refuse tout délai, toute négociations - comparées incidemment à celles qui auraient permis à Hitler d’arriver au pouvoir - et attend que le président de la République fasse appel à la gauche, à lui en définitive, pour appliquer sans altération le programme élaboré par le NFP. Non seulement Emmanuel Macron est désigné comme le responsable du blocage des institutions, mais il est prévenu qu’il risque d’être balayé si la cocotte-minute des mécontentements explose – l’Assemblée fraîchement élue ne pouvant pas être dissoute avant un an.

Et là, en rappelant son programme, augmenté de la sortie de l’OTAN, modulé par le respect de la souveraineté de l’Ukraine – moins les parties occupées par la Russie à l’évidence -, Mélenchon se pose comme le seul opposant à « la fasciste Le Pen ». Quand La Repubblica rappelle que 78% des Français lui sont hostiles, il répond qu’avec 22% des voix il sera au second tour – Marine Le Pen faisant un carton et Emmanuel Macron ne pouvant que perdre des voix – ce qui fera de lui le dernier verrou contre le fascisme à la française.

On n’accusera pas Mélenchon de tirer des plans sur la comète. Comme dans le même temps, de bons observateurs discutent de la possibilité que le chef de l’Etat démissionne, le calcul a du sens, même s’il est positivement effrayant. L’échec des tractations actuelles devient un grand jeu dans lequel les grands leaders naturels, Le Pen, Macron, Mélenchon, sont les seuls véritables joueurs, tous les autres chefs de partis, de coalitions... n’étant que des figurants indispensables mais impuissants.

Tout cela rappelle, fâcheusement, que le scénario, remarquable par ailleurs, de la série Le Baron noir, s’achève par la victoire extrêmement fragile d’un président, rassembleur par son culot, obtenue de justesse contre un populiste illuminé. La dernière scène montrant le président en pleurs, laisse penser que le coup de force à venir est inévitable – et qu’il n’a pas eu lieu parce que la quatrième saison n'a pas été réalisée !

Sommes-nous prisonniers du cercle de fer dans lequel Mélenchon, et d’autres sans doute, veulent nous enfermer ? La politique étant par nature et par essence incarnée par des personnalités qui osent intervenir et qui proposent des solutions, pourquoi ne pas saisir l’occasion actuelle pour que de nouvelles incarnations s’imposent ? Le moment s’y prête puisque le paysage politique vient d’être dispersé façon puzzle, l’Assemblée comptant onze groupes sans parler des non-inscrits qui ne sont ni les plus insignifiants ni les moins légitimes.

Si les responsables en titre des groupes déclarés n’arrivent pas à s’affranchir des tabous, à se détacher des leaders à la longue vie, comme se qualifie lui-même Mélenchon, laissons-les à leurs comptes d’épicier. Mais demandons aux nouveaux non-inscrits remarquables, les Houlié, Ruffin, Corbière, auxquels on pourrait ajouter Glucksmann, Autain, d’intervenir dans ce débat marécageux pour imposer leurs voix, pour imaginer d’autres formes de gouvernement, pour dégager ceux qui obstruent la vie démocratique ?

Il ne faut pas se faire d’illusion. Ces députés n’arriveront pas seuls à modifier le cours des choses, mais parce qu’ils ont une légitimité indiscutable, parce qu’ils se sont affranchis des diktats et des obéissances, ils sont notre dernière chance pour que les lignes bougent. Ce sont eux qui peuvent élargir les fractures actuelles permettant l’installation de nouveaux courants et l’invention d’une nouvelle classe politique. Leur prise de parole est nécessaire, urgente, sans doute notre dernière chance pour casser le grand jeu qui nous est imposé.

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