Compilation des principaux textes de lois publiés pendant la Révolution française à propos des émigrés
Extraits de la Collection Baudouin 1789-1795
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Décret sur les Emigrans.
[1-8-1791] Du premier Août 1791.
Les circonstances où se trouve la Nation Française, lui faisant un devoir de rappeler dans son sein tous les enfans de la Patrie absens, & de ne permettre aux Citoyens présens de sortir du Royaume, que pour des causes reconnues nécessaires ;
L'Assemblée Nationale décrète ce qui suit :
ARTICLE PREMIER.
Tous les Français absens du Royaume sont tenus de rentrer en France dans le délai d'un mois, à compter
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ARTICLE PREMIER.
Tous les Français absens du Royaume sont tenus de rentrer en France dans le délai d'un mois, à compter de la publication du présent Décret ; & jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné, aucun Citoyen Français ne pourra sortir du Royaume sans avoir satisfait à ce qui sera ci-après prescrit.
II. Les émigrés qui rentreront en France, sont mis sous la protection & la sauve-garde spéciale de la Loi ; en conséquence les Corps administratifs & les Municipalités seront tenus, sous leur responsabilité, de veiller à leur sûreté, & de les en faire jouir.
Il est pareillement enjoint aux Accusateurs publics de poursuivre la réparation ou la punition de toute contravention aux présentes dispositions.
III. Ceux qui ne rentreront pas dans le délai fixé, paieront, par forme d'indemnité du service personnel que chaque Citoyen doit à l'Etat, une triple contribution principale, foncière & mobilaire, pendant tout le temps de leur absence ; ils souffriront, en outre, une triple retenue sur les intérêts de rentes, prestations ou autres redevances, à raison desquelles la retenue simple est autorisée. Les débiteurs deviendront comptables de deux portions, sur trois, de cette même retenue envers le Trésor public; & à défaut de paiement, ils seront poursuivis comme pour leur propre contribution. Lesdits débiteurs seront tenus de faire leur déclaration au District, à peine de demeurer responsables de toutes les retenues qui n'auroient pas été faites.
IV. La triple imposition ne pourra nuire aux créanciers légitimes ayant des titres authentiques antérieurs à la loi du 28 Juin dernier, lesquels pourront exercer leurs droits, soit sur les fonds, soit sur leurs revenus, par préférence aux deux dernières portions de l'imposition, sans préjudice du droit de la Nation, de se faire payer du surplus de ladite imposition, sur l'excédent des fonds ou des revenus du débiteur.
V. Les émigrés seront dispensés, aussitôt leur retour, du paiement total de cette taxe, qu'ils ne seront tenus d'effectuer qu'au prorata du temps de leur absence, à partir du premier Juillet de la présente année ; se réservant au surplus l'Assemblée Nationale, de prononcer telle peine qu'il appartiendra contre les réfractaires, en cas d'invasion hostile sur les terres de France.
VI. Pour l'exécution des articles précédens, chaque Municipalité sera tenue de fournir un état nominatif de tous les émigrés compris aux rôles tant de la contribution foncière, que de la contribution mobiliaire ; & à la suite des noms de chacun desdits émigrés, ils indiqueront le montant de la cote d'imposition pour laquelle ils auront été portés dans les rôles ; ils indiqueront aussi le montant de la retenue qu' ils sauront devoir leur être faite sur les rentes, prestations & redevances à eux appartenantes.
Ces états seront adressés au Directoire de District qui, à vue d'iceux, & d'après les détails qui seront à sa connoissance, fera former un rôle de la taxe ordonnée à l'égard desdits émigrés ; ces rôles ainsi formés, & visés par les Directoires de District, seront envoyés au Département, qui les adressera au Ministre des Impositions, qui donnera les ordres nécessaires pour en assurer l'exécution.
VII. Les fermiers, locataires ou autres redevables desdits absens, ne pourront acquitter le prix de leurs baux à ferme, à loyer, les rentes & redevances par eux dues, sans qu'il leur ait été justifié du paiement des rôles d'impositions & taxations desdits absens.
VIII. Sont exceptés des dispositions ci-dessus, les Français établis en pays étranger avant le premier Juillet 1789 ; ceux dont l'absence est antérieure à ladite époque ; ceux qui ne se sont absentés qu'en vertu de passe-ports en due forme, pour cause de maladie ; ceux qui ont une mission du Gouvernement, leurs épouses, pères & mères domiciliés avec eux ; les gens de mer, les Négocians ou leurs Facteurs notoirement connus pour être dans l'usage de faire, à raison de leur commerce, des voyages chez l'étranger.
IX. Les congés ou permissions de s'absenter hors du Royaume ne seront accordés à aucun Citoyen, que par le Directoire du District dans la ressort duquel il sera domicilié, & d'après l'avis de sa Municipalité, pour des causes nécessaires, indispensables, connues ou constatées.
Celui qui sollicitera ladite permission, prêtera individuellement le serment civique, ou justifiera qu'il a déjà prêté ce serment individuel, & joindra à sa demande une déclaration par écrit, qu'il entend y rester fidèle.
X. Conformément à l'article VII du Décret du 28 Juin dernier, les congés ou permissions de s'absenter du Royaume contiendront le nombre des personnes à qui ils seront donnés, leurs noms, leur âge, leur signalement, la Paroisse habitée par ceux qui les auront obtenus, lesquels seront obligés de signer sur les Registres des passe-ports, & sur les passe-ports eux-mêmes.
Décret relatif aux Emigrans.
Du 9 Novembre 1791. = Le Roi examinera, 12 du
même mois.
L'Assemblée nationale considérant que la tranquillité & la sûreté du Royaume lui commandent de prendre des mesures promptes & efficaces contre les Français qui, malgré l'amnistie, ne cessent de tramer au dehors contre la Constitution française, & qu'il est temps, enfin, de réprimer sévèrement ceux que l'indulgence n'a pu ramener aux devoirs & aux sentimens de Citoyens libres, a déclaré qu'il y a urgence pour le Décret suivant ; & le Décret d'urgence préalablement rendu, a décrété ce qui suit :
ARTICLE PREMIER.
Les François rassemblés au-delà des frontières du Royaume, sont, dès ce moment, déclarés suspects de conjuration contre la Patrie.
II. Si, au premier Janvier prochain, ils sont encore en état de rassemblement, ils seront déclarés coupables de conjuration ; ils seront poursuivis comme tels, & punis de mort.
III. Quant aux Princes François & aux fonctionnaires publics, civils & militaires, qui l'étoient à l'époque de leur sortie du Royaume, leur absence à l'époque ci-dessus citée du premier Janvier 1792, les constituera coupables du même crime de conjuration contre la Patrie, & ils seront punis de la peine portée dans le précédent article.
IV. Dans les quinze premiers jours du même mois la Haute-Cour-nationale sera convoquée, s'il y a lieu.
V. Les revenus des conjurés condamnés par contumace, seront, pendant leur vie, perçus au profit de la Nation, sans préjudice des droits de femmes, enfans, & créanciers légitimes.
VI. Dès-à-présent tous les revenus des Princes François absens du Royaume, seront séquestrés ; nul paiement de traitement, pension ou revenu quelconque, ne pourra être fait directement ou indirectement auxdits Princes, leurs mandataires ou délégués, jusqu'à ce qu'il en ait été autrement décrété par l'Assemblée nationale, sous peine de responsabilité & de deux années de gêne contre les ordonnateurs & payeurs.
Aucun payement de leurs traitemens & pensions ne pourra pareillement, & sous les peines ci-dessus portées, être fait aux fonctionnaires publics, civils & militaires, & pensionnaires de l'Etat, émigrés, sans préjudice de l'exécution du Décret du 4 Janvier 1790.
VII. Toutes les diligences nécessaires pour la perception & sequestre décrétés pair les deux articles précédens, seront faites à la requête des Procureurs-généraux-syndics des Départemens, sur la poursuite des Procureurs-syndics de chaque District où seront lesdits revenus ; & les deniers en provenant seront versés dans les caisses des Receveurs de District, qui en demeureront comptables.
Les Procureurs-généraux-syndics feront parvenir, tous les mois, au Ministre de l'Interieur, qui en rendra compte aussi chaque mois à l'Assemblée nationale, l'état des diligences qui auront été faites pour l'exécution de l'article ci-dessus.
VIII. Tous fonctionnaires publics absens du Royaume sans cause légitime, avant l'amnistie prononcée par la Loi du 15 Septembre 1791, seront déchus pour toujours de leurs places & de tout traitement, sans déroger au Décret du 18 Décembre 1790.
IX. Tous fonctionnaires publics absens du Royaume sans cause légitime, depuis l'amnistie, sont aussi déchus de leurs places & traitemens ; & en outre, des droits de Citoyen actif.
X. Aucun fonctionnaire public ne pourra sortir du Royaume sans un congé du Ministre dans le Département duquel il sera, sous la peine portée dans l'article ci-dessus. Les Ministres seront tenus de donner tous les mois à l'Assemblée nationale la liste des congés qu'ils auront délivrés.
Et quant aux Officiers généraux, Officiers, sous-Officiers & Soldats, soit de ligne, soit de Gardes nationales, en garnison sur les frontières, ils ne pourront les dépasser, même momentanément, sous quelque prétexte que ce puisse être, sans encourir la peine portée par le précédent article.
XI. Tout Officier militaire, de quelque grade qu'il soit, qui abandonnera ses fonctions sans congé ou démission acceptée, sera réputé coupable de désertion, & puni comme le soldat déserteur.
XII. Conformément à la loi du 29 Octobre 1790, il sera formé une Cour martiale dans chaque division militaire, pour juger les délits militaires commis depuis l'amnistie ; les Accusateurs publics poursuivront, comme coupables de vol, les personnes qui ont enlevé des effets ou des deniers appartenans aux régimens français. Le Ministre sera tenu d'envoyer aux Cours martiales la liste des Officiers qui, depuis l'amnistie, ont quitté leurs drapeaux sans avoir obtenu une permission ou congé préalable.
XIII. Tout Français qui, hors du Royaume, embauchera & enrôlera des individus pour qu'ils se rendent aux rassemblemens énoncés dans les articles I & II du présent Décret, sera puni de mort, conformément à la Loi du 6 Octobre 1790. La même peine aura lieu contre toute personne qui commettra le même crime en France.
XIV. L'Assemblée nationale charge son Comité Diplomatique de lui proposer les mesures que le Roi sera prié de prendre, au nom de la Nation, à l'égard des Puissances étrangères limitrophes qui souffrent sur leur territoire des rassemblemens de Français fugitifs.
XV. L'Assemblée nationale déroge expressément aux Lois contraires au présent Décret.
XVI. Le présent Décret sera porté, dans le jour, à la sanction du Roi. (Procès-verbal, tom. I. p. 372. = Log. no. 20, p. 88, 89, 90, 91, 92 ; no. 21, p. 93, 94, 95, 96 no. 22, p. 101, 102, 103, 104, no. 25, p. 115, 116, 117, 118 ; no. 28, p. 135, 136 ; no. 31, p. 147, 148 ; no. 132, p. 151, 152 ; no. 39, p. 189, 190, 191, 192 ; no. 40, p. 193, 194).
Décret relatif aux rassemblemens des Emigrans.
[29-11-1791] Du 29 Novembre 1791.
L'Assemblée nationale ayant entendu le rapport de son Comité Diplomatique, décrète qu'une députation de vingt-quatre de ses Membres se rendra près du Roi, pour lui communiquer, au nom de l'Assemblée, sa sollicitude sur les dangers dont menacent la Patrie les combinaisons perfides des Français armés & attroupés au-dehors du Royaume, & de ceux qui trament des complots au-dedans, ou excitent les Citoyens à la révolte contre la loi, & pour déclarer au Roi que l'Assemblée nationale regarde comme essentiellement convenable aux intérêts & à la dignité de la Nation, toutes les mesures que le Roi pourra prendre afin de requérir les Electeurs de Trèves, Mayence, & autres Princes de l'Empire qui accueillent les Français fugitifs, de mettre fin aux attroupemens & aux enrôlemens qu'ils tolèrent sur la frontière, & d'accorder réparation à tous les Citoyens français, & notamment à ceux de Strasbourg, des outrages qui leur ont été faits dans leurs territoires respectifs ; que ce sera avec la même confiance dans la sagesse de ces mesures, que les Représentans de la Nation verront rassembler les forces nécessaires pour contraindre, par la voie des armes, ces Princes à respecter le droit des gens, au cas qu'ils persistent à protéger ces attroupemens, & à assurer la justice qu'on réclame ;
Et enfin, que l'Assemblée nationale a cru devoir faire cette déclaration solemnelle, pour que le Roi fût à même de prouver, tant à la Cour Impériale, qu'à la Diète de Ratisbonne, & à toutes les Cours de l'Europe, que ses intentions & celles de la Nation Française ne font qu'une.
Décrète, en outre, que la même députation exprimera au Roi, que l'Assemblée nationale regarde comme une des mesures les plus propres à concilier ce qu'exige la dignité de la Nation, & ce que commande sa justice, la prompte terminaison des négociations d'indemnités entamées avec les Princes Allemands possessionnés en France, en vertu de Décrets de l'Assemblée-nationale-constituante ; & que les Représentans de la Nation, convaincus que les retards apportés aux négociations qui doivent assurer le repos de l'Empire, pouvoient être attribués, en grande partie, aux intentions douteuses d'agens peu disposés à seconder les intentions loyales du Roi, lui dénoncent le besoin urgent de faire, dans le Corps Diplomatique, les changemens propres à assurer l'exécution fidèle & prompte de ses ordres.
L'Assemblée a décrété aussi l'impression & l'envoi aux quatre-vingt-trois Départemens, du Discours de M. Viénot-Vaublanc, après qu'il aura été prononcé au Roi.
Ce Discours est ainsi conçu :
SIRE,
A peine l'Assemblée nationale a-t-elle porté ses regards sur la situation du Royaume, qu'elle s'est apperçue que les troubles qui l'agitent encore, ont leur source dans les préparatifs criminels des Français émigrés.
Leur audace est soutenue par des Princes Allemands, qui méconnoissent les traités signés entre eux & la France, & qui affectent d'oublier qu'ils doivent à cet Empire le traité de Westphalie, qui garantit leurs droits & leur sûreté.
Ces préparatifs hostiles, ces menaces d'invasion commandent des armemens qui absorbent des sommes immenses, que la Nation auroit versées avec joie dans les mains de ses créanciers.
C'est à vous, Sire, de les faire cesser ; c'est à vous de tenir aux Puissances étrangères le langage qui convient au Roi des Français. Dites-leur que par-tout où l'on souffre des préparatifs contre la France, la France ne peut voir que des ennemis ; que nous garderons religieusement le serment de ne faire aucune conquête ; que nous leur offrons le bon voisinage, l'amitié inviolable d'un peuple libre & puissant ; que nous respecterons leurs Lois, leurs usages, leurs Constitutions, mais que nous voulons que la nôtre soit respectée. Dites-leur enfin, que si des Princes d'Allemagne continuent de favoriser des préparatifs dirigés contre les Français, les Français porteront chez eux, non pas le fer & la flamme, mais la liberté. C'est à eux de calculer quelles peuvent être les suites du réveil des Nations.
Depuis deux ans que les Français patriotes sont persécutés près des frontières, & que les rebelles y trouvent des secours, quel Ambassadeur a parlé, comme il le devoit, en votre nom? ... Aucun.
Si les Français chassés de leur patrie par la révocation de l'Edit de Nantes, s'étoient rassemblés en armes sur les frontières ; s'ils avoient été protégés par des Princes d'Allemagne : Sire, nous vous le demandons, quelle eût été la conduite de Louis XIV ? Eût-il souffert ces rassemblemens ? Eût-il souffert les secours donnés par des Princes, qui, sous le nom d'alliés, se conduisent en ennemis ? Ce qu'il eût fait pour son autorité, que votre Majesté le fasse pour le salut de l'Empire, pour le maintien de la Constitution.
Sire, votre intérêt, votre dignité, la grandeur de la Nation outragée ; tout vous prescrit un langage différent de celui de la diplomatie : la Nation attend de vous des déclarations énergiques auprès des Cercles du Haut & du Bas-Rhin, des Electeurs de Trèves, Mayence, & autres Princes d'Allemagne.
Qu'elles soient telles, que les hordes des émigrés soient à l'instant dissipées. Prescrivez un terme prochain, au-delà duquel nulle réponse dilatoire ne sera reçue ; que votre déclaration soit appuyée par les mouvemens des forces qui vous sont confiées ; & que la Nation sache quels sont ses amis & ses ennemis. Nous reconnoîtrons à cette éclatante démarche le défenseur de la Constitution.
Vous assurerez ainsi la tranquillité de l'Empire, inséparable de la vôtre ; & vous hâterez ces jours de la prospérité nationale, où la paix sera renaître l'ordre & le règne des Lois, où votre bonheur se confondra dans celui de tous les français.
(Procès-verbal, tom. II. p. 191 = Log. no. 61. p. 305, 306)
1157.
Décret qui ordonne de verser dans la Caisse de l'Extraordinaire
les Assignats provenans des revenus des
biens des Emigrés.
[24-7-1792] Du 24 Juillet 1792. = 28 du même mois.
« L'Assemblée Nationale, après avoir entendu le rapport de son Comité de l'Extraordinaire des Finances, considérant que les biens & revenus des émigrés sont affectés à l'indemnité due à la Nation, à cause de la guerre qu'elle est forcée de soutenir pour défendre sa Constitution, & au paiement de leurs créanciers légitimes, & qu'il n'y a que les assignats provenans des ventes & revenus des biens nationaux qui doivent être annullés & brûlés, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée Nationale, après avoir entendu le rapport de son Comité de l'Extraordinaire des Finances, & décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
ARTICLE PREMIER.
« Les Receveurs de District ne pourront annuller les assignats provenans des revenus des biens des émigrés, & les verseront néanmoins dans la Caisse de l'Extraordinaire, où ils resteront jusqu'à ce que l'Assemblée Nationale en ait autrement décrété.
ART. II.
« Le Commissaire du Roi, Administrateur de la caisse de l'extraordinaire, instruira l'Assemblée Nationale, à la fin de chaque mois, du montant des rentrées du revenu de ces biens.
(Procès-verbal, tom. XI, p. 52.)
Décret relatif aux passe-ports.
[28-7-1792] Du 28 Juillet 1792. = 29 Juillet.
« L'Assemblée Nationale, considérant que dans les dangers de la patrie, tous les Citoyens sont en état de réquisition continuelle, & qu'il est nécessaire d'empêcher qu'aucun d'eux ne puisse se soustraire au devoir sacré de marcher au secours de la patrie, lorsqu'il est requis dans les formes légales, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée Nationale, après avoir décrété l'urgence, & dérogeant à l'article V de son Décret du premier Février dernier, décrète ce qui suit :
ARTICLE PREMIER.
« Jusqu'à ce que l'Assemblée Nationale ait déclaré que la patrie n'est plus en danger, il ne pourra plus être délivré de passe-ports pour sortir du Royaume, à aucun Citoyen Français. Les passe-ports qui auroient été accordés jusqu'à ce jour pour sortir du Royaume, & dont il n'auroit pas été fait usage, sont déclarés nuls.
ART.II.
« Il pourra néanmoins être délivré des passe-ports, conformément au Décret du premier Février dernier, à ceux qui ont une mission du gouvernement & à leur suite, qui ne pourra être composée que d'un secrétaire & de deux domestiques, de leurs femmes & enfans, les uns & les autres connus pour tels ; aux gens de mer, aux négocians & à leurs facteurs, notoirement connus pour être dans l'usage de faire, à raison de leur commerce ou de leurs affaires, des voyages chez l'étranger ; ainsi qu'aux cultivateurs, pour l'exploitation de leurs héritages & la vente de leurs denrées.
ART.III.
« Les passe-ports continueront d'être exclusivement délivrés par les Municipalités, & les Ministres n'en pourront délivrer aux Citoyens qui se présenteront devant eux pour en obtenir, qu'en visant, dans celui qu'ils donneront, celui délivré par la Municipalité.
ART.IV.
« Les préposés des douanes sont, ainsi que les Gendarmes nationaux, Gardes nationales & Troupes de ligne, chargés d'exiger des voyageurs la représentation de leurs passe-ports.
ART. V.
« Ceux qui, sans passe-ports, ou en vertu de passe-ports pris sous des noms supposés, seroient convaincus d'être sortis du Royaume, seront réputés émigrés, & , comme tels, soumis aux dispositions des Lois rendues contre les émigrés.
ART.VI.
« Les difficultés qui pourroient s'élever sur la validité des passe-ports, ou sur le refus d'en délivrer conformément aux dispositions de l'article ci-dessus, seront décidés administrativement par les Directoires des Départemens, sur l'avis des Directoires de District ».
(Procès-verbal, tom. XI, p. 161.)
Décret & exposé des motifs qui ont déterminé l'Assemblée
à prendre les mesures vigoureuses qu'elle a prises le
10 & jours suivans.
[13-8-1792] Du 13 Août 1792.
L'Assemblée Nationale doit à la Nation, à l'Europe, à la Postérité, un compte sévère des motifs qui ont déterminé ses dernières résolutions.
Placée entre le devoir de rester fidèle à ses sermens & celui de sauver sa patrie, elle a voulu les remplir tous deux à-la-fois, & faire tout ce qu'exigeoit le salut public, sans usurper les pouvoirs que le peuple ne lui avoit pas confiés.
A l'ouverture de sa session, un rassemblement d'émigrés, formé sur les frontières, correspondoit avec tout ce que les Départemens, tout ce que les troupes de ligne renfermoient encore d'ennemis de la liberté ; & les prêtres fanatiques portant le trouble dans les ames superstitieuses, cherchoient à persuader aux Citoyens égarés que la Constitution blessoit les droits de la conscience, & que la loi avoit confié les fonctions religieuses à des schismatiques & sacriléges.
Enfin, une ligue formée entre des Rois puissans menaçoit la liberté française ; ils se croyoient en droit de fixer jusqu'à quel point l'intérêt de leur despotisme nous permettroit d'être libres, & se flattoient de voir la souveraineté du peuple & l'indépendance de l'Empire français s'abaisser devant les armes de leurs esclaves.
Ainsi, tout annonçoit une guerre civile & religieuse, dont une guerre étrangère augmenteroit bientôt le danger. L'Assemblée Nationale a cru devoir réprimer les émigrés, & contenir les prêtres factieux par des Décrets sévères & le Roi a employé contre ces Décrets le refus suspensif de sanction que la Constitution lui accordoit. Cependant ces émigrés, ces prêtres agissoient au nom du Roi : c'étoit pour le rétablir dans ce qu'ils appeloient son autorité légitime, que les uns avoient pris les armes, que les autres prêchoient l'assassinat & la trahison. Ces émigrés étoient les frères du Roi, ses parens, ses courtisans, ses anciens gardes, & tandis que le rapprochement de ces faits & de la conduite du Roi aurorisoit, commandoit même la défiance, ce refus de sanction appliqué à des Décrets qui ne pouvoient être suspendus sans être anéantis, montroit clairement comment ce veto suspensif suivant la loi, devenu définitif par la manière de l'employer, donnoit au Roi le pouvoir illimité & arbitraire de rendre nulles toutes les mesures que le Corps législatif croiroit nécessaires au maintien de la liberté.
Dès ce moment, d'un bout de l'Empire à l'autre, le peuple montra ces sombres inquiétudes qui annoncent les orages, & les soupçons qui accusoient le Pouvoir exécutif se manifestèrent avec énergie.
L'Assemblée Nationale ne fut pas découragée. Des princes, qui se disoient les alliés de la France, avoient donné aux émigrés, non un asyle, mais la liberté de s'armer, de se former en corps de troupe, de lever des Soldats, de faire des approvisionnemens de guerre ; & le Roi fut invité, par un message solemnel, à rompre, sur cette violation du droit des gens, un silence qui avoir duré trop long-temps. Il parut céder au vœu national : des préparatifs de guerre furent ordonnés ; mais bientôt on s'apperçut que les négociations, dirigées par un ministère foible ou complice, se réduiroient à obtenir de vaines promesses, qui, demeurant sans exécution, ne pourroient être regardées que comme un piége ou comme un outrage. La ligue des Rois prenoit cependant une activité nouvelle ; & à la tête de cette ligue paroissoit l'Empereur, beau-frère du Roi des Français, uni à la Nation par un traité utile à lui seul, que l'Assemblée constituante, trompée par le ministère, avoit maintenu en sacrifiant, pour le conserver, l'espérance alors fondée d'une alliance avec la maison de Brandebourg.
L'Assemblée Nationale crut qu'il étoit nécessaire à la sûreté de la France d'obliger l'Empereur à déclarer s'il vouloit être son allié ou son ennemi, & à prononcer entre deux traités contradictoires, dont l'un l'obligeoit à donner du secours à la France, & l'autre l'engageoit à l'attaquer ; traités qu'il ne pouvoir concilier sans avouer l'intention de séparer le Roi de la Nation, & de faire regarder la guerre contre le peuple français comme un secours donné à son allié. La réponse de l'Empereur augmenta les défiances que cette combinaison de circonstances rendoit si naturelles. Il y répétoit contre l'Assemblée des Représentans du peuple français, contre les sociétés populaires établies dans nos villes, les absurdes inculpations dont les partisans du ministère français fatiguent depuis long-temps les presses contre-révolutionnaires ; il protestoit de son desir de rester l'allié du Roi, & il venoit de signer une nouvelle ligue contre la France en faveur de l'autorité du Roi des Français.
Ces ligues, ces traités, les intrigues des émigrés qui les avoient sollicités au nom du Roi, avoient été cachés par les Ministres aux Représentans du peuple. Aucun désaveu public de ces intrigues, aucun effort pour prévenir ou dissiper cette conjuration de monarques, n'avoient montré ni aux Citoyens Français, ni aux peuples de l'Europe, que le Roi avoit sincèrement uni sa cause à celle de la Nation. Cette connivence apparente entre le cabinet des Tuileries & celui de Vienne, frappa tous les esprits ; l'Assemblée Nationale crut devoir examiner avec sévérité la conduite du Ministre des Affaires étrangères, & un Décret d'accusation fut la suite de cet examen. Ses collègues disparurent avec lui, & le Conseil du Roi fut formé de Ministres patriotes.
Le successeur de Léopold suivit la politique de son père. Il voulut exiger pour les princes possessionnés en Alsace, des dédommagemens incompatibles avec la Constitution française, & contraire à l'indépendance de la Nation. Il vouloit que la France trahît la confiance & violât les droits du peuple avignonais ; il annonçoit enfin d'autres griefs qui ne pouvoient, disoit-il, se discuter avant d'avoir essayé la force des armes.
Le Roi parut sentir que cette provocation à la guerre ne pouvoit être tolérée sans montrer une honteuse foiblesse ; il parut sentir combien étoit perfide ce langage d'un ennemi qui sembloit ne s'intéresser à son sort, & ne desirer son alliance, que pour jeter entre lui & le peuple, des semences de discorde, capables d'énerver nos forces, & d'en arrêter ou d'en troubler les mouvemens ; il proposa la guerre de l'avis unanime de son Conseil, & la guerre fut décrétée.
En protégeant les rassemblemens d'émigrés, en leur permettant de menacer nos frontières, en montrant des troupes toutes prêtes à les seconder en cas d'un premier succès, en leur préparant une retraite, en persistant dans une ligue menaçante, le Roi de Hongrie obligeoit la France à des préparatifs de défense ruineux, épuisoit ses finances, encourageoit l'audace des conspirateurs répandus dans les Départemens, y excitoit les inquiétudes des Citoyens, & par là y fomentoit, y perpétuoit le trouble. Jamais des hostilités plus réelles n'ont légitimé la guerre & la déclarer n'étoit que la repousser.
L'Assemblée Nationale put alors juger jusqu'à quel point, malgré des promesses si souvent répétées, tous les préparatifs de défense avoient été négligés. Néanmoins les inquiétudes, les défiances s'arrêtoient encore sur les anciens Ministres, sur les conseils secrets du Roi ; mais on vit bientôt les Ministres patriotes contrariés dans leurs opérations, attaqués avec acharnement par les partisans de l'autorité royale, par ceux qui faisoient parade d'un attachement personnel pour le Roi.
Nos armées étoient tourmentées par des divisions politiques ; on semoit la discorde parmi les chefs des troupes, comme entre les Généraux & le Ministère. On vouloit transformer en instrumens d'un parti qui ne cachoit pas le desir de substituer sa volonté à celle des Représentans de la Nation, ces mêmes armées destinées à la défense extérieure du territoire français, au maintien de l'indépendance nationale.
Les machinations des prêtres, devenues plus actives au moment de la guerre, rendoient indispensable une loi répressive : elle fut portée.
La formation d'un camp entre Paris & les frontières étoit une disposition heureusement combinée pour la défense extérieure, en même temps qu'elle serviroit à rassurer les Départemens intérieurs, & à prévenir les troubles que leurs inquiétudes auroient pu produire. La formation de ce camp fut ordonnée ; mais ces deux Décrets furent repoussés par le Roi, & les Ministres patriotes furent renvoyés.
La Constitution avoit accordé au Roi une garde de mille huit cents hommes ; & cette garde manifestoit avec audace un incivisme qui indignoit ou effrayoit les Citoyens ; la haine de la Constitution, & sur-tout celle de la liberté, de l'égalité, étoient les meilleurs titres pour y être admis.
L'Assemblée fut forcée de dissoudre cette garde pour prévenir, & les troubles qu'elle ne pouvoit manquer de causer bientôt, & les complots de contre-révolution, dont il ne se manifestoit déja que trop d'indices.
Le Décret fut sanctionné ; mais une proclamation du Roi donnoit des éloges à ceux-mêmes dont il venoit de prononcer le licenciement, à ceux qu'il avoit reconnus pour des hommes justement accusés d'être les ennemis de la liberté.
Les nouveaux Ministres excitoient de justes défiances ; & comme ces défiances ne pouvoient plus s'arrêter sur eux, elles portèrent sur le Roi lui-même.
L'application du refus de sanction aux Décrets nécessités par les circonstances, & dont l'exécution doit être prompte, & cesser avec elles, fut regardée, dans l'opinion générale, comme une interprétation de l'acte constitutionnel, contraire à la liberté & à l'esprit même de la Constitution. L'agitation du peuple de Paris devint extrême ; une foule immense de Citoyens se réunirent pour former une pétition : ils sollicitoient le rappel des Ministres patriotes, & la rétractation du refus de sanctionner des Décrets en faveur desquels l'opinion publique s'étoit hautement manifestée. Ils demandèrent à défiler en armes devant l'Assemblée Nationale, après que leurs Députés auroient lu la pétition. Cette permission, que d'autres corps armés avoient déja obtenue, leur fut accordée. Ils desiroient présenter au Roi la même pétition, & la présenter sous les formes établies par la loi ; mais, au moment où des Officiers-municipaux venoient leur annoncer que leurs Députés, d'abord refusés, alloient être admis, la porte s'ouvrit, & la foule se précipita dans le château. Le zèle du Maire de Paris, l'ascendant que ses vertus, que son patriotisme lui donnent sur les Citoyens ; la présence des Représentans du peuple, dont les députations successives entourèrent constamment le Roi, prévinrent tous les désordres, & peu de rassemblemens aussi nombreux en ont moins produit. Le Roi avoit arboré les enseignes de la liberté ; il avoit rendu justice aux Citoyens, en déclarant qu'il se croyoit en sûreté au milieu d'eux. Le jour de la fédération approchoit : des Citoyens de tous les Départemens devoient se rendre à Paris, y jurer de maintenir cette liberté pour laquelle ils alloient combattre sur les frontières. Tout pouvoit encore se réparer ; mais les Ministres ne virent dans les événemens du 20 juin, qu'une occasion favorable de semer la division entre les habitans de Paris & ceux des Départemens, entre le Peuple & l'Armée, entre les diverses portions de la Garde nationale, entre les Citoyens qui restoient dans leurs foyers & ceux qui voloient à la défense de l'Etat. Dès le lendemain le Roi changea de langage ; une proclamation calomnieuse fut distribuée avec profusion dans les Armées. Un de leurs Généraux vint, au nom de la sienne, demander vengeance & désigner ses victimes. Un assez grand nombre de Directoires de Département, dans des arrêtés inconstitutionnels, laissèrent entrevoir leur projet formé dès long-temps de s'élever comme une Puissance intermédiaire entre le Peuple & ses Représentans, entre l'Assemblée nationale & le Roi. Des Juges-de-paix commencèrent, dans le château même des Tuileries, une procédure ténébreuse dans laquelle on espéroit envelopper ceux des Patriotes, dont on redoutoit le plus la vigilance & les talens : déja l'un de ces Juges avoit essayé de porter atteinte à l'inviolabilité des Représentans du Peuple, & tout annonçoit un plan adroitement combiné pour trouver dans l'ordre judiciaire un moyen de donner à l'autorité royale une extension arbitraire. Des lettres du Ministre de l'Intérieur ordonnoient d'employer la force contre les Fédérés qui viendroient faire à Paris le serment de combattre pour la liberté ; & il a fallu toute l'activité de l'Assemblée nationale, tout le patriotisme de l'Armée, & tout le zèle des Citoyens éclairés, pour prévenir les effets funestes de ce projet désorganisateur qui pouvoit allumer la guerre civile. Un mouvement de patriotisme avoit éteint dans une réunion fraternelle les divisions qui s'étoient manifestées trop souvent dans l'Assemblée nationale, & il pouvoit en naître encore un moyen de salut. Les poursuites commencées de l'ordre du Roi, à la requête de l'Intendant de la liste civile, pouvoient être arrêtées. Le vertueux Pétion, puni par une suspension injuste d'avoir épargné le sang du Peuple, pouvoit être rétabli par le Roi, & il étoit possible que cette longue suite de fautes & de trahisons retombât encore toute entière sur ces Conseillers perfides, auxquels un Peuple confiant avoit la longue habitude d'attribuer tous les crimes de nos Rois.
L'Assemblée nationale vit alors que le salut public exigeoit des mesures extraordinaires.
Elle ouvrit une discussion sur les moyens de sauver la Patrie, elle institua une Commission chargée de les méditer & de les préparer.
La déclaration que la Patrie étoit en danger appeloit tous les Citoyens à la défense commune, tous les fonctionnaires publics à leurs postes ; & cependant, au milieu des plaintes sans cesse répétées sur l'inaction du gouvernement, sur la négligence ou la mauvaise combinaison des préparatifs de guerre, sur des mouvemens des armées inutiles ou dangereux, dont le but avoué étoit de favoriser les combinaisons politiques d'un des Généraux, on voyoit des Ministres inconnus ou suspects se succéder rapidement, & présenter, sous de nouveaux noms, la même inactivité & les mêmes principes.
Une déclaration du Général ennemi, qui dévouoit à la mort tous les hommes libres, & promettoit aux lâches & aux traîtres sa honteuse protection, devoit augmenter les soupçons. L'ennemi de la France n'y sembloit occupé que de la défense du Roi des Français. Vingt-six millions d'hommes n'étoient rien pour lui auprès d'une famille privilégiée ; leur sang devoit couvrir la terre pour venger les plus foibles outrages ; & le Roi, au lieu de témoigner son indignation contre un manifeste destiné à lui enlever la confiance du Peuple, sembloit n'y opposer qu'à regret un froid & timide désaveu.
Qui donc pourroit s'étonner que la défiance contre le chef suprême du Pouvoir exécutif ait inspiré aux Citoyens le desir de ne plus voir les forces destinées à la défense commune, à la disposition du Roi au nom duquel la France étoit attaquée, & le soin de maintenir sa tranquillité intérieure confié à celui dont les intérêts étoient le prétexte de tous les troubles ? A ces motifs communs à la France entière, il s'en unissoit d'autres particuliers aux habitans de Paris. Ils voyoient les familles des conspirateurs de Coblentz former la société habituelle du Roi & de sa famille. Des écrivains soudoyés par la liste civile, cherchoient, par de lâches calomnies, à rendre les Parisiens odieux ou suspects au reste de la France. On essayoit de semer la division entre les Citoyens pauvres & les Citoyens riches ; des manoeuvres perfides agitoient la Garde nationale, ou s'occupoient d'y former un parti royaliste. Enfin, les ennemis de la liberté sembloient s'être partagés entre Paris & Coblentz, & leur audace croissoit avec leur nombre.
La Constitution chargeoit le Roi de notifier à l'Assemblée nationale les hostilités imminentes ; & il avoit fallu de langues sollicitations pour obtenir du Ministère la connoissance tardive de la marche des troupes prussiennes. La Constitution prononce contre le Roi une abdication légale, s'il ne s'oppose point par un acte formel aux entreprises formées en son nom contre la nation ; & les Princes émigrés avaient fait des emprunts publics au nom du Roi, avoient acheté en son nom des troupes étrangères, avoient levé en son nom des régimens français, & lui avoient formé hors de la France une maison militaire ; & ces faits étoient connus depuis plus de six mois, sans que le Roi, dont les déclarations publiques, dont les réclamations auprès des Puissances étrangères auroient empêché le succès de ces manoeuvres, eût satisfait au devoir que lui imposoit la Constitution.
C'est d'après des motifs si puissans, que de nombreuses pétitions, envoyées d'un grand nombre de Départemens, le vœu de plusieurs Sections de Paris, suivi d'un vœu général émis au nom de la Commune entière, sollicitèrent la déchéance du Roi, ou la suspension du pouvoir royal ; & l'Assemblée nationale ne pouvoit plus se refuser à l'examen de cette grande question.
Il étoit de son devoir de ne prononcer qu'après un examen mûr & réfléchi, après une discussion solemnelle, après avoir entendu & pesé toutes les opinions ; mais la patience du Peuple étoit épuisée : tout-à-coup il a paru tout entier réuni dans un même but & dans une même volonté ; il s'est porté vers le lieu de la résidence du Roi ; & le Roi est venu chercher un asyle dans le sein de l'Assemblée des Représentans du Peuple, dont il savoit que l'union fraternelle des habitans de Paris avec les Citoyens des Départemens rendroit toujours l'enceinte un asyle inviolable & sacré. Des Gardes nationales se trouvoient chargés de défendre la résidence que le Roi venoit d'abandonner ; mais on avoit placé avec eux des soldats suisses.
Le Peuple voyoit depuis long-temps avec une surprise inquiète, des bataillons suisses partager la garde du Roi, malgré la Constitution, qui ne lui permet pas d'avoir une garde étrangère. Depuis long-temps il étoit aisé de prévoir que cette violation directe de la loi, qui, par sa nature, frappoit sans cesse tous les yeux, amèneroit tôt ou tard de grands malheurs. L'Assemblée nationale n'avoit rien négligé pour les prévenir. Des rapports, des discussions, des motions faites par ses Membres & renvoyées à ses comités, avoient averti le Roi, depuis plusieurs mois, de la nécessité de faire disparoître d'auprès de lui des hommes que, par-tout ailleurs, les français regarderont toujours comme des amis & des frères ; mais qu'ils ne pouvoient voir rester, malgré le vœu de la Constitution, auprès du Roi constitutionnel, sans les soupçonner d'être devenus les instrumens des ennemis de sa liberté.
Un décret les avoit éloignés : leur chef, appuyé par le ministère, y demanda des changemens ; l'Assemblée nationale y consentit. Une portion des soldats devoit rester auprès de Paris, mais sans aucun service qui pût renouveler les inquiétudes ; & c'est malgré le vœu de l'Assemblée nationale, malgré la loi, que le 10 Août, ils étoient employés à une fonction dont tous les motifs d'humanité & de prudence auroient dû les écarter. Ils reçurent l'ordre de faire feu sur les Citoyens armés, au moment où ceux-ci les invitoient à la paix, où des signes non équivoques de fraternité annonçoient qu'elle alloit être acceptée, an moment où l'on voyoit une députation de l'Assemblée nationale s'avancer au milieu des armes pour porter des paroles de conciliation & prévenir le carnage ; alors rien ne put arrêter la vengeance du Peuple qui éprouvoit une trahison nouvelle, au moment même où il venoit se plaindre de celles dont il avoit long-temps été la victime.
Au milieu de ces désastres, l'Assemblée nationale, affligée, mais calme, fit le serment de maintenir l'égalité & la liberté, ou de mourir à son poste : elle fit le serment de sauver la France, & elle en chercha les moyens.
Elle n'en a vu qu'un seul : c'étoit de recourir à la volonté suprême du Peuple, & de l'inviter à exercer immédiatement ce droit inaliénable de souveraineté que la Constitution a reconnu, qu'elle n'avoit pu soumettre à aucune restriction. L'intérêt public exigeoit que le Peuple manifestât sa volonté par le vœu d'une Convention nationale, formée des Représentans investis par lui des pouvoirs illimités ; il n'exigeoit pas moins que les Membres de cette Convention fussent élus dans chaque Département d'une manière uniforme, & suivant un mode régulier : mais l'Assemblée nationale ne pouvoit restreindre les pouvoirs du Peuple souverain, de qui seul elle tient ceux qu'elle exerce. Elle a dû se borner à le conjurer au nom de la Patrie, de suivre les règles simples qu'elle lui a tracées. Elle y a respecté les formes instituées pour les élections, parce que l'établissement de formes nouvelles, fussent-elles préférables en elles-mêmes, auroient été une source de lenteurs, & peut-être de divisons ; elle n'y a conservé aucune des conditions d'éligibilité, aucune des limites au droit d'élire ou d'être élu, établies par les loix antérieures, parce que ces loix, qui sont autant de restrictions à l'exercice du droit de souveraineté, ne sont pas applicables à une Convention nationale, où ce droit doit s'exercer avec une entière indépendance. La distinction entre les Citoyens actifs n'y paroît point, parce qu'elle est aussi une restriction de la loi. Les seules conditions exigées, sont celles que la nature même a prescrites, telle que la nécessité d'appartenir, par une habitation constante, au territoire où l'on exerce le droit de cité, d'avoir l'âge où l'on est censé, par les loix de la Nation dont on fait partie, être en état d'exercer ses droits personnels, enfin, d'avoir conservé l'indépendance absolue de ses volontés.
Mais il faut du temps pour assembler de nouveaux Représentans du Peuple ; & quoique l'Assemblée nationale ait pressé les époques des opérations que cette convocation nécessite ; quoiqu'elle ait accéléré le moment où elle doit cesser de porter le poids de la chose publique, de manière à éviter le plus léger soupçon de vues ambitieuses, le terme de quarante jours auroit encore exposé la Patrie à de grands malheurs, & le Peuple à des mouvemens dangereux, si l'on eût laissé au Roi l'exercice des pouvoirs que la Constitution lui a conférés ; & la suspension de ces pouvoirs a paru aux Représentans du Peuple le seul moyen de sauver la France & la liberté.
En prononçant cette suspension nécessaire, l'Assemblée n'a point excédé ses pouvoirs : la Constitution l'autorise à la prononcer dans le cas d'absence du Roi, lorsque le terme où cette absence entraîne une abdication légale n'est pas encore arrivé, c'est-à-dire, dans le cas où il n'y a pas lieu encore à une résolution définitive, mais où une rigueur provisoire est évidemment nécessaire, où il seroit absurde de laisser le pouvoir entre des mains qui ne peuvent plus en faire un usage libre & utile. Or, ici ces conditions se réunissent avec la même évidence que dans le cas prévu par la Constitution même ; &, en nous conduisant d'après les principes qu'elle a tracés, nous lui avons obéi, bien loin d'y avoir porté une atteinte contraire à nos sermens.
La Constitution a prévu que toute annulation de pouvoirs étoit dangereuse, & pouvoit changer en tyrans du Peuple ceux qui ne doivent en être que les Représentans ; mais elle a jugé aussi que ce danger supposoit un long exercice de cette puissance extraordinaire ; & le terme de deux mois est celui qu'elle a fixé pour tous les cas où elle permet cette réunion, que d'ailleurs elle a si sévèrement proscrite.
L'Assemblée nationale, loin de prolonger cette durée, l'a réduite à quarante jours seulement ; & loin d'excéder le terme fixé par la loi, en s'appuyant sur l'excuse de la nécessité, elle a voulu se réduire dans des limites encore plus étroites. Lorsque le pouvoir de sanctionner les lois est suspendu la Constitution, a prononcé que les décrets du Corps législatif en auroient par eux-mêmes le caractère & l'autorité ; & puisque celui à qui la Constitution avoit attribué le choix des ministres ne pouvoit plus exercer ses fonctions, il falloit qu'une loi nouvelle remît ce choix en d'autres mains. L'Assemblée s'en est attribué le droit à elle-même, parce que ce droit ne peut être donné qu'à des électeurs qui appartiennent à la Nation entière, & qu'eux seuls en ce moment ont ce caractère ; mais elle n'a pas voulu qu'on pût même la soupçonner d'avoir cherché, en se conférant ce pouvoir, à servir des vues ambitieuses & personnelles ; elle a décrété que l'élection se feroit à haute-voix, que chacun de ses Membres prononceroit son choix devant la représentation nationale, devant les Citoyens nombreux qui assistent à ses séances. Elle a voulu que chacun de ses Membres eût pour juges ses collègues, le public pour témoin, & qu'il répondît de son choix à la Nation entière. Français ! réunissons toutes nos forces contre la tyrannie étrangère qui ose menacer de sa vengeance vingt-six millions d'hommes libres. Dans six semaines, un pouvoir que tout Citoyen reconnaît, prononcera sur nos divisions ; malheur à celui qui écoutant pendant ce court espace des sentimens personnels, ne se dévoueroit pas tout entier à la défense commune, qui ne verroit pas qu'au moment ou la volonté souveraine du Peuple va se faire entendre, nous n'avons plus pour ennemis que les conspirateurs de Pilnitz & leurs complices !
C'est au milieu d'une guerre étrangère, c'est au moment où des armées nombreuses se préparent à une invasion formidable, que nous appelons les Citoyens à discuter dans une paisible assemblée les droits de la liberté. Ce qui eût été téméraire chez un autre Peuple, ne nous a point paru au-dessus du courage & du patriotisme des Français, & sans doute nous n'aurons pas la douleur de nous être trompés en vous jugeant dignes d'oublier tout autre intérêt pour celui de la liberté, de sacrifier tout autre sentiment à l'amour de la Patrie.
Citoyens, c'est à vous à juger si vos Représentans ont exercé pour votre bonheur les pouvoirs que vous leur avez confiés, s'ils ont rempli votre vœu en faisant de ces pouvoirs un usage qu'eux ni vous n'aviez pu prévoir. Pour nous, nous avons rempli notre devoir en saisissant avec courage le seul moyen de conserver la liberté, qui se soit offert à notre pensée. Prêts à mourir pour elle au poste où vous nous avez placés, nous emporterons du moins, en le quittant, la consolation de l'avoir bien servie.
Quelque jugement que nos contemporains ou la postérite puissent porter de nous, nous n'aurons pas à craindre celui de notre conscience ; à quelque danger que nous soyons exposés, il nous restera le bonheur d'avoir épargné les flots de sang français qu'une conduite plus foible auroit fait couler ; nous échapperons du moins aux remords, & nous n'aurons pas à nous reprocher d'avoir vu un moyen de sauver la Patrie, & de n'avoir osé l'embrasser.
L'Assemblée décrète que l'Exposition présentée par la Commission Extraordinaire, sera imprimée, envoyée par des couriers extraordinaires à tous les Départemens, publiée & affichée dans toutes les Municipalités.
Décrète qu'elle sera lue à l'ouverture des assemblées primaires, électorales, & affichée dans le lieu de leurs séances.
Décrète qu'elle sera envoyée pareillement, par des couriers extraordinaires, aux différentes armées, pour y être lue à la tête de chaque bataillon.
L'Assemblée Nationale charge le Ministre des Affaires étrangères de faire parvenir cette déclaration aux différentes Cours de l'Europe, par la voie des Ambassadeurs & autres Agens du Pouvoir exécutif résidans en ces Cours.
(Procès-verbal, tom. XII, p. 174.)
__________
Décret qui consigne dans leurs Départemens respectifs,
les pères, mères, femmes & enfans des émigrés.
[15-8-1792] Du 15 Août 1792.= 15 du même mois.
L'Assemblée Nationale, considérant que les maux qui affligent la France ont pour cause les trahisons & les complots des mauvais Citoyens qui ont émigré, considérant que le salut public demande que leurs desseins patricides soient arrêtés par tous les moyens que permet une juste défense, & que la vigueur des mesures conduira plus sûrement & plus promptement à triompher des ennemis de l'État, décrète qu'il y a urgence.
L'Assemblée Nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète que les pères & mères, femmes & enfans des émigrés demeureront consignés dans leurs Municipalités respectives, sous la protection de la loi, & la surveillance des Officiers municipaux, sans la permission desquels ils ne pourront en sortir, sous peine d'arrestation.
(Procès-verbal, tom. XII, pag. 287.)
Décret relatif à la vente & aliénation des biens meubles
& immeubles des émigrés.
[2-9-1792] Du 2 Septembre 1792. == 6 du même mois.
L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses Comités réunis de Législation, des Domaines & d'Agriculture, considérant que la loi du 8 Avril dernier relative aux biens des émigrés, en les déclarant affectés à l'indemnité due à la Nation, les a mis provisoirement sous le séquestre ; que l'obstination de ces mauvais citoyens dans une désertion coupable, depuis sur-tout le danger déclaré de la Patrie, & les pertes incalculables qu'elle lui a fait éprouver, ne permettent pas d'user plus long-temps de ménagemens à leur égard, décrète qu'il y a urgence.
L'Assemblée Nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète :
ARTICLE PREMIER.
Les biens, tant mobiliers qu'immobiliers, séquestrés, ou qui doivent l'être, en exécution de la loi du 8 Avril dernier, relative aux biens des émigrés, sont, dès-à-présent, acquis & confisqués à la Nation pour lui tenir lieu de l'indemnité réservée par l'article XXVII de ladite loi.
II. Les meubles seront vendus à la criée, à la poursuite & diligence du Procureur-syndic du District, après les affiches & publications ordinaires, inventaire préalablement fait en conséquence de l'article IV de la loi du 8 Avril, & sur récolement des effets inventoriés.
III. Les biens immeubles, réels ou fictifs, seront aliénés, soit par vente & à prix comptant, soit à bail à rente rachetable, suivant le mode & la division qui seront ci-après expliqués.
IV. Les dettes de chaque émigré seront acquittées, autant néanmoins que les biens confisqués, tant meubles qu'immeubles, pourront suffire,& non au-de-là.
V. Pour fixer, préalablement à toute aliénation, les droits, soit exigibles, soit éventuels, dont les biens pourroient être grevés, la confiscation sera proclamée par trois affiches & publications successives dans les Municipalités de la situation des biens meubles & immeubles.
VI. Tout créancier ou ayant-droit, à quelque titre que ce puisse être, pourra faire pendant le délai de deux mois, à compter de la première affiche, sa déclaration & le dépôt de ses titres justificatifs au secrétariat de l'Administration du District du dernier domicile connu de l'émigré, lequel sera indiqué par les affiches. Ce délai passé, faute de déclaration, il sera déchu.
VII. Les créances & droits seront liquidés de gré à gré par le Directoire du Département, d'après le travail & sur l'avis du Directoire du District, entre le Procureur-général-syndic, & les créanciers ou ayant-droit, qui se seront conformés au précédent article. En cas de contestations, elles seront réglées par jugement en dernier ressort du Tribunal du District & du lieu du dernier domicile connu de l'émigré, sur simples mémoires, respectivement communiqués, & sans frais.
VIII. Les portions d'immeubles qui, par l'événement de la liquidation, seront reconnues devoir répondre des droits non encore ouverts, tels que les douaires & autres réserves, soit légales, soit contractuelles, demeureront distraites de l'aliénation, & continueront, jusqu'à l'ouverture desdits droits, à être régis & administrés au profit du séquestre national, conformément à la loi du 8 Avril.
IX. Il sera vendu, à prix & deniers comptans, autant de biens, soit meubles, soit immeubles, qu'il en faudra pour acquitter les dettes de l'émigré. En cas d'insuffisance, les lois sur l'ordre des hypothèques, ou la contribution entre créanciers, seront observées. En cas d'excédant, le Surplus, franc & libre de toutes charges, sera aliéné, soit à titre de vente, soit à bail à rente en argent ; laquelle rente sera rachetable à perpétuité sur le pied du denier vingt, & exempte de toute retenue.
X. Il sera procédé, soit à la vente, soit au bail à rente, suivant les règles & les formes observées pour l'aliénation des Domaines nationaux, le jour qu'indiquera la troisième affiche à l'expiration du délai prescrit par le cinquième article ci-dessus ; sans néanmoins, à l'égard seulement des objets susceptibles d'être arrêtés, qu'il soit besoin d'estimation préalable, & sans attendre pour aucun, qu'il ait été fait de soumission.
XI. Dans la vue de multiplier les propriétaires, les terres, prés & vignes, seront, soit pour le bail à rente, soit pour la vente, divisés le plus utilement possible en petits lots. A l'égard des bois, ainsi que des ci-devant châteaux, maisons, usines, & autres objets non susceptibles de division en faveur de l'agriculture, ils seront vendus ou arrentés, ensemble ou divisément, selon qu'il sera jugé par les Corps administratifs être plus avantageux.
XII. En cas de concurrence d'enchères pour le bail à rente, & pour la vente à prix & deniers comptans, à égalité de mises entre la somme portée pour prix de la vente, & le capital offert de la rente foncière rachetable, l'enchérisseur à prix & deniers comptans aura la préférence.
XIII. L'Adjudicataire à bail à rente, en retard d'acquitter deux années de la redevance foncière stipulée par l'adjudication, sera exproprié de plein droit, sur la simple notification qui lui en sera faite, & sans qu'il soit sous aucun, prétexte, besoin de jugement ; sans préjudice aux arrérages lors échus, pour raison desquels le débiteur sera poursuivi & contraint par toutes voies de droit. Le Procureur-général-syndic fera en conséquence procéder à nouveau bail à rente, de la manière ci-dessus prescrite.
XIV. Le prix des ventes & les capitaux des rentes, lors des rachats, seront versés, à la diligence du Procureur-syndic du District de la situation des biens vendus, dans les mains du Receveur du même District, qui en fera passer successivement le montant à la Caisse de l'Extraordinaire. Le Trésorier de cette Caisse en tiendra compte séparé de ses autres recettes.
XV. Les rentes, formant le prix des adjudications, seront, comme les fermages & autres revenus des biens séquestrés, versés, à la diligence de la Régie des droits d'enregistrement, dans la caisse du séquestre établi par la loi du 8 Avril.
XVI. L'Adjudicataire, à quelque titre que ce soit, pourra expulser le Fermier en l'indemnisant, pourvu toutefois, à l'égard de l'indemnité, que le bail ait une date certaine antérieure au 9 Février dernier.
XVII. L'indemnité sera du quart du prix du bail pour le temps qui s'en trouvera rester à parcourir, si mieux n'aime toutefois le Fermier le dire d'experts. Dans ce dernier cas, les frais de l'expertise seront à sa charge.
XVIII. Les femmes au enfans, pères ou mères des émigrés, reconnus dans le cas du besoin prévu par l'article, XVIII de la loi du 8 Avril, pourront obtenir ; savoir, les pères & mères, ainsi que les femmes, en usufruit seulement, & les enfans en toute propriété, une portion des biens confisqués, telle qu'elle sera déterminée par le Directoire de Département, sur l'avis du District ; ladite portion ne pourra néanmoins excéder le quart, soit du revenu net pour l'usufruit, soit, quant à à la propriété, de la valeur estimative desdits biens, toutes charges déduites.
XIX. Les personnes désignées au précédent article ne jouiront du bénéfice qu'il leur accorde, qu'après qu'elles auront justifié, dans la forme établie pour les certificats de résidence, qu'elles n'ont cessé, depuis le 3 Septembre 1791, de demeurer en France, & qu'en prêtant par elles le serment du 10 Août 1792.
XX. Les dispositions, tant du présent Décret, que de la loi du 8 Avril, s'appliquent aux émigrés en état d'accusation. L'Assemblée nationale dérogeant, à cet égard seulement, aux articles du titre IX du Code pénal qui concernent la saisie judiciaire des biens des accusés contumaces ; en conséquence, celles qui auroient pu être faites jusqu'à ce jour sont & demeurent transférées, en vertu du présent Décret, dans les mains du séquestre général des biens des émigrés.
XXI. La loi du 8 Avril continuera d'être exécutée en tout ce à quoi il n'est point dérogé par le présent Décret.
(Procès-verbal, tom. XIV, pag. 171.)
Decret relatif aux Pères & Mères qui ont des Enfant
absens.
[9-9-1792] Du 9 Septembre 1792.
L'Assemblée décrète que dans quinze jours, à compter de la publication du présent Décret, les pères & mères seront tenus de justifier devant leurs Municipalités, de la résidence actuelle en France de leurs enfans qui ont disparu, ou de leur mort, ou de leur emploi, enfin, en pays étranger, pour le service de la Nation ; à défaut, ledit délai de quinze jours expiré, les Municipalités enverront aux Directoires de District un état nominatif des enfans absens de chez leur père & mère qui, dans ce cas, seront réputés émigrés, & leurs père & mère assujétis à fournir, à leurs frais, un soldat à la Patrie pour chaque enfant, dont la résidence ne sera pas constatée dans le Royaume, sauf la répétition de la dépense qu'ils auront faite à cet égard sur les biens propres à leurs enfans.
(Procès-verbal, tom. XV, pag. 149.)
1912.
Décret relatif aux Pères & Mères dont les Fils sont
absens.
[12-9-1792] Du 12 Septembre 1792 == 12 du même mois
L'Assemblée Nationale, considérant que beaucoup de mauvais Citoyens sont restés en France pour éviter le séquestre & la vente de leurs biens, mais qu'ils ont fait émigrer leurs fils, auxquels ils fournissent les moyens de subsister parmi nos ennemis, & d'en augmenter le nombre ; considérant qu'il seroit injuste que les bons Citoyens, restés fidèles à leur poste, & soumis aux Lois de leur pays, fussent seuls dans le cas de supporter les dangers de la Patrie, provoqués par les émigrés, & d'exposer leur fortune & leur vie pour défendre & pour garantir les propriétés futures & éventuelles de ces individus, de l'invasion des ennemis de la France ;
Considérant que ces mêmes émigrés, en même temps qu'ils augmentent le nombre de nos ennemis, concourent à diriger leur marche & leur servent d'indicateurs & d'espions, décrète qu'il y a urgence.
L'Assemblée Nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
ARTICLE PREMIER.
Tous les pères & mères dont les fils sont absens, sont tenus de justifier, dans le délai de trois semaines, à leurs Municipalités respectives, de l'existence en France de leurs fils disparus, ou de leur mort, ou de leur emploi en pays étranger pour le service de la Nation.
II. Les pères & mères qui ont des enfans émigrés sont tenus de fournir l'habillement, armement & solde de deux hommes par chaque enfant émigré, & d'en verser la valeur dans la caisse du receveur de District de la situation de leur domicile.
Ce versement sera fait dans la quinzaine de la publication du présent Décret ; le montant de la solde, à raison de 15 sols par jour par chaque homme, sera versé d'avance pour chaque année tant que durera la guerre.
III. Pour l'exécution de l'article II, les Officiers municipaux de chaque Commune seront, à peine de destitution, passer à l'Administration de District le tableau de tous ceux desdits pères & mères qui n'auront pas fait la preuve ordonnée.
(Procès-verbal, tom. XV, pag. 254.
Décret concernant les émigrés pris les armes à la main.
[9-10-1792] Du 9 Octobre. == 9 du même mois.
La Convention nationale, considérant que l'exécution de la loi relative aux émigrés pris les armes à la main, ne peut souffrir aucun retardement, décrète ce qui suit :
Art. I. En exécution de la loi qui prononce la peine de mort contre les émigrés pris les armes à la main, ils seront, dans les vingt-quatre heures, livrés à l'exécuteur de la justice et mis à mort, après qu'il aura été déclaré par une commission militaire composée de cinq personnes, et nommée par l'état-major de l'armée, qu'ils sont émigrés, et qu'ils ont été pris les armes à la main, ou qu'ils ont servi contre la France.
II. Il en sera de même à l'égard de tous étrangers qui, depuis le 14 juillet 1789, ont quitté le service de France, et se sont, après avoir abandonné leur poste, réunis aux émigrés ou aux ennemis.
III. Les procès-verbaux d'exécution seront envoyés dans la huitaine au ministre de la guerre, qui les fera passer sans délai à la Convention nationale.
IV. Les Puissances ennemies seront responsables de toute violation du droit des gens, qui, par une fausse application du droit de représailles, pourroit être commise par les émigrés Français.
(Journal des débats, no. 20, p. 351. == Feuilleton, no. 8, p. 2.)
Décret qui bannit à perpétuité les émigrés français du territoire de
la République.
[23-10-1792] Du 23 Octobre. == 25 du même mois.
La Convention nationale décrète que tous les émigrés français sont bannis à perpétuité du territoire de la République, et que ceux qui, au mépris de cette loi, y rentreroient, seront punis de mort, sans néanmoins déroger aux décrets précédens, qui condamnent à la peine de mort les émigrés pris les armes à la main.
(Journal des débats, no. 34, p. 628. == Feuilleton, no. 22, p. 2.)
Décret pour le renouvellement du comité de surveillance.
[21-1-1793] Du 21 Janvier 1793.
Un membre demande que le comité de sûreté générale soit à l'instant renouvelé ; il observe que cette institution a été de la plus grande utilité sous l'assemblée constituante ; qu'on en a senti les avantages sous l'Assemblée législative ; mais que l'organisation qui lui a été donnée dans la Convention, s'oppose à tout le bien qu'on doit en attendre ; qu'un tel comité, composé de soixante membres, contraint à ne décerner des mandats d'amener, que sous la signature de dix-huit membres, toujours difficiles à réunir, ne peut remplir son objet ; que cependant les émigrés rentrent chaque jour à Paris ; que les ennemis de la liberté, les royalistes, les contre-révolutionnaires y affluent ; pourquoi il demande que la Convention nationale décrète que le comité de surveillance sera à l'instant renouvelé, qu'il sera composé de douze membres seulement nommés à haute voix. La Convention adopte la proposition de renouvellement du comité de surveillance, en ces termes :
La Convention nationale décrete que son comité de surveillance ne sera composé que de douze membres qui seront nommés à haute voix dans la séance de demain.
(Journal des débats, no. 126, p. 304. == Feuilleton, no. 120, p. 1.)
Décret concernant les personnes rangées par la loi dans la classe des
émigrés & dans la classe des prêtres qui doivent être déportés.
[14-2-1793] Du 14 Février 1793. == 15 du même mois.
La Convention nationale décrete qu'il sera accordé, à titre d'indemnité & de récompense, la somme de 100 liv. à quiconque découvrira & fera arrêter une personne rangée par la loi dans la classe des émigrés, ou dans la classe des prêtres qui doivent être déportés ; autorise les commissaires par elle envoyés dans les différens départemens de la République, à suspendre les fonctionnaires publics qui n'ont pas fait exécuter ponctuellement les lois relatives aux émigrés & aux prêtres dont la déportation devoit être faite ; ordonne que le conseil-exécutif-provisoire rendra compte sous trois jours des mesures qu'il a prises pour faire exécuter lesdites lois.
(Journal des débats, no. 150, p. 194. --- Feuilleton, no. 137, p. 5.
Décret qui autorise la visite des maisons suspectées de receler des
émigrés ou des prêtres déportés.
[25-2-1793] Du 25 Février 1793. == 27 du même mois.
La Convention nationale décrete que les directoires de département, de districts & les corps municipaux, sont autorisés à nommer des commissaires pris, soit dans leur sein, soit dans les conseils généraux de leur administration, lesquels commissaires se feront accompagner de la force publique, pour se transporter dans toutes les maisons suspectées de recéler des individus, mis par la loi dans la classe des émigrés ou des prêtres déportés.
(Journal des débats, no. 161, p. 317. == Feuilleton, no. 147, p. 2.)
Décret concernant les émigrés & les prêtres déportés.
[18-3-1793] Du 18 Mars 1793. == 22 du même mois.
La Convention nationale décrete que les émigrés & les prêtres déportés qui, huitaine après la publication du présent décret, seront surpris sur le territoire de la République, seront à l'instant arrêtés & conduits dans les prisons, soit du district, soit du département.
Ceux qui seront convaincus d'émigration, ou qui étoient dans le cas de la déportation, seront punis de mort dans les vingt quatre heures.
(Journal des débats, no. 182, p. 225. == Feuilleton, no. 168, p. 5.)
Décret qui met hors de la loi les prévenus d'avoir pris part aux
révoltes ou émeutes contre-révolutionnaires.
[19-3-1793] Du 19 Mars 1793. == 20 du même mois.
La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de législation, décrete ce qui suit :
ART. I. Ceux qui sont ou seront prévenus d'avoir pris part aux révoltes ou émeutes contre-révolutionnaires qui ont éclaté ou éclateroient à l'époque du recrutement, dans les différens départemens de la République, & ceux qui auroient pris ou prendroient la cocarde blanche, ou tout autre signe de rébellion, sont hors de la loi. En conséquence, ils ne peuvent profiter des dispositions des lois concernant la procédure criminelle & l'institution des jurés.
II. S'ils sont pris ou arrêtés les armes à la main, ils seront, dans les vingt-quatre heures, livrés à l'exécuteur des jugemens criminels, & mis à mort, après que le fait aura été reconnu & déclaré constant par une commission militaire formée par les officiers de chaque division employée contre les révoltés : chaque commission sera composée de cinq personnes prises dans les différens grades de la division soldée ou non soldée.
III. Le fait demeurera constant, soit par un procès-verbal revêtu de deux signatures, soit par un procès-verbal revêtu d'une seule signature confirmée par la déposition d'un témoin, soit par la déposition orale & uniforme de deux témoins.
IV. Ceux qui, ayant porté les armes ou ayant pris part à la révolte & aux attroupemens, auront été arrêtés sans armes, ou après avoir porté les armes, seront envoyés à la maison de justice du tribunal criminel du département ; & après avoir subi interrogatoire dont il sera retenu note, ils seront dans les vingt-quatre heures livrés à l'exécuteur des jugemens criminels, & mis à mort, après que les juges du tribunal auront déclaré que les détenus sont convaincus d'avoir porté les armes parmi les révoltés, ou d'avoir pris part à la révolte, le tout, sauf la distinction expliquée dans l'article VI.
V. Les moyens de convictions contre les coupables, seront les mêmes pour les tribunaux criminels, que pour les commissions militaires.
VI. Les prêtres, les ci-devant nobles, les ci-devant seigneurs, les émigrés, les agens & domestiques de toutes ces personnes, les étrangers, ceux qui ont eu des emplois ou exercé des fonctions publiques dans l'ancien gouvernement ou depuis la révolution, ceux qui auront provoqué ou maintenu quelques-uns des attroupemens des révoltés, les chefs, les instigateurs, ceux qui auront des grades dans ces attroupemens, & ceux qui seroient convaincus de meurtre, d'incendie ou de pillage, la peine de mort.
Quant aux autres détenus, ils demeureront en état d'arrestation, & il ne sera statué à leur égard qu'après un décret de la Convention nationale, sur le compte qui lui en sera rendu.
VII. La peine de mort prononcée dans les cas déterminés par la présente loi, emportera la confiscation des biens, & il sera pourvu sur les biens confisqués à la subsistance des peres, meres, femmes & enfans qui n'auroient pas d'ailleurs des biens suffisans pour leur nourriture & entretien. On prélevera en outre, sur le produit desdits biens, le montant des indemnités dues à ceux qui auront souffert de l'effet des révoltes.
VIII. Les biens de ceux dont il est parlé dans la premiere partie de l'article VI, & qui seront tués en portant les armes contre la patrie, seront déclarés acquis & confisqués au profit de la République, & la confiscation sera prononcée par les juges du tribunal criminel sur le procès-verbal de reconnoissance du cadavre.
IX. Les commandans de la force publique feront incessamment publier une proclamation portant injonction à tous les rebelles de se séparer & de mettre bas les armes.
Ceux qui auront obéi & seront rentrés dans le devoir aux termes de la proclamation, & dans le délai de 24 heures, ne pourront être inquiétés ni recherchés.
Ceux qui livreront les chefs ou auteurs & instigateurs des révoltés, dans quelques temps que ce soit, avant néanmoins l'entiere dispersion des révoltés, ne pourront être poursuivis, ni les jugemens rendus contre eux être mis à exécution.
Les personnes désignées dans la premiere partie de l'article VI, ne pourront profiter des dispositions du présent article, & elles subiront, dans tous les cas, la peine portée par la présente loi.
X. La loi portant établissement du tribunal criminel extraordinaire, sera exécutée, sauf la distraction d'attribution déterminée par la présente loi.
La présente loi sera portée par des couriers extraordinaires dans tous les départemens de la République.
(Journal des débats, no. 183, p. 244. == Feuilleton, no. 170, p. 2)
Décret interprétatif de la loi du 9 octobre, concernant les émigrés
pris les armes à la main.
[23-3-1793] Du 23 Mars 1793. == 25 du même mois.
La Convention nationale, interprétant, en tant que de besoin, l'article premier de la loi du 9 octobre contre les émigrés pris les armes à la main, ou ayant servi contre la France, décrete que tous les Français émigrés qui ont été ou seront pris faisant partie des rassemblemens armés ou non armés, ou ayant fait partie desdits rassemblemens, & ceux qui ont été ou seront pris, soit sur les frontieres, soit en pays ennemi, soit dans les pays occupés par les troupes de la République, s'ils ont été précédemment dans les armées ennemies ou dans les rassemblemens d'émigrés, ceux qui auront été trouvés ou se trouveront saisis de congés ou de passe-ports délivrés par les chefs français émigrés ou les commandans militaires des armées ennemies, sont réputés avoir servi contre la France, & compris dans les dispositions de la loi du 9 octobre, & qu'ils doivent être punis de la maniere prescrite par l'article premier de ladite loi.
Les commissions militaires renverront les émigrés, qui ne se trouveront pas dans les cas prévus par la loi du 9 octobre & la présente, dans les maisons de justice des tribunaux criminels des départemens, pour être jugés suivant le mode qui sera décrété pour le jugement des émigrés, décrété par l'article de la loi du 20 de ce mois.
(Journal des débats, no. 193, p. 371. == Feuilleton, no. 175, p. 5.)
Décret contre les émigrés.
[28-3-1793] Du 28 Mars 1793. == 15 Avril.
La Convention nationale voulant compléter les dispositions des lois précédentes contre les français qui ont trahi ou abandonné leur patrie dans le moment du danger, ayant entendu le rapport de ses quatre comités de législation, des finances, de la guerre & diplomatique réunis, décrete ce qui suit :
TITRE PREMIER.
Partie pénale.
SECTION PREMIERE.
Des peines de l'Emigration.
ART. I. Les émigrés sont bannis à perpétuité du territoire français ; ils sont morts civilement ; leurs biens sont acquis à la République.
II. L'infraction du bannissement prononcé par l'article premier, sera punie de mort.
SECTION II.
Des effets de la mort civile prononcée contre les Emigrés.
III. Les effets de la mort civile dont la nation a frappé les émigrés, ne pourront être opposés à la république ; en conséquence, toutes les substitutions dont les émigrés ont été grevés, sont ouvertes au profit de la nation. A l'égard des successions échues aux émigrés, en ligne directe & collatérale, depuis leur émigration, & de celles qui leur écherront par la suite, elles seront recueillies par la république, pendant cinquante années à compter du jour de la promulgation de la présente loi ; sans que, pendant ledit temps, les co-héritiers puissent opposer la mort naturelle desdits émigrés.
IV. Il ne pourra être fait aucune vente, ni aucun autre acte de disposition ni créé aucune hypotheque au préjudice de l'action nationale sur les biens présens & futurs des citoyens dont les émigrés sont héritiers présomptifs en ligne directe.
V. Tous les actes de vente, cession, transport, obligation, dettes & hypotheques faits & contractés par peres & meres ou aïeux d'émigrés, postérieurement à l'émigration de leurs enfans, petits-enfans ou héritiers présomptifs en ligne directe descendante, ou des enfans, petits-enfans ou héritiers présomptifs en ligne directe ascendante, postérieurement à l'émigration de leurs peres, meres ou aïeux, sont nuls & de nul effet, à moins que les actes qui les contiennent, ou qui constatent lesdites dettes & hypotheques, n'ayent été passés en forme authentique, ou que leur date n'ait été arrêtée, ou ne soit devenue authentique, par dépôt public, ou par des jugemens, antérieurement au premier février 1793.
SECTION III.
De ce qu'on entend par Emigrés.
VI. Sont émigrés,
1o. Tout français de l'un & l'autre sexe, qui ayant quitté le territoire de la république depuis le premier juillet 1789, n'a pas justifié de la rentrée en France, dans les formes & dans les délais fixés par la loi du 8 avril 1792. Ladite loi continuera d'être exécutée en ce qui concerne les peines pécuniaires prononcées contre ceux qui seront rentrés dans le délai qu'elle a prescrit.
2o. Tout français de l'un & l'autre sexe, absent du lieu de son domicile, qui ne justifiera pas dans la forme qui va être prescrite d'une résidence sans interruption en France, depuis le 9 mai 1792.
3o. Tout français de l'un & l'autre sexe qui, quoique actuellement présent, s'est absenté du lieu de son domicile, & ne justifiera pas d'une résidence sans interruption en France, depuis le 9 mai 1792.
4o. Ceux qui sortiront du territoire de la république, sans avoir rempli les formalités prescrites par la loi.
5o. Tout agent du gouvernement, qui ayant été chargé d'une mission auprès des puissances étrangeres, ne seroit pas rentré en France dans trois mois du jour de son rappel notifié.
6o. Tout français de l'un & l'autre sexe qui, durant l'invasion faite par les armées étrangeres, a quitté le territoire français non envahi, pour résider sur le territoire occupé par l'ennemi.
7o. Ceux qui, quoique nés en pays étranger, ont exercé les droits de citoyen en France, ou qui ayant un double domicile, savoir, un en France & l'autre en pays étranger, ne justifieront pas d'une résidence sans interruption en France depuis le 9 mai 1792.
VII. Ne pourra être opposée comme excuse ou prétexte d'absence, la résidence à Malte, ou sur le territoire de Bouillon, Monaco & autres lieux qui, quoique limitrophes ou alliés par des traités & relations de commerce, ne font pas partie intégrante de la France. A l'égard de la résidence dans les pays réunis à la république, elle pourra être opposée comme excuse pour le temps antérieur à la réunion proclamée.
SECTION IV.
Des exceptions.
VIII. Ne seront pas réputés émigrés,
1o. Les enfans de l'un & l'autre sexe qui, au jour de la promulgation de la présente loi, ne seront pas âgés de 14 ans, pourvu qu'ils ne soient pas convaincus d'avoir porté les armes contre la patrie, à la charge de rentrer en France dans trois mois du jour de ladite promulgation & d'y résider. Le délai ne courra pour chaque enfant au-dessous de dix ans, qu'à compter du jour où il aura atteint dix ans accomplis, & pour ceux âgés de dix ans & au dessus, à compter du jour de la promulgation de la présente loi ; néanmoins les filles émigrées, âgées de plus de 14 ans & de moins de 21 ans, qui sont rentrées ou qui rentreroient dans le territoire de la république seront déportées ; dans le cas où elles reviendroient en France après leur déportation, elles seront punies de mort.
2o. Les bannis à temps.
3o. Ceux qui ont été nominativement déportés en exécution de la loi du 26 août 1792, ou par l'effet des arrêtés des corps administratifs, sans déroger néanmoins à ladite loi ni auxdits arrêtés, en ce qui concerne la déportation ou les peines prononcées contre les déportés.
4o. Ceux dont l'absence est antérieure au premier juillet 1789, pourvu que dans le cas où ils seroient rentrés depuis ladite époque, ils ne soient pas ressortis du territoire de la république & encore pourvu qu'ils ne se soient pas retirés, depuis les hostilités commencées, sur le territoire des puissances en guerre contre la France ; ceux qui étant sortis de France antérieurement au premier juillet 1789, n'ont point habité d'autre territoire que celui des puissances en guerre contre la France, ne pourront se prévaloir de la présente exception, s'ils se sont retirés dans les électorats & évêchés du Rhin, dans les cercles intérieurs de l'empire, ou dans le cercle de Bourgogne
L'exception ci-dessus ne pourra être invoquée par les ambassadeurs & autres fonctionnaires publics chargés de mission du gouvernement hors du territoire de la république, quoiqu'ils ayent été rappelés avant le premier juillet 1789.
5o. Ceux qui ont de la nation une mission vérifiée par le pouvoir exécutif national actuel, leurs épouses, peres, meres, enfans & domestiques, sans que ceux-ci puissent être admis au-delà du nombre que chacun de ces fonctionnaires en emploie habituellement. Les domestiques ne seront pas admis également, quand ils n'auront pas été en état de domesticité antérieurement à leur départ ; & toutes les fois que les fonctionnaires publics présenteront une mission de la nation, le département auquel elle sera remise, sera tenu de l'adresser au conseil exécutif actuel, pour la faire vérifier avant de donner sa décision.
6o. Les négocians, leurs facteurs, & les ouvriers notoirement connus pour être dans l'usage de faire, en raison de leur commerce ou de leur profession, des voyages chez l'étranger, & qui en justifieront par des certificats authentiques des conseils généraux des communes de leur résidence, visés par les directoires de district, & vérifiés par les directoires de département ; les épouses & enfans desdits négocians demeurant avec eux, leurs commis & leurs domestiques, dans le nombre que chacun d'eux en emploie habituellement, à la charge par ceux qui sont sortis de France depuis la loi du 9 février 1792, de justifier des passe-ports dans lesquels les épouses, enfans, commis & domestiques auront été dénommés & signalés.
7o. Les français qui n'ayant aucune fonction publique, civile ou militaire, justifieront qu'ils se sont livrés à l'étude des sciences, arts & métiers, qui ont été notoirement connus avant leur départ pour s'être consacrés exclusivement à ces études, & ne s'être absentés que pour acquérir de nouvelles connoissances dans leur état.
Ne seront pas compris dans la présente exception, ceux qui n'ont cultivé les sciences & les arts que comme amateurs, ni ceux qui ayant quelque autre état, ne font pas leur profession unique de l'étude des sciences & arts, à moins que par des arrêtés des conseils généraux des communes de leur résidence, visés & vérifiés par les directoires de district & de département, antérieurs au 10 août 1792, ils n'eussent été reconnus être dans l'exception portée par l'art. VI de la loi du 8 avril 1792, en faveur des sciences & des arts.
8o. Les enfans que leurs parens, leurs tuteurs, ou ceux qui en sont chargés, ont envoyés en pays étranger pour apprendre le commerce ou pour leur éducation, à la charge de fournir des certificats délivrés par les conseils généraux des communes de leur résidence, visés & vérifiés par les directoires de district & du département, lesquels constateront qu'il est notoirement connu que lesdits enfans ont été envoyés pour le commerce ou leur éducation.
IX. Ceux qui seront convaincus d'avoir favorisé la rentrée d'un ou plusieurs émigrés, en les substituant frauduleusement aux personnes de leur famille, ou de leurs commis ou domestiques, seront punis de quatre années de fers, & seront en outre responsables sur tous leurs biens, des torts que ce délit aura occasionnés à la république.
SECTION V.
De la formation & de la continuation des listes & des affiches des
biens des Emigrés.
X. Dans les départemens, districts & municipalités qui n'ont pas encore exécuté la loi du 8 avril 1792, il sera formé dans le délai de huitaine, des listes contenant les noms, prénoms, surnoms, ci-devant qualités, professions & derniers domiciles de toutes les personnes émigrées, avec indication des biens, de leur nature, des noms des fermiers ou locataires, du prix des jouissances, & de l'évaluation par aperçu des biens non affermés.
XI. Dans les départemens, districts & municipalités qui ont formé des listes conformément à la loi du 8 avril 1792, il sera dressé des listes supplétives, 1o. des émigrés qui n'ont pas été compris dans les premieres listes, quoiqu'ils ne possedent aucuns biens : 2o. de ceux qui sont émigrés depuis la formation desdites listes.
XII. Il sera également formé dans tous les départemens, des listes de ceux qui émigreront dans la suite, dans les formes prescrites par la présente loi.
XIII. Les listes indiqueront les droits & créances des émigrés ; elles contiendront aussi les biens reconnus pour appartenir à des émigrés, quoique non domiciliés dans la municipalité où les biens sont situés.
XIV. Les officiers municipaux feront passer dans la huitaine suivante ces listes à leurs districts ; les districts en formeront un état général dans huit jours de la réception, & les feront passer chacun au département de son arrondissement, dans le même délai.
XV. Les départemens feront imprimer ces listes, & les feront afficher & publier dans leur arrondissement, dans la huitaine de l'envoi qui leur en aura été fait ; ils en enverront un imprimé certifié à chacun des ministres de l'intérieur, de la justice, de la guerre & des contributions publiques.
XVI. Les ministres de la justice, de la guerre, des contributions & de l'intérieur, feront faire un recueil général des émigrés, par ordre alphabétique, avec indication de leur domicile : ils en adresseront des imprimés ; savoir, le ministre de la justice, aux tribunaux, aux officiers de police, de sûreté & de gendarmerie nationale ; le ministre de l'intérieur, aux corps administratifs ; & le ministre de la guerre, aux conseils d'administration des corps armés, aux commissaires ordonnateurs de la marine & aux commissaires des guerres, pour que les uns & les autres fassent saisir & arrêter les émigrés qui sont rentrés & qui rentreront dans le territoire de la république. Il sera en outre remis six exemplaires de ce recueil général à chacun des membres de la Convention nationale, par le ministre de l'intérieur.
XVII. Le ministre des contributions publiques remettra des exemplaires de ce recueil général à la trésorerie nationale, aux payeurs des rentes de l'état, aux bureaux de comptabilité, & aux bureaux de régie des domaines nationaux qui ont dû & doivent cesser tout paiement aux émigrés. Le ministre formera un tableau des émigrés qui sont créanciers & pensionnaires de l'état, & adressera cet état à la Convention nationale, au premier juin prochain.
XVIII. Les conseils d'administration des corps armés, les commissaires- ordonnateurs de la marine, les gouverneurs, inspecteurs-généraux & autres préposés aux écoles militaires du génie, de l'artillerie & de marine, sont tenus chacun en ce qui concerne son corps ou son administration, d'envoyer au ministre de l'intérieur, dans la quinzaine du jour de l'envoi qui leur sera fait de la présente loi, les états nominatifs de tous les officiers de quelque grade que ce soit, & de tous les employés au service de la République dans les armées de terre ou de mer, qui ont quitté leur postes depuis le premier Juillet 1789, sans démission légale & acceptée, & de tous les éleves & pensionnaires des écoles militaires d'artillerie, du génie & de la marine, qui ont quitté lesdites écoles depuis la même époque.
XIX. Les ministres de la guerre & des affaires étrangeres remettront, chacun en ce qui les concerne, dans quinze jours de la promulgation de la présente loi, entre les mains du ministre de l'intérieur, les états nominatifs de tous les officiers supérieurs de terre ou de mer & de tous les agens du gouvernement près les puissances étrangeres, qui auront quitté leur poste depuis le premier juillet 1789.
XX. Tous ces états, destinés à faire connoître les fonctionnaires qui ont émigré, & qui pourroient échapper à la vigilance des autorités constituées, comprendront les noms, le grade ou l'emploi des personnes qui y seront inscrites, avec la désignation du lieu de leur naissance ou de leur dernier domicile, & des corps dans lesquels ils servoient.
XXI. Le conseil exécutif provisoire remettra d'ici au premier juin prochain, au ministre de l'intérieur, une liste générale divisée par départemens des fonctionnaires qui ont quitté leur poste, & le ministre de l'intérieur en adressera dans un mois des imprimés aux directoires des départemens, qui en enverront des exemplaires aux municipalités par la voie des districts : le tout pour être lu, publié & affiché aux lieux ordinaires dans l'étendue de chaque département, district & municipalité, & servir de renseignemens pour la formation & la correction des tableaux des émigrés.
SECTION VI.
Des certificats de résidence.
XXII. Pour justifier de la résidence exigée par la troisieme section de la présente loi, les prévenus d'émigration seront tenus de représenter les certificats de huit citoyens domiciliés dans le canton de la résidence certifiée, y compris le propriétaire ou le principal locataire de la maison dans laquelle le certifié aura demeuré ou sera demeurant. A défaut du propriétaire ou du principal locataire, le certifié pourra y suppléer par le témoignage de deux citoyens domiciliés dans le canton, & les plus voisins de sa résidence ; & dans ce cas il sera nécessaire de neuf certifians, lesquels, excepté les propriétaires ou principaux locataires, ne seront ni parens, ni alliés, ni fermiers, ni domestiques, ni créanciers, ni débiteurs, ni agens des certifiés.
XXIII. Les parens, les alliés, les fermiers, les domestiques, les créanciers, les débiteurs, ni les agens des prévenus d'émigration, ne pourront être admis pour certifier la résidence d'aucun autre prévenu d'émigration.
XXIV. Les certificats désigneront le temps, le lieu de la résidence certifiée, & spécialement les maisons où les certifiés auront demeuré.
XXV. Les certificats seront délivrés par les conseils généraux des communes des chef-lieux de canton de la résidence certifiée ; ils seront soumis au droit d'enregistrement, qui sera fait dans la huitaine de la délivrance, à peine de nullité ; ils seront inscrits dans les registres des communes des chef-lieux, publiés & affichés pendant huit jours, tant dans les chef-lieux de canton, que dans les communes de la résidence certifiée, & ne seront délivrés que huitaine après l'affiche & la publication.
XXVI. Dans les villes divisées en sections, les certificats seront délivrés dans les assemblées générales des sections de la résidence à certifier ; ils seront visés & vérifiés par les conseils généraux des communes, & par les directoires des districts & départemens ; ils seront signés par six membres au moins, tant des assemblées générales des sections, que des conseils généraux des communes, & par deux membres au moins des directoires de district & de département, sans qu'aucune signature, même celle des secrétaires-greffiers, puisse être suppléée par une griffe.
XXVII. Les municipalités ou les sections se borneront à la délivrance des certificats de résidence, pour le temps qu'elle a eu lieu dans leur arrondissement, sans exiger la preuve de la résidence dans d'autres municipalités.
XXVIII. Les maires, les officiers municipaux & tous les membres des conseils généraux ou des assemblées générales de sections, seront garans des faits relatifs au domicile & à la résidence des certifians. Les conseils généraux des communes & les assemblées générales des sections, auront la faculté de rejetter le témoignage de ceux des certifians qui leur seront présentés, & qu'ils jugeront suspects.
XXIX. Les certificats contiendront les noms, prénoms & surnoms, l'âge, la ci-devant qualité, la profession & le signalement des certifiés ; ils seront signés des certifiés, en présence des certifians, au moment où ils se présenteront pour obtenir les certificats, tant sur les registres des municipalités ou des sections, que sur les certificats ; & lesdits certificats ne seront délivrés par les municipalités ou par les section après, les affiches de huitaine, qu'en présence des certifians, qui signeront eux-mêmes sur les registres & sur les certificats au moment de la délivrance ; & dans le cas où les certifiés ou les certifians, ou quelques-uns d'eux ne sauroient signer, il en sera fait mention dans les registres & dans les certificats.
XXX. Les certificats délivrés, ou dont on a justifié antérieurement à la promulgation de la présente loi, même ceux sur lesquels il seroit intervenu des décisions ou des arrêtés des corps administratifs, sont nuls & de nul effet, si ceux ou celles à qui ils ont été délivrés, ou qui en ont justifié, ont été ou sont actuellement compris dans les listes ou tableaux des émigrés, ou s'ils y sont rétablis ultérieurement, si leurs biens ont été séquestrés, ou s'ils ont été ou sont à l'avenir dénoncés comme émigrés par deux citoyens domiciliés.
XXXI. Sont déclarés pareillement nuls & comme non-avenus, les arrêtés & délibérations par lesquels les corps administratifs auroient réintégré dans leurs biens, des émigrés ou prévenus d'émigration, en vertu des certificats ci-dessus annullés ; & les mêmes corps administratifs seront tenus de séquestrer de nouveaux les biens desdits émigrés ou prévenus d'émigration, sauf à ceux-ci à se pourvoir dans le délai d'un mois, à compter de la promulgation de la présente loi, afin d'obtenir main levée sur des certificats de résidence, dans la forme qui vient d'être prescrite.
XXXII. Les certificats délivrés aux membres de la Convention nationale par le président & les secrétaires, portant qu'ils sont à leur poste, suffiront pour constater leur résidence, & leur tiendront lieu dans tous les cas de tous autres certificats.
XXXIII. Les certificats seront faits conformément au modele qui sera joint à la présente loi.
XXXIV. S'il s'éleve quelque doute ou quelque difficulté sur la forme des certificats, leur validité à cet égard sera jugée par les directoires de département, sur l'avis des directoires des districts, chacun dans son arrondissement.
XXXV. Ceux qui seront convaincus d'avoir attesté un fait faux par leurs certificats, seront condamnés à six années de gêne, conformément à l'article XVII du titre II de la section II du code pénal ; ils seront en outre responsables solidairement, sur tous leurs biens, des pertes que le faux auroit occasionnées à la République.
XXXVI. Les procureurs-syndics des districts & les procureurs-généraux-syndics des départemens seront tenus, sous les peines ci-après portées, de dénoncer les fraudes & témoignages suspects de faux, aussitôt qu'ils seront venus à leur connoissance, au directeur du juré d'accusation près le tribunal du district de l'arrondissement, qui, sans instruction préalable devant le juge de paix, & sans avoir recours au tribunal, sera tenu de dresser l'acte d'accusation & de le présenter au juré d'accusation, pour être procédé de suite dans la forme prescrite par la loi du 29 septembre 1791.
XXXVII. Il n'est rien innové par les articles ci-dessus, à la forme des certificats de résidence exigés des fonctionnaires publics, & des autres citoyens, créanciers ou pensionnaires de la nation, non-prévenus, d'émigration ; lesdits certificats leur seront délivrés comme par le passé, à la charge par eux de rapporter une attestation du directoire du département du lieu de leur domicile ou de leur résidence habituelle, contenant qu'ils n'ont point été & ne sont point compris dans la liste des émigrés, & que leurs biens n'ont pas été mis en séquestre.
SECTION VII.
De la nullité des ventes & autres dispositions des biens des émigrés,
& des exceptions y relatives.
XXXVIII. Toute donation entre-vifs ou à cause de mort, même celles faites par testament, codicille & contrat de mariage, & tous autres actes de libéralité faits par des émigrés ou leurs fondés de pouvoir, depuis le premier juillet 1789, sont nuls & de nul effet.
XXXIX. Seront néanmoins exécutées,
1o. Les ventes faites par les donataires d'objets compris aux donations énoncées en l'article précédent, quand les dates desdites ventes auront été arrêtées par l'enregistrement, ou quand elles seront devenues authentiques par des actes publics ou par des jugemens, le tout antérieurement à la promulgation de la loi du 9 février 1792 ;
2o. Les dispositions rémunératoires contenues dans des actes authentiques en faveur des nourrices, instituteurs & domestiques, pour leur service antérieur au 9 février 1792, mais jusqu'à concurrence seulement de mille livres de rente, ou pension viagere pour chaque donataire.
XL. Tout acte de vente ou aliénation d'immeuble réel ou fictif, toute obligation, cession & tout transport de sommes ou créances, tout partage, licitation amiable ou judiciaire, tous baux à ferme & à loyer, tout engagement ou emphytéose, & généralement tout acte de disposition de propriété & d'usufruit, faits & passés par des émigrés ou leurs fondés de pouvoirs, ou dans lesquels les émigrés ont des droits ou des intérêts, depuis la promulgation de la loi du 9 février 1792 sont nuls & de nul effet.
XLI. Tout paiement fait aux émigrés ou à leurs agens & fondés de pouvoirs, de sommes non-exigibles & par anticipation depuis la promulgation de la loi du 9 février 1792, est nul & de nul effet.
XLII. Tout paiement fait aux émigrés ou à leurs agens & fondés de pouvoirs, de sommes exigibles & exigées autrement que par ordonnance de contrainte, en exécution d'un titre paré, ou d'un jugement, depuis la promulgation de la loi du 8 avril 1792, est nul & de nul effet, sauf le recours de ceux qui ont payé à des agens ou fondés de pouvoir, contre lesdits agens & fondés de pouvoir.
XLIII Toutes quittances & tous actes de remise de sommes ou effets déposés à des officiers publics, appartenant à des émigrés depuis la promulgation de la loi du 9 février 1792, sont nuls & de nul effet.
Tout billet, promesse, reconnoissance, effets de commerce, négociables ou non, & généralement tous les actes énoncés aux articles précédens, faits sous signature privée, sont nuls & de nul effet, si leur date n'a pas été arrêtée par l'enregistrement, ou s'ils ne sont pas devenus authentiques par des actes de dépôts publics, ou par des jugemens, le tout avant la promulgation de la loi du 9 février 1792.
XLIV. Seront exceptés des dispositions de l'article ci-dessus,
1o. Les salaires d'ouvriers ;
2o. Les gages des domestiques, seulement pour les trois dernieres années de leur service ;
3o. Les créances des fournisseurs, quand leurs fournitures auront été reconnues & réglées dans la forme prescrite par la loi du 8 avril 1792, sauf la prescription légale, sur laquelle les juges prononceront sur les conclusions du commissaire national.
XLV. Seront néanmoins exécutés tous les actes authentiques, ou devenus authentiques, de la nature de ceux énoncés aux articles précédens, quoique leur date ou celle de leur authenticité, soit postérieure à la promulgation de la loi du 9 février 1792, lorsqu'il sera prouvé que les signataires desdits actes n'ont émigré que depuis la date authentique ou devenue authentique, desdits actes.
Cette preuve sera acquise en rapportant,
1o Le certificat de résidence du vendeur ou du cédant, dans la forme qui étoit prescrite à la date desdits actes ;
2o. Les certificats des conseils généraux des communes ou des sections, visés & vérifiés par les directoires de district & de département, préalablement enregistrés, justificatifs que les noms des signataires desdits actes n'étoient pas compris dans les listes des émigrés à la date où lesdits actes ont été ou sont devenus authentiques, & qu'à la même époque, les biens desdits signataires n'étoient point séquestrés. Ces certificats seront donnés dans les assemblées générales de commune, ou de sections de commune de la résidence du certifié. Ils seront inscrits sur les registres des délibérations, & délivrés par copie au pied des actes qui exigeront lesdits certificats.
XLVI. Tous les actes énoncés aux articles ci-dessus, à quelque date qu'ils soient faits & signés, sont nuls & de nul effet, s'ils sont jugés faits en fraude ou en contravention à la saisine nationale, prononcée par la loi du 9 février 1792.
XLVII. Les saisies mobiliaires, non suivies de ventes & traditions d'especes, les saisies réelles, les baux judiciaires faits sur les émigrés depuis la promulgation de la loi du 9 février 1791, sont annullés, sauf les droits des saisissans, & le payement des frais légitimement faits, sur le prix des objets saisis.
XLVIII. Les liquidations de droits, les collocations de créances, & les actes d'exécution des séparations & des divorces, faits & prononcés depuis le premier juillet 1789, entre maris & femmes émigrés, ou dont l'un des deux seroit émigré, sont nuls & de nul effet, sauf les droits des séparés ou divorcés, qu'ils exerceront sur les biens de leurs époux émigrés, par les voies ordinaires & de droit.
XLIX. Tous les droits attributifs de jouissance ou d'usufruit sur les biens des enfans émigrés, en faveur de leurs peres & meres, cesseront à compter du jour de la promulgation de la présente loi.
SECTION VIII.
Des peines contre ceux qui troublent l'administration ou les acquéreurs des biens des émigrés, & qui récelent ou divertissent quelque partie desdits biens.
L. Ceux qui auront enlevé, diverti ou recélé des titres, de l'argent, des assignats ou des effets appartenant aux émigrés, seront poursuivis & punis comme voleurs d'effets publics.
LI. Ceux qui troubleront les administrateurs nationaux ou les acquéreurs des biens des émigrés, dans leur administration ou acquisition, qui feront enlever les fruits, & qui commettront des dégradations dans les biens des émigrés vendus ou à vendre, seront punis des peines prononcées par la loi de police correctionnelle.
LII. Ceux qui auront nui à la vente des biens des émigrés, par des voies de fait ou des menaces, seront punis de quatre années de fers, & seront en outre responsables, sur tous leurs biens présens & futurs, des torts que leur délit aura occasionnés à la République.
LIII. Quand les délits énoncés aux deux articles précédens, auront été commis par des parens ou des agens des émigrés, ils seront punis de six années de fers, & les délinquans seront en outre responsables, sur tous leurs biens présens & à venir, des pertes & dommages que leur délit aura occasionnés, soit à la République, soit aux particuliers.
SECTION IX.
Des complices des émigrés ; des suites de ce crime contre les peres
& meres des émigrés ; des exceptions y relatives.
LIV. Tous ceux qui seront convaincus d'avoir, depuis le 9 mai 1792, aidé ou favorisé des projets hostiles des émigrés, d'avoir envoyé leurs enfans, ou soudoyé des hommes sur terre étrangere, de leur avoir fourni des armes, ou des chevaux, ou des munitions ou toutes autres provisions de guerre, ou des secours pécuniaires, seront réputés complices desdits émigrés, & punis comme tels, des peines portées contre eux par la présente loi.
LV. Les peres & meres qui, aux termes de la loi du 12 septembre dernier, sont tenus de fournir l'habillement & la solde de deux hommes pour chaque enfant émigré, ne pourront fournir le remplacement d'hommes, ni le fournissement en nature ; mais ils seront tenus de verser à la caisse du receveur de district de l'arrondissement de leur domicile, & ce dans quinzaine de la sommation qui leur en sera faite à la requête du procureur général-syndic du département, poursuite & diligence dudit receveur, la somme à laquelle sera arbitrée par le directoire du département de l'arrondissement, la valeur desdits remplacemens. Le montant de la solde, à raison de 15 sols par jour pour chaque homme, sera également versé à la caisse du receveur du district de l'arrondissement, par chaque année & d'avance, tant que durera la guerre, à compter du premier janvier 1792.
LVI. Les peres & meres sont chargés de la preuve de la résidence de leurs enfans en France.
LVII. Sont exceptés des dispositions de l'article LV,
1o. Ceux des peres & meres dont les enfans étoient mariés ou domiciliés séparément de leurs peres & meres, avant le premier juillet 1789 ;
2o. Ceux qui justifieront n'avoir pas plus de mille livres de revenus par ménage, & non par tête, & qui fourniront en outre un certificat de civisme, délivré par le conseil général de la commune de leur résidence, lequel certificat sera vérifié & approuvé par les directoires de district & de département de l'arrondissement.
LVIII. Le paiement de la charge imposée par l'article LV, ne sera perçu que sur l'excédant de ladite somme de mille livres de revenu, réservée pour la subsistance de chaque ménage, & tout l'excédant sera employé jusqu'à concurrence de l'acquit total de ladite charge.
SECTION X.
Des peines contre les fonctionnaires publics négligens ou infideles
dans les fonctions relatives à l'exécution de la présente loi.
LIX. Les administrateurs, les officiers municipaux & tous les autres fonctionnaires publics qui seront convaincus de négligence dans l'exécution de la présente loi, seront destitués de leur place.
LX. Ceux qui seront convaincus d'infidélité dans l'exercice des fonctions relatives aux dispositions de la présente loi, seront punis de deux années de fers, & en outre responsables, sur tous leurs biens présens & à venir, des torts que leur infidélité aura occasionnés à la République ou aux particuliers.
SECTION XI.
Des réclamations contre les listes des émigrés.
LXI. Les émigrés qui n'ont pas réclamé contre les listes sur lesquelles ils ont été portés, lorsque ces listes auront été définitivement arrêtées par les directoires de département, ne seront plus admis à former aucune espece de réclamation.
LXII. Les émigrés dont les réclamations ont été rejetées soit par les directoires de département, soit par le conseil exécutif, sont tenus de quitter le territoire de la République, dans la huitaine qui suivra la promulgation de la présente loi, sous peine d'être punis comme les émigrés qui ont enfreint leur bannissement.
LXIII. Les personnes portées sur les listes des émigrés, qui ont réclamé & sur les demandes desquelles il n'a point été statué, & celles dont les certificats de résidence sont annullés, seront tenus de s'en pourvoir, dans quinze jours à compter de la promulgation de la loi.
LXIV. A l'avenir, les personnes qui prétendront être mal-à-propos portées sur les listes des émigrés, faites en exécution de la présente loi, se pourvoiront devant les départemens dans le délai d'un mois, à compter de la publication & de l'affiche des listes dans l'arrondissement du département, soit qu'il s'agisse de faire prononcer sur les cas d'exception déterminés par la loi, soit qu'il s'agisse de justifier de leur résidence en France.
LXV. Après les délais ci-dessus fixés, il n'y aura plus lieu à aucune réclamation.
LXVI. Les arrêtés des départemens qui ont rejetté ou qui rejetteront les réclamations formées par des émigrés, seront définitifs & exécutés sans aucun recours.
LXVII. Si les arrêtés des départemens ont été ou sont favorables aux prévenus, ou si les départemens ont pris des arrêtés contradictoires sur la même personne, l'exécution en sera suspendue, & les procureurs-généraux-syndics des départemens se pourvoiront sur-le-champ pour obtenir une décision définitive & motivée du conseil exécutif.
LXVIII. Avant de prononcer, le conseil exécutif fera un état nominatif des personnes qui auront obtenu des arrêtés de département, contenant décharge de séquestration de biens, ou radiation de leurs noms sur les listes d'émigrés. Cet état sera imprimé, publié & affiché dans les départemens, districts & communes, où les certificats de résidence auront été délivrés, & où les prévenus d'émigration avoient leur dernier domicile & ont des biens situés. Le conseil exécutif ne donnera sa décision que dans un mois après l'affiche & publication.
LXIX. Si dans le délai de deux mois ci-dessus fixé, il y a énonciation ou réclamation de la part des citoyens ou des corps administratifs, le conseil exécutif sera tenu de délibérer sur leurs motifs, lors de sa décision.
LXX. Aussitôt que le conseil exécutif aura donné une décision relative aux émigrés ou prévenus d'émigration, il en enverra une expédition à la Convention nationale : si elle est favorable à l'émigré, elle sera imprimée pour être publiée dans le lieu du domicile de l'émigré, & dans les lieux où il a des biens.
LXXI. Le conseil exécutif sera tenu, dans le plus court délai, de faire les recherches les plus rigoureuses contre les administrateurs & fonctionnaires publics qui ont pu se prêter à admettre de faux certificats de résidence en faveur des émigrés, pour les faire traduire au tribunal extraordinaire.
LXXII. Tous les citoyens pourront dénoncer aux directoires de district ou de département, les émigrés omis sur les listes. Dès lors les corps administratifs seront tenus de statuer sur la dénonciation, & de faire réparer l'omission, s'il y a lieu.
LXXIII. Tout citoyen qui fera connoître des biens d'émigrés qui auront été recelés ou omis dans les listes, aura la dixieme partie de ces mêmes biens.
SECTION XII.
Jugement & condamnation des émigrés.
LXXIV. Tous les Français émigrés qui seront pris faisant partie des rassemblemens armés ou non armés, ou ayant fait partie desdits rassemblemens, & ceux qui ont été ou seront pris, soit sur les frontieres, soit en pays ennemi, soit dans les pays occupés par les troupes de la République, s'ils ont été précédemment dans les armées ennemies ou dans les rassemblemens d'émigrés ; ceux qui auront été ou se trouveront saisis de congés ou de passe-ports délivrés par les chefs Français émigrés, ou par les commandans militaires des armées ennemies, sont réputés avoir servi contre la France, & compris dans la loi du 9 octobre dernier, & seront punis de la maniere prescrite par l'article premier de ladite loi.
LXXV. Les commissions militaires renverront les émigrés qui ne se trouveront pas dans les cas prévus par la loi du 9 octobre dernier, & par la présente loi, dans les maisons de justice des tribunaux criminels des départemens, pour être jugés suivant le mode qui va être établi pour le jugement des émigrés.
LXXVI. Les émigrés qui rentreront, ceux qui sont rentrés, ceux qui resteront sur le territoire de la République contre la disposition des lois, seront conduits devant le tribunal criminel du département de leur dernier domicile en France, qui les fera mettre à la maison de justice.
LXXVI. L'accusateur public fera citer des personnes dont le civisme sera certifié, au moins au nombre de deux, de la commune du domicile de l'accusé, ou à leur défaut, des lieux circonvoisins, pour faire reconnoître si le prévenu est la même personne que celle dont l'émigration est constatée par la liste des émigrés, ou par les arrêtés des corps administratifs.
LXXVIII. Les témoins cités seront entendus publiquement à l'audience, & toujours en présence de deux commissaires du conseil général de la commune du lieu où le tribunal est établi. Le prévenu comparoîtra devant les témoins, & s'ils affirment l'identité, les juges du tribunal condamneront l'émigré à mort, ou à la déportation, s'il s'agit d'une femme de 21 ans & au-dessous, jusqu'à 14 ans.
LXXIX. Le condamné sera mis à mort ou déporté dans les vingt-quatre heures, sans qu'il puisse y avoir lieu à aucun sursis, recours ou demande en cassation.
LXXX. Dans le cas où le prévenu prétendroit être encore dans le délai de justifier de sa résidence en France, ou de faire valoir quelques exceptions déterminées par la loi, le tribunal le fera retenir à la maison de justice, & renverra sur-le-champ au directoire du département, qui statuera sur l'allégation, conformément à ce qui a été prescrit.
LXXXI. Les jugemens rendus contre les dispositions de la présente loi, seront nuls ; en conséquence, les prévenus d'émigration qui ont pu être absous, seront de nouveaux mis en jugement.
Tous prévenus d'émigration, détenus dans les maisons d'arrêt & prisons des tribunaux de districts, soit qu'il y ait ou qu'il n'y ait pas de procédures commencées, seront renvoyés sur le-champ au tribunal criminel du département de leur dernier domicile.
LXXXII. Les citoyens qui auront saisi & arrêté des émigrés, recevront aussitôt après l'exécution du jugement, la somme de cent livres par chaque émigré. Le mandat leur en sera donné par le directoire du département, sur le préposé à la régie des domaines nationaux le plus voisin, qui en aura reprise dans les comptes de régie de domaines & biens provenant des émigrés.
LXXXIII. Le conseil exécutif fera parvenir dans le plus court délai, par les moyens les plus prompts, la présente loi. Les corps administratifs lui en certifieront de même la réception. Il en sera sous huit jours distribué six exemplaires à chaque membre de la Convention ; elle sera proclamée dans toutes les communes, en présence du conseil général.
LXXXIV. Toutes les lois antérieures relatives aux émigrés, sont abrogées, en ce qu'elles pourroient avoir de contraire aux dispositions de la présente loi.
Collationné à l'original, par nous vice-président & secrétaires de la
Convention nationale. A Paris, le 15 avril 1793, l'an second
de la république Française. Signé THURIOT, vite-président,
G. ROMME, MELLINEY & J. B. BOYER-FONFRÈDE, secrétaires.
Au nom de la République, le conseil exécutif provisoire mande & ordonne à tous les corps administratifs & tribunaux, que la présente loi ils fassent consigner dans leurs registres, lire, publier & afficher, & exécuter dans leurs départemens & ressorts respectifs ; en foi de quoi nous y avons apposé notre signature & le sceau de la République. A Paris le quinzieme jour du mois d'avril mil sept cent quatre-vingt-treize, l'an second de la République Française. Signé BOUCHOTTE. Contresigné GOHIER. Et scellée du sceau de la République.
Certifié conforme à l'original.
MODELE DU CERTIFICAT DE RÉSIDENCE.
Certificat de résidence fourni en exécution de la loi rendue contre
les émigrés.
Délivré gratis, sauf le droit du timbre.
Commune de chef-lieu du canton de district de département de
Extrait des registres des délibérations de la commune de
Nous soussignés, maire, officiers municipaux & membres du conseil général de la commune de sur la demande qui a été faite par L ci-après nommé, certifions sur l'attestation des citoyens, (écrire les noms & demeures des citoyens certifians) tous domiciliés dans le canton de qui est celui de l'arrondissement duquel est la résidence du certifié, que (écrire les noms, prénoms, l'âge, la profession & le signalement du certifié) demeure actuellement à maison appartenant à & qu'il y réside, ou y a résidé sans interruption depuis jusqu'à .
En foi de quoi nous avons délivré le présent certificat, qui a été donné en présence du certifié & des certifians que nous avons admis au témoignage, lesquels certifians ne sont, à notre connoissance & suivant l'affirmation qu'ils ont faite devant nous, parens, alliés, fermiers, domestiques, créanciers, débiteurs, ni agens dudit certifié, ni d'aucun autre prévenu d'émigration ou émigré & a le dit certifié signé, tant sur le registre des délibérations & actes de la commune de que sur le présent extrait ; (ou bien) ledit certifié a déclaré ne savoir écrire ni signer, de ce interpellé.
Fait en la maison commune, ce 1793, l'an second de la République Française.
Signature du certifié.
Signatures des maire, officiers municipaux
& membres du conseil général de la commune
de
Certificat de l'affiche du certificat de résidence, pendant huit jours, dans le chef-lieu de canton, & dans la commune de la résidence du certifié.
Nous soussignés, maire, officiers municipaux & membres des conseils généraux de la commune de qui est celle du chef-lieu du canton de & de la commune de qui est celle de la résidence de (mettre ici le nom du certifié)
Certifions que le certificat de résidence ci-dessus le a été publié & affiché dans le chef-lieu du canton de & dans l'étendue de la commune de pendant huit jours consécutifs, aux termes de la loi.
Fait à le
Signatures des maire, officiers municipaux
& membres du conseil général de la
commune de
Et à le
Signatures des maire, officiers municipaux
& membres du conseil général de la
commune de
Délivrance du certificat.
Le certificat ci-dessus a été délivré audit (le nom du certifié) que les citoyens certifians (mettre le nom des certifians) reconnoissent être le même que celui dont ils ont attesté la résidence à la commune de le .
Signatures des certifians.
Signature du secrétaire-greffier.
Visa du directoire du district.
Vu & vérifié par nous, président & membres du directoire du district de .
Fait à le 1793, l'an second de la République Française.
Signatures des membres du
directoire de district.
Signature du secrétaire du district.
Visa du directoire du département.
Vu & vérifié par nous, président & membres du directoire du département d .
Fait à le 1793, l'an second de la République Française.
Signatures des membres du
directoire du département.
Signature du secrétaire général du département.
(Supplément au journal des débats, no. 191.)
Décret concernant des émigrés remis au général de brigade commandant
à Douay.
[26-4-1793] Dn 26 Avril 1793. == 26 du même mois.
Lecture faite d'une lettre écrite par les commissaires de la Convention à Valenciennes, sur la question de savoir s'il faut faire juger par un jury militaire, ou par une commission militaire, des émigrés remis au général de brigade commandant à Douay, par le procureur-général-syndic du département du Nord ;
La Convention nationale passe à l'ordre du jour, attendu que les émigrés ne doivent en aucun cas être jugés par des jurés. En conséquence, elle ordonne que les émigrés conduits à Douay seront condamnés aux peines prononcées par la loi, après que le fait aura été reconnu et déclaré constant par une commission militaire formée par l'état-major, et composée de cinq personnes prises dans les différens grades de la division soldée ou non soldée. Le conseil exécutif fera parvenir sans délai le présent décret à Douay.
(Journal des Débats, no. 221, p. 415. Feuilleton, no. 207, pag. 1.)
______
Décret relatif aux jugemens et à la punition des Français ou étrangers convaincus d'espionnage dans les places de guerre ou dans les armées.
[16-6-1793] Du 16 Juin. --- 19 même mois.
La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de salut public, décrète :
Art. I. Les Français ou étrangers convaincus d'espionnage dans les places de guerre ou dans les armées, seront punis de mort.
II. Ils seront jugés par une commission militaire, formée comme il est décrété par la loi du 28 mars, contre les émigrés pris les armes à la main.
Décret portant que les émigrés rentrés en France seront jugés par
les tribunaux criminels.
[13-9-1793] Du 13 septembre.
La Convention nationale, sur la proposition d'un membre, Décrète que les émigrés, qui, rentrés en France, ne doivent pas, d'après la loi du 28 mars dernier, être jugés par une commission militaire, le seront par le tribunal criminel du département dans lequel ils auront été arrêtés.
La présente disposition aura lieu même à l'égard des émigrés actuellement détenus.
Décret qui prescrit des mesures pour accélérer la vente des biens des émigrés, et faciliter aux chefs de famille indigens et aux défenseurs de la patrie, les moyens d'en acquérir.
[13-9-1793] Du 13 septembre.
La Convention nationale, voulant accélérer la vente des biens des émigrés, et lever tous les obstacles qui la retardent, après avoir entendu le rapport de la commission des finances et du comité d'aliénation, réunis, décrète ce qui suit :
Art. I. L'art. XVIII de la loi du 2 septembre 1792 est rapporté. La Convention nationale statuera incessamment sur le sort des pères ou mères, femmes ou enfans des émigrés, dont le civisme sera reconnu.
II. L'article II de la section IV de la loi du 3 juin dernier est également rapporté. Les chefs de famille non propriétaires n'étant point compris sur les rôles d'impositions, résidant dans les communes où il n'y a point de terreins communaux, auront la faculté d'acheter des biens d'émigrés jusqu'à la concurrence de 500 livres chacun, payables en vingt années et vingt paiemens égaux, sans intérêts.
III. Pour l'exécution de l'article précédent, les conseils généraux de chaque commune où il n'y a pas de terreins communaux, dresseront, dans le délai d'un mois après la publication du présent décret, l'état des chefs de famille, ou veufs et veuves ayant des enfans, qui n'ont aucune propriété et qui ne sont point compris sur les rôles des impositions, et le feront passer à leur district.
IV. Le directoire du district vérifiera l'état mentionné en l'article précédent ; il délivrera aux citoyens qui y sont compris, qui justifieront d'un certificat de civisme en bonne forme, un bon pour être admis à acquérir des terres d'émigrés dans l'étendue du même district, jusqu'à la concurrence de la somme de 500 liv., payable aux termes portés en l'article II ci-dessus.
V. Les défenseurs de la patrie ne pouvant paroître eux-mêmes aux enchères des biens des émigrés, adresseront leur procuration à qui bon leur semblera, dans les lieux où ils voudront acquérir. Ils pourront acquérir jusqu'à la concurrence du montant du brevet de récompense qui leur sera accordé d'après le nombre de leurs campagnes, suivant le règlement qui sera présenté incessamment par le comité des finances.
VI. Les procurations des défenseurs de la patrie pourront être faites sous seing privé et sur papier libre ; elles contiendront la date de l'entrée au service des citoyens qui les souscriront, seront certifiées par leurs capitaines et leurs chefs de bataillon, et enregistrées sans frais.
VII. Au moyen des dispositions des deux articles précédens, la loi du 27 juin dernier est rapportée.
VIII. Les propriétés indivises avec les émigrés, reconnues non-partageables par le directoire du district, seront vendues en totalité ; l'acquéreur paiera au propriétaire le prix relatif à la quotité pour laquelle il a droit, d'après la reconnoissance qui en aura été faite par le directoire du district.
IX. Les biens, même partageables, possédés par indivis avec des émigrés, dont les propriétaires n'auront pas produit au district les titres qui assurent la quotité qui leur appartient, dans le délai d'un mois après la publication des présentes, seront vendus en totalité ; l'acquéreur paiera au propriétaire le prix relatif à la quotité pour laquelle il aura fait reconnoître ses droits par le directoire du district.
X. La quotité de ceux qui auront produit leurs titres dans le délai ci-dessus, sera distraite par deux arbitres nommés incontinent par le district, qui seront tenus de déterminer leur opération et en remettre le procès-verbal au directoire du district dans la quinzaine de leur nomination ; s'ils ne sont pas d'accord, le directoire nommera un troisième expert pour les départager.
XI. La vente des biens des émigrés se fera de suite, suivant les formalités prescrites par les lois, nonobstant toutes oppositions, sauf à statuer, après la vente, sur les réclamations de ceux qui prétendroient y avoir des droits.
Décret qui ordonne le séquestre des biens des pères & mères dont les
enfans sont émigrés.
[07-12-1793 17-frimaire-II] Du 17 frimaire.
La Convention nationale décrète, en principe, que les biens appartenans aux pères & mères qui ont des enfans mineurs émigrés, sont séquestrés & mis, dès ce moment, sous la main de la nation. Elle décrète pareillement que les biens des pères & mères dont les enfans majeurs sont émigrés, seront également séquestrés & mis sous la main de la nation, jusqu'à ce que les pères & mères aient prouvé qu'ils ont agi activement & de tout leur pouvoir pour empêcher l'émigration, & renvoie aux comités de salut public & de législation, réunis, pour présenter la rédaction & le mode d'exécution.
Décret qui régle la compétence du tribunal révolutionnaire de
Paris et des tribunaux criminels de la République.
[08-05-1794 19-floréal-II] Du 19 Floréal.
La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités de salut public et de législation, décrète :
Art. I. En exécution de l'article premier de la loi du 27 germinal sur la police générale de la République, le tribunal révolutionnaire établi à Paris connoîtra exclusivement, sauf les exceptions ci-après, de tous les crimes contre-révolutionnaires énoncés dans les lois des 10 mars, 1793, 23 ventôse et autres, en quelque partie de la République qu'ils aient été commis.
II. En conséquence, les tribunaux et commissions révolutionnaires établis dans quelques départemens par les arrêtés des représentans du peuple sont supprimés, et il ne pourra en être établi aucun à l'avenir, si ce n'est en vertu de décrets de la Convention nationale.
III. Pourra néanmoins le comité de salut public conserver les tribunaux ou commissions révolutionnaires qu'il jugera utiles, et autoriser, lorsque les circonstances l'exigeront, tels tribunaux criminels qu'il trouvera convenir, à juger, dans un arrondissement déterminé, et selon le mode prescrit par la loi du 30 frimaire, l'universalité ou partie des crimes réservés à la connoissance exclusive du tribunal révolutionnaire.
IV. Les tribunaux criminels continueront de connoître, concurremment avec le tribunal révolutionnaire, dans la forme prescrite par la loi du 30 frimaire, des crimes d'embauchage, de fabrication, distribution ou introduction de faux assignats.
Les lois des 19 mars et 9 avril 1793 et autres, sont rapportées en ce qu'elles ont de contraire tant au présent article qu'à l'article premier.
V. Les tribunaux criminels continueront pareillement de juger, dans les formes prescrites par les lois des 28 mars 1793, 30 vendémiaire et 26 frimaire, les émigrés et déportés rentrés en France, ainsi que les individus mis hors de la loi par les décrets des 7 et 17 septembre 1793, sans préjudice de la concurrence du tribunal révolutionnaire à l'égard des uns et des autres, et sans déroger aux dispositions des mêmes lois qui déterminent les cas où ils doivent être jugés par des commissions militaires.
VI. Il n'est pareillement rien innové aux dispositions de la loi du 16 juin 1793 sur la manière de juger les espions, ni à celles. des lois du 3 pluviôse et du 22 germinal sur la compétence des tribunaux criminels militaires.
VII. Les peines infligées aux fonctionnaires publics négligens ou coupables, soit par la section V de la loi du 14 frimaire, soit par toutes autres lois, seront poursuivies ainsi qu'il suit.
VIII. Les membres des commissions exécutives ne pourront être jugés que par le tribunal révolutionnaire, et ne pourront être traduits dans les maisons d'arrêt qu'après que leur arrestation aura été approuvée par le comité de salut public.
IX. Les juges criminels et les accusateurs publics seront jugés par le même tribunal. Ils pourront être mis en état de surveillance par les comités révolutionnaires ; mais ils ne pourront être traduits ou mis en état d'arrestation dans les maisons d'arrêt qu'en vertu de mandat du tribunal révolutionnaire, ou d'un arrêté du comité de salut public, ou de sûreté générale, ou des représentans du peuple envoyés dans les départemens ou près les armées.
X. Les officiers municipaux, les administrateurs de département et de district, les juges civils, les agens et commissaires nationaux, et tous les autres fonctionnaires publics compris dans la section V de la loi du 14 frimaire (les militaires exceptés) qui seront prévenus de négligence ou de délits non contre-révolutionnaires dans l'exercice de leurs fonctions, seront jugés par le tribunal criminel du département où ils sont employés, et il sera procédé à leur égard dans la forme prescrite par la loi du 30 frimaire.
XI. Quant aut militaires et aux individus attachés aux armées ou employés à leur suite, les régles de compétence établies par les lois des 3 pluviôse et 22 germinal continueront d'être exécutées pour les délits commis dans l'exercice de leurs fonctions comme pour tous autres.
XII. Les dispositions de la présente loi seront observées, même pour les délits antérieurs à la publication, sur lesquels il ne sera pas, à cette époque, intervenu de jugement définitif.
XIII. La présente loi ne sera adressée qu'aux tribunaux : son insertion an bulletin tiendra provisoirement lieu de publication.
A titre d’exemple, décret pris avant le 9 thermidor, date après laquelle de nombreuses radiations sont décrétées
Décret relatif au citoyen Hopton et à sa fille, Anglais.
[29-06-1794 11-messidor-II] Du 11 Messidor.
La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de législation sur la pétition du citoyen Thomas Hopton, et de la citoyenne Sara Hopton, sa fille, Anglais, établis en France depuis vingt-un ans, faiseurs de corsets pour femme, passe à l'ordre du jour, motivé sur l'article VI de la loi du 18 vendémiaire, et sur l'article premier de la loi du 28 germinal, additionnelle à celle du 27 du même mois.
Le présent décret ne sera pas imprimé ; il en sera adressé une expédition manuscrite au directoire du district de Versailles.
Décret portant que le nom du citoyen Denon, artiste, sera rayé
de la liste des émigrés du département de Saone-et-Loire.
[29-06-1794 11-messidor-II] Du 11 Messidor.
La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de législation sur la pétition du citoyen Denon, tendante, en sa qualité d'artiste, à obtenir sa radiation de la liste des émigrés du département de Saone-et-Loire, sur laquelle il a été inscrit, sans égard à l'exception portée en faveur des artistes par la loi du 28 mars 1793 ;
Décrète que le nom dudit citoyen Denon sera rayé de ladite liste.
Le présent décret ne sera point imprimé ; il en sera adressé une expédition manuscrite au directoire du district de Châlons.
Décret portant que le nom de Jacques Lebrecq, défenseur de la patrie à l'armée du Nord, sera rayé de la liste supplétive des émigrés du département de Maine-et-Loire.
[29-06-1794 11-messidor-II] Du 11 Messidor.
La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de législation sur la pétition de la citoyenne Lebrecq, tendante à obtenir la radiation du nom de Jacques Lebrecq, son frère, défenseur de la patrie à l'armée du Nord, de la liste supplétive des émigrés du département de Maine-et-Loire, où il a été inscrit pour n'avoir pas justifié, dans le mois, de sa résidence, dont il a pleinement justifié depuis ;
Décrète que le nom dudit Jacques Lebrecq sera rayé de la liste supplétive des émigrés du département de Maine-et-Loire.
Le présent décret ne sera point imprimé ; il en sera adressé une expédition manuscrite au département de Maine-et-Loire.
Décret portant que le nom du citoyen Aubert, président du tribunal du district du département de l'Oise, sera rayé de la liste des émigrés du département de la Somme.
Décret de renvoi au comité de législation, relatif aux citoyens qui, obligés de se tenir cachés, ont été portés sur la liste des émigrés.
[17-10-1794 26-vendémiaire-III] Du 26 Vendémiaire.
La Convention nationale renvoie au comité de législation la proposition d'un membre tendante à ce que les citoyens qui, pour se soustraire à d'injustes persécutions, ont été obligés de se tenir cachés, et ont été, par cette raison, portés sur la liste des émigrés depuis l'époque du premier vendémiaire de l'an II, soient admis à justifier de leur résidence par l'attestation de neuf témoins d'un civisme reconnu, encore qu'ils ne soient pas de la même commune ou section.
Décret concernant les émigrés.
[15-11-1794 25-brumaire-III] Du 25 Brumaire.
La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de la commission chargée de la révision des lois sur les émigrés, décrète ce qui suit :
TITRE PREMIER.
De l'émigration et de sa complicité.
SECTION PREMIÈRE.
De l'émigration.
ART. I. Sont émigrés :
1o. Tout Français qui, sorti du territoire de la République depuis le premier juillet 1789, n'y étoit pas rentré au 9 mai 1792.
2o. Tous Français qui, absens de leur domicile, ou s'en étant absentés depuis le 9 mai 1792, ne justifieroient pas dans les formes ci-après prescrites, qu'ils ont résidé sans interruption sur le territoire de la République depuis cette époque.
3o. Toute personne qui, ayant exercé les droits de citoyen en France, quoique née en pays étranger, ou ayant un double domicile, l'un en France et l'autre en pays étranger, ne constateroit pas également sa résidence depuis le 9 mai 1792.
4o. Tout Français convaincu d'avoir, durant l'invasion faite par les armées étrangères, quitté le territoire de la République non envahi, pour résider sur celui occupé par l'ennemi.
5o. Tout agent du gouvernement qui, chargé d'une mission auprès des puissances étrangères, ne seroit pas rentré en France dans les trois mois du jour de son rappel notifié.
6o. Ne pourra être opposée pour excuse la résidence dans les pays réunis à la République pour le temps antérieur à la réunion proclamée.
Exceptions.
II. Ne seront pas réputés émigrés :
1o. Les enfans de l'un et de l'autre sexe qui, au jour de la promulgation de la loi du 28 mars 1793, n'étoient pas âgés de quatorze ans, pourvu qu'ils soient rentrés en France dans les trois mois du jour de ladite promulgation, et qu'ils ne soient pas convaincus d'ailleurs d'avoir porté les armes contre la patrie.
2o. Les enfans de l'un et de l'autre sexe qui, ayant moins de dix ans à l'époque de la promulgation de la loi du 28 mars 1793, seront rentrés en France dans les trois mois du jour où ils auront atteint l'âge de dix ans accomplis.
3o. Les Français chargés de mission par le gouvernement dans les pays étrangers, leurs épouses, pères, mères, enfans, les personnes de leur suite et celles attachées à leur service, sans que celles-ci puissent être admises au-delà du nombre que chacun de ces fonctionnaires en emploie habituellement.
4o. Les négocians, leurs facteurs et les ouvriers notoirement connus pour être dans l'usage de faire, en raison de leur commerce ou leur profession, des voyages chez l'étranger, et qui en justifieront par des certificats authentiques des conseils généraux des communes de leur résidence, visés par les directoires de district, et vérifiés par les directoires de département ; les épouses et enfans desdits négocians demeurant avec eux, leurs commis et les personnes employées à leur service dans le nombre que chacun d'eux en entretient habituellement, à la charge par ceux qui sont sortis de France depuis la loi du 9 février 1792, de justifier de passe-ports dans lesquels les épouses, enfans, commis et personnes employées à leur service auront été dénommées et signalées.
5o. Les Français qui, n'ayant aucune fonction publique, civile ou militaire, justifieront qu'ils se sont livrés à l'étude des sciences, arts et métiers, qu'ils ont été notoirement connus avant leur départ pour s'être consacrés exclusivement à ces études, et ne s'être absentés que pour acquérir de nouvelles connoissances dans leur état.
Ne seront pas compris dans la présente exception, ceux qui n'ont cultivé les sciences et les arts que comme amateurs, ni ceux qui, ayant quelque autre état, ne font pas leur profession unique de l'étude des sciences et arts, à moins que, par des arrêtés des conseils-généraux des communes de leur résidence, visés et vérifiés par les directoires de district et de département antérieurement au 10 août 1792, ils n'eussent été reconnus être dans l'exception portée par l'article VI de la loi du 8 avril 1792 en faveur des sciences et des arts.
6o. Les enfans que leurs parens, leurs tuteurs ou ceux qui en sont chargés, ont envoyés en pays étranger pour apprendre le commerce ou pour leur éducation, à la charge de fournir des certificats délivrés par les conseils-généraux des communes de leur résidence, visés et vérifiés par les directoires de district et de département, lesquels constateront qu'il est notoirement connu que lesdits enfans, ont été envoyés pour le commerce ou leur éducation.
7o. Les Français établis ou naturalisés en pays étranger antérieurement au premier juillet 1789. Mais ils sont assujettis, pour ce qui concerne les biens qu'ils possèdent en France, aux dispositions des décrets relatives aux différentes nations chez lesquelles ils résident.
III. Quant aux Français absens avant le premier juillet 1789, et n'ayant point d'établissement en pays étranger antérieurement à cette époque, qui n'étoient pas rentrés en France au 11 brumaire deuxième année, leurs propriétés sont mises sous la main de la nation ; il leur est défendu de rentrer en France tant que durera la guerre, à peine d'être détenus, par mesure de sûreté, jusqu'à la paix.
Ils seront néanmoins assimilés aux émigrés, ainsi que ceux désignés dans le paragraphe précédent, s'ils se sont retirés, depuis les hostilités commencées, sur le territoire des puissances en guerre contre la France, ou si n'ayant point, avant l'époque desdites hostilités, habité d'autre territoire que celui des puissances en guerre avec la France, ils se sont retirés depuis dans les électorats et évêchés du Rhin, dans les cercles intérieurs de l'empire, ou dans le cercle de Bourgogne.
IV. Sont exceptés des dispositions de l'article précédent, relativement à leurs biens,
Les Français absens depuis plus de dix ans avant le premier juillet 1789 dont l'existence étoit ignorée avant cette époque, et a depuis continué de l'être.
V. Les Suisses et leurs alliés composant la confédération helvétique ne sont point compris dans les dispositions de la présente loi.
SECTION II.
De l'émigration dans les pays réunis à la République.
VI. Sont émigrés :
Département du Mont-Blanc.
1o. Tous ci-devant Savoisiens qui, domiciliés dans le département du Mont-Blanc, en sont sortis depuis le premier août 1792, et n'étoient pas rentrés sur son territoire ou toute autre partie de la République, au 27 janvier 1793.
Département des Alpes-Maritimes.
2o. Tous citoyens domiciliés dans le ci-devant comté de Nice, qui en sont sortis depuis le 27 septembre 1792, et dans la ci-devant principauté de Monaco, qui s'en sont absentés depuis le 30 décembre de la même année, s'ils ne justifient qu'ils étoient rentrés sur leurs territoires respectifs, ou sur toute autre partie de celui de la République ; savoir, ceux domiciliés dans le ci devant comté de Nice, au 25 mars 1793, et ceux dans la ci-devant principauté de Monaco, au premier avril de la même année.
Département du Mont-Terrible.
3o. Tous citoyens domiciliés dans la ci-devant Rauracie qui, sortis de son territoire depuis le 23 mars 1793, n'étoient pas rentrés sur celui de la République au 23 mai suivant.
Autres pays réunis à la République.
4o. Tous citoyens domiciliés dans les pays réunis à la République autres que ceux dénommés ci-dessus, qui en étoient sortis depuis l'émission du voeu des habitans pour leur réunion, n'y sont pas rentrés dans le délai de trois mois à compter du jour où le décret de ladite réunion à la République a été proclamé.
VII. Les exceptions prononcées en faveur des Français compris dans les dispositions de l'article II du présent titre, sont applicables aux citoyens des pays réunis à la République, qui justifieront être dans les mêmes circonstances.
VIII. Quant aux citoyens des pays réunis à la République, absens avant l'époque de leurs révolutions respectives, et non établis en pays étranger antérieurement à cette même époque, qui n'étoient pas rentrés sur le territoire de la République au premier messidor deuxième année, ils sont assimilés aux Français en ce qui concerne les dispositions de l'article III du présent titre ; leurs biens sont également mis sous la main de la nation, et il leur est défendu de rentrer sur le territoire de la République tant que durera la guerre, à peine d'être détenus jusqu'à la paix, ou traités comme les émigrés, s'ils ont participé à leurs complots, ou porté les armes contre la République depuis la réunion de leurs pays respectifs.
SECTION III.
Complices des émigrés.
IX. Sont réputés complices des émigrés, ceux qui seront convaincus d'avoir, depuis le 9 mai 1792,
1o. Favorisé les projets hostiles des émigrés ;
2o. De leur avoir fourni des armes, des chevaux, des munitions, ou toutes autres provisions de guerre, ou des secours pécuniaires ;
3o. D'avoir envoyé leurs enfans ou soudoyé des hommes sur terre étrangère ;
4o. D'avoir provoqué à l'émigration et fait émigrer des citoyens par séduction, promesses ou sommes données ;
5o. D'avoir sciemment recelé des émigrés ou facilité leur rentrée sur le territoire de la République ;
6o. D'avoir fabriqué de faux certificats de résidence pour les émigrés.
TITRE II.
Des certificats de résidence.
SECTION PREMIERE.
Des certificats de résidence des non prévenus d'émigration.
ART. I. Tout citoyen non prévenu d'émigration, absent de son domicile, justifiera légalement de sa résidence sur le territoire de la République, en produisant au directoire du district dudit domicile un certificat revêtu des formes qui vont être prescrites et dont le modèle sera joint à la présente loi.
Sont exceptés de la disposition du présent article les représentans du peuple, qui demeurent dispensés de rapporter des certificats de résidence pour prouver leur non émigration, pendant la durée tant de la session de la Convention nationale que de celle de l'Assemblée législative.
II. Le certificat exigé par l'article précédent sera délivré par le conseil-général de la commune ou par l'assemblée de section de la résidence à certifier, sur l'attestation de trois témoins domiciliés dans ladite commune ou section.
Il désignera le lieu de la résidence, et spécialement la maison où le certifié demeure ou aura demeuré ; il contiendra en outre les nom, surnom, prénom, profession et signalement dudit certifié.
III. Le certificat sera signé, ainsi que les registres sur lesquels il sera inscrit, par les attestans et le certifié, an moment où celui-ci se présentera pour l'obtenir. Si le certifié, les attestans ou quelques uns d'eux ne savent pas signer, il en sera fait mention sur le certificat et sur les registres.
Le certificat ne sera délivré par la municipalité ou assemblée de section, qu'après avoir été publié et affiché pendant trois jours à la porte de la maison commune. Il sera visé par le directoire du district, et soumis à l'enregistrement dans la décade du visa.
IV. Les certificats dont peuvent avoir justifié les citoyens non prévenus d'émigration, d'après les formes déterminées par les lois précédentes, vaudront pour parfaire la continuité de la résidence exigée par la loi.
V. L'absence pour voyage dans l'intérieur de la République n'interrompra pas la continuité de résidence, pourvu qu'elle soit justifiée par des passe-ports visés par les municipalités.
SECTION II.
Des certificats de résidence des prévenus d'émigration.
VI. Les prévenus d'émigration seront tenus, pour justifier de la résidence exigée par la loi, de représenter les certificats de huit citoyens domiciliés dans la commune de la résidence à certifier, y compris le propriétaire ou le principal locataire de la maison dans laquelle le certifié demeure ou aura demeuré.
A défaut du propriétaire ou du principal locataire le certifié pourra y suppléer par le témoignage de deux citoyens domiciliés dans ladite commune, lesquels, ainsi que les autres attestans, excepté les propriétaires ou principaux locataires, ne seront ni parens, ni alliés, ni fermiers, ni créanciers, ni débiteurs, ni agens des certifiés, ni employés à leur service.
VII. Le certificat contiendra les mêmes désignations que celles exprimées à l'article II du présent titre, et sera soumis, ainsi que les registres, quant à la signature, aux formalités prescrites par l'article III suivant. Il sera publié et affiché pendant six jours, tant dans la commune de la résidence à certifier, que dans le chef-lieu du canton dans l'arrondissement duquel se trouve ladite commune, et ne pourra être délivré que cinq jours après lesdites publication et affiche.
VIII. La signature du certifié sur les registres des municipalités ou sections, et sur les certificats, est de forme essentielle. Il ne pourra y être dérogé que dans les cas ci-après déterminés.
IX. Dans les communes où il existe des assemblées de section, le certificat sera délivré dans l'assemblée générale de la section de la résidence à certifier, il sera visé et vérifié par le conseil-général de la commune, directoire du district et l'administration du département ; il sera signé par six membres au moins, tant de l'assemblée générale de la section que du conseil-général de la commune, et par deux membres au moins du directoire du district et de l'administration du département, sans qu'aucune signature, même celle du secrétaire, puisse être suppléée par une griffe. Ledit certificat devra, pour valoir, être enregistré dans la décade du visa du département.
Le visa de l'administration du département suffira provisoirement pour valider les certificats de résidence délivrés par les assemblées de section de Paris.
X. Les certificats délivrés jusqu'à présent, d'après les formes prescrites par la loi du 28 mars 1793, aux citoyens portés sur les listes des émigrés ou dont les biens ont été séquestrés, seront valables pour constater leur résidence.
XI. A l'avenir, les prévenus d'émigration qui auroient produit des certificats depuis le 9 mai 1792, ne seront tenus de constater leur résidence, ainsi qu'il est prescrit par la présente section, que pour le temps qui se sera écoulé depuis l'époque où ils auront obtenu le dernier certificat, pourvu d'ailleurs que la continuité de leur résidence antérieure ait été justifiée d'après les dispositions des lois alors existantes.
XII. Les certificats pour les prévenus d'émigration seront faits conformément au modèle qui sera joint à la présente loi.
SECTION III.
Des certificats de résidence des membres de la Convention nationale,
des fonctionnaires publics et des militaires.
XIII. Les certificats délivrés aux membres de la Convention nationale par le président et les secrétaires, portant qu'ils sont à leur poste, suffiront pour constater leur résidence, et leur tiendront lieux, dans tous les cas, de tous autres certificats.
XIV. La résidence des fonctionnaires publics nommés par le peuple ou par le gouvernement sera constatée par un certificat du conseil-général de la commune où ils exercent leurs fonctions.
Le certificat indiquera leurs nom, prénom, signalement, et l'époque depuis laquelle ils ont résidé dans ladite commune comme fonctionnaires publics.
II sera visé par le directoire du district, et soumis à l'enregistrement dans la décade du visa.
XV. Tout militaire employé dans les armées de la République sera admis à justifier de sa résidence sur le territoire français, pour le temps de son activité de service, par un certificat du conseil d'administration du bataillon du corps militaire dans lequel il sert ou a servi précédemment.
XVI. Ce certificat contiendra, avec son signalement, ses nom, prénom, âge, grade, domicile, et l'époque depuis laquelle il est entré dans ledit bataillon ou corps militaire, ou depuis laquelle il en est sorti, et sera visé par le commissaire des guerres.
XVII. Le certificat de résidence sera délivré aux officiers de l'état-major, ainsi qu'à ceux qui ne tiennent à aucun corps particulier, par deux membres de l'état-major, en chef, ou le général de division, ou le général de brigade, et par le commissaire des guerres.
XVIII. Quant aux citoyens attachés aux différens services de l'armée, leur résidence sera attestée tant par le chef sous lequel ils sont immédiatement employés, que par quatre citoyens faisant le même service. Le certificat sera visé par un commissaire des guerres.
XIX. Le fonctionnaire public, le militaire ou le citoyen attaché au service de l'armée, porté sur la liste des émigrés, qui seroit dans la nécessité de constater sa résidence pour un temps antérieur à son activité de service, fera présenter, par un fondé de pouvoirs, le certificat qui lui a été délivré d'après les dispositions des articles précédens, au conseil-général de la commune, ou assemblée de section, de la résidence à certifier.
XX. Sur la déclaration du fondé de pouvoirs et de quatre autres citoyens domiciliés dans la commune ou section, que la personne désignée dans le certificat représenté est la même que celle dont ils attestent la résidence, le conseil-général ou l'assemblée de section délivrera au certifié entre les mains de son fondé de pouvoirs, et d'après les formes prescrites par l'article III du présent titre, un certificat pour le temps qu'il aura résidé dans ladite commune ou section.
SECTION IV.
Des certificats de résidence dans le cas d'impossibilité de déplacement.
XXI. Tout citoyen, autre que les fonctionnaires publics et les militaires, qui se trouvera dans l'impossibilité absolue de se transporter dans la commune de la résidence à certifier, pour être présent à la délivrance du certificat, et signer le registre, présentera ses motifs au directoire du district, qui les jugera d'après les observations de la municipalité de sa résidence actuelle.
XXII. Si la réclamation est reconnue légitime, la municipalité, sur la présentation de l'arrêté qui l'aura admise, délivrera au réclamant une attestation d'impossibilité de transport, qui contiendra, avec son signalement, ses nom, prénom, ci-devant qualité ou profession, et l'indication de son domicile actuel. Elle sera signée par le réclamant et inscrite sur le registre de la municipalité.
XXIII. Cette attestation sera présentée, l'identité affirmée, et le certificat de résidence délivré ainsi qu'il est prescrit par les articles XIX et XX du présent titre. Le nombre des attestans sera dans la proportion indiquée par l'article II ou VI de ce même titre, selon que le réclamant sera ou non prévenu d'émigration.
XXIV. A l'égard des détenus, l'extrait de leur écrou, auquel sera joint leur signalement, signé par eux et le concierge, et visé par la municipalité du lieu de la détention, suppléera à l'attestation prescrite par l'article XXII.
SECTION V.
Dispositions générales concernant les certificats de résidence.
XXV. Tous citoyens tenus de justifier de leur résidence, aux termes de l'article premier du présent titre, répéteront l'envoi de leurs certificats, tous les trois mois, au directoire du district de leur domicile seulement.
XXVI. Il sera tenu note, sur un registre particulier, de ces certificats, qui resteront déposés au bureau de l'administration ; le directoire du district n'en délivrera de récépissé qu'après avoir examiné s'ils sont conformes à la loi, et il en sera fait mention sur ledit récépissé.
XXVII. Les citoyens qui auront acquis un nouveau domicile depuis six mois, ne seront plus tenus de justifier de leur résidence au directoire du district de celui qu'ils avoient précédemment, après qu'ils auront rapporté au directoire du district de leur nouveau domicile, des certificats en règle, constatant la continuité de leur résidence sur le territoire de la République depuis le 9 mai 1792, et déclaré à celui de leur domicile antérieur le lieu où ils ont fixé leur domicile actuel. Cette déclaration sera certifiée par la municipalité ou section, et visée par le directoire du district du lieu de la nouvelle résidence.
XXVIII. Les conseils-généraux des communes ou sections se borneront à la délivrance des certificats de résidence pour le temps qu'elle a eu lieu dans leur arrondissement, sans exiger la preuve de la résidence dans les autres municipalités.
XXIX. Pourront néanmoins les conseils-généraux de commune, ou les sections, faire, à la suite de leurs certificats, mention de ceux qui leur seroient représentés par les certifiés, constatant leur résidence antérieure dans d'autres communes ; mais le temps de cette résidence ne sera compté, pour lesdits certifiés, qu'autant que les certificats par lesquels il en est justifié, seront vérifiés et jugés conformes à la loi par les directoires de district, qui les exprimeront dans leur visa.
XXX. Les maires, les officiers municipaux, et tous les membres des conseils-généraux ou des assemblées générales de sections, sont garans des faits relatifs au domicile et à la résidence des certifians.
XXXI. Les assemblées générales des sections auront la faculté de rejeter le témoignage des certifians ; mais elles ne pourront, le faire, ni refuser des certificats à ceux qui leur en feront la demande, sans donner leurs motifs. Les directoires de district prononceront dans les huit jours sur les réclamations qui leur seront présentées à cet égard.
XXXII. S'il s'élève quelque doute ou quelques difficultés sur la forme des certificats, leur validité sera jugée par les directoires de district.
XXXIII. Les témoins qui, dans les certificats de résidence, auront attesté des faits faux, seront condamnés à six années de gène ; ils seront en outre solidairement responsables, sur tous leurs biens, des pertes que le faux aura occasionnées à la République.
XXXIV. Les agens nationaux et les directoires de district seront tenus, sur leur responsabilité, de dénoncer aux accusateurs publics des tribunaux criminels les fraudes et les faux relatifs aux certificats de résidence, aussitôt qu'ils seront parvenus à leur connoissance, pour qu'il soit procédé sans délai contre les prévenus, d'après les formes prescrites par la loi.
XXXV. Les frais d'expédition et de délivrance des certificats de résidence seront à la charge des certifiés. Il sera payé 10 sous par certificat, et 15 sous pour l'enregistrement.
SECTION VI.
De la vérification des certificats délivrés aux prévenus
d'emigration.
XXXVI. Tous citoyens qui ont été portés jusqu'à présent sur les listes des émigrés du district de leur domicile, seulement les militaires et les fonctionnaires publics exceptés, seront tenus de rapporter à l'administration de ce même district, dans le délai de trois mois, à compter de la publication de la présente loi, une attestation des municipalités dont ils ont représenté les certificats, pour justifier de leur résidence, et être rayés desdites listes, laquelle énoncera que lesdits certificats leur ont été réellement délivrés, et indiquera en même temps, avec leur date, le temps de la résidence qu'ils certifient.
XXXVII. Dans le cas où les registres des municipalités, sur lesquels les certificats ont été inscrits, auroient été enlevés ou incendiés, le directoire du district aux bureaux duquel ont dû être déposés les certificats, les enverra sans délai, sur la demande des certifiés, aux municipalités qui les ont délivrés ; pour qu'elles les reconnaissent et les vérifient.
XXXVIII. Il est défendu aux citoyens dont les certificats de résidence doivent être vérifiés d'aliéner leurs biens pendant le délai fixé par l'article XXXVI ; les municipalités sont chargées de dénoncer les infractions de la loi à cet égard aux directoires de district, ainsi que les dilapidations qui pourroient être commises par les propriétaires, sur ces mêmes biens.
XXXIX. Il sera procédé, à l'égard de ceux qui n'auront point satisfait aux dispositions de l'article XXXVI ci-dessus, comme envers les prévenus d'émigration.
TITRE III.
Des listes des émigrés.
SECTION PREMIERE.
De la formation des listes des émigrés de district.
ART. I. Les directoires de district sont spécialement et exclusivement chargés de la formation des listes des émigrés.
II. Aussitôt la réception de la présente loi, et successivement tous les trois mois, les municipalités formeront un état des citoyens absens dont le domicile ou les biens peuvent se trouver dans leur arrondissement, avec désignation de leurs nom, prénom, surnom, ci-devant qualité ou profession, et de l'époque de leur absence : elles seront tenues de le faire parvenir, dans la décade, aux directoires de district.
III. Ne seront point compris dans ledit état, à raison de leur domicile, les citoyens reconnus par les municipalités pour être fonctionnaires publics ou attachés au service militaire de la République, ou, à raison de leurs biens, ceux qui le seront pour être domiciliés dans l'étendue du district ou des districts voisins.
IV. Les administrations de département feront également passer, dans la décade de la publication de la présente loi, aux directoires de district, les pièces qu'elles pourroient avoir concernant la résidence des citoyens de leurs arrondissemens respectifs.
V. Les directoires de district dresseront de suite, et ainsi successivement, d'après les états et renseignemens mentionnés ci-dessus, la liste de ceux qui se trouveront prévenus d'émigration pour n'avoir pas justifié de leur résidence aux termes de la loi.
VI. Cette liste contiendra les mêmes désignations que celles exprimées en l'article II du présent titre, avec indication de la situation des biens des prévenus d'émigration. La commission des revenus nationaux en adressera le modèle aux directoires de district.
VII Ladite liste sera imprimée, publiée et affichée dans le délai d'une décade, à dater du jour où elle aura été arrêtée. Les directoires de district seront tenus d'en adresser, dans le même délai, deux exemplaires certifiés à la commission des revenus nationaux. Ils en feront également passer à l'administration de leur département un nombre suffisant pour être affichés et publiés dans les chefs-lieux de canton des districts de son arrondissement.
VIII. Tous les citoyens pourront dénoncer les émigrés omis sur les listes aux directoires de district, qui seront tenus de statuer sur la dénonciation, et de faire réparer l'omission, s'il y a lieu.
SECTION II.
Formation de la liste générale des émigrés.
IX. La commission des revenus nationaux formera successivement et arrêtera, tous les mois, une liste générale, par ordre alphabétique, des émigrés de toute la République, d'après les listes particulières qui lui seront transmises par les directoires de district.
X. Le nombre des exemplaires de cette liste générale est fixé à cinq mille. Il en sera remis une quantité suffisante à chacune des commissions exécutives, pour être par elles adressés aux corps administratifs, aux autorités constituées et aux agens qui leur sont respectivement subordonnés dans l'exercice du pouvoir qui leur est confié.
XI. Il en sera distribué un exemplaire à chaque député à la Convention nationale.
XII. La commission des revenus nationaux est spécialement chargée d'envoyer cette liste générale aux directoires de district, aussitôt qu'elle aura été imprimée.
XIII. Les directoires de district ne feront point imprimer la liste générale des émigrés ; mais ils seront tenus d'en annoncer, par voie de proclamation, le dépôt, au secrétariat de leur administration, avec l'indication des lettres initiales des noms des émigrés qui s'y trouveront compris, dans la décade du jour où ils l'auront reçue, afin que les citoyens puissent en venir prendre communication. Ils adresseront à la commission des revenus nationaux un exemplaire certifié de ladite proclamation, dans les trois jours où elle aura été publiée.
SECTION III.
Des réclamations contre l'inscription sur les listes des émigrés.
XIV. Aucun citoyen ne pourra être porté par la suite sur la liste des émigrés d'un district autre que celui du lieu de son domicile ; ses biens ne pourront également y être séquestrés que dans les cas prévus par les articles suivans.
XV. Les directoires de district formeront un état des personnes absentes, possessionnées dans leur arrondissement, sans y être domiciliées, d'après celui qui doit leur être transmis, aux termes de l'article II du présent titre, par les municipalités. Ils compareront cet état avec les listes générales des émigrés, aussitôt qu'elles leur seront parvenues. Si les personnes portées sur ledit état se trouvent comprises sur ces listes, leurs biens seront de suite mis sous la main de la nation.
XVI. Pourra néanmoins le séquestre être apposé sur les biens de ces mêmes personnes, avant la réception des listes générales des émigrés, d'après les preuves que les directoires de district pourroient se procurer de la non-justification de leur résidence sur le territoire de la République.
XVII. Les citoyens portés sur les listes des émigrés du district : du lieu de leur domicile, qui n'auront pas réclamé dans le délai de cinq décades, à compter du jour de la publication de ladite liste, seront présumés émigrés.
XVIII. Il en sera de même de ceux qui, ayant réclamé à l'avenir en temps utile, ne justifieront pas dans le mois, à partir, du jour de l'expiration du délai fixé par l'article précédent, de la continuité de leur résidence sur le territoire de la République, depuis l'époque fixée par la loi.
XIX. Dans le cas où un citoyen porté sur la liste des émigrés seroit décédé sur le territoire de la République avant d'avoir pu justifier de sa résidence, les municipalités sont autorisées à délivrer un certificat pour le temps que le décédé, prévenu d'émigration, a demeuré dans leur arrondissement, d'après les formes légales, à la charge, par les parties intéressées qui réclameront ce certificat, de signer tant sur les registres que sur ledit certificat, et de se conformer d'ailleurs au délai prescrit par la loi.
XX. Il ne pourra être procédé à la vente des meubles ou immeubles des citoyens portés sur les listes des émigrés, avant l'expiration des délais prescrits par les articles précédens ou jugement définitif de leurs réclamations faites en temps utile, mais seulement aux recouvremens qui écherront, et au renouvellement des baux expirés ou expirans. Les frais du séquestre seront à la charge des prévenus d'émigration.
XXI. Les directoires de district prononceront sur les réclamations des prévenus d'émigration, dans la quinzaine, à compter du jour où les pièces auront été déposées au bureau de leur administration, et, lorsqu'il s'agira de justification de résidence, dans la décade, au plus tard, de l'expiration du délai fixé par la loi.
XXII. Les arrêtés des directoires de district ne seront que provisoires. Le comité de législation est chargé de prononcer définitivement, d'après lesdits arrêtés, sur les réclamations contre les listes et toutes celles concernant le personnel des émigrés. Il lui sera adjoint, à cet effet, cinq nouveaux membres.
XXIII. Les arrêtés qui auront rejeté les réclamations des prévenus d'émigration, seront adressés au comité de législation dans les trois jours où ils auront été pris. Ceux, au contraire, qui leur auront été favorables, ne lui seront envoyés qu'après que l'agent national du district se sera procuré des renseignemens ultérieurs sur les prévenus d'émigration, de la part des communes et des administrations de département et de district où les certificats de résidence leur auront été délivrés ; ce qu'il sera tenu de faire dans le mois, à compter de la même époque.
XXIV. Aussitôt le mois expiré, le directoire du district prononcera sur les dénonciations ou réclamations qui pourroient lui être parvenues à la charge des prévenus d'émigration : dans le cas où il n'en existeront pas, il en adressera une déclaration pour être jointe à ses arrêtés, qu'il enverra de suite au comité de législation.
XXV. Sont exceptés de cette dernière disposition les arrêtés concernant les réclamations des fonctionnaires publics et des militaires, et des citoyens employés dans le service des armées de la République, lesquels seront transmis de suite au comité de législation.
XXVI. Les décisions du comité de législation seront exécutées sans recours, soit qu'elles ordonnent la radiation sur les listes générales des émigrés, soit qu'elles renvoient aux tribunaux criminels des départemens, pour les cas qui seront susceptibles de l'application des peines portées par la loi, ou qu'elles rejettent les demandes en exceptions qui ne seroient pas fondées.
XXVII. Le comité de législation, aussitôt qu'il aura prononcé, transmettra ses décisions aux directoires de district : celles favorables aux prévenus d'émigration seront publiées à la diligence de l'agent national, dans les communes de leur domicile et de la situation de leurs biens.
XXVIII. L'état de ceux qui auront obtenu la radiation de leurs noms sur la liste des émigrés, sera imprimé à la suite des listes générales supplémentaires des émigrés de la République. Le comité de législation fera passer, à cet effet, à la commission des revenus nationaux, l'extrait sommaire des arrêtés qui auront prononcé ces radiations.
XXIX. Les arrêtés des directoires de district sur les réclamations tendantes à obtenir la main-levée du séquestre, quoique le prévenu d'émigration ne soit pas porté sur la liste des émigrés, ne seront aussi que provisoires ; ils devront, dans ce cas, être également soumis à la décision définitive du comité de législation.
Des réclamations des prévenus d'émigration portés actuellement
sur les listes des émigrés.
XXX. Les administrations de département remettront, dans la décade de la publication de la présente loi, aux directoires de district de leur arrondissement, les réclamations et les pièces à l'appui des prévenus d'émigration, qu'elles peuvent avoir dans leurs bureaux, afin qu'il y soit statué, ainsi qu'il vient d'être prescrit : elles feront parvenir de suite au comité de législation celles sur lesquelles elles pourroient avoir prononcé.
XXXI. Ceux qui, étant actuellement en réclamation, soit auprès de la Convention nationale, soit auprès des corps administratifs ou du ci-devant conseil exécutif, contre leur inscription sur les listes des émigrés ou le séquestre de leurs biens, n'auroient pas joint ou ne joindroient pas à l'appui de leurs mémoires, dans le délai de quatre décades, à compter de la publication de la présente loi, sauf les cas d'impossibilité constatée, les certificats en règle qui attestent leur résidence sur le territoire français, seront déchus de leurs réclamations et réputés émigrés.
XXXII. Seront également réputés émigrés ceux qui, portés sur les listes des émigrés, dans les cinq décades qui ont précédé la promulgation de la présente loi, n'auront pas réclamé, dans cinquante jours, à compter de celui de la publication desdites listes, ou qui, ayant réclamé dans ce délai, n'auront pas par suite justifié de leur résidence dans quatre décades, à partir du jour où ledit délai sera expiré.
XXXIII. Les prévenus d'émigration mentionnés en l'article XXXI ci-dessus, qui auront légalement justifié de leur résidence, même ceux qui n'auroient réclamé que postérieurement aux délais fixés par les lois antérieures, seront réintégrés dans leurs propriétés, à la charge par eux de payer les frais du séquestre.
XXXIV. Les ventes néanmoins des biens de ceux qui n'auront point réclamé ou constaté leur résidence en temps utile, aux termes de la loi du 28 mars 1793, seront maintenues en faveur des acquéreurs, sauf le droit des ci-devant propriétaires au remboursement du capital, d'après les conditions desdites ventes.
XXXV. Tous arrêtés pris en faveur des prévenus d'émigration, qui auront été exécutés sans avoir été préalablement soumis à la décision du ci-devant conseil exécutif, seront nuls. En conséquence il est ordonné aux corps administratifs de les transmettre, dans le mois de la publication de la présenté loi, au comité de législation. Les prévenus d'émigration, dans ce cas, seront tenus de donner caution de la valeur de leur mobilier, et ne pourront aliéner leurs immeubles jusqu'au jugement définitif de leur réclamation.
XXXVI. Le comité de législation référera à la Convention nationale, tant pour ce qui concerne les réclamations actuelles que celles à venir, des cas sur lesquels la loi n'aura pas spécialement prononcé.
TITRE IV.
Peines contre les émigrés et leurs complices.
SECTION PREMIERE.
ART. I. Les émigrés sont bannis à perpétuité du territoire français, et leurs biens sont acquis à la République.
II. L'infraction de leur bannissement sera punie de mort.
III. Les enfans émigrés qui seroient rentrés ou rentreroient sur le territoire de la République après les délais fixés par la loi pour leur rentrée, seront déportés s'ils n'ont pas atteint l'âge de seize ans, et punis de mort s'ils enfreignent leur bannissement après être parvenus à cet âge.
IV. Ceux qui, domiciliés dans les pays réunis à la République, ne seront rentrés dans ces mêmes pays ou sur toute autre partie du territoire français que postérieurement aux époques après lesquelles ils ont dû être considérés comme émigrés, seront tenus d'en sortir dans les deux décades de la publication de la présente loi, à peine d'être traités comme les émigrés qui ont enfreint leur bannissement, ou déportés dans le même délai, s'ils sont actuellement en état de détention.
V. Les complices des émigrés, désignés dans les paragraphes I, II, III, IV de l'article IX du titre premier de la présente loi, seront punis de la même peine que les émigrés.
VI. Seront condamnés à dix années de fers, ceux qui auront fabriqué de faux certificats de résidence pour les émigrés, et à quatre années de la même peine, ceux convaincus d'avoir sciemment recelé des émigrés ou facilité leur rentrée sur le territoire français ; ils seront en outre responsables, sur leurs biens, des dommages que leur délit aura pu occasionner à la République.
SECTION II.
Peines contre ceux qui ne sont rentrés en France que depuis le
9 février 1792, au 9 mai suivant.
VII. La disposition de l'article XXIV de la loi du 8 avril 1792, qui soumet au paiement d'une indemnité équivalente au double de leurs impositions foncière et mobilière pour 1792, ceux qui ne sont rentrés sur le territoire de la République que dans l'intervalle du 9 février de la même année au 9 mai suivant, est maintenue.
TITRE V.
Jugement et condamnation des émigrés et de leurs complices.
SECTION PREMIERE.
Jugement des émigrés.
ART. I. Tout émigré qui rentrera ou sera rentré sur le territoire de la République contre les dispositions de la loi, sera conduit devant le tribunal criminel du département, qui le fera traduire dans la maison de justice.
II. Si le département dans l'étendue duquel l'émigré aura été saisi, est celui de son domicile ordinaire, l'accusateur public sera tenu de faire reconnoître, sans délai, si la personne du prévenu est la même que celle dont l'émigration est constatée par les listes des émigrés.
III. Il fera citer à cet effet des citoyens d'un civisme reconnu, an moins au nombre de deux, résidant dans la commune du domicile du prévenu, ou, à leur défaut, dans les communes circonvoisines ; le prévenu comparoîtra devant eux à l'audience, où ils seront entendus publiquement, et toujours en présence de deux commissaires du conseil général de la commune où le tribunal est établi. S'ils affirment l'identité, les juges prononceront contre l'émigré la peine de mort ou de déportation, aux termes des articles II et III du titre IV de la présente loi.
IV. Le jugement sera exécuté dans les vingt-quatre heures, sans qu'il puisse y avoir lieu à aucun sursis, recours ou demande en cassation.
V. Dans le cas où le prévenu d'émigration prétendront être encore dans le délai de justifier de sa résidence sur le territoire français, ou de faire valoir en sa faveur quelques dispositions de la loi, le tribunal le fera retenir à la maison de justice, et enverra sur-le-champ sa réclamation au directoire du district. Celui-ci prononcera dans les trois jours du renvoi, et transmettra de suite son arrêté au comité de législation.
VI. Les émigrés arrêtés dans un département autre que celui de leur domicile, pourront être jugés par le tribunal criminel de ce même département, s'il y a contre eux des preuves de conviction ; mais, s'il est nécessaire de constater l'identité, ou s'ils ont des réclamations à faire valoir, ils seront de suite conduits, sous sûre escorte, dans la maison de justice du département de leur dernier domicile.
VII. Tous les Français émigrés qui seront pris faisant partie des rassemblemens armés ou non armés, ou ayant fait partie desdits rassemblemens ; ceux qui ont été ou seront pris, soit sur les frontières, soit en pays ennemi, ou dans celui occupé par les troupes de la République, s'ils ont été précédemment dans les armées ennemies ou dans les rassemblemens d'émigrés ; ceux qui auront été ou se trouveront saisis de congés ou de passe-ports délivrés par les chefs français émigrés, ou par les commandans militaires des armées ennemies, sont réputés avoir servi contre la France. Ils seront en conséquence jugés dans les vingt-quatre heures par une commission militaire, composée de cinq personnes nommées par l'état-major de la division de l'armée dans l'étendue de laquelle ils auront été arrêtés.
VIII. Aussitôt après le jugement qui les aura déclarés convaincus des crimes énoncés en l'article précédent, ils seront livrés à l'exécuteur et mis à mort dans les vingt-quatre heures.
IX. Il en sera de même de tous étrangers qui, depuis le 14 juillet 1789, ont quitté le service de la République, et se sont, après avoir abandonné leur poste, réunis aux émigrés.
X. Les commissions militaires renverront les émigrés qui ne se trouveront pas dans les cas prévus par l'article VII, devant les tribunaux criminels des départemens de leur domicile respectif.
XI. Les procès-verbaux d'exécution seront envoyés dans la huitaine à la commission chargée de l'organisation et du mouvement des armées de terre, qui les fera passer à la Convention nationale.
XII. Les émigrés ne pourront, dans aucun cas, être jugés par jury.
XIII. Il n'est point dérogé, par la présente loi, à la disposition de celle du 19 floréal, qui autorise le tribunal révolutionnaire à juger les émigrés concurremment avec les tribunaux criminels.
XIV. Tous citoyens qui auront dénoncé, saisi et arrêté des émigrés, recevront après l'exécution du jugement la somme de 100 liv. par chaque émigré.
SECTION II.
Jugement des complices des émigrés.
XV. Les complices des émigrés seront jugés par le tribunal révolutionnaire.
La Convention nationale, après avoir entendu le rapport fait au nom de la commission chargée de la révision de la loi sur les émigrés, décrète :
ART. I. Les articles sur les émigrés, décrétés dans les séances des 26 et 28 fructidor, 4, 16 et 26 vendémiaire dernier, 16, 19 et 23 brumaire présent mois, seront réunis pour ne former qu'une seule loi, qui datera du 25 brumaire troisième année de la République, et sera transcrite en entier dans le procès-verbal de ce jour.
II. Les dispositions des lois antérieures qui se rapportent à l'objet de la présente loi, sont abrogées.
III. Seront maintenues néanmoins la loi du 18 fructidor, relative à la résidence des militaires, et celle du 4 brumaire troisième année concernant les prévenus d'émigration qui ont obtenu des arrêtés favorables des corps administratifs