L'enjeu de la discussion
Si je propose de regarder où en est le trotskisme en Argentine c'est parce qu'il est indispensable que l'expérience accumulée au niveau mondial pour construire un parti international de la révolution soit transmise. Transmettre l'expérience est en effet la solution pour ne pas être condamné à un retour vers l'aube du mouvement ouvrier, vers l'époque où le marxisme n'existait pas. Les gilets jaunes ont effrayé pendant un temps la bourgeoisie. En exprimant une profonde révolte contre le pouvoir, ils réclamaient des changements radicaux. En ce sens leur mouvement était de nature insurrectionnelle, mais, pour autant, ce n'était ni une insurrection ni une révolution. Dans leur recherche des voies vers la révolution les gilets jaunes ont été démunis précisément puisque l'expérience de la lutte du mouvement ouvrier pour la révolution socialiste n'a pas été transmise. J'ai montré dans un précédent article qu'il n'y a plus de trotskistes en France. J'ai ainsi montré que la chaîne de transmission de l'expérience révolutionnaire a été rompue. Car après le passage définitif du côté de l'ordre bourgeois des IIème et IIIème internationales, les trotskistes sont les seuls détenteurs de toute cette expérience. La capitulation des lambertistes en 1981 a été la cause première de cette rupture mais la continuité aurait pu être assurée si le petit groupe de militants regroupés par Stéphane Just, pour reprendre le flambeau, avait tenu bon. Mais, ce groupe a lui aussi capitulé en abandonnant le combat contre l'Union Européenne vers l'an 2000. La chaîne de la continuité du marxisme a donc été rompue en France à l'aube du troisième millénaire.
Mais nous avons vu aussi que l’argentin Nahuel Moreno avait lui aussi rompu avec les lambertistes dès 1981 puisqu’il leur reprochait leur capitulation devant les réformistes lors de l’élection de François Mitterrand. Il convient donc de situer les trotskistes français et argentins dans le cadre unique du trotskisme international. Nous allons pour cela commencer par évoquer rapidement l’histoire de la 4ème internationale.
L'histoire de la 4ème internationale
La 4ème internationale proclamée par Trotsky en 1938 s'est regroupée à la fin de la guerre sous la direction de Michel Pablo, Ernest Mandel et Pierre Frank. Ceux-ci ont rejeté au début de la guerre froide le programme trotskiste. Ils ont expliqué que la troisième guerre mondiale était inévitable, que le stalinisme allait être obligé de faire face à l'impérialisme et qu'il jouerait, dans ce cas, un rôle progressiste. La grande tâche des trotskystes était alors d'après eux d'entrer dans les partis communistes. Cette tactique était appelée « entrisme sui generis » (entrisme un peu spécial). C'était, à l'évidence, une capitulation devant le stalinisme. Les lambertistes ont refusé de suivre cette politique et ont été rejoints alors par d'autres sections de la 4ème internationale notamment le groupe anglais « The Club » dirigé par Gerry Healy, le SWP (Socialist Workers Party) des Etats-Unis et le POR (Parti Ouvrier Révolutionnaire) d’Argentine dirigé par Nahuel Moreno. Il y a eu alors jusqu'en 1980 deux organisations concurrentes qui au niveau mondial voulaient construire la 4ème internationale :
- Les pablistes-mandélistes dirigés par le SI (secrétariat international) ;
- Les lambertistes dirigés par le CI (comité international).
En Amérique Latine les organisations trotskistes se regroupent entre 1954 et 1957 en deux courants :
- Les posadistes (Juan Posadas) qui forment le BLA (Bureau Latino-Américain). Ils sont intégrés aux pablistes-mandélistes
- Les morénistes (Nahuel Moreno) qui forment le SLATO (Secrétariat latino-américain du trotskisme orthodoxe). Ils sont intégrés aux lambertistes.
Des 1953, il y a en principe deux 4ème internationales dirigées par le SI et le CI mais en fait le SLATO (moréniste) et le BLA (posadiste) sont très indépendants. Dans les faits, il y a pratiquement 4 internationales.
En 1962, Michel Pablo abandonne le SI pour devenir conseiller de Ben Bella et Juan Posadas l'abandonne aussi puisqu'il refuse de donner la priorité aux luttes de décolonisation... Le BLA (Bureau Latino-américain) s'est alors constitué en « Internationale posadiste » lors d'une conférence internationale convoquée à Montevideo. Depuis le posadisme a pratiquement disparu. Il ne reste à ma connaissance qu'un petit parti en Uruguay. Le principal bilan du posadisme aura été d'avoir contribué à déconsidérer le trotskisme par ses capitulations devant le stalinisme, le péronisme et divers fronts et organisations pro-capitalistes comme le front du général Liber Seregni. Comme si cela ne suffisait pas, il a exprimé plus tard des positions politiques délirantes comme celle d'appeler l'URSS à lancer la bombe atomique contre les Etats-Unis ou de prôner la nécessité de se préparer à accueillir des extra-terrestres.
En 1963, le SWP des Etats-Unis passe du CI (lambertistes) au SI (mandélistes). Les lambertistes parlent alors d'une réunification sans principe. Le SWP évoque la révolution cubaine pour justifier cette décision. Le SI devient le SU (Secrétariat Unifié) et le CI devient le CORQUI (Comité d'Organisation pour la Reconstruction de la Quatrième Internationale). Mandel va alors en appuyant Castro et Che Guevara passer à une nouvelle forme de capitulation devant le stalinisme. Il adopte des idées de Che Guevara avec la politique du foquisme (des foyers de guerilla ou une multiplicité de VietNam) et la politique de la guerilla.
En 1964, les morénistes rejoignent aussi le SU en emmenant avec eux l'essentiel des sections de l'Amérique Latine. Nahuel Moreno reproche aux lambertistes de ne pas chercher à faire une véritable internationale centralisée. Ils n’ont pas convoqué un seul congrès en dix ans.
En 1971, Gerry Healy rompt avec Lambert et crée un Comité International très restreint. Il rassemble peu de militants en dehors du Royaune-Uni. Gerry Healy mène une politique très marquée par le national-trotskisme. Pour lui l’internationale se construira surtout après la révolution en Angleterre.
Les morénistes ont rapidement des divergences avec Ernest Mandel puisqu'ils refusent son orientation guerillériste et, en 1973, ils ont formé, au sein du SU, une Fraction Léniniste Trotskiste (FLT) avec d'autres sections la principale étant le SWP. Deux ans plus tard, cette fraction explose en se divisant en deux courants l'un conduit par le SWP et l'autre par le PRT argentin de Nahuel Moreno. La rupture se produit à propos de divergences sur la révolution portugaise et la guerre de l'Angola. Le SWP a ensuite réintégré tout simplement le SU. Les morénistes ont alors, à leur tour, parlé d'un bloc réunifié sans principe puisque les divergences n'étaient nullement clarifiées. Les morénistes se sont retirés de la FLT et ont formé la Fraction Bolchévique (FB) avec le PST argentin et la plupart des militants de Colombie, du Brésil, d'Uruguay, du Portugal, d'Espagne, d'Italie et du Pérou.
En 1979, l'affaire de la Brigade Simon Bolivar lors de la révolution au Nicaragua amène les morénistes à quitter les mandélistes et à se rapprocher des lambertistes. Ces derniers ont en effet pris clairement position pour défendre la brigade Simon Bolivar contre les mandélistes qui ont cautionné la répression subie par les brigadistes.
Mais l'accord entre lambertistes et morénistes sera de courte durée. En 1981, la capitulation des lambertistes devant Mitterrand lors de l'élection aux présidentielles amène Nahuel Moreno à rompre avec eux.
Je suis conscient de l'inconvénient majeur qu'il y a à réduire ainsi l'histoire de la IVème internationale à une longue suite de scissions et de regroupements. Il faudrait relier l'ensemble de ces événements aux développements de la lutte des classes mondiale. Il faudrait notamment parler des conséquences catastrophiques de l'orientation des pablistes sur la révolution bolivienne de 1952, du caractère stalinien des positions qu'ils ont développées lors du soulèvement de Berlin Est en 1953 et lors des révolutions polonaise et hongroise de 1956, de la révolution chinoise et de la révolution cubaine, de l'opposition à la guerre au VietNam, des dégâts du guérillérisme, de la révolution portugaise et de la guerre en Angola, de la révolution au Nicaragua... Je ne peux pas le faire ici car cela serait trop long. Je me contente donc de permettre aux lecteurs intéressés par les discussions entre les militants qui se réclament du trotskisme de situer chaque discussion dans la grille que je viens ainsi de proposer.
Où en est le trotskisme ?
Il faut donc voir maintenant où en est le trotskisme c'est-à-dire où en est la 4ème internationale car, nous l'avons dit, le trotskisme, tout comme le marxisme dont il est le continuateur, ne peut avoir d'existence qu'au niveau international.
Les deux organisations qui correspondaient aux deux courants les plus importants sont désormais toutes les deux révisionnistes et elles sont de plus en plus exsangues. Lambert avait déclaré que le CORQUI devait maintenant être considéré comme la 4ème internationale enfin reconstruite. Il prétendait ainsi être, à la tête de cette internationale, le successeur de Trotsky pendant que Mandel lui faisait concurrence en dirigeant le SU. Les deux héritiers autoproclamés de Trotsky sont maintenant décédés, Ernest Mandel en 1995 et Pierre Lambert en 2008. Les organisations internationales qu'ils laissent derrière eux sont en piteux état.
L'internationale de Mandel n'est plus qu'un ramassis disparate d'organisations sans réelle direction centralisée qui n'est donc plus capable de mener la moindre campagne internationale. Chaque organisation est toujours à la recherche d'un raccourci « anticapitaliste », « révolutionnaire » et « d'extrême-gauche » pour, éventuellement, faire une révolution mais sans être vraiment certain que ce soit une perspective réaliste. Pour cela, ils se mettent à la remorque, selon le pays ou selon le cas d'Ho Chi Minh ou de Che Guevara, d'Hugo Chavez ou de Maduro, de Tsipras ou de Podemos... Ils leur apportent un soutien critique qui est, là encore, « anticapitaliste », « révolutionnaire », « d'extrême-gauche » et, voire même, « trotskiste ». C'est eux qui le disent ! Ils sont ainsi dispensés de construire des partis révolutionnaires et une internationale. Pour notre part, nous sommes surtout certains qu'avec un soutien critique, « anticapitaliste » (…) apporté au gouvernement Kerensky, les bolcheviques n'auraient jamais pu faire la révolution d'octobre et que le coup d'Etat de Kornilov aurait probablement réussi.
De leur côté, les lambertistes français se sont scindés en deux partis en 2015. Ils sont maintenant dans le POI et le POID. Les militants qui se réclament du trotskisme dans le POI continuent à affirmer qu’ils sont la Section Française de la Quatrième Internationale reproclamée par Lambert en 1993. Ils ne nous disent pas où et quand ils ont tenu leur dernier congrès. Nous ignorons aussi le nom des partis qui constituent les autres sections. Nous ignorons surtout s’il y en a vraiment. Nous savons seulement qu’ils ont toujours un lien avec l'organisation algérienne de Louisa Hanoune. Pour le POID, nous avons vu, dans leur journal qu'ils ont tenu la troisième conférence internationale du Comité d’organisation pour la reconstitution de la IVᵉ Internationale (CORQI) les 8, 9 et 10 novembre 2020. Ils sont donc revenus à une appréciation un peu plus réaliste de leurs forces que leurs frères ennemis du POI. Ils ne prétendent plus diriger la 4ème internationale. Ils précisent que cette conférence s'est tenue en vidéo-conférence avec des délégués des 35 pays suivants : Afghanistan, Algérie, Allemagne, Azanie/Afrique du Sud, Bangladesh, Belgique, Bénin, Brésil, Burundi, Canada, Chine, Corée, Côte d’Ivoire, États-Unis, France, Grande-Bretagne, Grèce, Haïti, Hongrie, Inde, Italie, Maroc, Mexique, Pakistan, Palestine, Pérou, Portugal, Roumanie, Russie, Sénégal, Serbie, Suisse, Togo, Tunisie, Turquie, Zimbabwe. Nous remarquons, qu'en ce qui concerne l'Amérique Latine, ils ne citent que le Mexique et le Brésil. Ils ne donnent le nom d'aucune organisation si bien qu'il est impossible d'évaluer la réalité des forces politiques ainsi rassemblées. Alors que dans le monde entier les regards des militants se sont tournés vers la France quand les gilets jaunes se sont révoltés contre le régime de Macron, Daniel Gluckstein est sans doute celui qui les a le plus insultés. A-t-il repris et justifié son flot d'insultes au cours de cette conférence internationale ? Les délégués des 35 pays ont-ils apprécié ? J'en doute. Quoi qu'il en soit, cette « internationale » est elle-aussi devenue fantomatique.
Il faut donc maintenant se tourner vers l'Amérique Latine et, tout particulièrement, vers les organisations qui étaient dirigées par Nahuel Moreno. Rappelons en effet que la chaîne de la continuité du trotskisme-marxisme a été rompue en France vers l'an 2 000 quand les derniers militants rassemblés par Stéphane Just ont abandonné la lutte contre l'UE. Nous avons vu également que Moreno avait résisté lui aussi à la capitulation des lambertistes en 1981. Il est donc le seul à avoir pu assurer cette continuité au niveau international.
Disons-le d'emblée, la situation en Argentine n'est pas brillante. Après la mort de Nahuel Moreno, le 25 janvier 1987, les organisations morénistes se sont elles aussi fragmentées.
Le morénisme
Voyons plus précisément comment s'est faite la fragmentation des organisations morénistes. Après avoir abandonné tour à tour les mandélistes et les lambertistes, Nahuel Moreno avait créé à partir de la Fraction Bolchevique (FB) une 4ème internationale : la LIT-QI. En Argentine, son parti s'appelait le MAS (Movimiento Al Socialismo – Mouvement pour le socialisme) créé en 1982 avec Luis Zamora. Le MAS succédait ainsi au PST (Parti Socialiste des Travailleurs) qui avait été proscrit par la dictature militaire après le putsch de 1976.
Deux ans après le décès de Nahuel Moreno, juste avant les élections de 1989, le MAS a commencé à se disloquer avec le départ de militants qui formèrent le PTS (Parti des Travailleurs Solidaires). Puis, c'est Luis Zamora qui abandonne à son tour le MAS en 1992 pour former avec d'autres militants le MST (Mouvement Socialiste des Travailleurs). En 1997, l'essentiel de ce qui reste du MAS rompt avec la LIT-QI. Cela crée une nouvelle scission avec les militants qui veulent rester dans la LIT-QI et qui formeront le PSTU (Partido Socialista dos Trabalhadores Unificado) dont le principal parti est au Brésil mais il existe un petit parti du même nom en Argentine. En 2003, il reste encore quelques militants dans le MAS. Ils rompent à leur tour avec la LIT-QI en 1997 et ils dissolvent leur parti pour fonder un nouveau parti, le NMS ou Nouveau-MAS (Nouveau Mouvement pour le Socialisme).
Au sein du MST, des divergences sont apparues lors du Vème congrès en 2003 entre deux tendances qui ont essayé de fonctionner ensemble mais en 2005 elles avaient chacune leur journal et elles ont pris des noms correspondant à leurs publications respectives : MST-Alternative et MST-le-Socialiste. En 2006, après une lutte où la justice est intervenue, la scission est devenue inévitable. Le MST-Le-Socialiste est alors devenu IS (Izquierda Socialista - La gauche socialiste).
On se retrouve donc en 2006 avec au moins cinq partis issus du morénisme le PTS, le MST, le PSTU, le NMS, la IS. A chacun de ces partis correspond une internationale. Certaines ont d'ailleurs une section française.
Nous donnons ci-dessous le nom des internationales correspondant à chacune des cinq organisations argentines issues du morénisme et nous indiquons ensuite le nom d’une section française ou belge. Il semble en effet qu’il n’y ait pas de section française de la LIT-QI. Nous explicitons tous les sigles à la fin de l’article.
- PTS => FT-QI => CCR tendance du NPA
- MST =>LIS => La Commune
- NMS => SoB => Tendance Claire devenue ARC dans le NPA
- IS => UIT-QI =>MCI Mouvement Communiste Internationaliste
- PSTU => LIT-QI => LCT Ligue Communiste des Travailleurs (Belgique)
Alors ! Ai-je eu tort de dire qu'il n'y a plus de trotskistes en France ? Il y a maintenant un doute. Je n'en dirai pas plus pour l'instant. Je laisse la discussion ouverte à ce sujet avec ces cinq organisations et cela bien que je doute de trouver une once de trotskisme dans des tendances du NPA. Lesquelles, parmi ces internationales, assument effectivement l'héritage de Moreno, du trotskisme et donc du marxisme ? L'AGIMO (Avant-Garde Internationaliste du Mouvement Ouvrier) souhaite en discuter avec tous car elle cherche à renouer avec la construction (ou la reconstruction) de la 4ème internationale.
Il faut apporter des précisions au sujet de cette dispersion des organisations qui se réclament du trotskisme en Argentine. La situation est en effet très différente de ce que nous connaissons en France puisque ces organisations se regroupent notamment lors des élections présidentielles.
Un sixième parti se réclamant du trotskisme mais non du morénisme intervient dans ces regroupements. Il joue donc aussi un rôle important en Argentine. C'est le PO (Partido Obrero) créé et dirigé par Jorge Altamira (frère de Luis Favre qui fut membre de l'OCI). Jorge Altamira a créé le mouvement Politica Obrera en 1964. Il était clairement opposé à Nahuel Moreno. En 1983, il a décidé de passer à un échelon supérieur en créant le parti : Partido Obrero. Il semblerait que le PO ait rompu récemment avec Jorge Altamira et qu’il n’appartient plus à aucune organisation internationale.
Nous observons des regroupements d'organisations surtout lors des élections :
- Aux présidentielles de 2015, le PTS, la IS et le PO ont formé le FIT (Front de gauche des travailleurs) et le MST et le NMS ont formé une autre coalition : Gauche au Front.
- Aux présidentielles de 2019, ce sont quatre organisations qui se sont regroupées dans le FIT-Unitad : le PTS, la IS, le PO et le MST.
Ensemble ces organisations ont un succès électoral qui est bien plus important, pour des organisations se réclamant du trotskisme, que tout ce qu'on peut voir partout ailleurs dans le monde. Ils ont environ 40 élus dans les instances les plus importantes : les députés nationaux, provinciaux et élus locaux (comparables à des maires) dans de nombreuses provinces. Évidemment leur implantation ne se limite pas aux postes gagnés dans des élections. Ils sont surtout implantés dans diverses organisations syndicales, dans le milieu étudiant, chez les enseignants...
Mais c'est surtout par leur orientation que ces organisations se différencient des organisations françaises comme le NPA, Lutte Ouvrière, le POI ou le POID. Les organisations argentines ont derrière elles le bilan de toutes les luttes menées en Amérique Latine contre la mainmise des USA sur leur économie et leur politique. A la différence de l'Europe, l'influence et la gouvernance de Washington ne s'exerce pas par un organisme du type de l'UE (Union Européenne) et de l'OTAN mais par divers moyens. Pour l'essentiel, la CIA maintient des contacts directs avec des cadres des armées nationales. Elle utilise aussi la corruption de divers cadres civils ou militaires. Elle finance au besoin des mouvements politiques. Des directives économiques sont imposées par le FMI qui argue, comme partout ailleurs, d'une soi-disant dette. Enfin, au besoin, elle organise elle-même des coups d'état. Cette influence de Washington a été combattue en Argentine à la suite des diverses dictatures imposées par des coups d'état et le rôle spécifique du péronisme à ce sujet est important. Il faudrait développer cet aspect plus longuement en caractérisant précisément le péronisme et ses différentes variantes comme le kirsnérisme ou la variante actuellement à la présidence et à la vice-présidence de l'Argentine. Les organisations qui se réclament du trotskisme en Amérique Latine ont aussi derrière elles le bilan des gouvernements de « gauche » c'est-à-dire des gouvernements de front populaire arrivant au pouvoir : Lula (Brésil), Maduro (Venezuela), Kirsner (Argentine), Allende (Chili), Ortega (Nicaragua), Morales (Bolivie), Correa (Equateur). Les travailleurs de ces pays ont lourdement payé la confiance trop aveugle de bien des partis à l'égard de ces gouvernements. Ils savent maintenant ce que signifient les expressions : « les gouvernements de front populaire fraient la voie au fascisme » ou « les bandes fascistes prolifèrent à l'ombre des gouvernements de front-populaire ». Il n'est plus question, dans la lutte pour le socialisme de faire confiance à de tels gouvernements. Il faut résolument lutter contre le capitalisme sans chercher à marier l'eau et le feu. Il n'y a pas d'autre solution pour donner le pouvoir au peuple que de détruire les fondements du capitalisme. Ceux qui essaient de ménager le capitalisme en le réformant préparent le retour des pires réactions. Cet acquis se retrouve dans les plateformes communes des organisations qui se réclament du trotskisme.
Nous reproduisons ci-dessous la plate-forme commune en 20 points du Front FIT-Unitad pour les élections de 2019.
Il faut mettre cette politique en parallèle avec la nôtre. Rappelons que l'AGIMO propose un gouvernement provisoire des principales organisations du mouvement ouvrier (PC, PS, LFI) pour remplacer Macron dont nous demandons la démission. S'il est encore en place, lors des élections de 2022, nous exigeons des organisations ouvrières qu'elles présentent un candidat commun quitte pour cela à ce qu'elles organisent des primaires. Nous ne posons pour cela aucune condition sur des engagements d’un tel gouvernement. Il est important dans un premier temps de se débarrasser de Macron et de tout autre candidat du capital. Mais, nous savons ce que nous demanderons si nous pouvons obtenir qu'un tel gouvernement se mette en place. Notre plate-forme revendicative sera fortement inspirée de celle du FIT-unitad d'Argentine avec bien évidemment des adaptations à la situation française. En premier lieu, nous exigerons le Frexit quitte à ce qu'il fasse pour cela refaire un référendum à ce sujet bien que les français se soient déjà prononcés en 2005.
Nous ajouterons notamment les huit points suivants et nous laissons la discussion ouverte pour élaborer une plateforme complète :
- Une seule école pour tous l'école laïque. Nous demandons l'adoption, comme première réforme de l’enseignement, de la loi Savary qui avait été refusée par Mitterrand.
- La suppression des camps de rétention. Les règles pour les migrants ne doivent pas être plus répressives que celles des anglais. Les migrants ne devraient pas chercher à n'importe quel prix à passer en Angleterre. Si nécessaire, la France devra quitter l’espace Schengen.
- Indemnisation pour les manifestants estropiés notamment lors des manifestations des gilets-jaunes. Amnistie pour tous les manifestants condamnés. Remboursement des amendes.
- Suppression des forces de polices compromises dans la répression et les brutalités contre les manifestants. Remplacement par des brigades de sécurité composées de civils volontaires. Celles-ci seront placées sous l'autorité des directions syndicales.
- Répudiation de la dette. Nous ne devons rien.
- Nationalisation sans indemnités de tous les grands médias (télés, radios, journaux, revues) qui sont dans les mains d'une dizaine de milliardaires.
- Réforme de toutes les règles concernant l'information en s'inspirant du programme du CNR et de ce qui a été acquis en Argentine mais en allant beaucoup plus loin pour en finir avec les dogmes imposés et le système de pensée unique. Garantir la liberté d'expression et la possibilité pour chaque courant d'avoir des canaux d'information en respectant des règles de proportionnalité et d'équité qu'il faut définir.
- Abrogation de toutes les lois liberticides notamment celles de Macron : La loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme ; la loi asile et immigration du 10 septembre 2018 ; la loi dite anticasseurs publiée au J.O. le 10 avril 2019; la loi « sécurité globale. Les réseaux sociaux ne doivent faire aucune censure politique.
ANNEXE : La plate-forme en 20 points du Front FIT-Unitad
1) Rupture avec le FMI. Non au paiement de la dette. De l’argent pour les salaires, le travail, la santé, l’éducation et le logement, pas pour le Fonds Monétaire. Nationaliser les banques et le commerce extérieur pour éviter la fuite des capitaux, prendre soin des petits épargnants et offrir des crédits à bas prix. Pour un gouvernement des travailleurs qui impose un plan économique ouvrier et populaire débattu et géré par les travailleurs eux-mêmes.
2) Augmentation immédiate des salaires et des retraites. Que personne ne gagne moins qu’un revenu minimum de subsistance. Face à l’escalade de l’inflation, indexation mensuelle des salaires et des retraites.
3) Interdiction des licenciements et des suspensions de contrat. Expropriation et nationalisation de toute entreprise qui ferme, reprise de la production sous le contrôle des travailleurs. Assez de travail précaire et au noir. Contrats à durée indéterminée pour tous. Travail pour toutes et tous, répartition du temps de travail sans incidence sur les salaires entre salariés et chômeurs. A bas la réforme du travail fléxibilisatrice.
4) Annulation de la réforme des retraites. Pour une retraite à 82% du salaire indexé à l’inflation et une augmentation du revenu minimum qui couvre la subsistance des retraités. Pour la restitution des cotisations patronales réduites par Macri, Menem et Cristina Kirchner.
5) Suppression de la TVA sur les biens de première nécessité. Suppression de l’impôt sur les salaires. Impôts progressifs sur les grosses fortunes. Impôts extraordinaires sur les grands capitalistes (banquiers, propriétaires fonciers et grands hommes d’affaires) pour résoudre les besoins les plus urgents des travailleurs. Comités de contrôle des prix et de l’approvisionnement populaire.
6) Annulation de la hausse des prix des services publiques. Nationalisation et ré-étatisation sans compensation de toutes les entreprises privatisées sous le contrôle, l’administration et la gestion des travailleurs et des usagers. Ré-étatisation de l’ensemble du système ferroviaire et du métro (transport et fret) sous le contrôle, l’administration et la gestion des travailleurs de tous les niveaux et le contrôle des usagers. Renationalisation sans paiement des 100% d’YPF (entreprise spécialisée dans l’exploitation, l’exploration, la distillation, la distribution et la vente de pétrole ainsi que ses dérivés) et de toutes les compagnies pétrolières : par une seule entreprise nationale d’État fonctionnant sous le contrôle et la gestion de ses travailleurs. Pour un plan énergétique national contrôlé par les travailleurs qui apporte du gaz naturel et de la lumière à tous les foyers.
7) Expropriation de l’oligarchie foncière, des grands bassins de semis, ainsi que des monopoles des céréales, de l’huile, des produits laitiers et réfrigérés. Expropriation des quatre mille principaux propriétaires terriens, dans le respect des droits des paysans pauvres, des peuples autochtones et des petits agriculteurs. Non à l’expulsion des paysans et des peuples autochtones de leurs terres. Assez de travail au noir pour les travailleurs ruraux.
8) À bas les méga-mines. Dehors Barrick et Chevron. Pas de fracturations hydrauliques. Expropriation de ces entreprises, presque toutes impérialistes, sans compensation et qu’elles réparent les dommages causés, en garantissant un emploi à salaire égal aux travailleurs de ces entreprises.
9) Pour une éducation nationale, unique, publique, gratuite et laïque. Assez des subventions pour l’enseignement privé. Les églises hors de l’éducation. Séparation réelle et effective de l’Église et de l’État.
10) Pour un système national de santé publique et de qualité sous la responsabilité de l’Etat. Pour une couverture gratuite et intégrale de l’État en matière de santé. Nationalisation sans paiement des laboratoires qui profitent des problèmes de la santé de la population. Pour la fourniture de médicaments gratuits à ceux qui en ont besoin. Contrôle démocratique des œuvres de sécurité sociale par des comités de travailleurs élus à la base, afin qu’ils cessent d’être une caisse dont les bureaucrates syndicaux s’enrichissent.
11) Pour un plan national de logements populaires de qualité et urbanisation des banlieues ainsi que des agglomérations surpeuplées. Pour des impôts progressifs sur les logements inoccupés des spéculateurs immobiliers.
12) Pour le droit à un avortement légal, sûr et gratuit. L’éducation sexuelle pour décider, les contraceptifs pour ne pas avorter, l’avortement légal pour ne pas mourir. De l’argent pour combattre la violence de genre, pas pour le FMI. Pour les droits des travailleuses. Un salaire égal pour un travail égal.
13) A bas la doctrine de la gâchette facile. Pas d’abaissement de l’âge d’imputabilité. A bas les réformes réactionnaires et répressives du Code pénal. Non à l’espionnage et à l’infiltration d’organisations populaires. Dissolution des organes de renseignement pour espionner les militants ouvriers et populaires. A bas les lois dites « antiterroristes ». Annulation des poursuites judiciaires contre plus de 6.000 militants travailleurs et populaires. Libération des prisonniers qui ont lutté.
Sanction aux coupables de la mort de Santiago Maldonado et de tous les assassins matériels et politiques de Rafael Nahuel. Prison pour les responsables de la disparition de Julio López et Luciano Arruga (tous deux disparus dans les années 2000). Prison pour les assassins matériels et politiques de Carlos Fuentealba. Dehors la Gendarmerie de nos quartiers populaires.
14) Prison commune, perpétuelle et efficace pour les génocidaires et leurs complices civils et les responsables des crimes de la Triple A [Alliance Anti-communiste Argentine formée dans les années 70, responsable de 1500 morts sur les plus de 30 000 de la dictature].
15) Tout législateur, fonctionnaire ou juge devra gagner le même salaire qu’un ouvrier spécialisé ou un enseignant. Révocabilité de tous les mandats par les électeurs eux-mêmes.
16) Élection populaire des procureurs et des juges ayant un mandat révocable. Suppression de tous les privilèges de caste. Procès devant jury.
17) Dehors la bureaucratie syndicale. Soutien au syndicalisme combatif. Pour l’indépendance des syndicats par rapport à l’État et aux gouvernements successifs. Pour la démocratie syndicale la plus complète et pour le droit des travailleurs de s’organiser sans ingérence ni contrôle de l’État. Pour des directions syndicales anti bureaucratiques et combatives, de caractère classiste, basées sur la démocratie syndicale. Nous soutenons l’auto-organisation des travailleurs contre la réglementation de la bureaucratie syndicale et des partis patronaux.
18) Pour la défaite du pacte Macri-FMI et des gouverneurs. Pour une Assemblée constituante libre et souveraine qui discute et résout les mesures d’urgence nécessaires pour répondre aux besoins urgents de la population active et promouvoir une transformation du pays sur de nouvelles bases sociales.
19) Pour un gouvernement des travailleurs et du peuple imposé par la mobilisation des exploités et des opprimés.
20) A bas la tentative de coup d’État au Venezuela favorisée de manière directe par l’intervention de l’impérialisme américain et de ses laquais de l’Organisation des États Américains (OEA), sans donner aucun soutien politique au gouvernement de Maduro. Les anglais et l’OTAN hors des îles Malouines. Contre le blocus et n’importe quelle agression impérialiste sur Cuba. Soutien au peuple palestinien héroïque. A bas l’occupation sioniste de la Palestine.
Sigles et acronymes
Organisations nationales se réclamant du trotskisme
PTS Parti des Travailleurs Solidaires
MST Mouvement Socialiste des Travailleurs
NMS Nouveau-MAS, Nouveau Mouvement pour le Socialisme).
IS Izquierda Socialista (La gauche socialiste)
PSTU Partido Socialista dos Trabalhadores Unificado (Parti Socialiste des Travailleurs Unifiés)
CCR Courant Communiste Révolutionnaire (tendance du NPA)
ARC Alternative révolutionnaire communiste (tendance du NPA)
MCI Mouvement Communiste Internationaliste
LCT Ligue Communiste des Travailleurs (Belgique)
SWP Socialist Workers Party
PO « Politica Obrera » devenu ensuite « Partido Obrero »
POR Parti Ouvrier d’Argentine
MAS Movimiento Al Socialismo (Mouvement pour le socialisme)
PST Parti Socialiste des Travailleurs
PRT Parti Révolutionnaire des Travailleurs
OCI Organisation Communiste Internationaliste
Organisations internationales se réclamant du trotskisme
CORQUI ou CORQI Comité d'Organisation pour la Reconstruction de la IVème Internationale
SI ou SI-QI Secrétariat International de la IVème Internationale
SU ou SU-QI Secrétariat Unifié de la IVème Internationale
CI ou CI-QI Comité International de la IVème Internationale
FT-QI Fraction Trotskiste – Quatrième Internationale
LIS Ligue Internationale Socialiste
SoB Socialismo o Barbarie (Socialisme ou Barbarie)
UIT-QI Union Internationale des Travailleurs – Quatrième Internationale
LIT-QI Ligue Internationale des Travailleurs – Quatrième Internationale
Autres regroupements d’organisations se réclamant du trotskisme
BLA Bureau Latino-Américain
SLATO Secrétariat latino-américain du trotskisme orthodoxe
FLT Fraction Leniniste Trotskiste
FB Fraction Bolchevique
FIT Frente de Izquierda y de los Trabajadores (Front de Gauche des Travailleurs)
FIT-Unitad Frente de Izquierda y de los Trabajadores – Unidad (Unité)
Autres organisations politiques Françaises
NPA Nouveau Parti Anticapitaliste
AGIMO Avant-Garde Internationaliste du Mouvement Ouvrier
PC Parti Communiste
PS Parti Socialiste
LFI La France Insoumise
POI Parti Ouvrier Indépendant
POID Parti Ouvrier Indépendant et Démocratique
Divers
OEA Organisation des États Américains
URSS Union des Républiques Socialistes Soviétiques
USA United States of America
FMI Front Monétaire International
UE Union Européenne
OTAN Organisation du traité de l’Atlantique Nord
CIA Central Intelligence Agency
YPF Yacimientos Petrolíferos Fiscales (gisement pétrolifère d'État)
Triple A Alliance Anti-communiste Argentine
TVA Taxe à la Valeur Ajoutée