Notre expérience avec le lambertisme
Nahuel Moreno et Mercedes Petit
Ce travail, écrit en 1986, est un bilan d'un moment décisif de l'histoire du courant international dirigé par Moreno :
- Celui de la rupture avec le Secrétariat Unifié (SU), au sein duquel le courant de Moreno, organisé en tant que tel, avait constitué la Fraction Bolchévique (FB) ;
- Celui de la courte mais intense expérience avec le lambertisme ;
- Celui de la préparation de la fondation de la Ligue Internationale des Travailleurs - Quatrième Internationale (LIT-QI).
Le texte analyse, d’une part, les raisons politiques fondamentales de notre rapprochement du lambertisme ; d’autre part, les raisons de notre rupture dont, principalement, la capitulation du lambertisme au gouvernement de front populaire de Mitterrand, ainsi que sa réaction bureaucratique et nationale-trotskyste face à la critique et à toute demande de discussion.
INTRODUCTION
La crise de la Quatrième Internationale, une crise provoquée par le révisionnisme pabliste et encore non résolue, nous oblige à utiliser abondamment le terme de « mouvement trotskyste ». Nous estimons cette appellation correcte car le vieux tronc, la Quatrième Internationale fondée par Trotsky, a donné naissance à différents courants et groupements, internationaux et nationaux, qui se revendiquent du trotskysme. De ce point de vue, un tel processus est semblable à celui de la crise qui, au sein de la social-démocratie, fut à l'origine de différentes tendances : révolutionnaires, opportunistes, révisionnistes, centristes, capitulatrices… ; des tendances qui, toutes, se déclaraient marxistes.
En son temps, on ne pouvait dénier l'existence d’un mouvement social-démocrate, même si de Lénine et Rosa Luxembourg jusqu’à Bernstein en faisaient partie. De la même manière, aujourd'hui, on ne peut réfuter l'existence d’un mouvement trotskyste, bien que tout type de courants en fassent partie : depuis le trotskysme orthodoxe, jusqu'au révisionnisme le plus droitier. Que la Seconde Internationale ait réalisé des conférences ou des congrès mondiaux, et que notre mouvement trotskyste dans son ensemble n’organise pas de tels événements, constitue une différence de forme et non pas de contenu.
Aussi, la Seconde Internationale en crise est devenue un mouvement, tout en conservant sa forme d'organisation internationale, alors que les effets du révisionnisme pabliste sur le trotskysme se sont avérés tellement destructifs, que nous n’avons pu maintenir, ne serait-ce que formellement, aucune structure internationale commune. Cependant, le trotskysme a pu subsister en tant que mouvement parce que les groupes, partis et tendances qui en font partie ont gardé une organisation propre, indépendante de toute autre organisation nationale ou internationale (social-démocrate, staliniste, et nationaliste bourgeoise ou petite-bourgeoise), même quand ils capitulent politiquement à certaines d’entre elles.
La crise de la Quatrième Internationale et sa dégradation à l’état de mouvement a provoqué, entre autres effets néfastes, l'émergence de courants et d’organisations qui, tout en se revendiquant du trotskysme, restent pour la plupart isolés les uns des autres, et ce, pendant des années, voire des décennies. Tel est le cas, par exemple, pour le Worker's Revolutionary Party britannique (WRP - Parti révolutionnaire des Travailleurs) et ses organisations sœurs, d'une part ; et la Ligue Internationale des Travailleurs - Quatrième Internationale (LIT-QI), d'autre part. A son tour, cela a provoqué l'existence de ce que nous pourrions appeler des « styles » et des langages différents, et fréquemment des conceptions divergentes sur ce qu'est ou doit être la Quatrième Internationale. Pour ces raisons, avant d'aborder directement le sujet de cet article (à savoir : notre unification avec le courant lambertiste, et notre ultérieure rupture), nous voudrions expliciter, dans ses grandes lignes, notre propre conception de l’Internationale.
La conception trotskyste de l’Internationale
Pour nous, conformément à ce que nous estimons être la conception et la pratique de Trotsky, le problème premier, décisif et fondamental que nous devons nous poser est celui de la construction de l'internationale et sa direction, autour d’un programme. Le trotskysme est synonyme d'organisation et de direction internationales, en opposition au stalinisme (dans toutes ses variantes : moscovite, maoïste, castriste), à la socialdémocratie et au nationalisme petit-bourgeois de type sandiniste, des courants qui ne veulent pas d’une organisation et d’une direction ouvrières, révolutionnaires et internationales.
Nous pensons qu’une organisation et une direction internationales sont d’une catégorie différente et supérieure à toute organisation et direction nationales, pour importantes ou capables que celles-ci puissent être. Toute direction nationale est destinée à l'échec si elle ne participe pas activement à la construction d'une direction internationale. De même, toute direction d’un syndicat, pour classiste et révolutionnaire qu’elle puisse être, est condamnée à l’échec si elle ne combat pas pour une direction classiste et révolutionnaire de l’ensemble du mouvement ouvrier. C'est pourquoi nous soutenons que, de même qu’il n’y a pas de vie sans oxygène, il n'y a pas de véritable trotskysme sans direction et organisation internationales.
Que la direction et l'organisation internationales sont indispensables, voilà, en dernier ressort, la motivation de Trotsky dans sa lutte pour fonder la Quatrième Internationale déjà en 1936. Bien qu’alors sa position fut mise en échec par ses camarades, pour Trotsky, il n’était pas question de mesurer les forces sur lesquelles il pouvait compter, ni leur faiblesse, ni leur puissance. Pour lui, sans organisation et direction internationales, il était tout simplement impossible de militer et d’agir politiquement dans la lutte de classes.
Cette conception, suite à la crise de la Quatrième Internationale provoquée par le pablisme, a été jeté aux oubliettes par plusieurs secteurs du trotskysme. Mandel, il faut le reconnaître, a toujours défendu la nécessité d'une Internationale centralisée mais, dans la pratique, il ne la conçoit pas centralisée autour d'une direction et d'un programme. Il « construit » en revanche une « Internationale », molle fédération de sections nationales ainsi que de tendances et fractions internationales, chacune avec son propre programme (des programmes des fois opposés par le sommet) et presque sans discipline. C'est-à-dire que, après avoir été un complice de Pablo dans la dispersion du trotskysme mondial, Mandel cherche à recoller les morceaux, formellement, et sans remettre en cause le révisionnisme à l’origine de cette crise.
Le « national-trotskysme »
Un autre versant du reniement de la conception trotskyste de l’Internationale est représenté par ce que nous appelons le « national-trotskysme ». Les différentes variantes de ce versant soutiennent que la question de la direction et de l'organisation internationales constitue une espèce de « programme maximal » pour un futur indéfini, un programme qu’il faut maintenir, pour l’instant, dans un plan déclaratif, simple expression de désir en attendant que « les conditions » soient données. Tel est, par exemple, l’avis de Lutte Ouvrière en France. De leur part, Lambert, Healy et, dans une certaine mesure, le SWP américain posent le problème de la direction et l'organisation internationales comme un accord entre directions nationales, voire même comme synonyme de direction nationale. Ainsi, après 1963, le Comité International fut principalement l'accord entre deux directions nationales, celles de l'OCI française et du WRP britannique (alors, la Socialist Labour League (SLL - Ligue Socialiste Ouvrière)) ; un Comité qui explosa en 1971, quand l’accord fut rompu pour des raisons peu claires. Les produits de cette rupture, le CORQI lambertiste et le CI healyste, ont encore approfondi leur caractère national-trotskyste, chacun constituant son petit groupement international, avec des « succursales » de l'OCI et du WRP respectivement, complètement dominés par ces partis nationaux.
Le SWP américain, pour sa part, a montré sa tendance au national-trotskysme quand, au début des années 50, il refusa d’avancer vers une organisation et une direction internationales centralisées et ayant comme objectif non seulement de développer le trotskysme orthodoxe, mais aussi de combattre le révisionnisme pabliste. Le SWP a ainsi refusé de faire partie du Comité International, lequel réunissait alors la majorité du trotskysme mondial, en tant qu’embryon de la Quatrième Internationale centralisée. Ultérieurement, en 1963, le SWP liquida de façon bureaucratique le Comité International en pactisant, à son propre compte, la réunification avec Mandel, selon une espèce de partage du monde, du style : « l'Europe à Mandel, l'Amérique aux Américains ».
Notre courant
En revanche, notre courant historique a toujours essayé de rester fidèle à la conception de Trotsky. Organisé dans le Secrétariat Latino-Américain du Trotskysme Orthodoxe (SLATO), le trotskysme latino-américain combattit durement pour que le Comité International se constituât comme direction internationale. Ensuite, et sans faire partie du Secrétariat Unifié (SU), nous avons combattu pendant un an la politique de liquidation du Comité International, développée par le SWP. Par la suite, devant le fait accompli de la réunification de 1963, nous avons combattu pour que Healy et Lambert la rejoignent dans le but de susciter un fort courant anti-révisionniste. Finalement, sans autre alternative que celle de nous intégrer dans le SU ou de rester isolés, nous avons choisi de nous y intégrer.
Ceci n’est qu’un chapitre de notre lutte pour une organisation internationale. Un principe nous a toujours guidé : celui de faire partie, de manière disciplinée, d'une organisation internationale. Dans ce combat, que nous développâmes pendant des décennies dans une situation de minorité écrasante, nous avons dû supporter tout type de discriminations et d’attaques fractionnelles, une situation que nous conduisit à être considérés comme une sorte de « parias » du mouvement trotskyste mondial. Nous dûmes supporter de Pablo, dans le Congrès de 1951, la reconnaissance du groupe de Posadas comme section officielle argentine, un petit groupe qui avait capitulé au péronisme jusqu'au point de défendre Perón dans sa politique de soutien à la Corée du Sud et à l'impérialisme, contre la Corée du Nord. Nous dûmes supporter de Mandel, dans le Neuvième Congrès Mondial du SU en 1969, la reconnaissance de l'ERP comme section officielle argentine, un courant castriste proguérilla, en rupture avec le trotskysme. Nous avons fait tout cela pour une seule et même raison : notre refus de tomber dans un isolement national-trotskyste car, nous le savions, ceci aurait entraîné notre ruine.
La crise du national-trotskysme
De nos jours, sans aucun doute, le principe trotskyste qui voue par définition le national-trotskysme à l'échec, s’est avéré confirmé. Le SWP américain (la plus subtile variante du national-trotskysme), Lambert et Healy ont, tous les trois, suivi un chemin parallèle d'isolement international croissant, de capitulation politique à des directions contre-révolutionnaires du mouvement de masses, de dégénérescence méthodologique et morale.
Sur le terrain politique et programmatique, le national-trotskysme a souffert une involution absolue, ce qui était inévitable. Né comme une tentative de résister au révisionnisme pabliste, en choisissant le faux refuge de l'isolement national, il a débouché dans un révisionnisme égal ou pire à celui qu'il s’était proposé de combattre. Ainsi, le SWP s'est finalement transformé en un appendice du stalinisme castriste. L'OCI française de Lambert s’est transformée en un satellite de la social-démocratie française et de sa principale organisation syndicale, la CGT-Force Ouvrière (F0), jusqu'à capituler totalement au gouvernement de Mitterrand19 en 1981 et, après la rupture avec notre courant, au gouvernement bourgeois du Nicaragua. Healy, pour sa part, est tombé dans la capitulation aux gouvernements « nationalistes » des bourgeoisies arabes, en particulier ceux de Kadafi, de l'Iraq et de l’Iran.
Sur le terrain méthodologique, dans le souci de préserver l'organisation nationale-trotskyste à l’abri de toute ingérence « étrangère », on a fait régner des méthodes bureaucratiques pour exercer un contrôle personnel sur toute la vie de l'organisation. Barnes, Lambert et Healy se sont entourés d'« inconditionnels », en excluant des directions tout dirigeant qui présenterait de divergences importantes, et ils n'ont pas hésité à expulser de leur organisation des fractions entières de militants qui contestaient la ligne officielle. Toute disposition était bonne, pourvu qu'elle empêche l'organisation de discuter démocratiquement des différences. Finalement, avec les méthodes bureaucratiques, Lambert et Healy ont développé des méthodes de destruction personnelle envers les cadres et dirigeants qui les contestaient, en les couvrant de calomnies et d’attaques de type moral (ce que Barnes n'a pas fait).
Sur ce terrain, Lambert et Healy ont été le pire que le trotskysme ait produit. Mandel est un politicien révisionniste qui veut une « Internationale » révisionniste, et qui promeut sa ligne avec des méthodes politiques ; en général, ses outils de lutte ne sont pas les expulsions bureaucratiques, et jamais ce sont les attaques morales. Barnes expulse à droite et à gauche, mais lui non plus n’utilise ces méthodes abjectes. Lambert et Healy représentent le national-trotskysme à l’état pur, ils ne s'arrêtent devant rien pour « défendre » leur secte nationale et, à l’intérieur de celle-ci, leur rôle individuel. Nous ne connaissons pas de près leur passé sur ce terrain sombre, mais combien de « cas Varga » y a-t-il eu ? Combien de « cas Napurí » ? Combien de « cas Just » ?
Cette combinaison de révisionnisme, de méthodes bureaucratiques et d’attaques morales a provoqué la crise organique et irréversible du national-trotskysme. Ses organisations ne grandissent pas, elles flétrissent : par la désertion individuelle, bien qu’abondante, de militants démoralisés ; par l'apparition de fractions qui rompent ou qui sont expulsées (ce qui arrive actuellement au lambertisme et au SWP) ; ou par l’éclatement pur et simple de l'organisation (ce qui est arrivé au healysme).
Notre courte relation avec le lambertisme ne peut se comprendre que dans le cadre de la crise du national-trotskysme. Quand nous nous sommes unifiés avec lui, le lambertisme était déjà en crise. Pour sa part, Lambert a vu dans la possibilité de s’unifier avec notre Fraction Bolchevique, dynamique et en développement, un moyen pour dépasser sa propre crise. Pour lui, ce n’était pas une stratégie principielle pour renverser l'orientation nationale-trotskyste de l'OCI, mais une simple manoeuvre de survie. Le seul résultat obtenu par Lambert a été de retarder la manifestation de la crise de deux ou trois ans, mais une fois arrivée, cette crise a été encore plus profonde et spectaculaire que prévu. A partir de sa capitulation au gouvernement de Mitterrand et l'éclatement de notre organisation internationale commune, la Quatrième Internationale - Comité International (QI-CI), le lambertisme a pratiquement cessé d'exister comme courant international. Une chose semblable a eu lieu avec Healy, quelques années plus tard : l’explosion de son projet national-trotskyste, où le WRP avait imposé une domination totale sur le Comité International, est survenue avec la crise du WRP à partir de la grève minière de 1984-85.20
Ce qui est déterminant : la lutte de classes mondiale
Il convient de compléter cette introduction avec une dernière considération. La vie accidentée du trotskysme depuis la mort de Trotsky, et sa dispersion lors de l'arrivée du révisionnisme pabliste à sa direction, a donné lieu à tout type d'interprétations : de la plus manichéenne, personnifiant dans un dirigeant particulier l'origine de tous les maux, jusqu'aux idéalistes, qui cherchent des raisons dans une compréhension tordue de la méthode marxiste.
Nous ne sous-estimons pas le poids des personnalités, leur politique et leur méthodologie, ni non plus les conséquences graves que peut produire la faiblesse théorique et politique. Mais, selon nos critères, les avatars de notre histoire ont leurs motifs profonds dans les grands faits mondiaux de la lutte de classes et de la politique. Ces grands faits, qui ont frappé généralement ces directions non prolétariennes et non formées à la conduite des grandes mobilisations révolutionnaires de la classe ouvrière, constituent la dernière explication de nos avancées et reculs, de nos divisions et unifications.
Il est certain que ceci ne diminue en rien la responsabilité personnelle de Pablo et ensuite celle de Mandel dans le révisionnisme du programme et la crise du trotskysme. Et nous pouvons dire la même chose des responsabilités de Healy et Lambert en ce qui concerne le phénomène ultérieur du révisionnisme national-trotskyste. Aussi est-il certain que les méthodes bureaucratiques et destructives utilisées par tous les révisionnistes, et portées à l'extrème par le national-trotskysme, ont provoqué les ruptures et la dispersion. Jamais, aucune différence importante ne put être examinée démocratiquement jusqu'à la fin : ni sous le révisionnisme pabliste qui faisait appel à tout, jusqu'à l'intervention des sections nationales, pour imposer sa capitulation au stalinisme ; et encore moins sous le national-trotskysme, dont les méthodes bureaucratiques et destructrices étaient indispensables pour la « défense » ou la « sécurité » de la toute puissante et infaillible direction nationale.
Cependant, l'essence de ce qu'on discutait, ou qu’on voulait (mais ne pouvait pas) discuter, c'est-à-dire le contenu politique de nos divisions et nos réunifications, a été déterminé par la lutte de classes mondiale.
En appliquant ce critère à nos relations avec le lambertisme, nous pouvons dire, dans les très grandes lignes, que le rapprochement de notre courant avec le lambertisme s’est faite sur les bases de nos coïncidences par rapport à la révolution nicaraguayenne.
Ces coïncidences nous ont permis de continuer à avancer dans l'élaboration d'un programme commun que, malgré quelques lacunes et aspects erronés, nous continuons de revendiquer comme étant principiel et trotskyste. Ce programme a été la base d'accords organisationnels qui se sont concrétisés dans une organisation internationale unique, de transition vers un Internationale centraliste démocratique : la QI-CI.
L'éclatement de la QI-CI fut anticipé par les divergences autour d'un autre grand fait de la lutte de classes mondiale : la révolution polonaise. Et cet éclatement s’est précipitée avec un fait politique clef : le triomphe de Mitterrand en France. Le programme et la politique face au gouvernement Mitterrand ont ouvert un abîme, une opposition par le sommet, entre notre courant et celui de Lambert. Finalement, la rupture totale est survenue, Lambert ayant empêché la discussion démocratique de nos différences ; une rupture qui est devenue absolument irréversible quand, à ses méthodes bureaucratiques, Lambert ajouta une attaque morale détestable contre un vieux dirigeant provenant de son propre courant.
I. LA REVOLUTION NICARAGUAYENNE FRAPPE LE TROTSKYSME
La préparation, le déclenchement et le triomphe de la révolution anti-somociste au Nicaragua a provoqué des différences profondes parmi ceux qui, comme nous, se réclament du trotskysme. Nous ne connaissons pas les positions de tous les courants, mais il est certain que le Nicaragua a provoqué la division du SU et a été à la base de la construction de la QI-CI. Dans son ensemble, le SU n'a pas avancé une politique pour le triomphe de la révolution nicaraguayenne. Le SWP des Etats-Unis consacrait sa presse à attaquer les sandinistes. Mandel se taisait. Seul notre courant d’alors, la Fraction Bolchevique (FB) du Secrétariat Unifié, a avancé le mot d’ordre de Victoire au FSLN ! Le triomphe de la révolution nicaraguayenne est devenu le centre de notre politique et de notre activité au niveau international. Notre modeste capacité de propagande, d’agitation et d’action a été consacrée, sans aucun sectarisme, au soutien de cette révolution. Nous l'avons soutenu pour qu’elle triomphe et qu'elle renverse Somoza, pour qu'elle assène un coup dur à l'impérialisme yankee et mondial, sans y opposer nos différences politiques avec sa direction sandiniste (le Front Sandiniste de Libération Nationale - FSLN).
Nous avons fait, en synthèse, ce qui a toujours été une position de principes pour nous : s'il y a une lutte entre la révolution et la contre-révolution, il faut avant tout s'aligner dans le camp de la révolution pour que celle-ci triomphe, même quand sa direction prétend limiter cette lutte révolutionnaire à une victoire démocratique nationale contre l'impérialisme et son agent, la dictature locale. D’autant plus quand cette lutte est une guerre civile, il n'y aura pas de véritable politique trotskyste si nous ne définissons pas, d’emblée, que nous combattrons dans la bande militaire des masses, contre la bande militaire de l'impérialisme et du régime dictatorial.
C’est seulement à la suite de cette définition que la FB a développé une critique implacable vis-à-vis de la politique du sandinisme : absence d'un programme de révolution permanente, conciliation avec la bourgeoisie dans un front d’opposition d'abord, et dans un Gouvernement de Reconstruction Nationale plus tard. La FB exigeait : tout le pouvoir aux sandinistes, constitution d'un gouvernement sans bourgeois, application d'un programme d'extension de la révolution à toute l’Amérique Centrale et d'expropriations de l'impérialisme et de la bourgeoisie du Nicaragua.
Cette politique, nous l’avons synthétisée ainsi : « appui militaire, non politique au FSLN ». Pour la concrétiser, le PST colombien, dirigé par la FB, a appelé à la constitution de la Brigade Simon Bolivar (BSB),21 un détachement international pour prendre part activement à la guerre civile en cours contre Somoza.
Nous continuons à penser que la constitution de la Brigade Simon Bolivar a été une réussite. Dans son meilleur moment elle est arrivée à compter presque 1.500 volontaires engagés, en majorité des Colombiens, mais aussi des Costaricains, Panaméens, Equatoriens, Boliviens, Argentins et Chiliens. Elle a été financée avec les apports obtenus par ses propres membres dans des campagnes auprès de la population, et avec d’importantes contributions des organisations syndicales.
Les ennemis de la Brigade, avant tout le SU, la couvrirent de calomnies, la plus grosse étant celle-ci : la Brigade n'avait été qu'une manœuvre propagandiste de la FB et elle n’avait jamais participé au combat. Rien de plus faux. Certes, la BSB s’est vue empêchée d’entrer par le front sud, en tant que colonne autonome, puisque le sandinisme exigeait des brigadistes une adhésion individuelle aux formations sandinistes, une tentative claire de stopper notre politique d’un « appui militaire, non politique » au sandinisme. Il n’en reste pas moins que des membres de la BSB ont combattu - et sont morts - dans le front sud. Et il n’en reste pas moins que, arrivée par la mer, la BSB a occupé le port de Bluefields alors que la révolution n'y était pas encore arrivée, une révolution qu’elle a donc dirigée et menée au triomphe.
L'expulsion de la Brigade Simon Bolivar
La BSB réussit à joindre Managua, la capitale du Nicaragua, quand le somocisme s’écroulait. Elle fut reçue avec les honneurs, non seulement par le peuple nicaraguayen mais également par le gouvernement, qui mettait à sa disposition, entre autres choses, un bâtiment pour fonctionner. Pourtant, quelques mois plus tard, ce même gouvernement expulsait la BSB du Nicaragua et livrait les brigadistes à la police du gouvernement bourgeois de Panama. Miraculeusement, celle-ci n'a assassiné aucun de nos camarades, même s’elle les a durement réprimés.
Ce fait posait, au trotskysme, deux problèmes décisifs, liés mais non identiques : un problème politique programmatique, et un problème moral. Le premier consistait à définir, sans évasives, si l’on était pour ou contre la construction d'un parti trotskyste au Nicaragua. Le second, était de savoir si l’on devait soutenir l'expulsion de militants révolutionnaires, qu’ils fussent trotskystes ou non, d’un pays, et leur extradition au gouvernement bourgeois et à la police d’un autre pays.
Le premier problème relève de l'essence, de la raison d'être de la Quatrième Internationale, celle-ci étant nécessaire à la révolution anticapitaliste dans les pays capitalistes, et à la révolution politique antibureaucratique dans les Etats ouvriers bureaucratiques. Ceci signifie qu’il faut des sections de la Quatrième Internationale dans tous les pays du monde.
L'expulsion de la BSB posait ce problème programmatique non seulement parce que la direction et une grande partie des brigadistes se réclamaient du trotskysme, mais aussi parce que la BSB fut expulsée par le gouvernement sandiniste, pour avoir mis en œuvre le programme trotskyste.
Concrètement, et tel que publié dans la presse mondiale, la BSB a été expulsée pour les raisons suivantes :
- Avoir organisé des syndicats (quelque 80) par le biais d'assemblées démocratiques des travailleurs ;
- Avoir promu l'occupation de terres par les paysans dépossédés ;
- Avoir promu l'organisation de milices populaires ;
- Avoir dénoncé certains membres de l'Assemblée de Gouvernement comme étant des bourgeois.
En passant, précisons que dans les trois premiers cas la BSB n'a rien inventé ; elle a simplement encouragé et soutenu comme programme, ce qui était déjà un mouvement objectif des masses et des travailleurs, à savoir : organiser leurs syndicats, occuper les terres et former leurs milices. Cette dynamique s’est heurtée à la politique des sandinistes, une politique de coalition gouvernementale avec la bourgeoisie et consistant principalement en l'utilisation de différentes tactiques, toutes visant à empêcher que la classe ouvrière n’attaque la propriété privée des alliés bourgeois du sandinisme dans le gouvernement. Ainsi ont-ils désarmé les milices et construit une armée régulière fermement contrôlée par le gouvernement bourgeois de coalition. Ils ont empêché l'occupation de terres, en dehors de celles expropriées au somocisme, parce qu'une réforme agraire complète aurait affecté les propriétés de certains de leurs alliés, alors dans le gouvernement, tels Violeta Chamorro et Robelo. Ils ont permis la formation de syndicats ouvriers, mais à condition d’être contrôlés par le sandinisme pour les empêcher de se transformer en outils de contrôle ouvrier, en définitive, pour empêcher l'expropriation de la bourgeoisie industrielle alliée, elle aussi, aux sandinistes au sein du gouvernement. Bref, cette politique cherchait à empêcher les travailleurs et paysans du Nicaragua d’exproprier la bourgeoisie alliée au sandinisme dans le gouvernement.
En résumé, la BSB fut expulsée pour avoir appliqué le programme trotskyste et avoir dénoncé, devant les masses, l’opposition du sandinisme à un tel programme. Et ce, parce que le sandinisme avait conclu avec la bourgeoisie un pacte de gouvernement de coalition. Notre brigade a été expulsée non pas pour s’être déclarée trotskyste, mais pour avoir mis en pratique le trotskysme. Tant il est vrai, que les « trotskystes » du SU, ainsi que ceux du SWP des Etats-Unis, ont ouvert et maintenu leurs bureaux à Managua sans aucun problème parce que, tout en se déclarant trotskystes, ils ne mettaient nullement le trotskysme en pratique, se limitant à soutenir plus ou moins inconditionnellement le sandinisme et ses accords avec la bourgeoisie.
Nous ne nous arrêterons pas sur le problème moral, l'expulsion de révolutionnaires pour les livrer à la police bourgeoise. Ce problème s’explique en effet de lui-même.
La rupture avec le SU
La rupture avec le SU se produisit principalement parce que celui-ci a soutenu l'expulsion de la BSB du Nicaragua et son extradition à la police panaméenne. Ainsi, le 3 septembre 1979, une délégation officielle du SU, formée de hauts dirigeants des sections mexicaine, française, péruvienne, américaine et suisse a adressé à la direction du FSLN une déclaration de soutien inconditionnel à cette mesure. Dans cette déclaration, après avoir accusé la BSB « d'essayer de séparer les travailleurs de son avant-garde, le FSLN », le SU soutenait que « la direction du FSLN avait raison d’exiger des membres non nicaraguayens du groupe... qu'ils abandonnent le pays ».22
Ceux-là mêmes qui n'avaient pas soutenu le FSLN et la révolution dans la lutte contre Somoza, condamnaient, maintenant que le FSLN était dans le gouvernement, la BSB qui essayait de reprendre au sandinisme la direction du mouvement ouvrier et de masse, pour garantir un cours permanent à la révolution nicaraguayenne. Eux-mêmes, soutenaient l’expulsion de la BSB et son extradition à la police panaméenne.
Par sa signification politique et programmatique, ainsi que morale, ce fait catalysa la rupture de la FB avec le SU. La confrontation autour de la BSB fut une confrontation autour du programme : capituler ou ne pas capituler face aux directions petites-bourgeoises du mouvement de masse qui conduisent une révolution triomphante ; ou, par l'affirmative : construire ou non des sections de la Quatrième Internationale dans les pays où de telles directions ont assumé le pouvoir.
Face au scandale qu'a signifié l'extradition de la BSB à la police panaméenne, le Comité Exécutif International du SU s’est limité à insérer, dans une résolution, une phrase timide et insuffisante regrettant le fait. Mais d'autre part, cette résolution approfondissait la capitulation au FSLN et aux autres mouvements en faveur de la guérilla en Amérique Centrale, en interdisant catégoriquement, dans ces pays, l’existence d'organisations trotskystes sous prétexte que « le FSLN était la direction adéquate pour le processus révolutionnaire en cours ». Par conséquent, les trotskystes devaient s'intégrer dans cette organisation, sans faire de l'entrisme mais en s’y dissolvant, purement et simplement.
C’est dans ces conditions que le Congrès Mondial du SU approchait. Ni Mandel ni Barnes n’ont eu recours à des mesures bureaucratiques contre notre courant, bien qu'il y ait eu quelques expulsions dans quelques sections. Plus encore, Mandel et Barnes reconnaissaient le poids de notre courant et étaient disposés à garantir que le Congrès Mondial puisse choisir une nouvelle direction internationale intégrée, au moins pour un tiers, de dirigeants de la FB. Mais nous étions contre le fait de rester dans une organisation internationale où coexistaient des programmes et des morales opposés. Nous avons rompu avec le SU parce que celui-ci n'a pas reconsidéré son soutien à l'expulsion de la BSB ni sa décision d’interdire l'existence d'organisations trotskystes au Nicaragua.
Le lambertisme et la révolution nicaraguayenne
En opposition avec le SU, d'autres courants trotskystes, même sans connaître ou sans partager la politique de la FB et de la BSB, ont assumé une attitude qui les honore : celle de répudier l'expulsion de la BSB. Parmi ces courants, il y avait celui de Thornett en Angleterre.23 Un autre courant était le lambertisme qui, dans une déclaration du Comité Central de l'OCI française datée du 2 septembre 1979, condamnait l'expulsion de la BSB comme une attaque « contre le mouvement révolutionnaire et antiimpérialiste des masses populaires, [une attaque] dont l'intention était de liquider les comités ouvriers qui ont pris le contrôle des usines, [...] de s'opposer à la construction de syndicats indépendants de l’Etat et de liquider les comités de paysans ».
De la part de l'OCI, cette défense principielle de la BSB faisait partie d'une position d'ensemble, également principielle, face au fait décisif de la lutte de classes mondiale qu'était la révolution nicaraguayenne. Luis Favre, important dirigeant du CORQI, l'a exprimée dans un texte intitulé « Révolution prolétarienne au Nicaragua »,24 où il définissait la révolution nicaraguayenne comme « le début classique de la révolution prolétarienne ». Ce texte caractérisait le programme du FSLN comme « s'inscrivant pleinement dans la pseudo théorie de la révolution par étapes et du socialisme dans un seul pays » ; il dénonçait « la volonté politique du FSLN de constituer... un gouvernement de coalition avec la bourgeoisie... et de combattre toute aspiration des masses à la constitution d'un gouvernement propre et sans représentants de la bourgeoisie », en ajoutant : « Il s'agit de la barrière du Front Populaire ».
Favre précisait le caractère « bourgeois » du Gobierno de Reconstrucción Nacional (Gouvernement de Reconstruction Nationale) et soutenait que le FSLN cherchait à « reconstruire l’Etat bourgeois ». Face à quoi, il avançait, en le citant textuellement, le Programme de Transition de Trotsky : exiger la rupture du sandinisme avec la bourgeoisie pour constituer un gouvernement ouvrier et paysan, agiter un programme de transition comme le programme que devait adopter ce gouvernement. Du point de vue international, Favre avançait le mot d’ordre, correct, des EtatsUnis Socialistes de l'Amérique Latine. Et il concluait : « Tout autre attitude ne peut que conduire à la défaite de la révolution qui, pour être victorieuse, exige la construction d'un parti révolutionnaire, section de la Quatrième Internationale ».
Il s'agissait, évidemment, d'une coïncidence programmatique de principes entre la FB et le lambertisme, face au fait révolutionnaire colossal qu'était le triomphe de la révolution nicaraguayenne. Pour la première fois en de nombreuses années, deux courants trotskystes, qui n'avaient pratiquement pas entretenu de relations pendant des décennies, coïncidaient devant un événement d'une telle ampleur. Les deux combattaient l'essence du révisionnisme : la capitulation aux directions stalinistes ou nationalistes petites-bourgeoises ayant dirigé des processus révolutionnaires triomphants. Les deux combattaient pour la construction du trotskysme au Nicaragua, en faisant face à une de ces directions, le sandinisme. Telle a été, pour nous, la signification profonde de ces coïncidences qui ont provoqué le rapprochement, et l'unité ultérieure, entre nos courants respectifs.
- LA FORMATION DE LA QUATRIEME INTERNATIONALE - COMITE INTERNATIONAL (QI-CI)
Les coïncidences sur le Nicaragua nous ont donc conduits à explorer les possibilités d'unir nos forces à celles du lambertisme, dans une organisation internationale. Le premier pas a été la constitution du Comité Paritaire. Et la première tâche de celui-ci a été l'élaboration des bases programmatiques qui devraient soutenir l'organisation unifiée. Dans ceci, nous avons été conséquents avec une méthodologie pour nous principielle : dans toute unification, à quelque niveau que ce soit, c’est le programme qui est décisif. Surtout, quand l'histoire a déjà démontré qu'il ne suffit pas de se réclamer du Programme de Transition, des quatre premiers congrès de l’Internationale Communiste et de la Révolution Permanente, puisque toutes les directions révisionnistes que nous avions subies, de Pablo à Mandel, avaient fait profession de foi de ces textes.
Il fallait, en effet, en partant de ces bases, élaborer un programme qui réponde à des phénomènes nouveaux et inexistants durant la vie de Trotsky : le triomphe de révolutions qui ont exproprié la bourgeoisie et constitué des Etats ouvriers sous des directions non ouvrières/bolcheviques, mais stalinistes bureaucratiques (Mao, Tito, Ho Chi Minh, Kim Il Sung et l'Armée Rouge en Europe orientale) ou petites bourgeoises nationalistes (Castro). C’était ainsi, puisque ce sont ces processus-là qui ont suscité le révisionnisme dans nos rangs, à partir de Pablo, précisément par la capitulation à de telles directions.
Le programme de la QI-CI
Le programme, élaboré par Moreno à la demande du lambertisme, a été présenté sous forme de Thèses à la Conférence Mondiale de fondation de la Quatrième Internationale - Comité International (QI-CI), en décembre 1980, et la Conférence a approuvé ce programme. Dans son intervention de présentation, Moreno a clairement défini ses objectifs : « premièrement, élaborer un programme clair, un cadre général pour structurer une organisation solide ; deuxièmement, nous différencier clairement des autres courants du mouvement ouvrier, principalement du révisionnisme. [Les Thèses] sont une arme de lutte contre le révisionnisme. »25
Les Thèses de la QI-CI26 ont effectivement constitué un programme trotskyste principiel qui réaffirmait la nécessité de la construction de la Quatrième Internationale et l’actualité du Programme de Transition. Les Thèses faisaient une dénonciation implacable de toutes les directions contre-révolutionnaires et opportunistes, du stalinisme aux castrisme et sandinisme, en passant par la social-démocratie et la totalité des directions bureaucratiques, nationalistes bourgeoises et petites-bourgeoises - guérilléristes ou non - du mouvement de masses, ainsi que des gouvernements qu'elles constituaient. Il y avait tout un chapitre consacré à la révolution politique : celle-ci était qualifiée de nécessaire dans tous les Etats ouvriers existants, ainsi que dans toutes les organisations ouvrières, syndicales et politiques du monde capitaliste.
Les Thèses affirmaient leur caractère d'arme de lutte contre le révisionnisme dans leur chapitre final intitulé « Le révisionnisme est incompatible avec le trotskysme », où il était précisé que le révisionnisme, « qui s’est emparé de la direction de notre Internationale en 1951, se caractérise par sa capitulation systématique - pendant ces trente dernières années - aux directions bureaucratiques ou petites-bourgeoises du mouvement de masses, et par le fait d’avoir abandonné notre lutte intransigeante contre ces directions et pour construire et développer nos partis comme seule possibilité de dépasser la crise de direction révolutionnaire de l'humanité », puisque « le révisionnisme affirme... que les directions du mouvement de masses - bureaucratiques, stalinistes ou petites-bourgeoises peuvent adopter un cours centriste qui les conduirait à des positions objectivement révolutionnaires ».
Les Thèses de la QI-CI avaient un objectif anti-révisionniste tellement catégorique qu'elles le définissaient ainsi dans leur phrase finale : de « permettre à la Quatrième Internationale d'éliminer de ses rangs le révisionnisme qui s’y était installé sous diverses variantes ». Le programme de la QI-CI était donc un programme trotskyste authentique élaboré sur la base du projet présenté par la FB et que nous continuons à revendiquer comme tel, sauf une importante omission, le problème du front populaire (que nous avons erronément considéré inutile de développer parce qu'il n'y aurait rien à ajouter à la position classique de Trotsky), et une formulation erronée sur le front unique ouvrier.
Corriger de graves déviations
L'élaboration du programme a permis, entre autres avancées, de corriger deux graves déviations du lambertisme : la politique de front unique anti-impérialiste, et le sectarisme vis-à-vis des syndicats.
Le lambertisme soutenait depuis le milieu des années 70 que dans les pays arriérés dépendant de l'impérialisme il fallait construire le Front Unique Anti-Impérialiste, c’est-à-dire un front commun entre la classe ouvrière et les secteurs bourgeois et/ou petits-bourgeois qui résistent à l'oppression et à l'exploitation de l'impérialisme. Il s’agissait d’une stratégie évidente de collaboration de classes, front-populiste. Cependant, sans nier la possibilité et la nécessité, voire l’obligation de mener des actions anti-impérialistes communes, avec tout secteur social ou organisation politique disposé à se battre sur ce terrain-là, notre courant s'opposait à la construction de fronts, puisque cela impliquerait la perte de l'indépendance politique de la classe ouvrière et son renoncement à diriger la mobilisation populaire nationale contre l'impérialisme.
Le lambertisme a alors abandonné sa position et a adopté la nôtre. C’est pourquoi les Thèses définissent notre tactique pour les pays capitalistes arriérés comme une « unité d'action anti-impérialiste limitée », ce qui est « opposé aux fronts populaires et autres fronts ou coalitions de collaboration avec la bourgeoisie » ; c'est-à-dire, des « accords temporaires avec les organisations de masses nationalistes bourgeoises », « circonstancielles et limités dans le temps », « tactiques ». En résumé, « la grande tâche est toujours d'obtenir l'indépendance politique et organisationnelle totale de la classe ouvrière, jamais la formation de fronts stables avec la bourgeoisie ».
Sur la question syndicale, le lambertisme a également renoncé à la politique qui était la sienne depuis des années : celle de ne pas considérer les organisations syndicales de masses comme un secteur d’intervention obligatoire des trotskystes, en leur opposant une sorte de « syndicats rouges ». On renonçait ainsi à la lutte contre la bureaucratie et pour la direction des organisations de masses. Le renoncement du lambertisme à cette politique ultra sectaire et anti-trotskyste a permis aux Thèses d’établir que « tout parti trotskyste doit travailler préférentiellement dans les organisations syndicales regroupant la plupart des travailleurs, quelles que soient l'origine et la structure actuelle de ces organisations... Militer dans les syndicats, quelles que soient leurs origines et caractéristiques... est un principe cardinal de la politique trotskyste ».
La QI-CI commence à se développer
Le rythme de travail fécond, qui était celui du Comité Paritaire depuis sa formation en 1979, a continué et s’est même étendu au cours des quelques mois de vie organique de la QI-CI et ce, tant dans les différentes sections nationales, que dans les organismes de direction. On a avancé dans les unifications nationales et dans l'élaboration commune de programmes nationaux. Dans la réunion du Conseil Général de mai 1981, on a aussi réalisé d'importantes avancées théoriques et politiques, propulsées par notre courant et approuvées par Lambert, bien que pour quelques sujets des différences et des problèmes soient apparus.
Enumérons brièvement quelques-uns des principales discussions et résolutions.
Amérique Centrale : On a spécifié que le triomphe de la révolution nicaraguayenne contre Somoza a ouvert une étape révolutionnaire dans toute la région, « un seul processus objectif et d'ensemble, celui d'une révolution ouvrière, contre l'impérialisme yankee, qui tend à l'unification de tout l'isthme dans un seul Etat ». Ceci, parce que l'Amérique Centrale est « une nationalité atomisée et divisée en six pays », contrairement au reste de l'Amérique Latine, avec des nationalités plus ou moins bien définies. D'où le fait que, tandis que dans le reste de l'Amérique latine nous continuions à avancer le mot d’ordre traditionnelle de Fédération Socialiste, pour l'Amérique Centrale nous avancerions celui des « Etats-Unis Socialistes d'Amérique Centrale ». En plus d'exprimer la tendance du processus objectif, cette consigne centrale était une arme de bataille contre l'impérialisme, qui cherchait à « éviter que le processus objectif de révolution, dans toute la région, se transforme en processus conscient » et qui, « pour maintenir la balkanisation des Etats, doit balkaniser le processus révolutionnaire même ». C'était aussi une arme contre le castrisme et le stalinisme, qui avaient les « objectifs consciemment contre-révolutionnaires » de « limiter d'abord, et d’écraser ensuite la révolution d'Amérique Centrale » par la voie de « confiner chaque processus dans le cadre des Etats nationaux imposés par l'Amérique du Nord. »27
L'Espagne : La discussion politique face à la tentative de putsch militaire de Tejero a permis de corriger des erreurs des deux organisations de la QI-CI vis-à-vis de ce pays. Principalement, nous avons avancé dans la caractérisation du régime post-franquiste, en assignant toute son importance à l'institution monarchique, l'armée et la justice, qui étaient l’élément clef de la continuité avec le franquisme, bien qu'avec de profondes réformes démocratiques bourgeoises. Cela a inversé, d’une part, la politique erronée du PST espagnol (organisation provenant de la FB) qui, face au putsch militaire, avait participé à la manifestation en défense du régime existant (avec les partis ouvriers et avec le parti de droite de Framboisier Iribarne) et, d’autre part, les déviations ultra-gauchistes du parti lambertiste Partido Obrero Socialista Internacionalista (POSI - Parti Ouvrier Socialiste Internationaliste), qui rejetait les Cortes (Parlement) en tant que terrain de lutte électorale pour le trotskysme. Nous avons ainsi mis clairement au premier plan la lutte pour la République et le droit à l'autodétermination nationale des Basques et des Catalans comme de grands mots d’ordre démocratiques contre la monarchie, en les liant dans un programme de transition vers le gouvernement ouvrier et paysan, la révolution agraire et la Fédération de Républiques Socialistes Ibériques.28
La Pologne : Nous avons établi qu’il y avait ici « un double pouvoir... institutionnel et généralisé... entre le gouvernement... de la bureaucratie et Solidarnosc », que ce double pouvoir était déterminé non seulement par le groupement de la totalité du prolétariat au sein de Solidarnosc mais aussi par le développement de Solidarnosc paysan, que la lutte de classes ouvrirait la perspective d'étendre l'organisation chez les soldats, que la tâche stratégique centrale était de consolider le pouvoir populaire concrétisé en Solidarnosc, de commencer à construire les piquets de Solidarnosc comme un premier pas vers les milices et d'orienter Solidarnosc vers la « liquidation du gouvernement de la bureaucratie ».29
Bien qu’étant d’accord sur tout ce qui précède - des questions importantes - deux analyses opposées ont surgi, de fait, sur la Pologne. D’une part, il y avait celle des dirigeants de l'ex-FB, qui soulignaient la perspective d'une insurrection ouvrière contre la bureaucratie, insurrection qui s’appuierait sur les organisations de pouvoir ouvrier - Solidarnosc et embryons de soviets - ainsi que l'importance de gagner les soldats à une telle perspective. D’autre part, il y avait celle de Lambert, dont le projet était de fonder et de développer en Pologne un parti de type social-démocrate.
Le Pérou : Concernant ce pays, il y a eu des discussions très riches sur le programme et les tactiques nationales. Le Partido Obrero Marxista Revolucionario (POM-R - Parti Ouvrier Marxiste Révolutionnaire - section péruvienne du lambertisme), suivant la politique lambertiste du Front Unique AntiImpérialiste, avait rejoint le front électoral appelé Alianza Revolucionaria de Izquierda (ARI - Alliance Révolutionnaire de Gauche). Dans la réunion du Comité Paritaire de février 1980, suivant l'orientation générale du projet de thèses qui abandonnait cette conception lambertiste, la direction du POM-R décida de se retirer de l'ARI. Avec le PST péruvien (qui venait de la FB), ils « se sont mis d'accord pour entreprendre un combat commun contre l'ARI et sa politique de front populaire »30 et ils ont constitué le Frente Trabajadores al Poder (FTP - Front Travailleurs au Pouvoir), un front trotskyste et d'indépendance de classe, auquel ils ont réussi à faire adhérer la majorité du Partido Revolucionario de los Trabajadores (PRT - Parti Révolutionnaire des Travailleurs) mandéliste.
Dans la Conférence de fondation de décembre 1980, les directions du POM-R et du PST péruvien ont élaboré ensemble une très bonne résolution, qui devait être la base d'élaboration d'un programme national commun. Les axes de la résolution étaient l'indépendance politique des travailleurs, la dénonciation du projet de constitution de Gauche Unie comme étant un front de collaboration de classes et l'unité syndicale dans une centrale indépendante de l'Etat et de tous les partis politiques. En conséquence avec les propositions des Thèses, la politique néfaste du « Front Unique Anti-Impérialiste » était restée complètement hors du programme et de la tactique des organisations péruviennes, dont les directions décidèrent de réaliser un débat interne, à travers un bulletin, sur le front anti-impérialiste et le front ouvrier, pour terminer de dépasser les différences.
Etonnamment, dans le Conseil Général de mai, la question du front unique anti-impérialiste est revenue sur le tapis, quand un dirigeant de l'ex-CORQI, Favre, a entamé son intervention à ce sujet en disant que : « l'axe de la lutte pour le front unique dans les pays coloniaux et semi-coloniaux passe par la lutte pour le front unique anti-impérialiste et l'auto-organisation de la classe ouvrière... on pourrait dire front unique anti-impérialiste et soviets ».31 La discussion a été assez dure mais en est restée là. Elle a toutefois ouvert le débat public dans toute la QI-CI. Qui plus est, ce même mois, Lambert et Moreno se sont opposés conjointement au POM-R péruvien (qui, à nouveau, soutenait à fond la politique du front unique anti-impérialiste) avec une position principielle commune et conforme aux Thèses de la QI-CI.
Mais en dernier ressort, comme nous le verrons ensuite, le lambertisme avait signé un programme - sur la condamnation du front unique anti-impérialiste - avec lequel il n’était pas d'accord. Il l’avait signé comme simple manœuvre tactique. On peut dire la même chose de l'intervention de Lambert au Pérou. Comme ce sujet n'affectait pas directement l'OCI française, il n'a eu aucun inconvénient, en bon national-trotskyste, à lapider ses amis péruviens et soutenir une position en laquelle il ne croyait pas lui-même. Nous verrons ensuite comment, après l'éclatement de la QI-CI, le lambertisme est retourné sans problème à sa position originale. Ce que nous voulons souligner ici est qu'en dernier ressort, pour eux, la signature d'un programme commun n'était pas une question de principes mais une simple manœuvre tactique.
Le centralisme démocratique
Avec le programme, ou plutôt comme une partie de celui-ci, il y avait un second point de principe pour notre courant, un point qui a caractérisé toute notre politique dans la lutte pour la construction de la Quatrième Internationale : la nécessité d'une Internationale centraliste démocratique. Ce serait une erreur de négliger l'importance de cette question, puisqu'une des principales caractéristiques du révisionnisme, comme nous avons déjà indiqué, a toujours été celle de s'opposer au véritable centralisme démocratique international.
C'est pourquoi nous nous sommes efforcés, dès le début, de faire en sorte que la QI-CI ne ressemblât en rien à la fédération de tendances de Mandel, ni à la fédération de sections nationales du SWP américain, ni aux groupements internationaux dominés par (et soumis à) une section « mère » nationale-trotskyste. Nous avons essayé de construire une Internationale selon le critère léniniste et trotskyste, celui qui prévalut dans l’Internationale Communiste : centralisée, avec un seul programme, avec des campagnes internationales communes, avec une direction internationale différente et supérieure à un corps fédératif de directions nationales, une direction promouvant, au niveau mondial, une même politique principielle.
Mais en même temps, nous avons reconnu d’emblée que dans le mouvement trotskyste entier - et, partant, dans notre propre courant - il n’y avait pas de direction confirmée par la lutte révolutionnaire et capable de centraliser l’Internationale de façon vraiment léniniste. C'est pourquoi nous nous sommes opposés - et nous continuons à nous opposer - à l’expulsion ou suspension de sections nationales par une direction internationale : ces mesures ne peuvent être décidées que par un congrès international qui remplit strictement toutes les conditions statutaires. De même, nous nous opposons à ce qu'une direction internationale impose une politique et une tactique aux sections nationales : cela est contraire à la méthodologie léniniste. Nous pensons en revanche que, alors qu'elle promeut un programme et une stratégie communs, concrétisés à travers des campagnes internationales, de lutte pour la révolution et contre les directions traîtres, la direction internationale n’intervient dans la vie des sections qu’à travers la discussion politique et méthodologique, en conseillant les directions nationales et en les aidant patiemment dans leur maturation. En synthèse, bien que nous revendiquons comme correct et nécessaire le centralisme démocratique qui caractérisa la Troisième Internationale de Lénine et de Trotsky, nous savons qu'actuellement, et sûrement pour une longue période, en raison de la crise de direction existant depuis de nombreuses années dans la Quatrième Internationale, nous devons adapter ce régime en accentuant au maximum son aspect démocratique, et en atténuant son aspect centralisateur.
Mais un autre élément est venu encore s’ajouter au processus de formation de la QI-CI : la nouvelle organisation se construisait sur la base réelle d'une fusion entre courants internationaux préexistants, avec leurs traditions, styles et langages propres, ce qui imposait nécessairement une période de transition, de travail en commun, pour pouvoir souder la fusion. Cette combinaison de raisons nous a amenés à proposer, pour la QI-CI, un régime interne qui, tout en tendant vers le centralisme démocratique international, prévoyait quelques clauses qui ne ressortaient pas du centralisme démocratique.
Ce régime particulier, de transition, a été concrétisé dans les Statuts32 autant que dans la composition des organismes de direction. Par exemple, pour prendre une résolution à caractère obligatoire pour tous les sections et militants, celle-ci devait être adoptée au préalable par le Conseil Général de la QI-CI avec les trois quarts des voix ; et ce, contrairement au centralisme démocratique léniniste qui n’impose qu’une majorité simple. Pour sa part, dans les organismes de direction, la Conférence Mondiale Ouverte qui fonda la QI-CI avait décidé une représentation paritaire des deux courants principaux : le nôtre et le lambertiste.
Ce caractère transitoire vers le centralisme démocratique était parfaitement clair pour l’ensemble de la QI-CI. Un caractère sur lequel, lors de sa convocation, la Conférence Mondiale allait encore insister : « Le Comité Paritaire ne s’est jamais considéré comme une direction centralisée... « La Quatrième Internationale - Comité International » ne se considérera pas non plus comme telle, même si elle représentera un pas en avant vers l’atteinte de cette conquête, conquête qui devra être la réalisation d'un processus responsable et principiel et, essentiellement, le résultat d'une expérience commune. »33
Les Thèses programmatiques approuvées dans cette Conférence précisaient que la reconstruction ou réorganisation de la Quatrième Internationale n'était pas achevée, et qu'une des grandes tâches de la QI-CI serait « d'avancer dans le sens de la reconstruction d’un véritable centralisme démocratique de la Quatrième Internationale, détruit après la crise provoquée par le révisionnisme pabliste en 1951 ». Le Statut lui-même, dans son Préambule, indiquait l'objectif de « reconstituer les conditions politiques nécessaires à la pleine utilisation des normes du centralisme démocratique à l'échelle internationale ». Nous insistons tellement sur cet aspect, car ce sera celui qui mènerait, quelques mois plus tard, à l'éclatement du QI-CI, dès que des divergences de grande envergure apparaissaient sur le plan politique et du programme.
III. LE REVISIONNISME PROGRAMMATIQUE ET POLITIQUE DE LAMBERT
Nous avons dit que la raison de l'éclatement de la QI-CI était due aux méthodes bureaucratiques de Lambert pour empêcher la discussion sur la politique de l'OCI française face à Mitterrand. Mais avant d'entrer dans ce sujet nous prêterons attention au le contenu de cette discussion. Qu'est-ce que Lambert ne voulait pas que son organisation française discute ? Il ne s'agissait pas d'un problème anodin. Il s'agissait de la capitulation de l'Organisation Communiste Internationaliste (OCI, avec le PST argentin la section la plus forte de la QI-CI) à un gouvernement bourgeois impérialiste de front populaire.
Cette capitulation s'est développée de façon foudroyante, presque depuis le lendemain du triomphe électoral de Mitterrand en mai 1981. Lambert, qui à d'autres moments avait attaqué violemment la social-démocratie française, s'est mis à la soutenir sans retenue dès qu'elle est arrivée au gouvernement.
Ceci s'est manifesté sur tous les terrains, aussi bien dans la caractérisation du nouveau gouvernement que dans les consignes politiques et l'intervention de l'OCI dans la lutte de classes. Le Projet de Rapport préparé par la direction de l'OCI pour être présenté à son Congrès, ainsi que son organe de presse hebdomadaire, Informations Ouvrières, de cette époque, ont été la vitrine de cette capitulation.
Caractérisations opposées
Le Projet de Rapport34 définissait le gouvernement de Mitterrand comme « bourgeois de collaboration de classes, de type front populaire », clarifiait que « ce n'était pas un gouvernement ouvrier et paysan » et affirmait que « ce n'est pas notre gouvernement ».
Mais par la suite, on assignait à Mitterrand une série de qualités vraiment impressionnantes :
« Il y a une contradiction (antagonisme) insurmontable entre le gouvernement bourgeois de Mitterrand et la bourgeoisie ». « Le gouvernement de Mitterrand entre inévitablement à chaque pas en conflit avec l'appareil d'Etat bourgeois, avec la bourgeoisie... ».35 « La simple existence de l'élection de François Mitterrand à la présidence de la République et d'une majorité PS-PC [dans l'Assemblée Nationale] est incompatible avec les institutions antidémocratiques et réactionnaires de la Cinquième République ».36
De cette analyse on déduisait que la France était divisée en deux camps : celui du mouvement ouvrier et le gouvernement de Mitterrand d'une part, et celui de la bourgeoisie d'autre part. C'était une division tellement aiguë qu'elle portait « le germe d'une guerre civile, et la bourgeoisie ne peut faire autre chose que s'y préparer ». Ou plutôt, celle-ci avait déjà commencé à le faire : « le grand capital [est en train de préparer] des attaques de guerre civile », et Mitterrand « veut s'opposer » à ces attaques.37
Face à cette caractérisation sur l' « incompatibilité » de Mitterrand avec la Cinquième République et l'évolution, par conséquent, de la situation française vers une situation révolutionnaire, de guerre civile de la grande bourgeoisie contre Mitterrand, notre courant a opposé des analyses complètement différentes :
« Le contenu de collaboration de classes du gouvernement de Mitterrand se manifeste, avant tout, dans sa volonté de préserver l'essentiel des institutions de la Cinquième République ».38 Par conséquent, à moins qu'il n'y ait une vague révolutionnaire très puissante ce qui n'allait pas être le cas, ni l'a été l'arrivée de Mitterrand au gouvernement renforcerait la Cinquième République en perte de vitesse, en créant un jeu bipartisan, « en défendant la Cinquième République en crise et en acceptant ses règles du jeu, en respectant l'alternance électorale, comme en Angleterre ». Et nous insistions : « Il n'y a pas de doute que sans 'première vague', grande et durable, qui amorce le début de la révolution française... la Cinquième République survivra. L'actuel gouvernement avec participation staliniste tombera certainement et d'autres combinaisons de front populaire, présidées par Mitterrand, apparaîtront... Ce qui sera inévitable, c'est une crise politique qui jettera le PC du gouvernement, ce PC passant probablement à la collaboration depuis l'extérieur avec le gouvernement bourgeois du moment. »
La montée révolutionnaire n'a pas eu lieu et les faits ont confirmé clairement notre hypothèse pour une telle situation, opposée totalement au pronostic lambertiste qu'il y avait une guerre civile en puissance entre Mitterrand et la bourgeoisie française.
La théorie des « camps »
La fausse caractérisation concernant le gouvernement de Mitterrand et ses relations avec la bourgeoisie française a servi à Lambert pour faire également une fausse analogie avec quelques situations « classiques » de guerre civile ou nationale et pour essayer de les transposer à la France. Ainsi, l'OCI comparait la situation française avec la situation russe lors du soulèvement de Kornilov contre Kerenski, avec la situation espagnole pendant la guerre civile et avec la situation chinoise sous l'invasion japonaise. Elle précisait ensuite que la politique trotskyste consistait à être « dans les premiers rangs du 'camp' de Kerensky » et « dans le 'camp' du gouvernement espagnol de front populaire, contre Franco ».39 L'objectif de cette analogie était d'indiquer que le plus grand danger pour la classe ouvrière était la grande bourgeoisie et sa guerre civile en puissance contre Mitterrand et non, évidemment, le gouvernement de Mitterrand lui-même.
Il s'agissait ainsi d'utiliser comme modèle une politique trotskyste correcte de se placer dans le camp militaire de la nation opprimée en lutte contre l'impérialisme ou de la république démocratique face au fascisme, pour expliquer l'appui à Mitterrand. C'est une analogie complètement fausse, pour une double raison. D'abord, il n'y avait pas de guerre civile en France, et deuxièmement, se définir pour un camp militaire n'implique pas soutenir politiquement la direction politique bourgeoise ou de front populaire de ce camp militaire. Pour ne reprendre qu'un seul de ces exemples, Lénine et Trotsky n'ont jamais opté pour le 'camp' de Kerensky avant que n'ait explosé la rébellion en chair et en os de Kornilov. Avant et après cette rébellion, ils se sont placés dans le « camp » de la classe ouvrière contre le gouvernement de Kerensky. Et quand, pendant la rébellion, ils ont été dans le camp militaire de Kerensky, ils n'ont jamais soutenu celui-ci politiquement, mais l'ont attaqué et l’ont dénoncé avec plus de force que jamais, comme étant incapable de combattre jusqu'à la fin le putsch et comme l'ayant rendu possible par sa politique. On peut dire la même chose de Trotsky par rapport au Kuomintang et Chiang Kai-shek, et par rapport à la République Espagnole sous les gouvernements d'Azaña, de Largo Caballero et de Negrín.
La méthode des « camps » de Lambert ressemble comme deux gouttes d'eau à la méthode utilisée par Pablo en son temps, et que Lambert a combattu, quand Pablo prédisait que la troisième guerre mondiale entre l'impérialisme et la bureaucratie était inévitable. Pablo optait alors, par conséquent, pour le « camp » de la bureaucratie, en capitulant politiquement face à elle. Trente ans plus tard, dans la France de Mitterrand, Lambert a rejoint la méthode de Pablo, ce qui a provoqué une coïncidence remarquable dans les pronostics et dans la politique, entre l'OCI et le petit groupe des partisans actuels de Pablo en France.
Pronostics opposés, politiques opposées
Tant l'OCI française que les partisans de Pablo ont prédit que Mitterrand prendrait des mesures très favorables aux travailleurs. Les deux ont soutenu qu'il ferait l'objet, par ces mesures, d'une attaque impitoyable de la grande bourgeoisie. Et les deux ont proposé de défendre le gouvernement et ces mesures « progressistes » des attaques.
Le Projet de Rapport lambertiste disait : « L'OCI soutiendra toute mesure que le gouvernement de Mitterrand peut prendre » en vue de rompre avec l'appareil d'Etat de la Cinquième République, de nationaliser des entreprises, de séparer l'Eglise de l'enseignement, de résoudre les problèmes de l'emploi, de l'augmentation des prix, de la formation professionnelle, etcetera. Par conséquent, comme l’affirmait Stéphane Just dans un document approuvé par le Bureau Politique de l'OCI : « Nous sommes disposés à soutenir toute résistance du gouvernement à la pression et au sabotage des capitalistes. »
C'est précisément ce que disait le petit groupe de Pablo : « Nous soutiendrons toutes les mesures sociales et politiques que prend [Mitterrand] qui satisfont les revendications des travailleurs. Nous défendrons inconditionnellement [le gouvernement de Mitterrand] contre les attaques de la droite ».40
Cette politique commune de Lambert et Pablo les induit à soutenir que les trotskystes doivent faire une espèce de « front unique » avec le gouvernement bourgeois impérialiste de front populaire. Pablo défendait l' « unité d'action » avec Mitterrand.41 Lambert masquait une ligne semblable sous la formule de « front unique » avec les partis ouvriers traîtres qui intégraient le gouvernement. On appelait ainsi, par exemple, à « organiser le front unique des organisations ouvrières... contre l'augmentation de prix et la chute des salaires organisées délibérément par les patrons ».42 Au lieu de dénoncer que la misère ouvrière était le fruit de la politique du gouvernement de front populaire et des « organisations ouvrières » qui en faisaient partie, Lambert appelait à l'unité avec ces dernières et dénonçait seulement « les patrons ».
Notre courant faisait un pronostic opposé. Nous soutenions que le gouvernement tendrait à « imposer les plans très durs de faim et de chômage de la bourgeoisie, en continuant l'orientation de Giscard-Barre.43 Il essayera de convaincre les travailleurs à accepter cela et, s'il n'y arrive pas, il le fera par tous les moyens. »44
Notre politique aussi était le contraire de celle de Lambert-Pablo. L'OCI ne dénonçait jamais Mitterrand comme le principal ennemi du mouvement ouvrier et soutenait que l'ennemi principal était la bourgeoisie française qui était hors du gouvernement. Nous soutenions que, depuis le jour même où le Front Populaire assumait le gouvernement, il est devenu un gouvernement de la bourgeoisie. Par conséquent, le combat politique contre la bourgeoisie devenait le combat contre son gouvernement du moment, celui de Mitterrand. Seulement une guerre civile réelle, ou la préparation sérieuse d'un coup d'Etat, pourrait nous mener à définir, de façon circonstancielle, que le pire danger pour la classe ouvrière était la contre-révolution fasciste et non Mitterrand, et pourrait, si Mitterrand lui faisait face, nous mener à combattre ce danger depuis le même camp militaire.
Le gouvernement bourgeois de front populaire pouvait avoir ou ne pas avoir des frictions avec la bourgeoisie. Lambert jugeait qu'il les aurait jusqu'en arriver à la guerre civile, et il en déduisait qu'il fallait défendre ce gouvernement ou soutenir les mesures « progressistes » de Mitterrand face à la réaction bourgeoise. Nous soutenions qu'il n'allait pas y avoir de telles frictions essentielles ni une telle guerre civile. Mais ce qui est important, c'est que, même si Lambert avait raison dans son pronostic, il faisait quand même fausse route dans sa politique. Avec ou sans frictions, avec ou sans guerre civile, jamais les vrais trotskystes ne soutiennent la moindre mesure d'un gouvernement bourgeois, qu'il soit ou ne soit pas de front populaire.
En ceci nous nous inspirions de Trotsky, qui rejetait que les révolutionnaires puissent soutenir des mesures de front populaire, ni même au milieu d'une guerre civile. Il s'est manifesté ainsi à maintes occasions, par exemple, lors de la polémique avec Shachtman, en soutenant que l'on ne pouvait pas voter le budget de guerre du gouvernement républicain espagnol. Avec autant de raison, ou plus, on ne pouvait pas soutenir des mesures de Mitterrand en France où il n'y avait pas de guerre civile entre Mitterrand et la bourgeoisie, ni sa menace.
L'autre versant de son appui aux supposées mesures progressistes de Mitterrand a été le refus de Lambert d'avancer des exigences au gouvernement et aux partis ouvriers qui en faisaient partie pour démasquer l'un et les autres devant la classe ouvrière. Lambert n'a jamais avancé la consigne trotskyste traditionnelle face aux gouvernements de front populaire : dehors les ministres bourgeois ! En réalité, il n'a avancé ni celle-là ni aucune autre consigne de pouvoir opposée au Front Populaire. Il n'a jamais avancé, ni agité devant les masses, un programme de transition pour développer leur mobilisation qui leur ferait faire face au gouvernement de front populaire. N'ayant pas avancé ces consignes ni formulé ces exigences, il a refusé de démasquer le gouvernement, le PS et le PC, qui n'al-laient pas y donner suite.
Comme résultat inévitable, Lambert ne s'est jamais démarqué des partis ouvriers dans le gouvernement, il n’a jamais dénoncé leur politique de ne pas rompre avec la bourgeoisie pour se transformer en un véritable gouvernement ouvrier et paysan qui appliquerait ces mesures transitionnelles.
La politique syndicale de Lambert
Tout ceci a eu des expressions politiques et syndicales réellement nauséabondes. Sur le terrain syndical, il n'y a pas eu de solirarité de classe avec les luttes et les grèves ouvrières qui ont eu une grande montée depuis fin août 1981 et face auxquelles l'OCI n'a pas pris position ni a appelé à les soutenir. Il n'a pas centré sa politique sur la dénonciation des directions traîtres du mouvement ouvrier français, une obligation permanente qui se multiplie par mille quand ces directions font partie, directement ou par le biais des partis auxquels ils répondent, d'un gouvernement bourgeois. Bien que l'OCI ait fait quelques dénonciations, très espacées, de la CGT et de la CFDT, elle n'a jamais fait la moindre dénonciation de la CGT Force Ouvrière (CGT FO), dont le plus haut dirigeant, Bergeron, est un exemple parfait de traître social-patriote, et dans la direction de laquelle Lambert occupe un haut poste de dirigeant.
Qui plus est, Jean-Christophe Cambadélis, président du syndicat estudiantin (UNEF) et à ce moment membre du CC de l'OCI, ainsi que toute la direction lambertiste, soutenaient que depuis l'investiture de Mitterrand « était arrivé le moment du syndicalisme... de concertation ». Par conséquent, « le rôle de l'UNEF consiste à informer les autorités sur toutes les revendications et aspirations des étudiants ».45 C'est-à-dire que, face au gouvernement de front populaire, le rôle du syndicat cessait d'être celui de mobiliser les étudiants et devenait celui d'informateur du gouvernement bourgeois pour concerter avec lui.
Avec ceci, le lambertisme maintenait sa position traditionnelle que les syndicats ne doivent pas faire de la politique. Sa presse informait avec joie que le congrès de l'UNEF avait rejeté une proposition de la Ligue Communiste Révolutionnaire française (mandéliste) de se prononcer en faveur du vote pour une majorité PS-PC dans les élections législatives qui ont suivi les présidentielles victorieuse pour Mitterrand.46 L'argument était qu'un syndicat ne devait pas « approuver la position d'une organisation politique » parce que cela « l'isolerait ». Le lambertisme défendait ainsi la même position du syndicalisme jaune, d'exclure la politique des organisations de masses, c'est-à-dire de séparer les masses de la politique. C'était une manœuvre préventive précisément pour que le syndicat estudiantin ne mette pas en question la politique du président Mitterrand encore novice.
Pour terminer de bloquer toute possibilité de mobilisation unie des masses contre le gouvernement de front populaire impérialiste de Mitterrand, l'OCI a toujours évité d'avancer la consigne d'unité, ne serait-ce que dans une seule centrale ou confédération, des trois centrales dans lesquelles se trouve divisé le prolétariat français (CGT, CFDT et CGT-FO)47 et des syndicats indépendants. C'est une omission traître, puisque cette division est une des raisons fondamentales qui permettent la survie du régime putréfié de la Cinquième République.
Bien que l'apolitisme syndical et la non-exigence de l'unité syndicale par l'OCI viennent de loin, nous les soulignons parce que, à partir de Mitterrand, les directions syndicales commençaient à participer directement ou indirectement au gouvernement bourgeois. Sous ce type de gouvernement de front populaire, la nécessité que les organisations syndicales s'unifient et interviennent en politique devient plus impérieuse que jamais. C'est le terrain où le trotskysme peut combattre plus fermement pour l'indépendance de la classe ouvrière face à l'appareil de l'Etat bourgeois et son gouvernement de front populaire.
Le capitulation à l'impérialisme
L'OCI n'a pas dénoncé l'impérialisme français ni son expression gouvernementale, Mitterrand. Elle n'a pas fait campagne pour l'indépendance des colonies que la France possède encore, comme la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane. Au contraire, elle a qualifié les triomphes électoraux de la socialdémocratie dans ces colonies comme « une effervescence politique heureuse ».48 Et elle n'a pas dit un seul mot contre la répression des combattants anticolonialistes de Guadeloupe.
L'OCI n'a pas appelé à liquider les accords semis-coloniaux de l'impérialisme français avec plusieurs pays africains, ni a condamné la politique de Mitterrand de les maintenir, y compris par les armes. Elle n'a pas non plus combattu contre Mitterrand pour la liberté des nationalistes bretons, corses et basques français en prison.
L'OCI n'a pas dénoncé que Mitterrand était - et continue à être - le gouvernement le plus servile envers Reagan et ses plans de contre-révolution mondiale qu'il y a eu en France depuis longtemps. Elle n'a pas dénoncé, spécifiquement, la politique d'armement de ce gouvernement ni le fait de continuer à développer « une force de dissuasion nucléaire propre » dirigée contre l'Union Soviétique. Elle n'a pas appelé la classe ouvrière à se mobiliser pour la rupture de l'Accord Atlantique et de l'OTAN et contre l'installation de missiles yankees dans cinq pays européens.
La capitulation sur tous les terrains
La liste de capitulations au Front Populaire est longue et finirait par fatiguer le lecteur, mais nous finirons en disant que le lambertisme a cédé à Mitterrand sur le terrain politique, depuis ce qui concerne la démocratie bourgeoise la plus élémentaire jusqu'à ce qui est relatif au caractère de l'Etat.
L'OCI n'a pas combattu pour la destruction de l'Etat bourgeois, n'ayant pas exigé que les fonctionnaires gouvernementaux soient désignés par le mouvement ouvrier, soient révocables par celui-ci et aient un salaire équivalent à celui d'un travailleur moyen. Elle a ainsi soutenu de fait la politique de Mitterrand de laisser intact l'appareil d'Etat et de se limiter à remplacer certains de ses fonctionnaires par des éléments du PS.
L'OCI n'a pas exigé la liberté des prisonniers de l'ETA basque et de l'IRA irlandais qui étaient dans les prisons de Mitterrand.
L'OCI n'a pas combattu la politique de Mitterrand de permettre que subsiste l'éducation privée, en particulier religieuse. Au lieu d'exiger le monopole étatique de l'enseignement et son caractère laïque, elle a avancé la même consigne que le PS et la maçonnerie : « Fonds publics à l'école publique, fonds privés à l'école privée ».
Cette capitulation totale du lambertisme sur le terrain programmatique et des consignes, sur le terrain politique, économique et syndical, national et international, face au gouvernement bourgeois de front populaire dirigé par Mitterrand, voilà ce qui a déchaîné la crise et l'éclatement postérieur de la QI-CI. Il s'agissait du révisionnisme le plus abject, d'une capitulation à la direction politique de front populaire de la classe ouvrière française, une capitulation pire encore que celles de Pablo et de Mandel. Eux, au moins, ont capitulé face à des directions traîtres de mouvements révolutionnaires de masses. Lambert a capitulé au misérable succès électoral de Mitterrand, sans aucune lutte révolutionnaire de la classe ouvrière.
Une conception révisionniste achevée
C'est en France où, une fois de plus, le révisionnisme lambertiste se présente avec une plus grande acuité, à partir du projet de parti qui a été lancé à la fin de 1985, le Mouvement Pour un Parti des Travailleurs (MPPT). Entre le 30 novembre et le 1 décembre 1985 a eu lieu à Paris le Congrès Constitutif du MPPT. Selon Informations Ouvrières (qui cessait d'être la publication du Parti Communiste Internationaliste (PCI)49 pour devenir la « tribune libre » du MPPT), le MPPT « réunit des ouvriers et des militants d'origines diverses (militants ou anciens militants du Parti Socialiste et du Parti Communiste Français, militants du PCI, syndicalistes) » face à la réalité que « les dirigeants du PS et du PCF ont violé le mandat que le peuple leur a confié en 1981, en refusant de voter les lois favorables aux travailleurs, ce qui a laissé à la classe ouvrière et les couches populaires qui lui sont proches sans une représentation politique authentique ». C'est pourquoi on propose « la reconstruction d'un parti ouvrier authentique, indépendant, fidèle aux opinions des travailleurs ».
Ceci pourrait être un pas tactique en avant. Lambert se serait peut-être décidé finalement à attaquer durement l'impérialisme français et son gouvernement socialiste, ainsi que le PS et le PCF qui le soutiennent. Il se serait peut-être décidé à essayer de regrouper les travailleurs qui rompent avec leurs illusions dans les grands partis traîtres, dans une perspective révolutionnaire. Alors, le projet du MPPT pourrait être une tactique, erronée ou correcte mais respectable, parce qu'elle serait au service de la révolution socialiste en France. Mais ce n'est pas du tout le cas.
Voyons quel est le programme de ce nouveau parti. Pour appartenir au MPPT il n'y a « pas d'autres conditions que l'accord sur les quatre points suivants :
- Reconnaissance de la lutte de classes : la lutte de classes et le combat politique sur le terrain de classe constitue la ligne d'action permanente ainsi que l'axe central qui doit favoriser la reconstruction d'une unité ouvrière, qui se base sur la plus vaste démocratie.
- Etat et école laïques.
- Liquidation des institutions antidémocratiques de la Cinquième République et établissement d'une véritable démocratie dont le peuple définira lui-même la forme et le contenu.
- Indépendance réciproque entre les partis politiques et les organisations syndicales. »
Comme nous le voyons, il n'y a aucun point dans le programme en faveur de la révolution ouvrière et du socialisme, ni non plus aucun point contre l'impérialisme français et de défense du droit à l'autodétermination de ses colonies et semi-colonies. Ce dernier est un point programmatique fondamental, selon la Troisième Internationale, pour savoir si un parti ouvrier d'un pays impérialiste est ou n'est pas révolutionnaire. Cette trahison, qui dans le programme est implicite - par omission, par le fait de ne pas mentionner le combat à l'impérialisme français comme un point fondamental du programme révolutionnaire pour la France - est devenu explicite en plaçant le MPPT ouvertement, et depuis sa fondation, dans un rôle de soutien de la France impérialiste. Voyons le « Rapport politique pour le Congrès Constitutif du MPPT » adopté en septembre 1985. Il y est dit :
« De quoi les travailleurs ont-ils besoin...
De démocratie, c'est-à-dire, du respect des principes républicains de la souveraineté de la représentation nationale,... d'unité de la République... »51
Le lambertisme défend l'« unité » de l'impérialisme français et ses colonies, les « Départements d'outre-mer ». « Unité de la République » en France signifie la domination par l'impérialisme français de la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane française, la Nouvelle Calédonie et d'autres peuples. Au lieu d'appeler les travailleurs français à combattre leur propre impérialisme et à s'allier aux peuples dominés par celui-ci pour qu'ils se libèrent, Lambert les appelle à serrer les rangs en défense de l'« unité » et la « démocratie » de la République impérialiste.
En conclusion, du point de vue programmatique et politique, le lambertisme n'a déjà plus rien à voir avec la construction de la Quatrième Internationale, puisqu'il a fondé un nouveau parti réformiste libéral impérialiste, qui ne revendique même pas le socialisme et l'autodétermination des colonies de « son » impérialisme.
- L'ECLATEMENT DE LA QI-CI : DES METHODES BUREAUCRATIQUES ET DES ATTAQUES MORALES
Les différences entre notre courant et le lambertisme concernant la politique en France n'étaient pas du menu grain, comme nous l’avons vu. Elles concernent une question programmatique : la stratégie trotskyste face aux gouvernements de front populaire. Ce n'était pas une nouveauté pour notre mouvement. Au contraire, cette stratégie avait été parfaitement établie, depuis que notre programme de fondation, le Programme de Transition, a signalé les fronts populaires comme le principal ennemi de la classe ouvrière et de la révolution socialiste.
Toutefois, même cette différence abyssale ne devait pas nécessairement conduire à une lutte fractionnelle frontale pouvant aboutir à la rupture. Une discussion profonde - et certainement dure - sur le sujet, menée à bien jusqu'à la fin avec une pleine démocratie parmi toutes les sections et tous les militants de la QI-CI, pouvait servir à rectifier l'orientation lambertiste ou pouvait nous convaincre que nos critiques étaient exagérées. Une autre possibilité était que, une fois cette discussion épuisée, nous arrivions à la conclusion que nous avions des programmes divergents qui ne pouvaient pas coexister dans le cadre d'une organisation commune et qu'il était préférable de nous séparer en termes fraternels et de laisser à la lutte de classes, et l'application de nos programmes respectifs en celle-ci, le mot définitif et la possibilité d'une nouvelle convergence.
Malheureusement, cette discussion n'a pas eu lieu, comme cela a toujours été le cas dans notre mouvement international depuis le pablisme. Elle n'a pas pu avoir lieu parce que le lambertisme a recouru aux méthodes bureaucratiques du pablisme, mises au point davantage et augmentées, pour l'empêcher. Le lambertisme a commencé à essayer d'empêcher la discussion ; il a continué à expulser les dissidents présents dans l'OCI française et dans d'autres sections qu'il dirigeait ; et il a abouti à une attaque morale honteuse contre un des principaux dirigeants la QI-CI et fondateur du CORQI, Ricardo Napurí. Ces méthodes non ouvrières et non révolutionnaires, propres à tous les révisionnismes, ont été poussées à l'extrême par leurs déclinaisons national-trotskystes. Les méthodes de Lambert ont été absolument identiques à celles de Healy.
Ces méthodes ont été la raison profonde de l'éclatement de la QI-CI. Elles ont empêché la discussion démocratique des différences existantes. L'histoire de l'éclatement de la QI-CI est donc l'histoire de quatre mois de lutte de notre courant pour que cette discussion aie lieu, ainsi que l'histoire des manœuvres de Lambert, sans principes méthodologiques ni moraux, pour l'empêcher.
Manœuvres pour empêcher la discussion
Au fur et à mesure que les positions de l'OCI française face à Mitterrand étaient connues, il y a eu des réactions dans différentes sections de la QI-CI. Au mois d'août, le débat était déjà ouvert. Le sujet a été examiné dans le congrès de la Lega Socialista Rivoluzionaria (LSR Ligue Socialiste Révolutionnaire) italienne et dans les directions de plusieurs partis latino-américains, dont le PST argentin et le PST colombien, les deux provenant de l'ex-FB. Dans tous les cas, il y avait des représentants du lambertisme, qui ont pu informer et contre-informer sans aucune limitation.
Mais le débat a commencé à être bloqué dès le début dans quelques sections avec des directions lambertistes, tandis qu'il était absolument tabou dans l'OCI française. Pour ne donner qu'un seul exemple, le Comité Central du POSI espagnol a résolu, sur l'initiative du dirigeant de l'OCI française Stéphane Just, « de ne pas prendre en considération » une lettre qu'avait envoyée Moreno (qui était invité à cette réunion mais ne pouvait y assister). Le seul fait d'avoir envoyé la lettre a été qualifié de « violation du centralisme démocratique ». Sans entrer dans le détail du type particulier de centralisme démocratique que la QI-CI avait comme régime de transition, soulignons que, pour Lambert, un dirigeant ne peut pas envoyer une lettre polémique à une réunion d'un Comité Central à laquelle il a été invité à assister pour participer à la discussion mais à laquelle il n'a pas pu se rendre.
Plus grave encore était la tentative du lambertisme d'empêcher que la base de l'OCI française discute le problème, le congrès de l'OCI étant annoncé pour décembre de cette année. Lambert voulait que ce congrès ratifie, sans opposition et sans discussion sérieuse, sa politique d'appui à Mitterrand. Moins encore acceptait-il, en dépit de son accord explicite que la discussion serait publique, que cette discussion publique arrive en France. Il l'a démontré quand il a retardé, avec différentes excuses, l'édition du n°13 de Correspondance Internationale, l'organe officiel public de la QI-CI, qui incluait un article de Moreno - écrit à la demande de Lambert - avec ses critiques à l'orientation de l'OCI française. Finalement, quand la revue était imprimée, l'OCI a pris une résolution inhabituelle : interdire la vente publique de l'organe officiel public de l'Internationale, hors des cadres de l'OCI.
On a aussi mis tout type d'obstacles à la discussion internationale. En violant grossièrement l'article neuf du Statut de la QI-CI, qui établissait que le Comité Exécutif était l'organisme chargé de garantir « l'élan de la discussion politique internationale et qu'il prenne toute mesure nécessaire à cette fin », le lambertisme a refusé systématiquement que le Comité Exécutif accomplisse cette fonction. Dans le but de diluer la discussion le plus possible, il a insisté sur le fait que seulement le Conseil Général pouvait mettre en oeuvre la discussion internationale et il a retardé encore et encore la date de sa convocation.
A toutes ces manœuvres, notre courant a répondu avec un effort sérieux et constant pour que toute la QI-CI puisse discuter démocratiquement le problème. Nous avons présenté des propositions dans différentes réunions du Comité Exécutif, dont la ligne générale était la suivante :
- Que le Comité Exécutif ouvre immédiatement la discussion internationale publique et convoque le Conseil Général pour fixer la date d'une Conférence Mondiale, avec six ou sept mois de discussion préalable.
- Que cette discussion soit obligatoire dans toutes les sections, lesquelles devraient tenir des congrès extraordinaires ou des conférences pendant le dernier mois avant la Conférence Mondiale. On conseillait à l'OCI française que le vote décisif sur le sujet en débat ait lieu dans un congrès ou une conférence du même type, c'est-à-dire qu'elle fasse la même chose que les autres sections.
- Que la défense des positions serait faite oralement par des délégations des deux positions rivales, dans tous les organismes - de direction et de base - de toutes les sections, pendant les six ou sept mois de discussion préalables à la Conférence Mondiale.
- Que, vu le climat fractionnel existant, une commission de morale, ainsi que de contrôle et d'organisation du débat et de la Conférence Mondiale, acceptée et reconnue par tous, serait désigné par accord.
- Que, pendant la période de discussion, aucun militant qui exprimerait des différences idéologiques, politiques ou méthodologiques avec sa direction ne ferait l'objet de sanctions disciplinaires. (Par la suite, quand ont commencé les expulsions par le lambertisme, on a inclus l'exigence de réincorporer ceux qui étaient sanctionnés.)
De tous ces points, le lambertisme a seulement accepté la discussion publique et la convocation de la Conférence Mondiale. A tous les autres points il a opposé un Non catégorique ! Ce refus de mettre en œuvre une discussion démocratique dans toute la QI-CI, et particulièrement dans l'OCI française, est ce qui a conduit à la rupture.
L'excuse utilisée par Lambert pour formaliser la division a été une note du PST argentin qui informait qu'il avait résolu d'ouvrir un bureau en France et demandait 1.000 exemplaires de Correspondance Internationale n° 13 pour les vendre publiquement. Cela a tout fait exploser. La manœuvre lambertiste d'empêcher la diffusion de nos positions en France, en interdisant la distribution de l'organe public officiel de la QI-CI, se dévoilait. Lambert a alors décrété que cette demande du PST argentin équivalait à une « auto-scission » et il nous a déclaré « hors » du Comité Exécutif.
Lambert, comme tout national-trotskyste, inventait un centralisme démocratique international sur mesure, selon ses besoins de « défendre » - ou, comme dirait Healy, de veiller à la « sécurité » de - son « parti-mère », l'OCI française, ainsi que sa direction nationale et lui-même comme « primus inter pares »52. Pour cela, il oubliait carrément les Statuts qu'il avait lui-même approuvés pour la QI-CI. Ceux-ci établissaient que le seul organisme qui pouvait imposer au PST argentin - ou à toute autre section - une résolution de caractère obligatoire, pour qu'il fasse ou cesse de faire quelque chose, était le Conseil Général, par les trois quarts des voix.
En dépit de tout, notre courant a continué à chercher les chemins pour que la QI-CI ne se divise pas et que l'on puisse mener la discussion. Avec cette intention, Moreno s'engageait, par une lettre adressée à la réunion conjointe des Comités Exécutifs de la OSI53 et de la CS du Brésil et à toutes les sections de la QI-CI,54 à « abandonner ce projet [d'ouvrir un bureau du PST argentin à Paris] si on reconstruisait le Comité Exécutif..., acceptait l'ouverture immédiate de la discussion internationale.... avec le droit d'intervenir dans la discussion de l'OCI ou de tout autre section... », à interdire tout type de sanctions et à réincorporer immédiatement les expulsés de l'OCI française. La lettre se terminait par :
« Je veux discuter de la politique de l'OCI face au gouvernement Mitterrand, dans ses cellules, pour convaincre l'organisation et sa direction qu'ils ont profondément tort. C'est tout. C'est la seule chose que je demande. Toutefois, sur ce point, je suis intransigeant. Je n'admets pas qu'on limite ce droit sacré, ni à moi, ni à tout autre militant ou dirigeant de la QI-CI. Si on nous accorde les droits que je réclame par cette lettre, tout peut s'arranger. »
Mais rien ne s'est arrangé. Lambert n'était pas disposé à ouvrir son organisation à une discussion qui mettait en question sa stratégie politique de front populaire et, avec elle, la méthode bureaucratique que son organisation imposait pour défendre cette stratégie.
La division de la QI-CI étant un fait, nous avons fait tous les efforts possibles pour qu'elle ait lieu de façon principielle et dans un climat le plus fraternel possible. Le résultat de ces efforts a été le protocole signé le 17 novembre 1981 par Lambert et Andrés Romero, du PST argentin.55 Il faisait le constat que « la forme paritaire du Conseil Général n'existait plus », proposait « la constitution d'un comité de liaison » pour continuer la discussion et précisait l'objectif de « maintenir des relations fraternelles ». Dans cet esprit, on assumait le compromis qu'aucune des deux parties n'utiliserait les sigles de la QI-CI, ni le nom de Correspondance Internationale pour ses publications.
Avant que l'encre du protocole n’ait eu le temps de sécher, Lambert le violait déjà. Onze jours après la signature on pouvait lire dans Informations Ouvrières (28/11/81) que « le Conseil Général de la QI-CI » s'était réuni, lequel avait convoqué à la « Conférence Mondiale de la QI-CI ». Pas question de séparation fraternelle : Lambert avait décidé que son courant, qui était minoritaire dans la QI-CI, essayerait de garder le nom de l'organisation internationale. De notre part, bien que nous fussions en majorité, nous avons honoré notre compromis. Jamais nous n'avons utilisé à nouveau le nom de QI-CI ni celui de Correspondance Internationale.
Les expulsions
Au milieu de ce processus, Lambert a commencé la chasse aux sorcières dans l'OCI française, qui par la suite s'est étendue à d'autres sections dirigées par les lambertistes. Tout à coup a eu lieu le 24 octobre une conférence nationale des cadres de l'OCI, convoquée pour « commencer la discussion internationale ». Dans ces débats, qui n'ont pas pu être enregistrés par opposition expresse de Lambert, celui-ci a annoncé qu'on avait découvert une provocation fasciste-staliniste grave contre l'OCI, à laquelle participaient les membres de l'OCI qui provenaient de notre courant. Il a annoncé que les expulsions avaient commencé. Et il a réaffirmé que tout ceux qui jugeraient que la politique de l'OCI face à Mitterrand était révisionniste seraient expulsés.
Cette annonce a été mise en pratique au moyen d'un document interne intitulé « Note de la direction de l'OCI à tous les responsables de secteur ». Ce document paraît calqué des délires de Healy sur « la sécurité et la Quatrième Internationale ». Il commence par dire que le PC français veut détruire l'OCI. Par la suite, pour expliquer qu'il n'y a pas de centralisme démocratique pour les ennemis du parti, il invente un hypothétique trotskyste qui aurait participé à des réunions avec le groupe fasciste Action Directe. Pour un tel individu, il n'y a pas de centralisme démocratique, « il n'y a qu'une seule attitude : dehors ! ».
Ensuite, le document concrétise l'objectif d'un tel prologue : si un militant de l'OCI dit dans une réunion interne que l'OCI est révisionniste, « il n'a pas sa place dans l'OCI. Dehors ! ». Sur ce point, Lambert allait plus loin que Healy lui-même. Celui-ci cherchait ou forgeait au moins des faits de la réalité pour condamner Hansen comme agent du FBI ou de la GPU. Lambert établit directement le délit d'opinion. Si un militant soutient que la politique de son organisation est révisionniste, il doit être traité de la même façon qu'un staliniste ou un ami des fascistes : « Dehors ! ». C'était la méthode des amalgames stalinistes. Pour Staline, tout opposant était agent nazi ou de l'impérialisme. Celui qui s'opposerait à Lambert était, par définition, la même chose qu'un staliniste ou une fasciste. Ainsi ont commencé les expulsions.
Pour ne pas multiplier les exemples, nous mentionnerons seulement l'expulsion de Streik, étant donné son caractère « classique ». Le Comité Central de l'OCI l'a jeté de son parti en l'accusant de faire « un travail de sape de l'organisation » et d'avoir éloigné de jeunes travailleurs de l'OCI, par ses « discussions ». Comme on peut le voir, Streik n'avait pas rompu avec la discipline de l'OCI, il n'avait pas défendu en public des positions contraires aux positions officielles. On l'expulsait parce qu'il discutait.
La cellule de Streik, informée de l'expulsion, a voté contre celle-ci. Le Comité Central de l'OCI a résolu le problème en expulsant les cinq camarades de cette cellule qui avaient voté contre l'expulsion de Streik. Eux ont été expulsés pour avoir voté de manière différente à ce que voulait la direction.
Au-delà de leur objectif pratique, immédiat, d'empêcher la discussion, ces expulsions cherchaient aussi à détruire les victimes. C'est pourquoi elles étaient mêlées à des analogies ou des insinuations - « stalinistes », « fascistes » - contre la morale révolutionnaire des adversaires.
Les attaques morales : Napurí et Just
Nous avons déjà vu que, avec les expulsions, Lambert attaquait la morale révolutionnaire des opposants. Cette facette de la méthode lambertiste, les attaques morales, fleurissait de façon répugnante contre Ricardo Napurí.
Ricardo Napurí est un vieux dirigeant révolutionnaire, fondateur du CORQI, secrétaire général pendant dix ans de sa section péruvienne, le POM-R, et sénateur pour le FOCEP. Napurí était la fierté du CORQI, sa principale figure publique.
Napurí avait déjà eu des différences avec Lambert, avant qu'apparaisse la QI-CI, autour de la signification des assemblées populaires au Pérou et, surtout, contre l'exigence démentielle de l'OCI que le POM-R passe de 100 à 2.500 militants en un an. Une nouvelle différence est apparue quand, une fois au sein de la QI-CI, l'unification entre le POM-R et le PST (section péruvienne de l'ex-FB) était en discussion. A cette occasion, Lambert et Moreno ont présenté une position commune, en insistant sur l'unification, à laquelle Napurí s'est opposé parce qu'il considérait qu'on n'avait pas réalisé la discussion préalable qui avait été prévue dans un protocole spécial. Mais cette différence a été traitée de manière totalement différente par Moreno et par Lambert. Pour Moreno, le fait qu'il y avait une telle différence avec Napurí ne signifiait pas que celui-ci ait cessé d'être un révolutionnaire. Lambert l'a accusé verbalement de « provocateur policier » et d'« agent de la bourgeoisie ».
Quand la crise de la QI-CI s'est transférée à l'intérieur du POM-R, Napurí a renoncé à son parti et a manifesté, avec les meilleurs dirigeants syndicaux du POM-R, sa décision de s'unir au PST péruvien, dirigé par notre courant. Dans une déclaration datée du 4 décembre 1981 et rendue publique dans le journal Marcha (Pérou, 8/12/81), le Bureau Politique du POM-R a accusé Napurí d'une « trahison », d'une « désertion traître », d'être devenu un « élément » qui menaçait de « corrompre » le POM-R « sous la pression matérielle de l'Etat bourgeois, en particulier du Parlement ». Concrètement, la direction du POM-R a accusé Napurí de ne pas avoir remis au POM-R l'argent qui correspondait à son régime de sénateur. Napurí était un voleur.
Notre courant a répondu à l'attaque morale d'une telle envergure contre un vieux dirigeant révolutionnaire, en exigeant la constitution un tribunal moral qui jugerait Napurí. Le tribunal s'est constitué, intégré par des personnalités anti-impérialistes et de gauche, syndicales, politiques et culturelles, dont on ne pouvait nullement soupçonner de sympathiser avec notre courant. C'était un tribunal moral authentique et impartial, à tel point que plusieurs dirigeants du POM-R sont allés témoigner devant lui, en le reconnaissant de fait.
Le verdict du tribunal a été que Napurí n'avait commis aucune action qui mettrait en doute sa morale ouvrière et révolutionnaire. La méthode calomnieuse de Lambert avait été dévoilée.
Après la rupture de la QI-CI, Lambert a continué avec le système des attaques morales. Moins de trois ans plus tard, c'était le tour de son compagnon de toute sa vie, son « second » dans l'OCI, Stéphane Just. Stéphane Just était un ouvrier électricien, dirigeant syndical, dirigeant de l'organisation trotskyste française depuis la fin des années 40, militant contre le révisionnisme pabliste depuis 1951. Mais il a aussi commis un « péché » : il n'a pas voté comme Lambert voulait qu'il vote, et il est devenu un provocateur staliniste.
La chose a commencé avec l'expulsion d'un militant, Mélusine, de la part du 18ème Congrès du PCI, dont faisait part un communiqué daté du 23 avril 1984. Mélusine était accusé « d'avoir falsifié au moyen de citations les interventions de camarades ». Ensuite, on faisait savoir que « les méthodes de falsification appartiennent à l'arsenal du stalinisme ». Et la méthode de l'amalgame staliniste continuait. Pour Lambert, si Mélusine cite d'autres camarades de façon erronée, et que le stalinisme falsifiait des citations, il faut traiter Mélusine comme un staliniste : Dehors !
Par la suite, le Congrès informait que Just a voté contre l'expulsion de Mélusine, la qualifiant de « sanction pour divergences politiques ». Mais le Congrès « estimait que toute solidarité avec Mélusine... est incompatible avec l'appartenance au PCI ». C'est pourquoi, le Congrès « a exigé du camarade Just qu'il abandonne [sa] position et [son] vote ». Et, étant donné que « le camarade Just a refusé » cela, le Congrès « considère que ceux qui refusent de voter la résolution d'expulsion du faussaire et provocateur Mélusine se placent euxmêmes hors du parti ».
Ce document honteux termine avec une harangue contre les « provocations stalinistes ».
Ici l'amalgame et la persécution confinent au délire. Le Congrès exige d'un militant qu'il change sa position et son vote ! Nous avons l'impression de voir Staline exiger les célèbres « autocritiques » ! Et il expulse un de ses fondateurs, un de ses principaux dirigeants, avec des décennies de parcours trotskyste, pour refuser de le faire !
Il est déjà clair que Lambert n'a pas le moindre scrupule à traîner dans la boue le nom et l'honneur révolutionnaire de camarades qui, avec des politiques erronées ou non, ont consacré toute leur vie à la révolution et à l'Internationale. Il suffit qu'ils manifestent des différences avec lui pour qu'il sente, tout comme Healy, que « sa » section trotskyste nationale est menacée ; qu'il faut « la défendre », lui offrir « sécurité ». Et la meilleure façon de le faire est de calomnier grossièrement ses « ennemis », d'essayer de les détruire en frappant la seule chose qu'un vrai révolutionnaire a dans ce monde : son propre parcours, sa morale de révolutionnaire, qui est quelque chose de beaucoup plus précieux que ses succès ou ses maladresses politiques.
Pour le national-trotskysme de Healy et de Lambert, ce capital moral, qui n'est pas seulement individuel mais un héritage pour le mouvement ouvrier et révolutionnaire mondial, n'a aucune importance. Ils n'hésitent pas à essayer de le détruire en le sacrifiant à leurs misérables petites ambitions personnelles, moyennant les pires infamies. Healy a accusé Hansen d'être un agent du FBI et de la CIA. Nous ne savons pas combien de coups bas de ce genre il aura fait, mais ils doivent être nombreux. Lambert a accusé Varga, le militant hongrois contre la bureaucratie et ses tanks, de double agent de la CIA et de la GPU. Il a accusé Altamira et ses camarades qui (avec des politiques erronées ou non) militaient et mouraient sous les terribles dictatures sud-américaines, d'agents de Pinochet. Il a accusé Napurí de voleur. Il a accusé Just de provocateur staliniste.
Notre parcours moral
Notre parcours est opposé à celui du lambertisme en ce qui concerne la morale révolutionnaire des militants et des dirigeants révolutionnaires. Nous n'avons jamais utilisé les questions morales pour attaquer des adversaires politiques.
Un bon exemple a été le cas du camarade Camilo González, de la direction du PST colombien, de l'ex-FB et de la QI-CI. Ce camarade, qui s'est prononcé pour les positions lambertistes, est resté en marge de son parti en refusant explicitement d'observer son statut et sa discipline. Avec ceci, quelques amis à lui nous ont fait parvenir des plaintes dans le sens qu'il y aurait une campagne contre lui de notre part. Notre réponse à cette situation a été exactement l'inverse de celle de Lambert. Nous avons élaboré un document qui a été rendu public, dans lequel nous regrettions que Camilo se soit mis en marge du PST et nous déclarions que nous continuions à le considérer comme un grand dirigeant, avec une morale révolutionnaire irréprochable.56
Le cas de Camilo n'est qu'un élément de plus de tout un parcours de notre courant, dans lequel nous ne recourons jamais à la méthode de liquidation et de destruction par des attaques morales du style lambertiste. Un autre élément, dont nous nous sentons doublement fiers, est d'avoir conséquemment défendu Hansen des immondices de Healy, et avec plus de forces que jamais à partir du moment où nous avons rompu politiquement avec Hansen.
Ce parcours nous donne l'autorité morale suffisante pour planter la croix sur la tombe d'un lambertisme absolument dégénéré.
- CONCLUSIONS
L'évolution du lambertisme depuis la rupture de la QI-CI est, malheureusement, celle que nous avons décrite. Son virage vers le révisionnisme, vers le Front Populaire en France, vers le gouvernement sandiniste au Nicaragua et vers le cléricalisme luliste au Brésil est complet. Il paraît que rien ne reste de cette organisation qui, avec tous ses vices national-trotskystes et sectaires, a eu le mérite d'être championne de la lutte antirévisionniste dans le mouvement trotskyste mondial.
Il paraît aussi que rien ne reste de cette organisation qui a souffert du pire des isolements pour avoir résisté à se soumettre aux méthodes stalinistes du chef historique du révisionnisme, Pablo. Elle utilise maintenant ces mêmes méthodes à un degré qualitativement supérieur que le pablisme lui-même.
Il ne reste presque rien, finalement, d'une organisation qui a figuré parmi les partis nationaux les plus puissants de notre mouvement. Elle va de crise en crise. Avec Just, un secteur minoritaire de militants et de cadres a rompu avec elle. Mais ce n'est pas une rupture à sous-estimer. Just a été un des piliers de la construction et de la direction de l'OCI et de son courant international. Avec Cambadélis, un autre secteur de militants et de dirigeants a rompu avec le lambertisme français, en affaiblissant celui-ci qualitativement, là où il était le plus fort : le syndicat estudiantin.
Mais la crise la plus importante, bien pire que la crise du parti lambertiste français, est celle de son courant international. Nous pouvons dire qu'elle a été réduite à des décombres. Bien que cette crise comme courant international soit déterminée par la crise de l'organisation française, comme cela se passe inévitablement quand il s'agit d'un national-trotskysme, son catalyseur a été ce processus que nous avons décrit des relations du lambertisme avec notre courant.
L'importance décisive du programme et des méthodes organisationnelles
Le révisionnisme a créé dans les rangs de ceux qui se réclament du trotskysme une attitude cynique, petite-bourgeoise, face au problème du programme. Pendant des décennies, c'était devenu une pratique habituelle de jurer pour le Programme de Transition - dont l'essence est qu'il faut réaliser une révolution politique contre la bureaucratie - pour ensuite appliquer une politique contraire sans le moindre scrupule, depuis l'entrisme durant de longues années dans les partis stalinistes de Pablo, jusqu'à renier la révolution politique à Cuba ou dire que le sandinisme est une direction révolutionnaire. Le programme était ainsi réduit à un bout de papier inutile. On pouvait signer quoi que ce soit et faire le contraire.
Nous pourrions en dire autant des accords sur le terrain de l'organisation et des méthodes. On pouvait faire profession de foi du centralisme démocratique, pour tomber ensuite dans les méthodes bureaucratiques les plus aberrantes. Globalement, la question programmatique et organisationnelle a été assumée, non de façon principielle mais de façon opportuniste : comme un terrain de manœuvre pour renforcer des positions de dirigeants, de sections nationales ou de fractions internationales.
Notre courant a lutté et continue à lutter sans trêve contre cette conduite. Nous prenons très au sérieux tout ce que nous signons et lui donnons une importance maximale, depuis le plus petit accord avec une autre organisation pour appliquer une tactique syndicale, jusqu'au programme et aux statuts de l'organisation internationale que nous construisons. Nous croyons fermement que le programme et les statuts, ainsi que le respect le plus inconditionnel envers eux, sont la base de toute Internationale. Nous croyons, de même, que celui qui signe un accord programmatique et/ou organisationnel pour ne pas le respecter, finit par perdre ; alors que celui qui le respecte finit par gagner.
C'est exactement ce qui est arrivé au lambertisme. Sa signature a été une manœuvre, il n'a rien respecté et il a été plongé dans la pire des crises. C'est le contraire avec notre courant : nous avons signé, convaincus de ce que nous signions, nous nous sommes maintenus strictement dans le cadre programmatique et statutaire de la QI-CI, et c'est la raison pour laquelle nous sortons énormément fortifiés de cette expérience. Ou plutôt, de là est apparu la LIT-QI, un groupement international différent, supérieur à ce qu'a été la FB.
Nos avancées
A partir de mai-juin 1981, c'est-à-dire tout de suite après l'investiture de Mitterrand et le début de la capitulation de l'OCI française, est apparue sur le terrain politique et programmatique une réaction saine, homogène, simultanée et immédiate des dirigeants nationaux des différents partis qui provenaient de la FB. Ils ont entamé le combat contre la capitulation. Comme fruit de cette lutte, nous avons eu un enrichissement non prévu dans la discussion théorique et politique d'un sujet clef pour la révolution socialiste mondiale, celui des fronts populaires.
Sur le terrain des méthodes, il y a eu aussi une réaction homogène et principielle en défense de nos conceptions sur la question organisationnelle et la démocratie interne. A partir des différents partis et groupes nationaux sont apparues des critiques et des mises en question de la méthodologie bureaucratique du lambertisme. Cette bataille a eu lieu dans le cadre du respect maximal de la part de tous les dirigeants pour les organismes et les statuts de la QI-CI. La même chose vaut pour nos dirigeants qui faisaient partie du Comité Exécutif. Tout au long de la période de discussion, personne n'a été expulsé dans les sections dirigées par notre courant. Au contraire, tant nos critiques que les documents officiels de l'OCI ont été reproduits et distribués amplement, et les camarades qui soutenaient la position lambertiste ont pu la défendre avec toutes les garanties démocratiques à tous les échelons, depuis la direction à la base de ces partis.
Le résultat de cette conduite principielle sur le terrain programmatique et méthodologique a été que la LIT-QI, fondée en janvier 1982, est quelque chose de qualitativement supérieur à ses composants préalables, en particulier à l'ex-FB, et cela tant au niveau du programme qu'à celui de la direction. Le lambertisme a perdu ses deux dirigeants latino-américains les plus importants, Napurí et Alberto Franceschi (ce dernier dirigeant vénézuélien et parlementaire), qui ont fondé la LIT-QI avec notre courant historique, pour constituer une nouvelle direction internationale, dont ils font partie.
Cette direction et cette organisation nouvelles ont capitalisé les avancées de la lutte contre le révisionnisme lambertiste et ont continué à avancer dans des sujets comme le front ouvrier, antiimpérialiste et révolutionnaire, la révolution politique et les méthodes d'organisation, ainsi que dans l'orientation vers les sections nationales. La LIT-QI est restée ainsi le seul courant du mouvement trotskyste mondial qui non seulement n'est pas en crise mais a une dynamique politique saine et d'insertion croissante dans la classe ouvrière et ses luttes dans plus de vingt pays, tandis que le SU se débat dans une crise chronique, le healysme est mort et le lambertisme est entré en agonie.
Corrélativement, l'expérience de la QI-CI a servi à dévoiler l'inconnue lambertiste et à dégager le chemin d'un obstacle pour la construction de la Quatrième Internationale. La majorité des forces composantes de la QI-CI continuent aujourd'hui dans la LIT-QI. Celle-ci n'est pas la Quatrième Internationale dont les travailleurs du monde ont besoin. Elle n'a une influence de masse dans aucun pays, bien qu'elle soit en condition de combattre pour elle dans quelques-uns. De toute façon, il s'agit d'un pas en avant dans la lutte contre les révisionnismes de tout bord, pour la construction de partis révolutionnaires trotskystes dans tous les pays du monde et pour la construction d'une Quatrième Internationale authentiquement trotskyste.
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19 Le 10 mai 1981, François Mitterrand gagne les élections présidentielles en France, dans lesquelles un quart de l'électorat traditionnel du PC vote PS. Il a la majorité absolue au Parlement et quatre ministres du Parti Communiste participent au gouvernement. Il a sur son palmarès d'avoir participé à la Résistance contre l'occupation nazi (en fait, créant une organisation en marge des communistes, après avoir collaboré un certain temps avec le gouvernement de Vichy). Il a soutenu avec force la colonisation de l'Algérie (« l'Algérie, c'est la France »), mais il s'est opposé à De Gaulle lors de la création par ce dernier de la Vème République. NdT
20 La « grève du charbon » des mineurs anglais. NdT
21 Les sectaires de gauche ont critiqué le nom de notre Brigade avec l'argument que Simón Bolivar était un personnage bourgeois qui continue à être revendiqué par la bourgeoisie latino-américaine. Nous continuons à défendre ce nom. Simón Bolivar a été le plus grand héros de la révolution latino-américaine du début du 19ème siècle contre l'empire espagnol, qui a essayé en vain de construire une seule république en Amérique du Sud. Son nom rejoignait le caractère démocratique anti-impérialiste qu'assumait le début de la révolution socialiste au Nicaragua. Il exprimait, de même, le caractère qu'assume cette révolution socialiste dans toute l'Amérique latine : la lutte pour la Seconde Indépendance, cette fois de l'impérialisme yankee, et pour la Fédération de Républiques Socialistes de l'Amérique latine. Il y avait, en outre, une raison politique pratique : notre objectif était de promouvoir un appui de masses à la révolution anti-somoziste. Vu l'extrême faiblesse du marxisme en Amérique latine, le fait de choisir un nom qui ne rejoindrait pas le sentiment nationaliste antiimpérialiste sain des masses latino-américaines aurait été une erreur sectaire, qui nous aurait éloigné de cet objectif. La critique des sectaires de gauche pouvait parfaitement être appliquée à Trotsky pour avoir revendiqué la Convention et, plus en général, les aspects les plus démocratiques et populaires de la révolution de 1789 dans le programme pour la France.
22 Combat Socialiste, 18/10/79
23 Avec l'organisation de Thornett, il nous a été impossible d'arriver au moindre accord pour faire quelque chose en commun. Ce groupe mettait comme condition préalable d'établir une discussion sur toute l'histoire du trotskysme et de notre courant. Ils étaient spécialement obsédés par l'examen d'un tract que la régionale de la province de Cordoba de notre parti argentin avait publié il y a pas mal d'années. Nous avons refusé carrément d'entrer dans cette discussion sur le passé et nous avons exigé, par contre, de discuter un accord politique et un programme pour agir ensemble dans le présent. En cela nous suivons la méthode de Lénine et de Trotsky. Quand Lénine a accepté l'entrée au Parti Bolchevique du Comité Interdistricts - dirigé, entre autres, par Trotsky - il n'a pas mis la moindre discussion sur d'anciennes différences comme condition. Trotsky a fait la même chose quand il a appelé à fonder la Quatrième Internationale avec trois organisations centristes, et dans toutes ses tentatives d'arriver à un accord avec Nin, le dirigeant du POUM espagnol, bien que celui-ci ait soutenu au niveau électoral le Front Populaire. L'exigence de mener la discussion historique comme préalable pour s'orienter vers un accord programmatique pour l'action commune dans la lutte de classes actuelle est une méthode sectaire, non trotskyste ni léniniste.
24 La Vérité, 24/10/79
25 Panorama International, année V, n° 16.
26 Correspondance Internationale - La Vérité, janvier 1981
27 Panorama International, Année V, n° 17
28 Correspondance Internationale, avril mai 1981
29 Panorama International, Année V, n° 17
30 Résolution de décembre 1980, Panorama International, Année V, n° 16
31 Panorama International, Année V, n° 17
32 Panorama International, Année V, n° 16
33 Correspondance Internationale, octobre 1980
34 Correspondance Internationale, nov. 1981
35 Projet de Rapport
36 Informations Ouvrières, n° 1019
37 Projet de Rapport
Ces analyses de Lambert s'avèrent tout à fait ridicules si nous les appliquions, par exemple, à la Grande-Bretagne sous un gouvernement labour, comme celui d'Attlee. C'est comme si on disait : « Il y a une contradiction (antagonisme) insurmontable entre le gouvernement bourgeois d'Attlee et la bourgeoisie. Le gouvernement d'Attlee entre inévitablement en conflit avec l'appareil de l'Etat bourgeois, avec la bourgeoisie. La seule existence de l'élection d'Attlee au poste de Premier ministre et d'une majorité parlementaire labour est incompatible avec les institutions antidémocratiques et réactionnaires de la monarchie constitutionnelle. Ceci apporte avec lui le germe d'une guerre civile, que le grand capital est en train de préparer, et Attlee veut s'opposer à ces attaques. »
38 Correspondance Internationale, octobre 1981
39 Projet de Rapport
40 Pour l'autogestion, n° l
41 Sous le drapeau du socialisme, 10/05/81
42 Informations Ouvrières n° 1007
43 Giscard d'Estaing a précédé Mitterrand comme Président (1974-1981), avec Raymond Barre comme Premier ministre. NdT
44 Correspondance Internationale, octobre 1981
45 Informations Ouvrières, n° 1000
46 Informations Ouvrières, n° 1002
47 La Confédération Générale du Travail (CGT) est née en 1895. En 1919 est né la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), inspiré par l'encyclique papale Rerum Novarum. mais en 1964, une majorité décide de la déconfessionnalisation et fonde la Confédération Française Démocratique du Travail (CFDT). En 1948, en réaction contre les liens entre la CGT et le PCF, une scission donne lieu à la Confédération Générale du Travail - Force Ouvrière (CGT-FO), actuellement le troisième syndicat en importance derrière la CGT et la CFDT. En France, cinq syndicats bénéficient d'une présomption de représentativité qui n'a pas besoin de preuve, les quatre mentionnés et un syndicat de cadres, la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres. NdT
48 Informations Ouvrières
49 En 1982, l'OCI était devenu le PCI. En novembre 1991, le MPPT deviendra le Parti des Travailleurs (PT) qui continue actuellement à éditer Informations Ouvrières. Quelques mois plus tard, le PCI devient le Courant Communiste Internationaliste du PT, le courant majoritaire. NdT
50 Informations Ouvrières du 5/12/85
51 Informations Ouvrières n° 1228 (19/9/85) souligné N.M.
52 Premier parmi ses pairs, comme le pape parmi les évêques. NdT
53 Organização Socialista Internacionalista (Organisation Socialiste Internationaliste), la section brésilienne du CORQI (lambertiste) qui deviendra plus tard le courant O Trabalho du PT. NdT
54 Correspondance Internationale, nov. 1981
55 Estrategia Socialista, janvier 1982
56 Après la rupture avec Moreno et son courant, Camilo González s'est orienté politiquement vers la droite, jusqu'à finalement renier la révolution socialiste. Il est aujourd'hui ministre du gouvernement bourgeois ultra-réactionnaire de Virgilio Barco en Colombie.
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