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Billet de blog 27 décembre 2023

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VIIIème Congrès mondial de l'UIT-QI

Je reproduis ici un résumé du rapport sur la situation mondiale présenté par Miguel Sorans, dirigeant d’Izquierda Socialista et membre du Secrétariat international de l’UIT-QI lors du VIIIème congrès mondial de cette organisation.

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Illustration 1

L'aggravation de la crise du capitalisme et les perspectives de lutte en 2024

Tout d'abord, nous commençons par confirmer que nous nous trouvons dans la crise la plus grave du capitalisme jamais connue. Elle est plus grave que la crise de 1929 du siècle dernier. Elle est plus étendue dans le temps, puisqu'elle dure depuis quinze ans. C’est une crise à la fois seulement économique, politique et militaire et, depuis 2007-2008, elle se conjugue avec l'aggravation de la crise environnementale, une pandémie mondiale et les guerres en Ukraine et en Palestine. Ces guerres sont nées de la crise mondiale du système capitaliste-impérialiste et elles l’aggravent.

Cette crise est inhérente à l'époque de décadence que connaît le capitalisme depuis la Première Guerre mondiale (1914). Au cours de la période 2022-2023 la lutte des masses en réponse aux plans d'ajustement et aux coupes sociales de l'impérialisme, des multinationales et de leurs gouvernements n’a fait que s’accroître avec notamment des rébellions populaires au Sri Lanka, au Pérou, en Iran ou des grèves ouvrières en France, au Royaume-Uni, en Amérique latine ou aux États-Unis. Le point faible de ce processus de la situation mondiale est l'incapacité à surmonter la crise de la direction révolutionnaire. Comme l'a souligné Léon Trotsky, “la crise historique de l'humanité se réduit à la crise de la direction révolutionnaire”.

Nouvelles expressions de la crise économique aiguë

Au cours des derniers mois, de nouvelles expressions de la profondeur de cette crise mondiale sont apparues. Les dernières informations du FMI font état d'une stagnation économique. En 2022, la croissance a été de 3,5 % et en 2023, elle sera inférieure à 3 %. La crise des industries technologiques, censées être les secteurs de pointe des dernières décennies, est devenue évidente. La société de télécommunications finlandaise Nokia a déclaré une perte de 20 % d'ici à 2023 et prévoit 14 000 licenciements. La société suédoise Ericsson a également annoncé des pertes de 2,8 milliards de dollars. Telefónica de l'État espagnol et British Telephone ont aussi informé des pertes. Toutes les entreprises technologiques européennes préparent un plan de 100 000 licenciements. La Chine ne se remet pas de sa stagnation. Ses deux géants de l'immobilier ont fait faillite. L'un d'eux, Evergrande, a déjà déclaré être dans le rouge à hauteur de 340 milliards de dollars et la société financière Zhongzhi s'est déclarée insolvable ces dernières semaines, avec une dette de 33 milliards de dollars.

Les perspectives pour 2024 iront vers de nouvelles expressions de la crise et la tentative d'appliquer de nouveaux et plus grands ajustements sur la classe ouvrière mondiale et les secteurs populaires afin d'essayer d'augmenter leurs quotas d'exploitation. Cela fera uniquement jeter de l'huile sur le feu de la lutte des classes.

La croissance des luttes ouvrières et populaires prévaut

Nous considérons qu'il s'agit du facteur central qui empêche le capitalisme impérialiste de surmonter sa crise mondiale. Les masses entravent la lutte réactionnaire des capitalistes pour atteindre les quotas d'exploitation dont ils ont besoin pour surmonter la crise. Nous parlons d'une tendance mondiale, et non du fait que dans un pays, ils ne parviennent pas à obtenir une reprise temporaire, car il ne fait aucun doute que les ajustements sont en cours. Les grandes multinationales continuent de gagner de l'argent. Mais, nous parlons du processus global de la crise du capitalisme.

Cette tendance à l'intensification des luttes a été confirmée par la simple mention, par exemple, des grèves aux États-Unis, comme celle réalisée par les travailleurs de l'automobile. Pour la première fois en quatre-vingt-huit ans, les « trois grands » constructeurs d’automobiles, Ford, General Motors et Chrysler, ont connu une longue grève. L'impact a été tel que le président Biden s'est rendu sur un piquet de grève pour soutenir la grève, un événement inhabituel aux États-Unis. Les scénaristes et acteurs de Hollywood ont également gagné la grève, qui a duré 118 jours. Au Bangladesh, deuxième exportateur mondial de vêtements après la Chine, une grande grève a eu lieu dans l'industrie textile. Le Panama est entré en grève générale contre une multinationale minière canadienne. Une première victoire a été remportée, car la Cour suprême panaméenne a dû se prononcer en faveur de la poursuite du plan de la multinationale convenu avec le gouvernement.

Par ailleurs, la résistance héroïque des Palestiniens contre l'invasion et l'attaque génocidaire de l'État sioniste et raciste d'Israël a provoqué une mobilisation mondiale de millions de personnes en solidarité avec le peuple palestinien.

Le désordre mondial s'accroît

La combinaison de la crise du capitalisme et de la montée des luttes alimente ce que nous appelons le « désordre mondial ». Cette expression est également utilisée par les porte-parole de l'impérialisme. Elle exprime sa brutale crise politique, économique et militaire.

En 2001, George Bush Jr, après la chute des Tours Jumelles, annonçait en grande pompe un « nouvel ordre mondial ». Ce nouvel ordre mondial a commencé par l'invasion de l'Afghanistan en 2001 et de l'Irak quelques années plus tard. Plus de vingt ans après, force est de constater que les États-Unis ne sont plus le gendarme du monde qu'ils étaient. Et non seulement il y a un désordre mondial, mais il y a déjà des éléments de non-contrôle de l'impérialisme. C'est pourquoi, en 2022, il y a eu l'invasion russe et la guerre en Ukraine, alors qu'ils n'avaient aucune idée ou anticipation de ce qui allait se passer. Et, maintenant, la nouvelle guerre en Palestine, qu'ils avaient encore moins prévue. Même le Mossad, l'appareil de renseignement prétendument ultra « moderne et supérieur » de l'État raciste d'Israël, n'a pas pu prévoir l'action du Hamas le 7 octobre.

La crise est telle que Biden lui-même, dans un discours à la Maison-Blanche avant l'invasion israélienne de Gaza, a appelé à « empêcher le chaos de se répandre ». En d'autres termes, le chef de l'impérialisme confirme l'existence du chaos politique et appelle la bourgeoisie mondiale à « l'empêcher » de se répandre, disent-ils. Une autre expression de la crise politique mondiale est l'incrédulité croissante à l'égard des anciens et nouveaux partis et dirigeants politiques bourgeois, qui conduit à une érosion accrue des gouvernements et des régimes, en particulier de la démocratie bourgeoise. Un nouveau phénomène mondial émerge, à savoir la montée en puissance de  partis d'extrême-droite. On peut en voir un exemple en Argentine, avec la défaite historique du péronisme dans les urnes et le triomphe électoral de l'ultradroite Javier Milei, qui a accédé au pouvoir.

Nous avons déjà eu Trump ou Bolsonaro au Brésil. Mais, ces changements de gouvernements obtenus par vote populaire dans la démocratie bourgeoise ne signifie pas que des régimes fascistes se mettent en place. Il est très important de distinguer le fascisme, qui instaure une dictature contre-révolutionnaire liquidant les libertés démocratiques, politiques et syndicales en écrasant le mouvement ouvrier de ces gouvernements qui sont encore produits dans le cadre de la démocratie bourgeoise. Ce sont des gouvernements patronaux réactionnaires, mais même si des politiciens comme Trump, Bolsonaro ou Milei voudraient liquider la classe ouvrière ou les mouvements populaires, ils ne peuvent pas l'imposer, pour l'instant. Ils doivent encore s'adapter à une forme de démocratie bourgeoise. Cela ne peut s'expliquer que par le poids des luttes des masses.

Le soutien à la résistance palestinienne, les luttes de 2024 et la lutte pour une nouvelle direction socialiste révolutionnaire

Le conflit politico-militaire en Palestine est l'expression la plus claire de la crise de l'impérialisme, mais c'est aussi le point focal de la lutte des classes dans le monde. Nous sommes au cœur de la lutte, une lutte très inégale. Les dirigeants actuels d’Israël sont décidés à poursuivre leur génocide et leur nettoyage ethnique, mais le combat n'est pas terminé. La résistance vient du peuple palestinien qui résiste et se bat maison par maison dans la bande Gaza mais aussi en Cisjordanie, l'autre partie de la Palestine occupée, où une grève a été anoncée. Cette résistance est appuyée par un mouvement mondial de solidarité de millions de personnes dans les rues. C'est pourquoi nous confirmons, lors de ce 8ᵉ Congrès de l'UIT-QI, que l’expression de la solidarité avec le peuple palestinien  reste notre campagne centrale d'unité d'action internationale. Nous faisons partie du mouvement mondial de soutien au peuple palestinien contre l'État d'apartheid d'Israël.

La perspective pour 2024 sera celle de la continuité des luttes ouvrières et populaires dans le monde contre les plans d'ajustement et de répression de l'impérialisme et de ses gouvernements. Les sections de l'UIT-QI se préparent à y intervenir de toutes leurs forces. Dans ce processus, nous continuerons à nous battre pour nos objectifs stratégiques. L'un d'eux est de lutter pour des gouvernements de travailleurs qui apporteront un changement fondamental face à la débâcle sociale dans laquelle le capitalisme impérialiste nous entraîne. Cette solution fondamentale consiste à remplacer ce système d'oppression par un socialisme mondial avec une démocratie ouvrière et populaire. Cet objectif central impose de poursuivre la lutte pour surmonter la crise de la direction révolutionnaire en construisant des partis révolutionnaires dans chaque pays.

14 décembre 2023

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