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Billet de blog 28 septembre 2023

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Poutine contre Lénine

Dans son discours du 21 février 2022, quelques jours avant l’invasion de l’Ukraine, Poutine exprime toute sa haine à l’égard des bolchéviks, de Lénine et de la révolution d’octobre. Le principal reproche qu’il ait à leur faire c’est d’avoir inventé cette idée d’Ukraine indépendante qui, de son point de vue, n’avait pas lieu d’exister. Il faut rétablir la vérité. Quels sont les faits ?

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Illustration 1

Dans son discours du 21 février 2022, quelques jours avant l’invasion de l’Ukraine, Poutine exprime toute sa haine à l’égard des bolchéviks, de Lénine et de la révolution d’octobre. Le principal reproche qu’il ait à leur faire c’est d’avoir inventé cette idée d’Ukraine indépendante qui, de son point de vue, n’avait pas lieu d’exister. Il ne va pas jusqu’à dire que Lénine a inventé la langue ukrainienne mais il n’en est pas loin. Voici ce qu’il dit à 01mn55s sur la vidéo qui reproduit son discours.

« Tout d’abord, l’Ukraine moderne a été créée entièrement, de toute pièce, par la Russie des bolcheviks, par la Russie communiste. Ce processus a commencé pratiquement tout de suite après la révolution de 1917. D’ailleurs Lénine et ses compagnons l’ont fait de manière assez brutale vis-à-vis de la Russie c’est-à-dire qu’ils ont séparé de la Russie, ils ont coupé une partie des territoires historiquement russes et des millions de personnes qui vivaient sur ce territoire n’ont pas pu exprimer leur avis. »

Les poutinolâtres admettent sans broncher les paroles de Poutine. Or, « l’impression de savoir est bien plus dangereuse pour la connaissance que l’ignorance ». Il faut rétablir la vérité. Quels sont les faits ? Ce ne sont pas les bolchéviks qui ont pris la décision de créer un Etat indépendant pour l’Ukraine. L’autonomie de l’Ukraine a été proclamée le 23 juin 1917 par la Rada centrale d’Ukraine. Cette institution avait été mise en place le 17 mars 1917. Du 27 mars 1917 au 29 avril 1918, elle était présidée par Mykhaïlo Hrouchevsky, l'une des figures les plus importantes de la renaissance nationale ukrainienne. Ce mouvement politique nationaliste était né à un moment où l’Ukraine n’existait plus comme pays. Son territoire était divisé entre l’Empire Austro-Hongrois à l’ouest et l’Empire Russe à l’est. C’est à cette époque que les Ukrainiens de l’Est ont subi la politique d’éradication de la langue ukrainienne imposée par la Grande-Russie tsariste. Ceux qui étaient sous la domination austro-hongroise (Ukrainiens de l’Ouest) ont pu conserver leur langue. Profitons-en pour remarquer qu’il est aberrant de dire que les ukrainiens de l’Est seraient pro-russes du seul fait qu’ils sont russophones. Ils ont été contraints d’abandonner la langue ukrainienne. Est-ce qu’en Irlande les anglophones sont pour la domination de l’Angleterre ? Ajoutons qu’une bonne partie des Ukrainiens parlent le Suryuk, un mélange du russe et de l’ukrainien obtenu par le phénomène classique de créolisation des langues. En fait la nationalité ukrainienne est très ancienne. Elle commence vraisemblablement au XVIIème siècle. Des personnalités connues comme le peintre Ilya Répine (1844-1930), l’écrivain Nicolas Gogol (1809-1852) ou le musicien Piotr Ilitch Tchaïkovsky (1840-1893) revendiquaient cette nationalité. L’identité impériale russe s’est construite en écrasant et en niant la nationalité ukrainienne mais celle-ci existait malgré tout. Elle n’a certainement pas « été créée entièrement, de toute pièce, par la Russie des bolcheviks » comme le dit Poutine. Mykhaïlo Hrouchevsky, premier président de la Rada Centrale, qui a proclamé l’indépendance de l’Ukraine, était membre du Parti ukrainien des socialistes révolutionnaires (UPSR), le parti majoritaire au sein de la Rada centrale. D’autres membres de la Rada venaient du RUP (Parti Révolutionnaire Ukrainien) dont le premier organisateur fut Dmytro Antonovitch suivi par Mykola Porch. En 1905, le RUP devient l’USDRP (Parti ouvrier social-démocrate ukrainien). On y retrouve notamment Volodymyr Vynnytchenko, second président de la République populaire ukrainienne qui succède donc à Hrouchevsky. On y retrouve aussi le tristement célèbre Symon Petlioura, troisième président de la République populaire ukrainienne ainsi que d’autres nationalistes comme Efrémov et Antonovitch.

La politique de la Rada centrale d'Ukraine était comparable à celle du gouvernement russe de Kerenski du fait qu’elle représentait les intérêts de la bourgeoisie ukrainienne. Rappelons en effet qu’au moment de cette déclaration d’indépendance de l’Ukraine (23 juin 1917) le pouvoir en Russie est celui qui s’est mis en place à la suite de la révolution de février 1917 avec le gouvernement de Kerenski qui a fait chuter le régime du tsar. A ce moment personne ne pouvait prévoir qu’une seconde révolution amènerait les bolchéviks au pouvoir quelques mois plus tard. La révolution de février 1917 a certes sonné le glas du tsarisme mais elle a mis en place un régime capitaliste avec à sa tête Kerenski. Ce n’était nullement une révolution socialiste. C’était plutôt une révolution comparable à la révolution française de 1789-93 mais avec plus de 120 années de retard ce qui n’était pas sans conséquences. A ce moment, personne n'imagine que cette révolution va se transformer en octobre 1917 en révolution prolétarienne. Personne n’imagine que Lénine et les bolchéviks vont prendre le pouvoir. Lénine lui-même estime à cette époque que la situation n’est pas mûre pour cela.

Répétons-le nettement pour les esprits récalcitrants (les poutinolâtres). Au moment de la déclaration d’indépendance de l’Ukraine, Lénine n’avait aucun pouvoir en Russie.

En Ukraine, la prise du pouvoir par la Rada Centrale est similaire à la prise du pouvoir en Russie par le gouvernement de Kerenski. Le but de la Rada Centrale était de constituer un Etat bourgeois ukrainien en s’appuyant sur la volonté d’indépendance nationale des ukrainiens. La Rada s'efforçait d'entraîner à sa suite les masses populaires ukrainiennes, de les détacher du mouvement révolutionnaire de Russie, de les subordonner à la bourgeoisie ukrainienne et d'empêcher la victoire de la révolution socialiste en Ukraine. La Rada était donc opposée aux bolcheviks de Russie. Elle soutenait le Gouvernement provisoire russe (gouvernement de Kerenski) malgré les divergences au sujet de l'autonomie de l'Ukraine que Kerenski voulait conserver dans le giron de la Russie.

Au lendemain de la révolution d’Octobre les bolchéviks et la Rada Centrale se prononcent tous les deux pour l’autonomie de l’Ukraine mais ils sont en profond désaccord. Les bolchéviks s’opposent aux politiciens réactionnaires comme Symon Petlioura qui était le responsable des armées nationalistes ukrainiennes. Les troupes de Petlioura se livrèrent à d’importants pogroms contre la population juive. Ces pogroms ont fait au total environ un million de morts. Rappelons que la Shoah a fait de cinq à six millions de morts. Signalons aussi qu’après avoir été vaincu par les Bolcheviks, Symon Petlioura a signé une paix le 1er septembre 1919 avec les armées blanches de Pologne (troupes de Józef Piłsudski). Ils menèrent ensemble la guerre contre l’armée rouge d'avril à juin 1920. C’était donc un réactionnaire, farouche adversaire de la révolution socialiste.

Après la victoire de la Révolution d'Octobre, la Rada engagea une lutte ouverte contre le pouvoir des Soviets. Elle fut l’un des principaux centres de la contre-révolution. Deux gouvernements se sont donc mis en place en Ukraine après la révolution d’octobre :

  • Celui de La Rada Centrale qui proclama une « République démocratique ukrainienne » aussitôt reconnue par les puissances étrangères qui soutenaient les blancs. La France et le Royaume-Uni, ont envoyé immédiatement des émissaires à Kiev. ·      
  • Celui des bolcheviks qui installèrent à Kharkov une République socialiste soviétique d'Ukraine. Les bolchéviks avaient promis de cesser la guerre dès qu’ils seraient au pouvoir. Pour tenir cette promesse, ils ont dû faire des concessions en signant le traité de paix de Brest-Litovsk le 3 mars 1918. La Rada avait envoyé une délégation à Brest-Litovsk dès le début des négociations et elle avait signé dès le 26 janvier (8 février) 1918, le premier traité de Brest-Litovsk qui lui assurait une paix séparée avec l'Allemagne. Les Allemands ont donc occupé l'Ukraine en avril et, après y avoir dissous la Rada, ils ont restauré l'hetmanat au profit du général tsariste Pavlo Skoropadsky.

A la suite d’un soulèvement populaire, un Directoire voit le jour le 14 novembre 1918 avec pour premier président Volodymyr Vynnytchenko (Second président de la « République populaire ukrainienne » du 19 décembre 1918 jusqu'en février 1919). Celui-ci avait dirigé l'Union Nationale Ukrainienne afin de destituer Pavlo Skoropadsky. Ce Directoire prend la suite de la politique de la Rada Centrale en faveur d’un Etat bourgeois ukrainien. Il s’oppose donc aussi aux bolcheviks.

La guerre civile va alors opposer de multiples camps en Ukraine. Faute de mieux, vous pouvez voir à ce sujet, sur Wikipédia, les pages suivantes : la guerre d'indépendance ukrainienne, la guerre civile russe, guerre soviéto-ukrainienne, Armées vertes, guerre soviéto-polonaise. Vous trouverez fréquemment, dans ces pages, une mauvaise propagande anti-bolchevique. Je n’y reviendrai pas en détails mais je veux tout de même dénoncer une monstrueuse calomnie de Wikipédia qui accuse plusieurs fois les bolchéviks d’avoir apporté leur contribution aux massacres des juifs. En même temps, Wikipédia cherche à minimiser la responsabilité des armées de Petlioura.

Sur la page consacrée aux pogroms en Russie, on peut notamment lire ceci :

« Simon Petlioura, homme de lettres et politicien faible a personnalisé, selon Andrzej Stanisław Kowalczyk, et pour longtemps, les pires traits de l'antisémitisme du nationalisme ukrainien.. Cette conception du rôle de Petlioura et surtout de ses partisans n'est pas partagée par tous les historiens russes. Suivant les données présentées par Guennadi Kostyrtchenko : à l'époque de la Guerre civile russe se produisirent 1 236 actions antisémites, parmi lesquelles 887 peuvent être considérées comme des pogroms, des actions s'accompagnant de violence exercée par un grand nombre de gens. Parmi celles-ci 493 actions (40 %) imputables aux petliouristes, 307 (25 %) aux Armées vertes, 213 (17 %) aux Armées blanches, 106 (8,5 %) à une partie de l'Armée rouge. »

Lidia Miliakova et Nicolas Werth sont un peu plus scrupuleux quand ils écrivent dans « Le Livre des pogroms » :

« 39,9 % des pogroms ont été commis par les troupes de Petlioura, 31,7 % par les armées vertes des divers chefs de bande ukrainiens, 17,2 % par les troupes de Denikine, 2,6 % par l’armée polonaise, et 8,6 % par des unités de l’Armée rouge agissant pour la plupart hors du contrôle de leur hiérarchie »

Il faut sans doute comprendre que 8,6 % des pogroms ont été commis par des troupes qui ne faisaient plus partie de l’armée rouge puisqu’elles étaient hors de contrôle de leur hiérarchie. Ajoutons une précision : les bolchéviks étaient minoritaires dans l’armée rouge. Remarquons, que nous ne savons pas d’où sortent ces chiffres ni où et quand auraient eu lieu ces pogroms dans lesquels d’anciennes unités de l’armée rouge auraient été compromises. N’est-il pas évident qu’à ce jeu-là toutes les fantaisies et toutes les calomnies sont permises ? Je ferme ici cette parenthèse qui s’imposait. La calomnie contre les bolcheviks est introduite insidieusement par une suite de glissements successifs.

  • Premier glissement : Des troupes sans hiérarchie deviennent des anciennes troupes de l’armée rouge.
  • Deuxième glissement : Des anciennes troupes de l’Armée rouge deviennent l’Armée rouge.
  • Troisième glissement : l’Armée rouge devient les bolchéviks.

La vérité c’est que non seulement les bolcheviks n’ont jamais massacré de juifs mais ils s’y sont opposés. Ils n’ont d’ailleurs jamais massacré de populations civiles puisqu’ils ont toujours cherché à les gagner à leur cause. 

Parmi les différentes forces armées qui étaient en présence en Ukraine, citons notamment :

L’éventail des partis politiques est encore plus large. Nous en avons cité quelques-uns. Ajoutons les communistes indépendantistes (oukapistes) et les socialistes-révolutionnaires ukrainiens (borotbistes). De nombreuses alliances se sont faites et défaites entre ces divers groupes tout au long de la guerre civile avant la victoire finale de l’armée rouge. Il n’est pas possible d’en faire l’exposé exhaustif ici. Néanmoins, on peut affirmer que cette guerre ne pouvait se terminer que par la victoire des rouges ou la victoire des blancs. Aucune des autres forces ne pouvait prendre le pouvoir et le conserver. Après leur victoire, les bolcheviks prennent le contrôle d'une Ukraine aux frontières remaniées par le traité de Riga (18 mars1921) qui met fin à la guerre contre la Pologne. L’Ukraine devient l'un des États fondateurs de l'URSS en décembre 1922.

Revenons au moment où L’autonomie de l’Ukraine a été proclamée le 23 (11) juin 1917 par la Rada centrale d’Ukraine. Voici un extrait, de l’Acte universel (proclamation-loi) adopté par la Rada lors de la séance de clôture du Congrès. Nous l’avons trouvé dans le Chapitre IV d’un livre intitulé « La politique de la France à l’égard de l’Ukraine ».

Illustration 2

Voilà donc bien la première déclaration d’indépendance de l’Ukraine qui, contrairement à ce que dit Poutine, ne fut pas le fait de Lénine. Voici maintenant un extrait d’un l’article que Lénine a fait publier dans la « Pravda » n°82 du 28 (15) juin 1917 pour commenter cette proclamation d’indépendance.

« Paroles d'une clarté parfaite. Elles disent avec une précision absolue que le peuple ukrainien ne veut pas actuellement se séparer de la Russie. Il réclame l'autonomie, sans nier le moins du monde la nécessité et l'autorité supérieure d'un « parlement de toute la Russie ». Pas un démocrate, pour ne rien dire d'un socialiste, n'osera contester l'entière légitimité des revendications ukrainiennes. Pas un démocrate, de même, ne peut nier le droit de l'Ukraine à se séparer librement de la Russie : c'est précisément la reconnaissance sans réserve de ce droit, et elle seule, qui permet de mener campagne en faveur de la libre union des Ukrainiens et des Grands-Russes, de l'union volontaire des deux peuples en un seul Etat. Seule la reconnaissance sans réserve de ce droit peut rompre effectivement, à jamais et complètement, avec le maudit passé tsariste qui a tout fait pour rendre étrangers les uns aux autres des peuples si proches par leur langue, leur territoire, leur caractère et leur histoire. Le tsarisme maudit faisait des Grands-Russes les bourreaux du peuple ukrainien, entretenant systématiquement chez ce dernier la haine de ceux qui allaient jusqu'à empêcher les enfants ukrainiens de parler leur langue maternelle et de faire leurs études dans cette langue.

La démocratie révolutionnaire de la Russie doit, si elle veut être vraiment révolutionnaire, si elle veut être une vraie démocratie, rompre avec ce passé, reconquérir pour elle-même et pour les ouvriers et les paysans de Russie la confiance fraternelle des ouvriers et des paysans d'Ukraine. On ne peut pas y arriver sans reconnaître dans leur intégrité les droits de l'Ukraine, y compris le droit de libre séparation.

Nous ne sommes pas partisans des petits Etats. Nous sommes pour l'union la plus étroite des ouvriers de tous les pays contre les capitalistes, les « leurs » et ceux de tous les pays en général. C'est justement pour que cette union soit une union librement consentie que l'ouvrier russe, ne se fiant pas une minute, en rien, ni à la bourgeoisie russe, ni à la bourgeoisie ukrainienne, est actuellement partisan du droit de séparation des Ukrainiens, ne voulant pas imposer à ceux-ci son amitié, mais gagner la leur en les traitant comme des égaux, comme des alliés, comme des frères dans la lutte pour le socialisme.

La Reteh, journal des contre-révolutionnaires bourgeois exaspérés, fous de rage, attaque furieusement les Ukrainiens en raison de leur décision « arbitraire ». « L'acte des Ukrainiens » serait « un crime manifeste contre la loi, appelant sans délai de sévères sanctions légales ». On ne saurait rien ajouter à ce déchaînement bestial des contre-révolutionnaires bourgeois. A bas les contre-révolutionnaires de la bourgeoisie ! Vive la libre union des paysans et des ouvriers libres de la libre Ukraine avec les ouvriers et les paysans de la Russie révolutionnaire ! »

Lénine prend ainsi vivement position en faveur de l’autonomie de l’Ukraine contre les positions du gouvernement provisoire de Kerenski dès juin 1917. Il approuve la déclaration d’indépendance de la Rada Centrale Ukrainienne à ce moment où, non seulement il n’a aucun pouvoir en Russie, mais où il ne songe pas mener une révolution prolétarienne dans les mois à venir ce qu’il fera pourtant. Au même moment, Kerenski communiqua à Kiev son refus d’accorder l’autonomie à l’Ukraine, affirmant que seule l’Assemblée constituante pourrait le faire. D’une manière générale, tous les partis et groupements russes (à l’exception des bolcheviks) étaient du même avis que Kerenski.

Le peuple ukrainien demandait donc « le droit de disposer lui-même de sa propre vie » sans pour autant se « séparer du reste de la Russie ». C’est effectivement ce qui sera réalisé en 1922 avec l’URSS quand les bolcheviks et Lénine auront le pouvoir. Cependant, nous voyons que ce ne sont pas les bolchéviks qui ont donné leur indépendance aux ukrainiens puisqu’ils l’ont ainsi obtenue dès la fin du tsarisme en juin 1917, à la suite de la révolution de février 1917. Sur le moment, les bolchéviks ont seulement dit, par la voix de Lénine, qu’ils étaient d’accord pour que cette demande des ukrainiens soit acceptée par la Russie. Lénine et les bolchéviks n'avaient, à ce moment, aucun pouvoir de décision.

Vers la même période 3 au 24 juin 1917,  le premier congrès des soviets, où Lénine prononça deux discours, se déroule à Pétrograd.

La position de Lénine est mûrement réfléchie. Elle fait suite à de multiples discussions tant en ce qui concerne le principe général du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes qu’en ce qui concerne le cas particulier de l’Ukraine. Lénine avait déjà évoqué ces questions dès juin 1914 dans le texte suivant intitulé « Du droit des nations à disposer d’elles-mêmes ».

La constitution d’un État national autonome et indépendant reste pour le moment, en Russie, le privilège de la seule nation grand-russe. Nous, prolétaires grands-russes, ne défendons de privilèges d’aucune sorte […] Nous marchons vers notre objectif de classe par toutes les voies possibles. Mais on ne peut marcher vers cet objectif sans combattre tout nationalisme et sans défendre l’égalité des diverses nations. L’Ukraine par exemple est-elle appelée à constituer un État indépendant ? Cela dépend de mille facteurs imprévisibles. Et sans nous perdre en vaines conjectures, nous nous en tenons fermement à ce qui est incontestable : le droit de l’Ukraine à constituer un tel État. Nous respectons ce droit ; nous ne soutenons pas les privilèges du Grand-Russe par rapport aux Ukrainiens ; nous éduquons les masses dans l’esprit de la reconnaissance de ce droit, dans l’esprit de la répudiation des privilèges d’État de quelque nation que ce soit. Dans les perturbations que connurent tous les pays à l’époque des révolutions bourgeoises, les collisions et la lutte pour le droit d’exister en tant qu’État national sont possibles et vraisemblables. Nous, prolétaires, nous nous déclarons par avance les adversaires des privilèges des Grands-Russes, et c’est dans ce sens que nous orientons toute notre propagande et notre agitation. »

Nous voyons, qu’avant même la révolution d’octobre, Lénine s’oppose à l’état d’esprit rétrograde et réactionnaire des « Grand-Russes » qui veulent affirmer leur supériorité…

Nous disposons sur le même thème d’un texte encore plus ancien de Lénine : une lettre adressée à Stepan Chahoumian (1878-1918 révolutionnaire arménien) et datée du 23nov./6déc.1913. (Nous le reproduisons intégralement en annexe)

Lénine se prononce d’abord, dans ce texte, sur la question linguistique. Il écrit : « la moindre contrainte, salit, gâte et réduit à néant l'indiscutable portée progressive de la centralisation, des grands Etats, de la langue unique ? » Lénine admet que la langue unique est un avantage dans un pays mais il n’est pas question d’en faire une obligation. Toute contrainte, à ce sujet, « salit, gâte et réduit à néant » cet avantage. Nous voyons d’ailleurs que les Suisses se satisfont d’avoir plusieurs langues et il n’est guère imaginable d’essayer d’en supprimer quelques-unes. Nous savons aussi que la langue unique facilite l’unification d’une nation mais dans certain cas les héritages culturels y font obstacle comme en Belgique ou en Suisse. Du point de vue de Lénine, rien ne doit être imposé à ce sujet.

Ces principes s’appliquent bien évidemment actuellement en Ukraine. Les ukrainiens ne cherchent pas du tout à marginaliser la langue Russe. Ce sont bien deux langues distinctes et la caractérisation de l’ukrainien comme étant un patois ou une sous-langue issue du russe est simplement une insulte raciste postulant la supériorité des « grands-russes » et de leur langue. Les deux langues ont une origine commune. Elles proviennent du « slave oriental » mais elles sont nettement différentes au même titre que l’Espagnol et l’Italien, qui ont aussi une origine commune. Cette comparaison est mise en avant par le linguiste suisse Patrick Sériot.

D'ailleurs les langues ont une origine commune parce que les peuples ont eux mêmes une origine commune. Mais cela est nié par la police de la pensée poutinienne. L’identité impériale russe s’est en effet construite en absorbant, en écrasant et en niant la nationalité ukrainienne. Dans l'histoire officielle russe, seule la nation russe est issue de la Rous de Kiev. Ainsi la nation ukrainienne disparaît d'emblée. Or, la Rous de Kiev n’était pas plus la Russie que l’Ukraine. Avec de telles oeillères bien des nationalistes bornés prétendent que l’empire de Charlemagne serait davantage la France que l’Allemagne. La Rous de Kiev s'est constituée à partir de tribus slaves unifiées au cours des siècles précédents. Rien ne justifie de considérer aujourd'hui qu'elle serait davantage à l'origine de la Russie que de l'Ukraine.

Les 17 autres minorités nationales dont les droits sont respectés en Ukraine sont : les Biélorusses, les Bulgares, les Arméniens, les Gagaouzes, les Grecs, les Juifs, les Karaïtes, les Tatars de Crimée, les Criméens, les Moldaves, les Allemands, les Polonais, les Roms, les Roumains, les Serbes, les Slovaques et les Hongrois. Ce qui est nouveau en Ukraine c’est que l’ukrainien est maintenant la langue officielle. Mais, aucune mesure d’interdiction n’a été prononcée contre les autres langues. La soi-disant interdiction de la langue russe est une énorme calomnie datant de février-mars 2014. D’ailleurs, la plupart des slogans des manifestations, notamment sur la place Maïdan, étaient en Russe. Il est vrai que juste après la fuite de Ianoukovitch, la rada a envisagé d’abolir le statut du russe comme seconde langue officielle au niveau de plusieurs oblasts mais elle n’a pas été suivie d’effets. Néanmoins, cette réaction a été présentée comme une immense agression terroriste contre « le russe ». Les ukrainiens n’ont aucune raison de restreindre l’utilisation de la langue Russe pourvu que l’Ukrainien reste la langue officielle. C’est donc notamment la langue des actes administratifs. Au lieu de répéter de grossières calomnies à ce sujet, les poutinolâtres peuvent citer les textes de loi adoptés récemment en Ukraine. Ils sont tous disponibles sur internet y compris d’ailleurs les textes qui n’ont pas été adoptés après avoir été discutés. Voir notamment la politique linguistique relative aux minorités. Les droits des minorités sont respectés et bien des pays, en commençant par la Russie, ferait bien de prendre modèle à ce sujet sur ce qui se pratique en Ukraine. Il est inutile de sortir les fantasmes des « Grands-Russes » vexés que leur langue ne soit plus la langue officielle dans un pays où ils ont voulu éradiquer la langue ukrainienne. Ce qui est malheureux c’est que d’autres pays comme la Géorgie subissent encore les mesures privilégiant la langue russe qui est imposée comme langue administrative. Fort heureusement, malgré que, pour notre part, nous soyons dominés par les américains, nous ne sommes pas encore obligés de rédiger les actes de naissances ou les contrats de mariage en anglais. Nous subissons déjà la culture américaine avec les films, les chansons... diffusés sur les chaines de TV. Soyons conscients que les ukrainiens ont longtemps subi cela de la part de la Russie et qu’il est heureux qu’il y ait été mis un terme.

Je rappelle que lorsque le territoire de l'Ukraine était partagé entre diverses puissances ce sont les ukrainiens qui étaient sous la domination russe qui ont le plus été victime de discrimination. Cela est notamment évoqué dans l'article intitulé : "L’histoire du bilinguisme en Ukraine et son rôle dans la crise politique d’aujourd’hui" :

"Ainsi, si l’Ukraine austro-hongroise avançait progressivement dans l’établissement des normes littéraires – et même dans la création de la terminologie scientifique en ukrainien – l’Ukraine de l’Est subissait des décrets tsaristes interdisant l’un après l’autre la langue ukrainienne. L’un des décrets les plus violents de cette époque, est la circulaire secrète du 8 juillet 1863 du ministre de l’Intérieur Valuev, qui refusait toute reconnaissance de la langue ukrainienne en tant que telle (« il n’y a jamais eu de langue ukrainienne, il n’y en a pas maintenant et il n’y en aura jamais ») et la proscrivait sur le territoire de l’Empire. L’enseignement en ukrainien dans les écoles est également interdit (jusqu’en 1917). Même le nom ukrainien est prohibé et remplacé par un autre – malorusskij, « petit-russe ». Par la suite, toute littérature en ukrainien est interdite d’accès en Ukraine de l’Est. Cette période d’« allergie à tout ukrainien » dura de 1863 à 1905."

 Après la question linguistique, Lénine aborde la question du droit à l’autonomie et par conséquent à la séparation des populations qui le demandent. Il explique qu’il n’est pas favorable en général à la séparation. Dans le texte de juin 1917, il a dit : « Nous ne sommes pas partisans des petits états ».  Il explique ici :

« La séparation n'est pas du tout notre plan. Nous ne prônons nullement la séparation. Dans l'ensemble, nous sommes contre la séparation. Mais nous sommes pour le droit à la séparation, à cause du nationalisme grand-russe réactionnaire, qui a tellement souillé la cause de la cohabitation nationale que, parfois, il y aura davantage de liens après une libre séparation ! »

Ce n’est pas parce qu’on est pour le droit au divorce que nous voulons que tout le monde divorce. Nous pouvons même, en général, être défavorable au divorce. La pire des choses est d’interdire le divorce. Or, c’est bien ce que veut faire Poutine. Il veut interdire aux ukrainiens de se séparer de la Russie. Lénine, pour sa part, souhaite que l’Ukraine reste liée à la Russie mais il ne veut rien interdire. Poutine en veut à Lénine d’avoir reconnu aux ukrainiens ce droit à la séparation avec la Grande-Russie. Poutine veut maintenant agrandir la « Grande-Russie » or les ukrainiens ne veulent pas être dans la Grande Russie.

Poutine est contre le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Il est pour l’annexion par la force dans l’empire des « Grands-Russes » pour la seule raison qu’il a décidé qu’ils doivent être russes, puisqu’il nie l’existence d’un pays, d’une nation, d’un peuple ukrainien avec une culture et une langue qui lui est propre. Si ce peuple n’est pas d’accord, il veut les contraindre par la force. Il veut, en plus, leur faire obligation d’avoir la langue Russe comme langue officielle.

Tout oppose Poutine et Lénine. Poutine rêve d’impérialisme et Lénine pense au socialisme. Poutine évoque la « Grande Russie » avec délectation et Lénine en parle avec détestation. Poutine veut imposer la domination de la Grande Russie aux autres peuples. Lénine veut gagner l'amitié des peuples. Il écrit :

 « le maudit passé tsariste qui a tout fait pour rendre étrangers les uns aux autres des peuples si proches par leur langue, leur territoire, leur caractère et leur histoire. Le tsarisme maudit faisait des Grands-Russes les bourreaux du peuple ukrainien, entretenant systématiquement chez ce dernier la haine de ceux qui allaient jusqu'à empêcher les enfants ukrainiens de parler leur langue maternelle et de faire leurs études dans cette langue ».

Cette « Grande Russie » a plongé le gros de la population russe dans une misère effroyable. C’est devenu un pays littéralement arriéré. Cette révolution bourgeoise de février 1917 arrive avec 120 ans de retard. Les forces productives sont restées enfermées dans le carcan d’une société encore féodale. La population, essentiellement paysanne, est à peine sortie de l’esclavage. Au moment de la révolution, les paysans se souviennent que leur grands-parents étaient, pour la plupart, des serfs. Au regard de cela, la luxuriance et la superfluité exhibée par cette aristocratie débilitante ne peut inspirer que dégout et révolte et… Poutine se fait construire des palais à la mesure de ceux des tsars. Tel « Ivan IV le terrible » ou « Pierre 1er le Grand », Poutine n’a de cesse d’agrandir son empire. Il rase les villes de Grozny, d’Alep, de Marioupol… pour soumettre ou anéantir les populations. Il invente des prétextes pour envahir l’Ukraine. Après avoir bien copiné avec l’OTAN notamment pour rapatrier en Russie toutes les armes atomiques qui étaient en Ukraine, il explique maintenant que l’OTAN serait un danger pour la Russie. N’était-il pas d’accord avec les Yankees pour restaurer le capitalisme dans tout le bloc de l’Est ? Il lance des provocations pour faire apparaitre de prétendus indépendantistes. Il envoie le groupe Wagner provoquer des conflits dans le Donbass…

Lénine, pour sa part, veut gagner l’amitié des peuples pour les rallier à la cause du socialisme. Il écrit :

« l'ouvrier russe, ne se fiant pas une minute, en rien, ni à la bourgeoisie russe, ni à la bourgeoisie ukrainienne, est actuellement partisan du droit de séparation des Ukrainiens, ne voulant pas imposer à ceux-ci son amitié, mais gagner la leur en les traitant comme des égaux, comme des alliés, comme des frères dans la lutte pour le socialisme. »

Il n’est donc pas question pour lui d’imposer quoi que ce soit en matière de pratiques linguistiques ou de séparations en diverses nations. Pour les buts poursuivis pas Lénine, « Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes » ne saurait souffrir d’exceptions.

Ayant rétabli la vérité au sujet de l’origine de l’Ukraine, je profite de cette occasion pour inviter ceux qui défendent la politique de Poutine tout en se réclamant des principes de Lénine à faire un choix. Il est impossible de concilier ces politiques. Ils n’ont sans doute pas entendu le discours de Poutine ceux qui défilent dans des manifestations officielles à Moscou en exhibant encore le portrait de Lénine.

Illustration 3

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ANNEXE

Lettre de Lénine adressée à Stepan Chahoumian (1878-1918 révolutionnaire arménien) et datée du 23nov./6déc.1913.

  1. Vous êtes pour une langue officielle en Russie. Elle est « indispensable ; elle a eu et aura une grande portée progressive ». Absolument pas d'accord. J'ai écrit à ce sujet il y a longtemps dans la Pravda, et je n'ai pas encore trouvé de réfutation. Votre argument ne me convainc pas du tout, au contraire. La langue russe a eu une portée progressive pour une foule de nations petites et arriérées, c'est indiscutable. Mais ne voyez-vous pas qu'elle aurait eu une portée progressive encore bien plus grande, s'il n'y avait pas eu de contrainte ? Comment ! Est-ce que la « langue officielle » n'est pas comme un bâton dont les coups éloignent de la langue russe ? Comment ne voulez- vous pas comprendre cette psychologie qui est si importante dans la question nationale et qui, s'il y a la moindre contrainte, salit, gâte et réduit à néant l'indiscutable portée progressive de la centralisation, des grands Etats, de la langue unique ? Mais encore plus importante que la psychologie, il y a l'économie : en Russie il existe déjà une économie capitaliste, qui rend la langue russe indispensable. Et vous ne croyez pas à la puissance de l'économie, vous voulez la « soutenir » avec les matraques de la canaille policière ? Ne voyez-vous donc pas qu'ainsi vous défigurez l'économie, que vous la freinez ?? Est-ce que la disparition du sale régime policier ne multipliera pas par dix (par mille) les associations libres pour la sauvegarde et la propagation de la langue russe ? Non, je ne suis absolument pas d'accord avec vous, et je vous accuse de kônigli- ch preussischer Sozialismus.
  2. Vous êtes contre l'autonomie. Vous êtes seulement pour l'auto-administration régionale. Pas du tout d'accord. Rappelez-vous les explications d'Engels, disant que la centralisation n'exclut nullement les « libertés » locales. Pourquoi l'autonomie pour la Pologne et pas pour le Caucase, le Sud, l'Oural ? C'est le parlement central qui fixera les limites de l'autonomie ! Nous sommes pour le centralisme démocratique, absolument. Nous sommes contre la fédération. Nous sommes pour les Jacobins contre les Girondins. Mais craindre l'autonomie, en Russie... voyons, c'est ridicule ! C'est réactionnaire. Citez-moi un exemple, imaginez un exemple où l'autonomie puisse devenir nuisible ! Vous n'en citerez pas. Et le raisonnement étroit : rien que l'auto-administration profite en Russie (et en Prusse) au sale régime policier.
  3. « Le droit à la libre disposition ne signifie pas seulement le droit à la séparation. Il signifie aussi le droit à un lien fédéral, le droit à l'autonomie », écrivez- vous. Absolument pas d'accord. Il ne signifie pas le droit à la fédération. La fédération est une union entre égaux, une union qui exige l'accord général. Comment peut-il donc y avoir le droit d'une partie à l'accord avec elle d'une autre partie ? C'est une absurdité. Nous sommes dans le principe opposés à la fédération : elle affaiblit les liens économiques, elle représente un type sans valeur pour un seul Etat. Tu veux te séparer ? Va-t-en à tous les diables, si tu peux rompre les liens économiques, ou plutôt si l'oppression et les tiraillements de la « cohabitation » sont tels qu'ils gâtent et détruisent l'œuvre des liens économiques. Tu ne veux pas te séparer ? Alors, excuse-moi, ne décide pas à ma place, ne pense pas que tu as un « droit » à la fédération.

« Droit à l'autonomie » ? C'est encore faux. Nous sommes pour l'autonomie pour toutes les parties, nous sommes pour le droit à la séparation (et non pas pour la séparation de tous). L'autonomie, c'est notre plan d'organisation d'un Etat démocratique. La séparation n'est pas du tout notre plan. Nous ne prônons nullement la séparation. Dans l'ensemble, nous sommes contre la séparation. Mais nous sommes pour le droit à la séparation, à cause du nationalisme grand-russe réactionnaire, qui a tellement souillé la cause de la cohabitation nationale que, parfois, il y aura davantage de liens après une libre séparation !

Le droit à la libre disposition est une exception à notre prémisse générale, le centralisme. Cette exception est absolument nécessaire, face au nationalisme grand-russe réactionnaire, et la moindre renonciation à cette exception est de l'opportunisme (comme chez Rosa Luxemburg), c'est un jeu niais qui profite au nationalisme réactionnaire grand- russe. Mais il ne faut pas interpréter l'exception dans un sens élargi. Il n'y a là, et il ne doit y avoir rien, absolument rien d'autre, que le droit à la séparation.

J'écris à ce sujet dans le Prosvechtchenie. Ecrivez-moi sans faute avec plus de détails lorsque j'aurai terminé ces articles (ils paraîtront en 3 livraisons). Je vous enverrai encore certaines choses. Je me suis passablement employé à faire passer la résolution. Cet été, j'ai fait des exposés sur la question nationale, et je l'ai quelque peu bûchée. Aussi ai-je l'intention de « tenir ferme », bien que, naturellement, ich lasse mich belehrert par les camarades qui l'ont étudiée davantage et plus longuement.

  1. Contre le « changement » de programme, contre le « programme national » ? Ici non plus, pas d'accord. Vous avez peur des mots. Il n'y a pas de raison d'en avoir peur. De toute façon, il (le programme) est changé par tout le monde, mais en cachette, bassement et dans un sens mauvais. Nous autres, nous le déterminons, nous le précisons, nous le développons et nous l'affermissons dans son propre esprit, dans un esprit démocratique conséquent, dans un esprit marxiste (anti-autrichien). C'est ce qu'il fallait faire. Qu'ils y viennent maintenant, les salauds d'opportunistes (bundistes, liquidateurs, populistes), qu'ils donnent leurs réponses, aussi précises et aussi complètes, à toutes les questions que nous avons abordées et réglées dans notre résolution. Qu'ils essayent. Non, nous n'avons pas « flanché » devant les opportunistes, mais nous les avons écrasés sur tous les points !

Nous avons grand besoin d'une brochure populaire sur la question nationale. Ecrivez. J'attends votre réponse, et je vous serre bien fort la main.

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