Quelle est la différence entre l’homme libre et l’esclave ? Entre le salarié que vous êtes et l’esclave que vous ne voudriez pas devenir ? La pensée orthodoxe classique faisait une distinction simple entre les deux : l’homme libre s’appartient à lui-même, l’esclave appartient à un maître. Distinction claire tant que le salarié est « libre de vendre sa force de vente sur le marché du travail », comme dit la doxa économique... Mais à l’heure du capitalisme sauvage et de la loi El Khomri, qu’en est-il de cette claire distinction entre l’homme libre et l’esclave ?
Quand vous êtes obligé de vendre de plus en plus de votre temps pour vivre, vous loger, vous nourrir, et acheter les choses que le marché vous fait miroiter… est-ce que vous vous appartenez encore vraiment ? Quand vous êtes obligé de vous endetter pour survivre, c’est-à-dire de vendre votre avenir, où est votre liberté ? Quand votre force vitale, votre temps de veille et votre temps de sommeil sont à vendre, quand vos capacités, vos talents, vos pensées sont à vendre, est-ce que vous vous sentez vraiment encore libre ? Quand vous êtes obligé de ravaler vos sentiments et vos valeurs pour faire un travail pourri, pour fabriquer des produits pourris et les vendre en pigeonnant le client… est-ce que vous vous sentez libre ? Quand vous n’avez plus d’autre choix que d’obéir à votre patron, à votre manager, à votre client, et à faire ce qu’ils vous demandent, vous croyez que vous êtes un homme libre ?
Bref, quand tout, en vous, est à vendre, est-ce que vous vous appartenez encore ? Est-ce que vous êtes un homme libre ou un esclave ? Si vous vous appartenez encore un tout petit peu, seul vous-même pouvez répondre à toutes ces questions… Seul vous-même savez ce qu’il vous reste à faire… Mais n’était-ce pas déjà le cas des esclaves, de l’Antiquité à la traite des Noirs : oui, eux aussi savaient très bien la différence entre "être ou ne pas être"... libre !