Quelle est l'utilité, la pertinence et la faisabilité des tests dans la lutte contre la pandémie du coronavirus ? Quel rôle peuvent-ils jouer dans le "déconfinement" ?
Jean Castex, coordinateur du déconfinement, proclame : « Dès qu'une personne sentira un symptôme qui ressemble au Covid-19 elle devra immédiatement entrer en contact avec un médecin et sera systématiquement testée ». Olivier Véran, dans sa présentation du plan de déconfinement le 7 mai : « La France est prête pour tester massivement... ». L’affaire des masques n’a pas vraiment donné envie de faire confiance… ce qui n’empêche pas les médias de répéter, comme un immense choeur de perroquets : « il faut tester les malades »…
Pourquoi ne pas tester tout le monde ? « Ce n'est pas envisageable et surtout ça n'a pas d'utilité. Il faudrait retester tout le monde 8 jours plus tard et retester encore 15 jours plus tard", a répondu le Pr Delfraissy le 30 avril… Un peu comme avec les masques : comme on n’en a pas assez, on dit que c’est inutile, inefficace, voire dangereux…
Plutôt que de tester, même de façon imparfaite, en expliquant les limites des tests, on préfère ne pas les utiliser. Ou plus exactement les utiliser, en gros, quand on est à peu près sûr qu’une personne est malade… C’est bizarre : dans les pays qui ont les meilleurs résultats contre la pandémie, les tests ont été massivement utilisés… pas en France...
Alors je me suis un peu documenté. J'ai notamment consulté le site de la Haute Autorité de la santé (HAS), et j'y trouve quelques éclaircissements - (base d'une discussion ?).
Tout d'abord, sauf inattention de ma part, je n'ai guère entendu les grands médias nous expliquer correctement la distinction entre deux grandes familles de tests : les test virologiques et les tests sérologiques. Comme je ne suis sans doute pas le seul, je partage donc les résultats de ma petite recherche...
« Les tests virologiques sont les tests de référence pour le diagnostic précoce d’infection au COVID-19. » indique la HAS. Il semble y avoir une "fenêtre de tir" entre le 2e jour qui précède les symptômes et le 8e jour après apparition des symptômes : c'est la période où les tests virologiques ont toute leur utilité. Avant et après, ce n'est plus leur domaine d'application.
Cette technique (appelée aussi PCR, faite par prélèvement nasal) a été massivement utilisée dans les pays qui ont peu de morts. Elle permet en quelques heures, voire en quelques minutes, de diagnostiquer si une personne est infectée. Moyennant une précision importante : la fiabilité des tests virologiques est limitée - il y a une probabillité d'erreur, dans un sens ou dans l'autre : certains pourront se croire "sains" après un de ces tests, alors qu'en fait ils sont porteurs du virus; d'autres, au contraire, seront évalués à tort comme porteurs du virus.
Quelle est la marge d'erreur ? Là aussi, silence des médias qui sont seulement préoccupés de relayer les éléments de langage des autorités et de multiplier les "témoignages" quotidiens (c'est normal, puisqu'ils prennent les gens pour des analphabètes : il faut et il suffit de les abreuver de "témoignages" pour orienter l'opinion dans tel ou tel sens)...
A contrario, les tests sérologiques, plus complexes et pas encore très au point, sont utiles dans la phase plus avancée de la maladie. L’intérêt : ce n’est qu’après une douzaine de jours de la maladie que l’organisme commence à générer des anticorps. Si l’on veut étudier ce phénomène complexe, par exemple pour étudier l’immunité potentielle des patients, il faut d’autres types de tests : c’est le domaine des tests sérologiques.
On comprend que ceux-ci ont un intérêt scientifique : « Les tests sérologiques sont un outil précieux pour mener des enquêtes épidémiologiques. En période d’épidémie de COVID-19, ces enquêtes estiment la proportion de personnes ayant été en contact avec le virus et d’évaluer si certaines sous-populations jouent un rôle particulier dans la transmission du SARS-CoV-2. » indique la HAS.
Elle ajoute cette précision importante pour les politiques : « Ces données permettent enfin d’alimenter des modèles mathématiques dont un des objectifs est d’anticiper la trajectoire de l’épidémie dans les semaines qui viennent. Elles guident les pouvoirs publics dans ses décisions pour gérer l’épidémie. »
Au stade actuel, il existe deux limites à l'emploi des tests sérologiques : 1° on ne sait pas encore si les anticorps développés chez les porteurs du virus sont protecteurs. 2° La fiabilité de ces tests dépend du degré de circulation du virus – dans une population où le virus a peu circulé, ces tests sont peu fiables. Ce qui est le cas en France où l’on estime que seulement 6 à 8 % de la population totale aurait contracté le virus... mais ce n’est sûrement pas le cas dans les endroits où le virus a beaucoup circulé : par exemple dans les EHPAD, dans des professions très exposées au virus (professions médicales bien sûr), sans oublier les salariés qui ont été obligés de prendre les transports en commun pour aller travailler, etc. En tout état de cause, il faudra attendre que ces tests soient largement disponibles...
La HAS ajoute cette conclusion : « C’est pourquoi, à ce jour, la HAS ne recommande pas de recourir aux tests sérologiques chez certaines populations comme les professionnels qui ont continué d’être en contact avec le public ou chez les professionnels qui ont été confinés et vont reprendre une activité en présentiel. ». Et : « Des utilisations à des fins collectives, telles que l’organisation du travail au sein d’une entreprise ou l’aide au déconfinement, ne sont pas envisageables. » Pas de chance ! La science, ici, se défosse, à cause du manque de recul, et de sa rigueur méthodologique. Soit…
Est-ce à dire que le dépistage par tests ne sert à rien pour organiser le travail dans le cadre du déconfinement ? Oui, répond le gouvernement ! Mais pourquoi ne pas utiliser massivement les tests virologiques dans les milieux professionnels et dans les transports en commun ? Mystère… En fait, la réponse est la même que pour les masques : on n’en a pas assez !
Pourtant, de nombreux laboratoires et officines n’ont pas manqué de s’écrier qu’ils peuvent produire dix fois plus de tests que le nombre annoncé par le gouvernement ! Pourquoi ne pas les autoriser ? Est-ce par un excès de « rigueur scientifique » ? Par peur de la marge d’erreur des tests virologiques, évoquée plus haut ? Ou simplement par incompréhension, mensonge ou petits calculs communicationnels de nos élites dirigeantes ? On ne peut exclure cette hypothèse, quand on voit le niveau de clairvoyance de la porte-parole du gouvernement, la désormais célèbre Sibeth Ndiaye, pour ne citer qu’elle...
D’où l’ubuesque fatras bureaucratique des « mesures » et des « directives » imposées par le monarque à tout le monde : dans les écoles, à la SNCF, à la RATP, et dans toutes les entreprises, au grand bénéfice de la « relance de la machine économique ».
L’immense charivari des « mesures de protection » auxquelles nous voilà réduits, comme un pis-aller hautement dramaturgique, fait le miel des médias : « gestes barrières », « port des masques obligatoire », sièges interdits dans les trains, attestations professionnelles de déplacement dans le métro, signalisations et tracés multicolores (jaunes, rouges, blancs…) qui viennent tapisser le sol des villes et des ateliers, des halls de gares aux usines, sans oublier les applications de traçage numérique et de surveillance ; Toutes ces mesures étant accompagnées de punitions et de menaces en tous genres, avec encadrement serré de la police, des militaires, et même des pompiers, auquel en appelle la présidente du conseil régional l’Ile-de-France, Valérie Pécresse, dans un cri du coeur sécuritaire.
Après l’affaire des masques, la « question des tests », on le voit, n’est pas faite pour nous inspirer confiance dans ce "déconfinement confiné" que le gouvernement nous a concocté. Cet appareillage grandiose de camisoles et de carcans constitue la nouvelle phase de l’état d’urgence sanitaire… qui a pour vocation de se prolonger ad vitam aeternam (comme les bons vieux plans vigipirates) !