Les riches coûtent un "pognon de dingue" aux pauvres et aux classes moyennes… Il est utile de recenser quelques chiffres qui donnent le vertige (et que tout le monde devrait avoir à l'esprit, si l'on veut réédifier les bases d'une démocratie).
En France, les 1 % les plus riches possèdent 20 % des richesses, soit près de 3 000 milliards €. Et cette concentration de richesse augmente exponentiellement d’année en année. Concrètement : pendant que 20 millions de Français ne possèdent aucun patrimoine (et donc ne transmettent rien à leurs enfants), chaque adulte de la classe aisée ou riche possède entre quelques millions et quelques dizaines de milliards. Est-ce grâce à leur « mérite » ? Pas vraiment !
On nous répète depuis des lustres qu’on vit dans un pays où c’est le « mérite » qui justifie d’être riche (ou très aisé), mais bizarrement la part de cette richesse qui est héritée est en train de remonter à 60 % (*) ! Autrement dit, si je possède 5 millions d’euros, j’en ai hérité à peu près 3 millions.
Un autre chiffre complète le tableau : le « flux successoral » en France représentait 4 % du PIB annuel en 1970. En 2018 il équivaut à environ 15 % du PIB (*). Autrement dit : chaque année il y a près de 350 milliards d’euros qui passent entre les mains des « héritiers », sachant que les 10 % les plus aisés concentrent la moitié de ce flux d’argent qui n’est pas du tout mérité. (héritier/méritier : un bel oxymore).
Conclusion intermédiaire : ce qu’on appelle le « mérite » masque donc une tout autre réalité : la France est en train de redevenir un pays de rentiers !
A ces considérations il faudrait ajouter les centaines de milliards qui sont accaparés en douce chaque année, grâce à la fraude et plus encore à l'optimisation fiscale, grâce aussi aux "donations" aux enfants dans les bonnes familles, aux "placements" divers et variés, aux dégrèvements d'impôts, aux rentes de capital, aux parachutes dorés, au"verrou de Bercy", au pantouflage... toutes ces "bonnes pratiques de riches" qui sont rendues légales grâce à l'entremise des "représentants du peuple"...
Il faudrait ajouter que, non seulement les riches coûtent très cher aux majorités populaires, mais ils nous coûtent plus cher encore si l'on considère leur "empreinte écologique" ! Et maintenant que l'on a enfin compris les ravages de ce mode de vie sur la biodiversité et le climat terrestre, ce sont encore les plus riches qui, déjà, se hâtent de se préparer des "résidences" de survie, à l'abri des cataclysmes à venir...
Mais tout cela n'empêche pas le MEDEF, Emmanuel Macron et leurs amis politologues et experts émérites, de hurler depuis des mois et des années... ce que vous avez tous entendu : le "pognon de dingue" que leur coûtent les pauvres.
Mais qu'on se rassure: l'outrance de ces mensonges, ça, ce n'est pas de la violence ! Enfermer 20 voire 30 millions d'hommes, de femmes et d'enfants dans le cycle des fins de mois insolubles et la privation perpétuelle, c'est moins "violent" que de taguer l'Arc de Triomphe (sous lequel reposent les cendres d'un arrière grand-père anonyme de la France d'en-bas qui a donné son sang pour la patrie, si tant est que le "soldat inconnu n'était pas un général...).
La « violence des riches », pour reprendre cette expression fameuse à Monique et Michel Pinçon-Charlot, c’est tout cela et bien d’autres choses encore, qui ne se laissent pas appréhender seulement dans ma petite synthèse économique. C’est aussi la façon d’ignorer des millions de gens, de faire comme s’ils n’existaient pas, ou alors de les réduire à des « riens », des « sans dents ».
C’est aussi une façon de s’accaparer tous les lieux qui étaient censés incarner la démocratie, de l’Assemblée nationale aux plateaux télévisuels, et d’y professer des discours lénifiants et insipides sur l’état du monde. C’est se conforter dans un entre-soi mondain en se persuadant d’être les « premiers de cordée ». C’est encore entretenir sa petite rente de réputation, son « capital humain », en veillant soigneusement à ne pas effaroucher ses pairs.
C’est peut-être cela, plus que tout, la « violence des riches », cette façon de vider la langue de sa substance vivante en la remplaçant par un savoir-faire communicationnel qui aboutit à abolir toute parole vraie, toute poésie, et qui peu à peu dissout toute croyance naïve dans la possibilité de vivre ensemble et de s’entraider.
L’expression « violence des riches » n’est pas faite pour plaire... Elle prête le flanc au procès en manichéisme : « il y aurait les méchants riches d’un côté, et les gentils pauvres de l’autre ? » rétorquent avec mépris les bien-pensants, en faisant semblant de ne pas comprendre. Mais ce procès relève évidemment de l’indécence et de l’hypocrisie. Bien sûr qu’il y a du bien et du mauvais dans tout groupe humain, dans toute personne, dans toute catégorie sociale ! Bien sûr qu’il y a des « riches » qui contribuent au bien commun.
Mais un tel procès en manichéisme est pure hypocrisie en restant aveugle à ce qui fait la « violence des riches » : un système organisé et cohérent, à l’échelle internationale, un système hyper-rationnel de domination qui crève les yeux des voyants, et qui détruit progressivement la multitude des hommes et des femmes qui n’ont pas accès, par l’héritage, par la chance ou par le « talent », aux cercles concentriques des privilèges.
(*) Sources : le lecteur pourra vérifier ces données dans « Les nouveaux héritiers » de Nicolas Frémeaux, mais aussi sur le site de l’Observatoire des Inégalités (outils/patrimoine), et aussi sur la « World Inequality Database », sans oublier le best seller de Thomas Piketty « Le Capital au XXIème siècle ».