A quelles fins le peuple délègue-t-il sa souveraineté à l'Assemblée ? Voilà une question que nos élites politiques feraient bien d’instruire de toute urgence, au lieu de donner, une fois de plus, au pays ce spectacle affligeant de la course frénétique aux mandats…
Eh bien, Messieurs les candidats à la députation, si le peuple vous délègue sa souveraineté, sachez bien que ce n’est sûrement pas pour donner carte blanche à vos logiques partisanes ! Ce n’est pas pour vous autoriser à battre le fer entre des "familles politiques" qui se réduisent à l’entrechoc stérile des régimes de certitudes. Et encore moins, cela va sans dire, pour vous autoriser à poursuivre vos intérêts de castes, quand ce n'est pas, purement et simplement, pour votre intérêt personnel.
La ronde perpétuelle des partis au pouvoir n’est plus qu’un sinistre balancier, une "alternance" sans fin, qui ne fait que reproduire toujours les mêmes discours, les mêmes erreurs, les mêmes catastrophes. Et il n'est que trop évident que les "mouvements" qui surgissent aujourd'hui, poussés par un ras-le-bol général, auront tôt fait de se transformer à leur tour en partis, tout aussi rigides que ceux qu’ils prétendent remplacer.
Débrouillez-vous ! Relevez vos manches, changez de braquet, oubliez vos vérités et cassez vos logiciels, trahissez vos partis, enfin débrouillez-vous, mais soyez dignes d’un véritable régime parlementaire. C’est-à-dire d’une assemblée populaire où ce serait enfin la recherche raisonnée de l’intérêt général qui primerait sur les passions partisanes – et, à la fin, faites des lois justes et bonnes pour tout le monde !
Enfin, s’il vous plaît, s’il vous reste encore une conscience de ce que vous appelez le « métier » de la politique, méditez un peu cette observation de la grande philosophe Simone Weil à propos des logiques partisanes :
« Supposons un membre d’un parti – député, candidat ou simplement militant – qui prenne en public l’engagement que voici : " Toutes les fois que j’examinerai n’importe quel problème politique ou social, je m’engage à oublier absolument le fait que je suis membre de tel groupe, et à me préoccuper exclusivement de discerner le bien public et la justice "… Ce langage serait très mal accueilli. Les siens et même beaucoup d’autres l’accuseraient de trahison. »
Eh bien voilà, c'est ça qu'il vous faut change en priorité, cette vieille mauvaise habitude, c'est ça le seul mandat que nous vous donnerons au mois de juin : vous engager à oublier absolument le fait que vous êtes membre de tel groupe, et à vous préoccuper exclusivement de discerner le bien public et la justice ! Nous vous enjoignons, Mesdames et Messieurs les candidats à la députation, de méditer ces paroles de Simone Weil, avant que la colère populaire n’explose une fois encore dans ce pays.