Cinq grandes réformes pour essayer de sauver le monde
1. Réformer la fiscalité sur les revenus et sur les patrimoines. La question de la propriété privée est absolument centrale dans le capitalisme moderne qui a pris son essor en Angleterre au XVIIe siècle. Les Romains qui avaient tout compris en matière de droit, ont identifié trois grandes fonctions du droit de propriété : usus, fructus et abusus. Usus, c'est le fait de posséder au sens commun avec un droit d'usage exclusif... Fructus, c'est le droit de profiter des fruits de la terre sans toutefois prétendre la posséder. Abusus c'est le droit absolu de faire tout et n'importe quoi de ce qu'on possède: celui qui possède des esclaves peut en faire absolument ce que bon lui semble... Aujourd'hui le capitalisme a montré toute son étendue dans les deux dimensions de l'usus et de l'abusus. Il s'agit de le museler dans ces deux dimensions, et de développer le droit de fructus : celui qui travaille la terre peut profiter des fruits qu'il a contribué à produire; et de façon générale celui qui fait travailler du "capital" doit pouvoir équitablement profiter des fruits de ce travail. rien de moins, mais rien de plus. La propriété du capital augmente inconsidérément avec la succession, c’est donc à cela qu’il faut s’attaquer de façon radicale, plus encore qu’au seul revenu. Il paraît équitable de fonder la justice sociale sur le fait que tout un chacun puisse, au terme d’une vie de travail, transmettre à ses enfants les fruits de son labeur. A contrario le sens commun se révolte à l’idée que certains puissent recevoir une fortune colossale en héritage, du simple fait qu’ils sont nés au bon endroit.
- En matière de transmission du patrimoine, constitutionnaliser le principe selon lequel tout être humain doit pouvoir transmettre à chacun de ses descendants un capital équivalent à une vie de travail,mais pas plus. En pratique cela revient à écrêter le patrimoine privé à quelques millions d’euros.
- Les plus hauts revenus doivent être écrêtés par l’instauration du salaire maximum combiné à l’impôt sur le revenu. L’expérience montre qu’en moyenne l’horizon d’épargne dans une vie de travail est équivalent à environ cinq années de revenus. En pratique ces principes aboutissent à écrêter le revenu annuel à quelques centaines de milliers d’euros.
- Harmoniser les fiscalités à l’échelle internationale, en commençant par l’Europe, et criminaliser les fuites de capitaux dans les paradis fiscaux.
- Réduire voire annuler la dette publique des pays pauvres (à proportion de la pauvreté).
2. Réformer les institutions politiques, aussi bien en ce qui concerne la représentation que l’exercice partagé du pouvoir exécutif.
- Expérimenter des formes alternatives de scrutin : renouvellement par tranches du Parlement, Tirage au sort de la moitié des députés (pour lutter contre l’excès de professionnalisation, faire émerger des idées et des personnalités représentatives de toutes les couches sociales ;
- Supprimer la fonction de président de la République.
- Abroger les institutions internationales non démocratiques : FMI, OMS, Commission européenne, BCE…
- Sanctuariser l’indépendance du juridique par rapport à l’exécutif, au législatif et aux lobbies économiques. Au niveau international, élaborer une constitution dont les objectifs ultimes sont de protéger les écosystèmes de la planète et les êtres humains.
3. « Eco-comptabilité » : Réformer les normes de comptabilité en intégrant l’ensemble du cycle de vie des produits et services, de l’amont à l’aval, pour prendre en compte les externalités positives et négatives sur l’environnement, la société civile, la santé.
- Outil : mettre en place le principe de double affichage des prix pour tous les produits : prix de vente / coût écologique pour sensibiliser les consommateurs/citoyens aux impacts environnementaux de l’activité économique.
- Rééquilibrer dans les normes comptables le revenu du travail et le revenu du capital, en faisant apparaître les salaires et les dividendes dans la même colonne des comptes d’exploitation (aujourd’hui les salaires sont comptabilisés comme un coût et les dividendes comme une distribution des profits).
4. Instaurer la cogestion dans les grandes entreprises au-dessus d’une taille à définir, en fonction du chiffre d’affaire et du nombre d’employés. Notamment :
- Inverser la hiérarchie du pouvoir, bien au-delà de la simple parité dans les conseils d’administration (celle-ci n’est qu’un mode de représentativité et non pas une démocratisation du pouvoir). Dans une entreprise dont les travailleurs seraient copropriétaires, la délégation de pouvoir devrait être ascendante et non pas descendante comme aujourd’hui.
- En pratique, on peut imaginer par exemple que le management soit coopté au niveau de chaque équipe et que ce principe remonte jusqu’en haut de la hiérarchie, éventuellement conjointement avec un autre mécanisme qui aurait pour finalité de coordonner les décisions dans chaque entreprise avec d’autres niveaux : branches professionnelles, secteurs économiques, territoires, marchés internationaux… tout cela en tenant compte des enjeux écologiques.
5. Placer l’éducation au cœur de la société, selon les principes de socialisation et d’équité. Notamment :
- Garantir l’apprentissage du langage (écrit et oral), et assurer un bon équilibre entre sciences et techniques, arts et humanités, pratique des arts du spectacle, sport, éducation civique…
- Constitutionnaliser l’accès réellement gratuit de tous à l’éducation tout au long du cursus scolaire ;
- Valoriser les métiers de l’éducation pour les amener à un niveau équivalent aux professions libérales ;
- Rééquilibrer la dynamique contradictoire entre le principe de compétition scolaire et le principe d’équité sociale.
- L’évaluation doit être entièrement repensée en ce sens, à tous les niveaux du cursus scolaire. L’évaluation, ainsi limitée à sa dimension cognitive, doit être d’abord au service de la qualité des apprentissages et non pas au service de la compétition sociale. Il en va de même au niveau international ; à ce titre, les pratiques actuelles de benchmarking (classement de Shanghai, classements des universités…) doivent être abandonnées.