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Billet de blog 19 mars 2020

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Au-delà du coronavirus, une énorme massue suspendue sur nos têtes : l'autoritarisme

Nous sommes entrés dans l'inconnu. On le savait mais rien ne changeait... Si l'on a la chance de sortir de la "crise sanitaire" avant l'été, sans avoir à déplorer des milliers de décès, ce sera déjà bien. Mais un carnage économique s'annonce. Et avec lui, un danger politique majeur: ce qui restait de "démocratie" est un fil ténu au bout duquel est suspendue une énorme massue : l'autoritarisme.

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La vague dramatique qui s'abat sur nous est une première vague, celle de la "crise sanitaire", avec ses centaines de morts, ses milliers de personnes en réanimation - et ses dizaines de milliers de soignants, qui font face avec un courage et une abnégation d'autant plus admirables qu'ils ont été si maltraités par un gouvernement aveugle et sourd.

Mais une autre vague, encore plus impressionnante, arrive derrière : l'effondrement économique. On n'en voit pour l'instant que la composante boursière, et celle-ci est hallucinante.

J'ai comparé les chiffres actuels de la chute boursière avec celle de 2008. La crise financière s'était étendue entre juillet 2007 et mars 2009. Durant cette période l'indice CAC40 avait chuté de 58%. C'est énorme, mais cela s'est étalé sur 1 an 1/2. Et le pic de la crise (le fameux krash) avait eu lieu entre le 5 septembre et le 17 octobre 2008 : le CAC40 avait alors plongé de 4200 à 3330, soit une chute de 21% en un mois et demi.

Avec le coronavirus en 2020, voici ce qu'il en est : entre le 19 février et le 19 mars, le CAC 40 a chuté entre 6110 et 3700, soit une chute quasi verticale de 39% en un mois ! Deux fois pire qu'en octobre 2008. Et ce n'est pas fini. On a l'impression de se trouver face à un abysse...

Certes, les chiffres, ce n'est jamais très populaire : ils nous ennuient, on les déteste... Oui, mais ils sont des sympômes. Si l'on a la chance de sortir de la "crise" sanitaire avant l'été, sans avoir à déplorer des centaines de milliers de décès, ce sera déjà bien... Ce sera une chance, dont on pourra gratifier les dizaines de milliers de soignants, avant tout, ainsi que les chercheurs qui auront peut-être mis au pont un médicament (pas un vaccin). Ce sera aussi grâce à la responsabilité courageuse de dizaines de milliers de professionnels de la "chaîne alimentaire". Et au civisme responsable de millions de Français qui auront accepté le confinement (sans doute jusqu'à fin avril)...

Mais je ne suis pas du tout certain que ce sera grâce au gouvernement... Déjà, divers scandales se profilent : tergiversations, reculades, dénis, cafouillages... Et surtout, manque total de prévoyance, malgré les alarmes nombreuses des médecins et des scientifiques, jusqu'à la totale confusion qui règne à propos des masques, qui tardent tant à arriver là où les soignants et professionnels de la santé en ont le plus besoin (pendant que certains bobos des beaux quartiers se sont empressés de faire main basse sur ces masques depuis une bonne quinzaine de jours...).

Qu'est-ce qui sortira de tout ça, à l'issue de la période de la "crise sanitaire" ?? Les chiffres que j'ai évoqués plus haut sur la bourse sont un indicateur très inquiétant, non pas parce qu'ils feraient douter d'un "retour aux affaires" ou d'un "rebond" juteux pour les investisseurs. Ces chiffres sont inquiétants en tant que symptôme : la grosse bête aveugle que constitue le marché boursier mondial renifle aujourd'hui l'odeur du carnage économique qui risque de suivre.

Tous les secteurs de l'activité économique vont être bouleversés, avec des conséquences sociales incalculables. On peut craindre, une fois de plus, que des flots de crédits et de capitaux soient alloués au chevet des méga-banques et des multinationales, pendant que cette nouvelle montagne de dettes sera entièrement reportée sur les populations...

Mais cette "recette" éprouvée dans les crises précédentes risque de produire un raz-le-bol populaire tel que tout pourrait craquer - et le tocsin du néolibéralisme retentira peut-être dans les villes et les campagnes... Le meilleur et le pire peuvent en ressortir. Ce carnage va-t-il donner lieu à un immense besoin de démocratie, de la part des peuples des différents pays ?? On peut y rêver, bien sûr, il le faut même, mais à condition de réfléchir aussi aux scénarios contraires...

Ce qui restait de "démocratie" est un fil ténu au bout duquel est suspendue une énorme massue : l'autoritarisme. Si nous avons la chance de nous sortir de la crise sanitaire, dans toute son intensité dramatique actuelle, un autre danger terrifiant nous guette : l'installation dans une forme d'état d'urgence permanent, qui sera tout à la fois autoritaire et inégalitaire.

C'est cette menace qu'il est vital d'avoir à l'esprit - tout de suite (et le confinement nous donne peut-être un peu de temps pour y penser). Je ne sais pas si je le formule de la meilleure façon, car ce n'est pas très réjouissant et je comprends bien qu'on ait aussi besoin d'espoir... Mais une chose paraît évidente : les mois qui vont venir risquent d'être un moment crucial, dont va dépendre l'avenir.

Autrement dit, derrière la bataille (et non la "guerre") pour vaincre le coronavirus se profile déjà l'ombre portée d'une autre bataille décisive : ne pas nous laisser priver de notre volonté irréprescible de sauver dans un même élan la justice, la liberté et le respect de la vie - humaine et non humaine.

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