Les masques de protection sont-ils de simples marchandises ?
Oui (?), puisqu’ils sont soumis à la « loi du marché » et qu’ils sont fabriqués par des entreprises dont le but principal est de faire du profit.
Oui (?), puisque que nos administrations et nos gouvernements ont fait un calcul purement comptable pour en estimer le prix, faisant fi ainsi de sa vraie valeur : son utilité en cas de pandémie.
Résultat de cette logique comptable : il y a dix ans, la France disposait d’un milliard de masques chirurgicaux et de 600 millions de masques FFP2, mais début 2020, quand le coronavirus est apparu, la France n’en avait plus que 140 millions. Scandale.
Les "managers de l’entreprise France" ont jugé qu’il n’était pas rentable de gérer ces stocks. En juillet 2011, la direction générale de la santé a préconisé de ne pas renouveler le stock de masques de protection, au motif que « les productions mondiales seraient suffisantes, en cas de pandémie ». Et c’est la Chine qui s’est ainsi retrouvée le principal producteur mondial.
Ce faisant, le coût de la main d’oeuvre en Chine ajouté au coût du transport maritime (sur des milliers de kilomères), est jugé inférieur au coût de renouvellement local, en France.
Déjà, dans ce calcul économique, on a fait fi d’un léger détail : le coût écologique du transport par fret, générateur de pollution massive des océans et contributeur notoire du réchauffement climatique. Mais nos gouvernants s’en fichent complètement.
Mais voici qu’avec l’irruption soudaine du coronavirus, le scandale vient d’apparaître au grand jour : non, le masque de protection ne peut pas être réduit à une marchandise ! Hélas, trop tard. Et le scandale devient tragédie.
Des centaines de milliers de soignants et de médecins, de malades, de travailleurs de la chaîne alimentaire, se retrouvent surexposés à la contagion. Jour après jour, ils doivent attendre ces masques qui n’ont plus de prix... Il est vrai qu’un autre secteur marchand va pouvoir en profiter : les pompes funèbres…
Il en va de même des tests, que l’OMS recommande pourtant de mettre en œuvre massivement. Notre premier ministre déclarait hier encore, péremptoire : « la doctrine de test, c'est que nous testons les personnes qui présentent des symptômes... ».
On pense avec un peu d’aigreur à cette blague, où un type cherche ses clés sous un lampadaire, parce que c’est là que c’est éclairé...
Et Edouard Philippe d’ajouter : « il ne servirait à rien, aujourd'hui, de tester massivement tout le monde ». La preuve : en Corée du sud, l’un des premiers pays touchés, des millions de tests ont immédiatement été mis en place, et des centaines de millions de masques. Résultat : depuis une quinzaine de jours, le nombre de personnes infectées a été stoppé net, de même que le nombre de décès… mais notre premier ministre n’en a sans doute pas eu vent...
Quelle leçon tireront nos gouvernants, qui se prennent pour des chefs d’entreprise ? Aucune. Ou plutôt si : les voilà déjà qui s’activent jour et nuit pour instaurer un régime de surveillance généralisée, qu’il faudra bientôt « péréniser » pour « éviter que ce drame se reproduise ».
Les voilà déjà en train de préparer une nouvelles étape dans la destruction du droit du travail. Les « mesures d’urgence » en temps de crise sont une aubaine pour péréniser le travail à 48 heures par semaine, bien au-delà de la « crise sanitaire ».
Délà, ils ont les yeux braqués sur l’après crise. Ainsi, la ministre du travail, Murielle Pénicaud, exhortait hier les entreprises à « challenger » les syndicats et les travailleurs, pour que la loi du marché ne soit pas interrompue. Comme on dit : « pendant les travaux, le service continue »…
C’est bien la « reprise » qui les préoccupe le plus. Les mesures d’urgence que prend le gouvenement visent, certes, à limiter l’ampleur du drame sanitaire, mais leur véritable et principal objectif est d’organiser dès maintenant un immense « rebond » des marchés financiers et une « reprise » des affaires, comme ce fut le cas après la crise de 2008. Cette période qui a permis aux actionnaires de décupler leurs bénéfices – grâce aux montagnes de capitaux que les gouvernements ont injectés – tandis que le « fardeau de la dette » était reporté sur les populations, et que la responsabilité était transférée aux services publics rendus coupables de s’accrocher à des « privilèges » d’un autre âge.
Il n’y a pas de pandémie sans perspective de profit : business as usual...