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Billet de blog 26 avril 2017

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Deux scénarios après une éventuelle victoire de Macron

Je vais essayer d’imaginer deux scénarios : le premier, Macron l’emporte largement (60, 70%) au second tour ; le second, il l’emporte d’une courte tête (55%...). Quelles pourraient être les conséquences de ces deux scénarios ?

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Je vais essayer d’imaginer deux scénarios : le premier, Macron l’emporte largement (60, 70%) au second tour ; le second, il l’emporte d’une courte tête (55%...). Quelles pourraient être les conséquences de ces deux scénarios ?

Dans le premier cas, Macron et son mouvement se sentiront des ailes ; ils appliqueront sans vergogne tout leur programme. Aux élections parlementaires, ils parviendront sans trop de difficultés à rallier une partie des caciques du PS ainsi que des « Républicains », tous unis pour constituer, au moins provisoirement, un grand centre de gouvernement (on verra bien ensuite à quel moment les fissures apparaitront…). Une fois le quinquennat lancé, au plan économique, ce sera donc, à n’en pas douter, encore plus de néo-libéralisme. Le gouvernement Macron va amplifier les « réformes » de Hollande, supprimer les régimes spéciaux et mettre la pression sur les services publics, libéraliser, « simplifier » encore le droit du travail, avec le soutien de la CFDT, alléger les « charges » des entreprises, c’est-à-dire avant tout celles du CAC40. Du côté des concessions à la « gauche » : un relèvement cosmétique du smic, des subventions confortables pour la « grande culture », la promotion d’une éducation un peu élitiste, prônant la réussite « au mérite », avec si nécessaire un peu de discrimination positive car il est bien normal d’aider ceux qui ont du mérite, et diverses autres mesures favorables à l’« ouverture », à la « diversité », au « développement durable », etc…

Dans ce scénario, qui sera plutôt satisfait de cette politique ? D’abord le « marché », les grandes instances internationales et l’Union Européenne, et au plan intérieur, la bourgeoisie, la classe moyenne supérieure, ainsi qu’une grande partie des professions libérales, des petites entreprises, et même des commerçants (à voir). Mécontents et déçus : les pauvres, les classes moyennes, les milieux ruraux, qui verront leur niveau de vie encore abaissé et n’auront plus qu’à rejoindre plus massivement les rangs du front national. Quand au syndicalisme, ce sera une évolution rapide vers un syndicalisme « de service », comme le prônent la CFDT et la CFE-CGC. Du côté du syndicalisme « de combat », ce sera un pas de plus vers l’agonie de la CGT et de FO (Sud, en revanche, pourrait tirer son épingle du jeu). Il est probable que les salariés dans leur ensemble s’éloignent en tout cas un peu plus des syndicats et se réfugient dans un individualisme de plus en plus exacerbé… Bref, une société plus que jamais clivée, divisée en deux grands blocs opposés, avec un climat d’inégalité, de contestation assez massive, de colère rentrée et de dérives vers l’extrême droite d’une part, vers un socialisme de rupture d’autre part, qui reste entièrement à réinventer. Dans ce scénario, la rénovation de la gauche aura fort à faire et ses perspectives restent très incertaines, dans la mesure où, de l’autre côté, la droite traditionnelle et l’extrême droite profiteront assez facilement de la moindre erreur du gouvernement Macron... Les jeux sont donc ouverts, et l’avenir dépendra de la capacité des gens de gauche à se mobiliser, à être inventifs et courageux. Ce n’est vraiment pas gagné…

Dans le second cas, Macron aura tout de suite de grandes difficultés à constituer une majorité parlementaire. Que peut-il en résulter ? Des concessions à la gauche, notamment aux électeurs de Mélenchon ? Je crains que ce ne soit pas le cas. Le plus probable est que Macron choisisse une stratégie à deux faces : la première, son fond de commerce, une ligne néolibérale privilégiant tout ce qui pourra rassembler autour de lui à la fois la bourgeoisie et la France poujadiste ; la second ligne, clairement, sera sécuritaire : ce sera le moyen le plus évident et le plus aisé pour ne pas trop fâcher l’électorat de droite traditionnelle et d’extrême droite. Avec cette stratégie obligatoire, Macron parviendra peut-être à constituer une majorité de gouvernement, quoiqu’assez difficilement. Si ce n’est pas le cas, il est probable que ce soit la fin de la cinquième république. Ce qui peut réjouir les électeurs de Mélenchon… Sauf que, dans ce scénario, ceux-ci n’auront pratiquement aucune marge pour faire valoir leurs idées, face au rouleau compresseur qu’imposeront la droite et l’extrême droite. Pourquoi ? A mon avis, parce que ces idées, justement, ne sont pas encore bien rôdées. La Gauche n’a plus de référentiel et tout est à refaire, comme chacun le sait. Au contraire, si le Front National talonne Macron à l’issue du second tour des présidentielles, son « logiciel » est tout prêt à donner toute sa mesure. Au global, ce second scénario paraît encore plus noir que le premier, contrairement aux intuitions que peuvent avoir une partie des électeurs de Mélenchon.

En envisageant ces deux scénarios, je n'exclus pas non plus un troisième, qui serait la victoire de Marine Le Pen. Celle-ci n'a rien d'impossible quoi qu'aient pu en penser dans un premier temps les amis de Macron, les médias et une partie des Français. Mais dans ce troisième scénario, je me pemets de renvoyer à mon artice précédent (Ni Macron, ni Le Pen !)...

Si mon analyse est fondée, le choix de vote au second tour n’en est que plus difficile pour les gens de gauche… Le vote blanc et l’abstention, que je préfère malgré tout dans la circonstance risque de conduire au second scénario décrit ici, mais d’un autre côté le vote utile pour Macron nous annonce aussi un quinquennat de douleur et de combat… Il n’y a donc pas de solution miracle pour ce vote mémorable. C’est très dommage, mais mieux vaut y réfléchir deux fois plutôt qu’une… Ou au contraire arrêter de penser et suivre son instinct… Mais attention, si l’instinct a bonne presse en ces temps de négation de la pensée, il a vite fait de faire le lit de la violence dans le cours hasardeux de l’Histoire...

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