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Billet de blog 27 juillet 2024

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Cérémonie d'ouverture des J.O. : une cacophonie sonore télévisuelle

La cérémonie d'ouverture des J.O. se voulait un événement monstre, planétaire, un "hymne à l'amour" débordant d'émotions. Mais en tant qu'événement télévisuel, c'était une soupe illisible, confuse, un brouhaha sonore permanent avec des voix-off lénifiantes. Il y en avait "pour tous les goûts", mais ce n'est sans doute pas la meilleure façon de tisser une légende et de s'inscrire dans l'histoire…

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La cérémonie d'ouverture des J.O. de Paris, hier soir a-t-elle enthousiasmé les 2 milliards de téléspectateurs annoncés ? Je n'en suis pas sûr. La plupart ont dû se sentir souvent perdus dans tant de références, face à un spectacle globalement illisible. Je ne sais pas non plus comment l'ont vécu les spectateurs triés sur le volet qui y ont assisté "en live". Sans doute était-ce pour eux quelque chose d'assez "grandiose"...

Pour ma part, ne faisant pas partie de ces happy few, c'est en tant que téléspectateur que j'y ai assisté, comme des centaines de millions (milliards) d'autres... Et je me pose une question : à qui s'adressait ce spectacle ? Aux "grands de ce monde" ? Aux privilégiés qui s'égrenaient au long des berges de la Seine ? En tout cas, sûrement pas aux SDF et autres "clandestins" qui ont été évacués, cachés, voire enfermés pour ne pas donner une mauvaise image du village Potemkine qu'est Paris à l'heure des J.O.... Ou peut-être aux milliards de téléspectateurs - que le C.I.O. se targue de "rassembler" dans "l'amour du sport" ? Faisant partie de cette masse anonyme, je me sens légitime à faire part de mon "expérience"...

Tout d'abord, j'ai trouvé interminable le défilé, pendant près de 3 heures des 210 équipes au long de la Seine. Le metteur en scène Thomas Jolly, coqueluche du théâtre français actuel, a sans doute fait un énorme travail, et eu quelques idées superbes (comme par exemple le radeau de "Imagine", la Carmen devant le Châtelet, ou cette étrange cavalière de l'Apocalypse qui a glissé sur la Seine à la nuit tombée, ou encore la montgolfière en flammes emportant la vasque olympique au-dessus du Paris by night)...

Mais surtout, je reste sur l'impression que ce "grand spectacle" conçu comme un gigantesque et mégalomane sons et lumière en plein air a été un complet ratage télévisuel ! Comment se fait-il qu'avec autant de moyens de captation, de milliers de caméras et matériels haut-de-gamme ces quatre heures de spectacle aient été aussi mal filmées ?

Je ne parle pas seulement des cadrages et des points de vue d'un conformisme affligeant, mais surtout de la cacophonie sonore qui nous a été servie : un insupportable brouhaha permanent où les musiques (électro) se noyaient, non pas dans la Seine, mais dans une masse indistincte et confuse de rumeurs, de cris lointains, avec en surimpression les accablantes voix-off des commentateurs qui ne nous ont rien épargné, dans les poncifs, pléonasmes en tous genres (énoncer le nom de la délégation qu'on voit écrit en grosses lettres sur le bateau, comme si on ne savait pas lire), et exhortations lénifiantes à s'émotionner devant tant de beauté.

Comment peut-on produire tant de laideur sonore sans même en être conscients ? N'y a-t-il pas à la télé des gens qui auraient un minimum de culture du son, comme c'est le cas sur certaines radios (France culture) ? Et comment les millions (milliards) de téléspectateurs peuvent-ils absorber ce genre de cacophonie sans se rendre compte qu'on leur sert une soupe indigeste ?

Au final, à l'instar du supermarché (planétaire), il y en avait "pour tous les goûts", comme je l'ai entendu dire ce matin sur France Inter. Ce qui est d'ailleurs une formule creuse, car les références et les choix faits par Thomas Jolly n'étaient pas destinés à "tous les goûts". Ils étaient au contraire, pour la plupart, lourds de symboles (en particulier sur la "diversité", "l'ouverture"...) Mais, au-delà du geste esthétique et politique des créateurs, n'oublions pas les enjeux réels qui sous-tendent les J.O. N'oublions pas ce qu'est vraiment le C.I.O., club fermé très puissant qui exerce une emprise idéologique et financière sur les "jeux olympiques" (lire à ce sujet l'article d'Antton Rouget dans Mediapart hier, Pour le sport, contre le C.I.O.) Ne faisons pas non plus semblant d'oublier l'objectif de Macron, qui après avoir mis la France sens dessus-dessous, a depuis des semaines une obsession: que la France finisse dans "le top 5" des médailles... Ce n'est sans doute pas la meilleure façon de tisser une légende et de s'inscrire dans l'histoire…

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