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Billet de blog 29 novembre 2018

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Comment culpabiliser les pauvres avec la fiscalité écologique

Le gouvernement invente le « ruissellement écologique » : les pauvres polluent la planète et ils font des "crispations fiscales" quand les riches veulent les doucher, pardon, les initier à l’écologie. Selon M. de Rugy, "la fiscalité écologique n'a pas vocation à résoudre les inégalités". Et les montagnes de cadeaux fiscaux faits aux riches, elles avaient pour vocation de réduire les inégalités ?

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Comme l'a dit si justement M. de Rugy, hier soir sur Mediapart, "la fiscalité écologique n'a pas vocation à résoudre les inégalités"... Sans blague ? Vous n'aviez pas besoin de nous le dire ! Puisque c'est toute la politique du gouvernement, par quelque bout qu'on la regarde, qui n'a pas vocation à résoudre les inégalités. A moins, peut-être, que dans votre esprit, monsieur le ministre, les montagnes de cadeaux fiscaux faits aux riches en début de mandat, elles, avaient vocation de réduire les inégalités ? Mais oui, bien sûr, puisque, c'est bien connu, la richesse "ruisselle" du haut vers le bas et inonde les plus démunis de bonheur !

Résumons comment le "ruissellement" de la richesse ne profite pas du tout au "plus grand nombre" depuis les dix dernières années, et voyons comment l'écologie devient soudain, pour le gouvernement, un nouveau prétexte pour culpabiliser les pauvres.

1. L'Etat a d'abord accepté de s'endetter massivement pour réparer les dégâts faits par les banques depuis trente ans, et ensuite pour renflouer ces mêmes banques, responsables mais pas coulables ("to big to fail").

Résultat: On a culpabilisé les classes populaires, accusées de "profiter" du "pognon de dingue" que coûtent à l'Etat la sécurité sociale et l'ensemble des services publics, et on leur a supprimé la moitié de leurs "privilèges" sociaux.

2. La dette de l'Etat est donc passée de 65% à 90% entre 2008 et 2012, période de renflouement des banques. Cette manne a permis aux banques (c'est-à-dire à leurs actionnaires) de se faire payer deux fois : une première fois quand elles avaient fait des profits faramineux sur le dos des pauvres avant la crise (subprimes etc), et une deuxième fois quand on demande, année après année, aux classes populaires de se serrer la ceinture pour aider l'Etat à se désendetter.

3. Un nouveau gouvernement est arrivé et sa première action, à "marche forcée", a été de faire des montagnes de cadeaux fiscaux aux grandes entreprises (donc à leurs actionnaires) et aux riches (suppression de l'ISF, flat taxe...). Sans compter les ordonnances qui ont, en un tour de main, démoli le droit du travail et aggravé les conditions de travail de millions de salariés (qui ont eu le tort de ne pas se mobiliser massivement, à cause de leur ignorance globale du droit et de la technicité du sujet).

4. Pour compenser cette nouvelle manne donnée aux riches, nos gouvernants trouvent maintenant une nouvelle façon de culpabiliser les classes populaires (gilets jaunes...) : ces ignares butés sont accusés de polluer la planète avec leurs bagnoles et leurs baraques mal isolées, et en plus ils refusent de payer la "fiscalité écologique" ! 

Pendant ce temps les riches peuvent se donner bonne conscience (écologique) et continuer de prendre l'avion à chaque instant pour faire leurs affaires, de rouler en 4x4 dans Paris, d'utiliser leurs clims en toutes saisons, de chauffer leurs piscines en plein hiver... puisque la "fiscalité écologique", pour eux, c'est une nouvelle flat taxe, qui ne leur coût presque rien - du moment qu'on n'étend pas la fiscalité écologique aux sociétés de fret maritime, routier et aérien dont ils sont actionnaires !

Conclusion, si je peux me permettre de donner un peu d'eau à votre moulin, monsieur le ministre : le "ruissellement", ça marche du haut vers le bas (ah, ah) - mais pas du bas vers le haut (oh oh) !

Allons, soyons sérieux, monsieur le ministre, en effet, votre politique, par quelque bout qu'on la regarde, n'a pas vocation à résoudre les inégalités ! Vous n'aviez pas besoin de nous le dire !

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