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Billet de blog 30 avril 2020

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Le "Masque du 11 Mai" : le jour où le rideau de scène se lèvera

Un plan de com se profile : "le Masque du 11 Mai". Expression-symbole qui résume en deux mots la situation : plus besoin d'aller au théâtre pour tendre un miroir au monde... Nous serons invités à grimacer dans les rues, dans les trains, dans les lieux de travail dont la topologie sera organisée et fléchée selon la loi des "gestes barrières". Mais les choses risquent de ne pas se passer comme ça...

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Le 11 mai 1981: premier jour du mandat de Mitterrand et accès de la "gauche" au pouvoir - et mort de Bob Marley. 11 mai 2020: le jour que Macron a choisi pour remettre les petits enfants à l'école et les grands enfants (les salariés) au travail. Le but : rattrapper le retard sur la croissance et sauver les intérêts bien compris des grands argentiers.

Mais les choses risquent de ne pas se passer comme ça : personne ne peut encore prendre la mesure des dégâts qu'auront provoqués le virus et l'incurie des gouvernants. Il faudra non seulement compter les morts et les malades, soigner les dépressifs, isoler les "suspects", tracer l'ensemble de la population, la masquer et la maintenir aussi "docilisolée" que possible.

Il faudra aussi, et surtout, comptabiliser et gérer les millions de salariés qui, après le 11 mai, vont passer du chômage partiel, subventionné par l'Etat, au chômage tout court. Car, il ne faut pas être naïf, des dizaines de milliers de petites entreprises et de petits commerces ne vont pas se relever des deux mois de confinement.

Quant aux grandes enteprises, elles vont redoubler de plans de restructuration pour "s'adapter" à un paysage économique doublement ravagé : par la chute de la demande et par la destruction massive du tissu des sous-traitants. Par exemple, dans l'automobile, Peugeot et Renault, qui ont depuis longtemps recours à des milliers de fournisseurs pour optimiser leurs chaînes d'approvisionnement et de production, ne vont pas retrouver ce tissu de sous-traitants intact.

En un mot, l'appareil productif peut apparaître, de loin, à peu près intact au bout de deux mois, mais ça ne veut pas dire qu'il va pouvoir se remettre en marche miraculeusement. On va redécouvrir que le capital ne suffit pas pour faire tourner la machine capitaliste à plein régime. Si les travailleurs ne sont plus à leurs postes - malades, chômeurs, dépressifs, ou rongés par l'inquiétude et la perte de moral, dispersés en télétravail improductif... en un mot il ne suffit pas de se relever les manches, il faudrait aussi encore y croire...

Et le pouvoir a un peu oublié ces lois fondamentales de l'humain, depuis pas mal de décennies. Hors-sol dans ses cabinets, il croit peut-être s'en tirer à bon compte par des mots d'ordre et des éléments de langage. Et bien sûr le secours de la technologie, pour superviser et surveiller tout ça... Ce serait oublier que les hommes et les femmes sont des animaux à sang chaud, qui ont un besoin vital de pouvoir se toucher et se regarder en face, de préférence sans masques.

A ce stade du chaos ambiant, nous avons donc un roitelet qui combine tout seul son déconfinement idéal du pays. Les populations infantilisées et culpabilisées seront tenues de "relever leurs manches" tout en restant aussi confinées que possible : privés de terrasses, de bars, de restos, privés de ballades en forêts, privés de plages, privés de théâtre et de cinéma... Voilà en gros le visage du 11 mai - le Masque du 11 Mai - que dessine un roitelet barricadé dans son élysée, toujours au service des milliardaires qui le guident...

Oui, un plan de com se profile qu'on peut d'ores et déjà nommer "le Masque du 11 Mai". Expression-symbole frappante qui résume en deux mots la situation : plus besoin d'aller au théâtre pour tendre un miroir au monde... Nous serons tous invités à grimacer dans les rues, dans les trains, dans les lieux de travail dont la topologie sera organisée et fléchée selon la loi des "gestes barrières".

Mais le mois de mai en a vu d'autres... Que va nous réserver ce "joli mai" annoncé comme la grande mise au pas définitive du peuple ? Ce beau mois de mai, c'est le mois de la fête, ne l'oublions pas...

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