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Billet de blog 12 juillet 2023

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Gueule de bois républicaine

Affaire Benalla, mouvement des Gilets jaunes, gestion grotesque et guerrière de la pandémie, rejet syndical et populaire massif de la seconde mouture de la réforme des retraites : à chaque fois, Emmanuel Macron s’est redressé, a virilement retroussé ses manches et est venu « nous chercher », obtenant un répit de petit caïd sur la défensive. Mais le Phénix ne renaît pas toujours de ses cendres.

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La France a la gueule de bois. Elle est comme suspendue. Dans l’attente de nouvelles émeutes, toujours possibles.

Dans l’attente d’un Quatorze-Juillet qui lui rappelle ses origines révolutionnaires, républicaines et insurrectionnelles, qui est le rendez-vous traditionnel du président de la République avec la nation sous la forme d’une interview télévisée dont Emmanuel Macron a cherché à s’affranchir depuis son élection, et qui est depuis longtemps un moment fort des violences urbaines dans les banlieues, propice à l’incendie sacrificiel de véhicules.

Dans l’attente, aussi, de la fin des « cent jours » que le chef de l’Etat avait accordés à sa Première ministre pour faire le reset de son second mandat, après l’épisode de la réforme des retraites, mais qui ont fini par dérailler avec la mort de Nahel.

Dans l’appréhension, enfin, d’un nouvel effet de cliquet, par exemple à la suite d’un drame supplémentaire, qui compromettrait la remontée de la pente menant à une « démocrature », une pente qui est en passe de devenir toboggan.

A ce stade, une première question se pose. Emmanuel Macron n’a-t-il pas déjà fini un second mandat qui n’a jamais commencé ? En 2022, il s’était abstenu de faire campagne, aussi bien lors des présidentielles que pour les législatives. Et le passage à vide qui avait suivi cette séquence morose avait inquiété jusqu’à son entourage. Bien qu’Emmanuel Macron songe sans doute, dans son narcissisme, à rentrer par la fenêtre d’un troisième mandat après avoir dû sortir par la porte constitutionnelle des deux premiers, grâce à un intermède du type Castex-Medvedev, le mirage de 2017 s’est bien évanoui. Merlin n’est plus l’Enchanteur. Il n’a plus rien à nous dire ni à nous promettre, et ses paroles pleines d’assurance, sinon d’infatuation, sonnent creux.

Affaire Benalla, mouvement des Gilets jaunes, gestion grotesque et guerrière de la pandémie, rejet syndical et populaire massif de la seconde mouture de la réforme des retraites : à chaque fois, Emmanuel Macron s’est redressé, a virilement retroussé ses manches et est venu « nous chercher », obtenant un répit de petit caïd sur la défensive. Mais le Phénix ne renaît pas toujours de ses cendres.

Empêtré dans sa maladresse, le bébé albatros erre lamentablement sur le pont d’un navire en perdition. Il n’a toujours pas de majorité parlementaire ; il laisse à sa principale (et vieille) concurrente, Marine Le Pen, le monopole de la posture présidentielle que nul(le) ne lui dispute plus guère ; il a perdu son autorité et, plus grave encore, sa crédibilité tant ont été nombreuses ses erreurs et ses désinvoltures ; il fait l’objet, dans l’opinion, d’une détestation si générale qu’elle ne peut plus lui servir de ressource de légitimation, sur le mode de l’homme d’Etat bravant l’impopularité pour prendre des mesures nécessaires au redressement, à la Mendès-France ; tout « maître des horloges » qu’il se voulût, il n’est plus en mesure de tenir son agenda diplomatique ou politique comme l’ont montré les annulations successives de la visite à Paris de Charles III, de son propre voyage à Berlin et de son grand discours sur la « planification écologique », prévu pour le 5 juillet. Il n’est même pas sûr qu’il puisse encore changer de Premier ministre ou remanier le gouvernement, exercices dans lesquels il n’a d’ailleurs jamais brillé.

Son dernier atout est l’extraordinaire capacité de la gauche à s’auto-corneriser. Il a trouvé en Jean-Luc Mélenchon un « ennemi complémentaire » de choix, chacun des deux ayant besoin de l’autre pour continuer à exister. Ce ne sont naturellement pas ces petits jeux pervers qui vont redresser la barre. Et comme l’extrême-droite n’a que de mauvaises réponses à de fausses questions dans lesquelles la droite que l’on pouvait jadis qualifier de « républicaine » s’est elle-même enfermée, la France est décidément « mal partie », comme le disait René Dumont de l’Afrique au début des années 1960.

En attendant, le piège dit « illibéral » se referme davantage. Pendant qu’Emmanuel Macron multiplie les micros-trottoirs, tergiverse et fait mine de s’interroger sur les raisons profondes de l’explosion des banlieues que des décennies de recherches en sciences sociales ont parfaitement documentées, Marine Le Pen se donne le luxe d’une allocution solennelle, celle que l’on aurait attendue du chef de l’Etat, non évidemment dans son contenu, mais dans sa forme présidentielle.   

Nourrie par la peur des nantis et leur ignorance croissante des réalités sociales de leur pays, la haine de classe se propage. Elle prend de plus en plus un tour identitariste et « civilisationnel » auquel s’était déjà rallié Emmanuel Macron en mettant en garde contre la « dé-civilisation » de la société – une thématique en affinités électives avec l’imaginaire nauséabond de l’extrême-droite, même si certains exégètes de la pensée présidentielle ont rappelé que la paternité du terme revient au grand sociologue Norbert Elias et ont ainsi continué à cultiver l’équivoque inhérente au discours idéologique de leur patron.

Les deux principaux syndicats de police jettent des bidons d’essence sur l’incendie en utilisant, dans un tract, des termes abjects, et exercent un chantage factieux sur le gouvernement en le menaçant de rétorsions s’il ne leur obéit pas, avec des accents putschistes. Interrogé à ce sujet, le ministre de l’Intérieur, qui vient de faire interdire les Soulèvements de la Terre, se contente de dire que ce vocabulaire n’est pas le sien. Nous en sommes vraiment rassurés. A l’Elysée, un conseiller du président de la République ajoute que l’Etat ne peut rien faire puisqu’il en va de la « liberté syndicale ». Ce gouvernement, qui a multiplié les entraves à la liberté de manifestation des organisations syndicales contre la réforme des retraites et rogné les droits des travailleurs ne nous avait pas habitués à un tel respect, que l’on eût voulu mieux placé. Quant à la justice, elle s’est elle aussi couchée depuis des lustres en cautionnant les mensonges institutionnels de la police et en lui garantissant l’impunité, ainsi que l’a dénoncé Yassine Bouzrou, l’avocat de la mère de Nahel, dans une interview dévastatrice donnée au Monde, dans son édition du 6 juillet.

Désemparés, les pouvoirs publics en appellent maintenant à l’autorité des familles, dont ils ignorent que la misère sociale les a souvent démantelées – l’exemplarité tragique de Nahel tient en partie au fait qu’il était élevé par sa seule mère, à l’instar de nombreux « minots » des cités. Nous ne sommes plus très loin du « travail, famille, patrie » du maréchal Pétain pour lequel Emmanuel Macron a parfois trahi une certaine faiblesse, dans sa tâche suspecte de réconciliation des mémoires historiques. « Une paire de claques, et au lit », ose le préfet de l’Hérault, bien que que le Parlement ait voté l’interdiction des châtiments corporels. En République, les « quartiers » sont décidément placés sous un régime dérogatoire. Ils sont invités à choisir entre le martinet et le LBD. Qui se plaint des « zones de non droit » ?

Sur cette poussée d’infantilisation et de déshumanisation des « hordes » et des « nuisibles » de banlieue, Vincent Bolloré continue d’avancer ses pions. Il tient bon face aux grévistes du Journal du Dimanche qui refusent la nomination comme rédacteur en chef d’un proche d’Eric Zemmour. Il s’efforce d’acquérir la plus belle librairie de Saint-Germain des Prés, L’Ecume des pages, qui a repris le flambeau de la mythique La Hune, afin d’imprimer sa marque et de supplanter l’empreinte germanopratine de Jean-Paul Sartre et de Simone de Beauvoir.

Une partie du pays s’enfonce dans l’indécence en abondant une cagnotte de soutien au tueur de Nahel, qui a recueilli en une semaine quelque 1,5 million d’euros (la mère de la victime doit se contenter de 250 000 euros).

La machine répressive des émeutiers – et comment faire autrement dans un Etat de droit, tant les crimes qu’ils ont commis sont graves ? – est en marche, qui grossira les avoirs électoraux de la banque de vote du Rassemblement national, sur fond d’hystérie bien-pensante et bien-portante et de bêtise analytique.

Emmanuel Macron s’entête à exclure La France Insoumise de l’« arc républicain » bien que les électeurs de cette dernière aient pourtant contribué par deux fois à sa victoire sur Marine Le Pen, et qu’elle soit l’une des rares forces politiques à garder une certaine audience dans les banlieues. Il semble sérieusement envisager l’interruption des services d’Internet et des réseaux sociaux dans les « quartiers », en cas de nouvelles émeutes. A-t-il pris conseil auprès de Recep Tayyip Erdogan ou de l’ayatollah Khamenei ?

L’encliquetage de la logique de situation que j’évoquais dans mes tribunes précédentes est avéré. Il faudrait un sursaut dont nul(le) responsable politique ne semble aujourd’hui avoir l’envergure pour parvenir à rétrograder ou s’en échapper par le haut. Il faudrait aussi avoir la lucidité d’un constat que personne ne semble prêt à établir alors qu’il crève les yeux. Plus rien ne marche dans ce pays qui est tout de même l’un des plus riches du monde : l’hôpital, l’école, l’université, le service postal, le transport ferroviaire, les routes, l’industrie, qui faisaient sa fierté, se sont affaissés en quatre décennies, du fait de politiques publiques erratiques, celles que l’on qualifie habituellement et un peu paresseusement de « néolibérales ». Avec la politique du chiffre qui lui a été imposée au détriment de sa proximité avec la population, la police est elle-même victime de cette évolution, tout comme d’ailleurs la justice.  Après celle des Gilets jaunes, la colère des banlieues est le symptôme d’une crise systémique, celle de l’épuisement de l’économie « néolibérale » et du modèle constitutionnel centralisateur, néo-monarchique et potentiellement antidémocratique des institutions de la Ve République.

Et là, la rage du chercheur éclate ! Pourquoi sa profession serait-elle la seule, en République, à ne pas y avoir droit ? Pour chacun des secteurs évoqués,  la recherche en sciences sociales avait tiré la sonnette d’alarme, d’une discipline à l’autre. Le pouvoir politique, une bonne part de la presse avaient fait la sourde oreille et pris de haut ses analyses. Les alarmes des travailleurs eux-mêmes ont été discréditées pour être perçues comme autant de signes de leur immaturité de « Gaulois réfractaires », alors que ceux-ci incarnaient le principe de réalité et criaient au fou.

L’explosion des banlieues n’est qu’une conséquence parmi d’autres de ce sabordage de la République par les élites technocratiques de l’extrême-centre, dont Emmanuel Macron, bien loin d’être l’homme nouveau et rédempteur qu’adulaient ses partisans et ses financiers, n’est que le dernier fondé de pouvoir en date, singulièrement incompétent. Son incapacité à prévenir et guérir les conflits que sa politique et son style attisent fait de lui le chauffard de la République qui la précipite dans la sortie de route démocratique – « en chantant à tue-tête du Elton John dans sa décapotable pour couvrir les cris de la foule », ajoute, sarcastique, ma collègue Nina Khamsy à qui j’ai fait lire un premier jet de ma tribune. Dix-huit victimes abattues par la police depuis 2021 pour « refus d’obtempérer » à l’appui, l’embrasement doit beaucoup à son virage à droite, quasiment dans la foulée de sa première élection, au pacte faustien qu’il a noué avec Nicolas Sarkozy pour mieux faire oublier sa trahison de François Hollande, et au jetage à la poubelle, en 2018, du plan Borloo de réhabilitation des « quartiers ». Un plan qu’il avait lui-même commandité l’année précédente, lorsqu’il faisait du gringue sociétal à la banlieue, mais qui présentait l’inconvénient, à ses yeux, d’avoir été élaboré en concertation avec les élus locaux, ces corps intermédiaires honnis qu’il cajole maintenant, comme après le mouvement des Gilets jaunes, toute honte bue.

Par aveuglement idéologique, Emmanuel Macron s’interdit d’identifier les causes bien connues de la désespérance sociale des banlieues qui n’appelle de réponse que politique, au sens noble du terme, celle dont devrait être capable un véritable homme d’Etat. Il a créé, de manière quelque peu indécente, un Conseil National de la Refondation pour mieux liquider les acquis du Conseil National de la Résistance, en jouant de l’acronyme. Dans son obscénité historique, la manœuvre avait fait grimacer. Emmanuel Macron n’a même pas pu la faire fonctionner. On en voit les fruits.

Tentons une dernière leçon de sociologie historique à son endroit, sans trop d’illusions. En bon adepte du roman national, dans ses versions les plus éculées et rances, celui-ci devrait pourtant savoir que l’histoire de France est riche en jacqueries, en émeutes, en révoltes paysannes et urbaines qui ont été peu regardantes sur les moyens. Oui, le soulèvement peut être une fête orgiaque, parfois meurtrière, et passablement suicidaire pour des gens qui n’ont rien à perdre et un peu à gagner, ne serait-ce qu’un soir : une paire de Nike, des glaces, des boissons (mais apparemment pas d’eau de Vittel, qu’ils ont boudée dans le pillage d’un supermarché, à l’étonnement du gérant, ce en quoi je les comprends : je ne l’aime pas non plus). Il comporte sa part d’énergie, toute bergsonienne. N’en déplaise à Eric Zemmour, rien d’ethnique ni de religieux dans ces comportements que la morale réprouve. Les Gilets jaunes, bien blancs sur eux, ont agi de la même manière, ont eux aussi ravagé les beaux quartiers de Paris et ont souillé le monument par excellence de la Nation à laquelle leurs aïeux avaient tant sacrifié : l’Arc-de-Triomphe. La rage de « mon peuple », comme disait le Macron rayonnant de la première année de son premier mandat. Logique de foule et de situation, parfois très locale.

Or, il se trouve qu’un grand historien britannique, Edward Thompson, a proposé un concept qu’il a exhumé du vocabulaire des Chartistes anglais des années 1830 et qui pourrait nous être utile. Pour comprendre les logiques d’action disciplinée de la foule insurrectionnelle, au-delà des clichés sur sa barbarie supposée et sa fureur aveugle, il a parlé d’ « économie morale », une notion qui, dans son sens originel, renvoie à une violence sociale que justifiait la survie même de ses auteurs. Dans les banlieues françaises, nous en sommes malheureusement là. D’une part, parce que la génération qui s’est soulevée en suivant des logiques d’action disciplinée ô combien efficaces, pour le malheur de la police et des pompiers, n’a pas d’avenir. No Future pour les « minots ». La République ne leur fournit plus aucune opportunité, sinon celle de la relégation territoriale à l’abri de laquelle prospèrent les dealers, derniers pourvoyeurs de revenus et de dignité. D’autre part, parce que l’usage abusif des armes à feu par la police met cette génération en danger de mort. Chacun de ses émeutiers est un Nahel en puissance. « Cela aurait pu être moi », se disent-ils – le propos est récurrent dans les témoignages recueillis par les journalistes.

L’autre avantage de la démonstration d’Edward Thompson est de souligner que cette économie morale de la foule insurgée anglaise renvoyait à des conceptions de l’éthique économique médiévale du juste prix, d’inspiration chrétienne, et aux mesures d’urgence en cas de nécessité qu’avait notamment codifiées le Book of Orders (1580-1630). Bien sûr, on serait en peine de trouver de tels éléments religieux dans l’imaginaire social et culturel des émeutiers français de 2023, même lorsqu’ils sont sociologiquement musulmans de par leurs origines familiales. Quoi qu’en éructe l’extrême-droite, l’islam est le grand absent de ces événements, tout comme en 2005. En revanche, l’enquête anthropologique passionnante de David Lepoutre (Cœur de banlieue, Codes, rites et langages, Odile Jacob, 1997a dégagé les références culturelles complexes de cette jeunesse qui renvoient aux sociétés esclavagistes et coloniales, sous la forme de performances oratoires et de relations à plaisanterie.

Depuis la publication de ce livre, beaucoup de voitures ont brûlé, et il est possible que cet imaginaire ait changé. Mais il serait plus intelligent de chercher les origines et les facteurs de légitimation de la colère sociale immédiatement contemporaine dans cette direction, plutôt que dans la culpabilisation des parents ou l’incrimination des réseaux sociaux comme le font les responsables politiques, de façon pathétique, en oubliant que ceux-ci sont les œuvres des invités d’Emmanuel Macron au sommet du Choose France, à Versailles, plutôt que des « quartiers ».

En outre, chacun fait mine d’oublier que la génération des adolescents qui se soulèvent est celle de l’expérience sociale des confinements, administrés de manière autoritaire et policière à une population vivant dans la promiscuité et la pauvreté. Une population qui a payé le plus lourd tribut à la pandémie à laquelle elle opposait les forces laborieuses de la « seconde ligne », tant exaltée et si vite oubliée par les pouvoirs publics. Plutôt que de s’indigner de la sauvagerie de ses rejetons, il faudrait garder en mémoire l’épreuve d’une désaffiliation sociale absolue que leur ont imposée la maladie et son traitement public coercitif. Faut-il rappeler que le confinement dans le confort des beaux quartiers n’est pas exactement le même que dans les HLM de Seine-Saint-Denis ?

Enfin, qui dit économie morale dit aussi économie politique. Derechef le chercheur est légitime à se mettre en colère. Depuis des décennies la classe politique se refuse à légaliser la consommation de cannabis qui est un fait social de masse dans la jeunesse. Quitte à fermer les yeux sur celle de cocaïne, laquelle fait partie de la diète d’une part des élites de la République. Or, la prohibition de la drogue est le fondement de sa valeur marchande et de sa captation par des trafiquants sans scrupules. L’effet Al Capone, en quelque sorte. Nous fûmes assez nombreux à avertir que les mêmes causes produisent généralement les mêmes effets, et à annoncer que la politique prohibitionniste des narcotiques livrerait les « quartiers » aux trafiquants, non sans ouvrir la porte à des produits plus dangereux, de même que le bannissement de l’alcool faisait les beaux jours des boissons frelatées. Ce disant, nous ne faisions qu’accompagner le diagnostic d’une commission des Nations-unies, laquelle actait l’échec de la « guerre globale » contre la drogue, qui a mis à feu et à sang l’Amérique latine sans pour autant résoudre les problèmes d’addiction des Etats-Unis.

Quelques villes du Grand Ouest et les quartiers Nord de Marseille payent aujourd’hui le prix douloureux de cet aveuglement des décideurs politiques français, engoncés dans leur bien-pensance et leur irréalisme, et oublieux des résultats de la IVe République dans l’endiguement du fléau de l’alcoolisme par le biais de l’éducation et de la prévention publiques. Sur fond de bêtise collective, les mêmes qui imputaient aux salafistes les émeutes de 2005 montrent aujourd’hui du doigt les trafiquants de drogue, au mépris des évidences, et nonobstant leur propre responsabilité politique dans l’engraissement de ces derniers. Mieux vaudrait qu’ils s’interrogent sur l’économie morale sous-jacente à l’économie politique des narcotiques pour lui apporter une réponse plus politique qu’exclusivement policière.

Le 14 juillet, pour ses bals et ses feux d’artifice, c’est dès le soir du 13… Croisons les doigts, et espérons qu’Emmanuel Macron lise d’ici là Edward Thompson.

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