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Billet de blog 15 octobre 2020

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Un besoin de confinement

Médiapart n'y déroge pas : il faudrait confiner, ne pas décider l'enfermement est une marque d'irresponsabilité politique;

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Un besoin de confinement.

Il y a plus de six mois que je me suis coupé des médias dominants, réservant ma lecture à quelques supports alternatifs. Il y a eu la critique du déconfinement, puis celle de "relâchement" estival, maintenant le reproche adressé au pouvoir de ne pas aller assez loin, de ne pas procéder à un nouvel enfermement sanitaire.

Je ne reviendrai pas sur les courbes numériques des cas ou des hospitalisations.

Je recommence à percevoir, ouvrant la fenêtre médiatique, le signe d'un retour de la jouissance morbide de mars et avril.

Mais il s'agit ici d'une jouissance au rabais puisqu'elle ne rencontre que rarement la trace de la mort de cet autre auquel nous devrions angoisser à l'idée d'en partager le destin, ici et maintenant, court-circuitant pour certains d'entre nous les quelques années que nous avons la possibilité de vivre. La jouissance du négatif n'a d'égal que le vertige de chiffres qui n'ont d'autres signification que celle qui leur est attribuée par des médias tout occupé à s (t) imuler la sensation d'une proximité avec la mort.

Les derniers articles de Médiapart réalisent un double mouvement, ouvrant dans leur titre la possibilité d'une critique des décisions politiques sécuritaires prises dans le sens de la restriction des libertés puis refermant aussitôt cette possibilité pour la subvertir en déploration ; jugeant avec sévérité l'absence de mesures plus générales de restriction de liberté.

Ils semblent exprimer un besoin d'enfermement, ne trouvant pas la place nécessaire à la prise en compte des points de vue alternatifs, scientifiquement fondés, ceux-là même qui interrogent l'hypothèse d'une "deuxième vague" devenue vérité incontestable.

L'actualité me fait songer à la notion de prophétie auto-réalisatrice, ayant accédé à ce qui pour les personnes qui l'exprimaient (aux portes de pouvoirs locaux) constituait une information à part entière : nous allions connaître une deuxième vague et un nouveau confinement.

Ceux qui l'exprimaient en étaient convaincus, éveillant ma colère. Comment cela pouvait t-il être considéré comme certitude, révélant une vérité inscrite dans le présent d'alors ? Comment pouvait t-il être possible de déclarer alors qu'il était vrai que nous allions connaître une deuxième vague ?

Je m'interroge désormais sur ce que je perçois de "besoin de confinement" chez certains de mes contemporains attentifs au moindre signal médiatique de catastrophe.

Je me retrouve comme bon nombre d'entre nous, entraîné dans ce je considère comme un mouvement mortifère, une descente collective dans les abîmes, d'une économie détruite (sans création possible) et d'une société privée de la seule promesse qui tenait encore d'une certaine sécurité matérielle faute d'utopie politique mobilisable et d'alternative sociale réalisable dans le contexte d'un capitalisme néo-libéral financiarisé en marche vers l'autoritarisme.

Ce besoin de confinement tout aussi bien induit que relayé par la plupart des médias ne semble pas pouvoir être satisfait à court terme.

Gageons que le mouvement concomitant de réduction des libertés civiles individuelles et collectives n'est quant à lui pas prêt de s'arrêter et qu'un autre confinement nous attend.

Je rejoins ici la thèse de Romaric GODIN : un confinement dans notre sphère productive individuelle et notre réduction à la force de travail.

Des économistes orthodoxes comme B. BORRITS ou C. DURAND évoquent l'hypothèse d'un retour à des formes modernes d'asservissement par le travail dans le contexte d'une organisation sociale néo-féodale et d'une dégradation générale des conditions climatiques et écologiques de production de richesse induisant la fin du surtravail lui-même rendu possible jusque maintenant par une progression de la productivité des facteurs.

Il est probablement encore temps d'agir pour que ce programme politique et social ne vienne pas à s'appliquer mais la période actuelle me semble peu favorable à imaginer une issue démocratique à la crise de civilisation que nous sommes amenés à vivre.

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