Je suis moi-même parcouru par quelques affects pas très positifs qui m'amènent à détester le pouvoir actuel comme j'ai pu m'évertuer à mettre du sens sur ce qui m'apparaissait en premier lieu comme moralement et éthiquement inacceptable en d'autres temps.
J'accorde, je le concède, une (trop ?) grande importance à la liberté.
Nous disposons du droit à la pensée et à la prise de parole dans les limites prévues par la loi positive, celle-là même qui s'efforce de rendre vivable la coexistence d'individus et de groupes aux existences, histoires et intérêts si différents.
Nous ne disposerons plus à partir de demain et pendant quelques semaines du droit à nous mouvoir dans l'espace public pour des motifs bien compréhensibles mais qui ne doivent pas échapper, à l'issue de cette période, à une critique en règle.
Nous payons très cher l'incurie de nos élus du moment qui peuvent toujours évoquer la responsabilité de prédécesseurs ayant abandonné l'idée, pour des raisons d'économie budgétaire, selon laquelle il était tout à fait possible que notre pays comme ses voisins se retrouve, un jour dans la situation actuelle.
Nous nous trouvons à une période de l'histoire où une très grande partie de la population adulte se trouve en capacité de comprendre les enjeux et d'y être associée. La majorité des citoyens de ce pays comme de bien d'autres espaces politiques, dispose d'une capacité à contribuer à la mise en œuvre d'une intelligence collective éclairée par celles et ceux qui vouent leur existence à la recherche et à la manifestation d'un savoir sur la complexité du monde. Je n'intègre ici ni l'intelligence de celles et ceux qui ne sont même pas politiciens, tout juste au service d'un pouvoir aussi défaillant qu'arrogant, ni celle des experts désignés par ces mêmes politiciens pour justifier leurs excès ou couvrir leurs défaillances.
J'étais parti sur l'idée que la période était propice à l'expression d'une sorte d'extrémisme du confinement et du contrôle de la mobilité dans l'espace public et que ces excès n'étaient pas forcément le fait des responsables politiques, plutôt hésitants. Je m'interrogeais sur les effets de la pandémie sur le rapport aux autres, je pense ici à ce que j'ai lu de citoyens qui utilisent les fils de blog pour demander l'emprisonnement de la population. J'attends la prochaine étape, celle de la délation.
Un état policier vient de voir le jour en Europe, la France. Un pays où la peur se trouve tout d'un coup au pouvoir, la peur des dirigeants et celle de ceux qui ne sont plus que dominés, otages d'une représentation nationale aux ordres d'un exécutif autoritaire.
Du côté des dirigeants, on devine l'inquiétude de l'après jusqu'à prédire la fin de la pandémie au 3 mai 2020 avec une reprise de la classe le 4 mai. Bon moyen d'éviter une reddition de compte à laquelle ils ne consentiront probablement pas, préférant jouer la carte de la prolongation d'un état d'urgence, de sanitaire, devenu économique.
Pour ce qui me concerne, je n'arrive pas à avoir peur malgré les efforts de médias dont je me suis bien coupé au demeurant ne conservant un regard sur l'actualité qu'à travers quelques sites comme Médiapart.
Je suis et demeure très en colère, encore plus que d'habitude contre les dominants tout autant que contre celles et ceux qui peinent à se vivre comme autrement que des dominés, capables de prendre le destin collectif en main.
Est-t-il permis de croire encore possible que ces évènements traumatisants (dont la responsabilité se trouve bien incarnée par quelques uns de nos dirigeants, lesquels font bien des efforts pour détourner l'attention, jusqu'à convoquer, en égal, le dirigeant du pays autoritaire le plus puissant du monde) aboutissent à une prise de conscience collective, à l'émergence d'une dynamique politique capable de renverser les tenants d'un système économique qui vient de faire la démonstration de son impuissance à vivre une forme inattendue de crise.
La crise est étymologiquement le moment aigu d'une maladie, moment où se joue la vie du malade. Il dépend de la majorité silencieuse de contribuer à ce que la sortie de crise ne soit pas un retour à l'état antérieur, fragile, instable, et nous le savons maintenant, incapable de faire face à des situations extrêmes ; la prochaine pouvant s'avérer bien plus radicale que l'actuelle.
Il semble possible d'ouvrir l'avenir là, où, individuellement ou collectivement, nous pouvons (nous pouvions ?) avoir le sentiment qu'il nous est (était ?) définitivement fermé.
L'avenir ne serait donc pas forclos par ce pouvoir néo-libéral fondamentalement nihiliste à trop vouloir puiser dans les ressources d'une immanence qui a ses limites. L'homme seul ne peut pas tout, en déplaise à notre PR.
L'homme a besoin d'espoir, d'une transcendance qui passe par un nouveau projet politique à construire ensemble.