En 2014, au moment de l'arrivée d'E. Macron, je produisais de ma modeste place un billet intitulé "la Macron-économie"... Thomas Porcher en a fait le titre d'un petit livre à la lecture facile, capable d'accentuer le trouble qui accompagne le spectacle de la cécité et de l'amnésie.
Cécité tout d'abord : le personnage donne à voir quelque chose de l'ordre d'une bien curieuse séduction dont il faut forcer l'analyse. Le personnage est à la fois comme les autres et différent et joue de cet écart entre la conscience que nous pouvons en avoir et l'image qu'il vient nous donner. Pour l'instant, l'image produit ses effets les plus prometteurs jusqu'à l'installer dans la posture d'un candidat élu. E. Macron incarne la figure d'un sauveur porteur d'une promesse en devenir à l'instar d'un christ prophète de temps meilleurs, à venir, sans autre précision possible, une parole capable d'éveiller les français à la promesse d'une économie reine de nos vies, de guider leurs volontés et leurs ambitions, libérées des idéologies, guidées par l'aboutissement de la quête du salut par l'argent gagné à n'importe quel prix.
Amnésie ensuite : l'époque est à l'adoration de la nouveauté et à l'oubli de l'histoire, au refus d'en considérer la complexité et les contradictions. L'époque est au retour d'un absolu, d'une volonté qui s'énonce sans l'ombre d'un doute, de paroles dont la force vient qu'elles puisent leur sens dans les angoisses existentielles du moment pour mieux les subvertir, les transformant en croyance d'un avenir meilleur.
Il n'y a absolument aucun risque que le FN accède au pouvoir national : il n'est pas utile de rejouer le spectacle de 2002.
Il y a par contre un véritable risque que E. Macron accède au pouvoir, soutenu par quelques apôtres qui accompagnent la parole d'un nouvel évangile débarassé de toute référence à une des idéologies qui accompagne le débat politique depuis la naissance de la démocratie en France.
Ce que nous promet E. Macron, c'est une vie politique sans idéologie, une vie politique ancrée dans les seules réalités économiques, gestionnaires et technocratiques du moment, une économie politique, instrumentalisant les pouvoirs élus dans le seul but de satisfaire une conception matérialiste et individualiste de l'existence humaine que nous devrions tous adopter comme une évidence indiscutable.
Il n'est qu'à entendre les arguments de campagne, l'étayage des programmes par des chiffres, toujours plus de chiffres. Les idées sont écrasées par les chiffres, perverties, subverties. Ce sont les chiffres qui viennent créer de la pensée, qui viennent créer une abstraction sans lien avec la réalité vécue par la plupart des citoyens.
La dette écrase la volonté d'investir et de croire en l'avenir. La quantophrénie, cette nouvelle pathologie psychique, emporte tout. Auris sacra fames,... même pas.... le goût du sacrifice et de le plaisir de la restriction, de la réduction de la pensée et de la vie humaine à ce qu'elle a de plus dérisoire et de plus famélique.
Quel programme...