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Billet de blog 4 mars 2024

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Ah Dieu ! Que la guerre est jolie…

Le vers bien connu du célèbre poète Guillaume Apollinaire a une signification ambiguë. Les uns y voient un enthousiasme belliqueux partagé par l’auteur, d’autres, comme le cinéaste Richard Attenborough et mon regretté ami le dramaturge Pierre Debauche, dans la pièce qu’il a créée aux Amandiers de Nanterre pendant la guerre du Vietnam , une satire ironique du militarisme et du bellicisme.

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Ah Dieu ! Que la guerre est jolie…

Illustration 1

Le vers bien connu du célèbre poète Guillaume Apollinaire a une signification ambiguë.
Les uns y voient un enthousiasme belliqueux partagé par l’auteur, d’autres, comme le cinéaste Richard Attenborough et mon regretté ami le dramaturge Pierre Debauche, dans la pièce qu’il a créée aux Amandiers de Nanterre pendant la guerre du Vietnam , une satire ironique du militarisme et du bellicisme.

Les récentes déclarations de Macron envisageant l’envoi sur le champ de bataille en Ukraine de troupes des pays de l’Otan, donc de la France, a permis de distinguer très clairement les partisan de la première signification.

Que ce soit parmi les « responsables » politiques, les experts de plateau ou journalistes des médias main stream.

Chacun s’est empressé d’enfourcher la nouvelle lubie présidentielle et d’en amplifier les perspectives.

Cela résulte bien sûr de l’effet de cour et de l’entre-soi qui caractérisent dorénavant le fonctionnement du système politico-médiatique de notre pays,

Mais cela représente surtout une dérive très dangereuse de la vision géopolitique de nos « élites », conséquence inévitable de leur superficialité et de leur paresse : le choix de l’affrontement guerrier sous le prétexte que la Russie poutinienne aurait comme projet d’envahir le reste de l’Europe.

Quelques exemples significatifs :

Après avoir proposé que la force nucléaire française soit mise au service des pays de l’UE (ce qui est en contradiction totale avec la doctrine de dissuasion nucléaire en vigueur,  le président Macron en signant l’accord de défense avec l’Ukraine, a presque explicitement désigné la Russie comme l’ennemi de notre pays.
En citant notamment des preuves de cyber-interventions russes dans la vie politique de plusieurs pays d’Europe : cela est en effet probable, mais comment oublier les ingérences passées, et même actuelles, des USA et de la France, y compris militairement, sur l’organisation des élections et les choix de certains gouvernements, en Amérique du Sud, en Afrique, et même naguère en Russie pour maintenir Eltsine au pouvoir..
Ce qui est crime ici et maintenant ne le serait pas ailleurs et hier ?

Évidemment, la désignation d’un ennemi extérieur ne peut pas ne pas s’accompagner de celle d’un ennemi intérieur
C’est ainsi que plusieurs « intervieweurs » s’en sont immédiatement saisis pour tenter de marquer au fer rouge Jean-Luc Mélenchon et le mouvement dont il est le leader, accusés sans aucune preuve d’être complaisant avec Poutine.
Tout cela n’était en fait que la répétition d’une mauvaise pièce déjà vue des dizaines et des dizaines de fois pour diaboliser l’opposition la plus résolue à la politique de Macon, et donc la moins tolérable à ses yeux.
Mais le sommet de l’outrance été atteint par notre fameux « arriviste arrivé », le 1er ministre Attal, qui, à l’assemblée nationale, a cru bon d’apostropher la présidente du groupe parlementaire d’extrême droite en disant que Poutine n’avait pas besoin d’envoyer de troupes en France, puisqu’elle et ses amis constitueraient déjà de telles troupes !
Sans avoir particulièrement de sympathie pour le Rassemblement national et pour sa représentante, on ne peut qu’être scandalisé par cette saillie injurieuse.

Cet épisode n’a pas manqué de me remémorer l’année 1971, année pendant laquelle je terminais ma période militaire de 3 ans comme lieutenant d’un régiment d’artillerie.
Bien que la doctrine officielle de la France soit d’organiser une défense « tout azimut » correspondant à la position de quasi « non alignement » déclaré par De Gaulle, en réalité lors de nos manœuvres, il n’y avait qu’un seul ennemi : à l’est et soviétique.
et tous ceux qui avaient des opinions politiques à la gauche de la SFIO (qui n’avait pas encore fait place au PS) pouvait être considéré comme un ennemi intérieur.
C’est comme cela que je me suis retrouvé menacé par l’officier du renseignement militaire du régiment d’être mis aux arrêts de forteresse pour soupçon de sympathie communiste (il n’avait pas tort car j’avais adhéré clandestinement à l’Union des étudiants communistes, ce qui était bien sur interdit à un officier !)

De telles chasses aux sorcières reviendraient-elles à l’ordre du jour pour cause d’une éventualité de guerre ?
Encore faut-il prendre en compte que, dans la cadre de la guerre dite « froide », la menace potentielle des troupes soviétiques sur les pays de l’Europe occidentale, notamment par les missiles nucléaires, était sans commune mesure avec celle des troupes russes aujourd’hui.

Pour autant, l’hystérie atlantiste et antirusse de la plupart des médias français atteint un niveau jamais atteint jusqu’ici  

Ainsi, l’émission quotidienne du 27 février de France 5, C dans l’air - Nos troupes en Ukraine : Macron brise le tabou) a donné lieu à une surenchère belliqueuse entre les invités tous partisans de l’envoi de troupes et françaises au sol le plus vite possible

Les auteurs de la tribune parue dans le Monde (édition du 4 mars (Envoi de militaires en Ukraine : Plutôt que de s’indigner des propos du président français, il importe d’envisager le pire) accusent tous ceux qui ne partagent pas leurs vues d’être des naïfs ou des lâches en face de l’ennemi de l’Occident qu’est à leurs yeux la Russie.

Mais la palme est à attribuée au président de la fondation de l’association Robert Schumann (institution qui est habituellement plus modérée, bien que réactionnaire) dans une tribune à Ouest France le27 février. Extraits
« Un grand voisin-le Russie), qui n’a cessé en vain de la combattre (l’Union européenne), souhaite sa disparition et surtout sa soumission. Attaquant par des moyens hybrides et une propagande irrationnelle qui rappelle, par ses arguments et ses méthodes, les plus sinistres périodes de l’histoire, la Russie de Poutine s’est déclarée ennemie de l’Occident et de l’Europe. Les Européens doivent donc reconnaître qu’elle l’est désormais
la Russie nous défie, sa remise en cause des frontières est pour nous une menace directe...
sa vision expansionniste de son influence est une agression caractérisée qui n'a pas de raison de s'arrêter...
chaque État membre de l'UE est ainsi en droit de considérer que sa propre sécurité nationale est désormais en danger...
la réponse européenne a été jusqu'ici très sage, mais n'a-t-elle pas été trop prudente?....
 les européens doivent maintenant s'atteler à offrir une réponse forte; ils en ont les moyens; leur détermination commune passe par un soutien massif aux Ukrainiens et aux Moldaves qui constituent pour nous "la défense de l'avant"......
nos dépenses de défense doivent être accrues dans une coordination renforcée....
Investir massivement dans notre sécurité fût-ce au détriment du confort de régimes sociaux généreux…
Un accord un traité pour que les signataires s'engagent de nouveau à se défendre et se protéger" mutuellement....
Il s'agit désormais de se réarmer pour être prêts à se battre si nécessaire."
Sans commentaire !

La sortie de route plus ou moins contrôlée de Macron aura permis de mieux identifier les militants de la guerre contre la Russie au nom des « valeurs de l’occident ».
Mais elle aura aussi, paradoxalement, au milieu du délire belliciste auquel nous assistons, implicitement levé le voile sur la présence déjà effective de membres de divers services occidentaux sur le sol ukrainien.

Ainsi, une enquête approfondie du très officiel New York Times a publié le 25 février dévoile l’existence de douze bases secrètes de la CIA, le long de la frontière entre la Russie et l’Ukraine.
 La construction de ce réseau de bases aurait débuté à partir de 2014.
Ces bases auraient servi à voir venir l’invasion de l’Ukraine et permettraient aujourd’hui d’aider les Ukrainiens à organiser leurs « opérations commando et secrètes » en Russie.
Ces informations n’ont pas été démenties.

On peut penser que les services de renseignement russes n’ignoraient pas la création de ce réseau offensif à proximité de la frontière depuis 2014, et que Poutine l’interprétait forcément comme une préfiguration de l’entrée effective de l’Ukraine dans l’Otan.

Ceux qui tiennent des discours apocalyptiques (voire délirants) annonçant l’invasion future de l’Europe occidentale par les Russes appellent à s’engager dès maintenant dans une guerre jugée inévitable.
Ils traitent de munichois, voire de traîtres, tous ceux qui pensent que, malgré les crimes de Poutine, la Russie n’a même pas les moyens, sur le plan militaire, économique et démographique, d’occuper la totalité de l’Ukraine.
Croient-ils sérieusement qu’il serait possible à l’Otan de vaincre l’armée russe sur son propre sol, là où Napoléon et Hitler ont échoué ?

Comment interpréter cette fièvre belliqueuse ?
Certainement pas seulement par l'amour de l’Ukraine et des Ukrainiens.

Suivant les leçons de Jean Jaurès (le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage), on peut envisager deux hypothèses

D’une part les grands groupes américains et européens qui se sont implantés en Russie à partie de l’ère Eltsine y ont fait de profits considérables avec leurs usines, leurs banques et leurs centres commerciaux.
Mais leurs avoirs et leurs infrastructures ont été lourdement impactés par les sanctions décidées par l’UE e les USA après l’invasion de l’Ukraine.
Ce qui a conduit certains d’entre eux à les céder à très bas prix (voire parfois pour un prix symbolique) à des consortiums russes
Ils se sentent aujourd’hui spoliés puisque les sanctions qu’ils ont accepté de suivre n’ont pas eu l’effet escompté pour mettre la Russie à genoux (comme l’avait imprudemment prédit Bruno Lemaire),
Et usent de tous les moyens à leur disposition auprès de leurs gouvernements respectifs pour récupérer, y compris par la contrainte, ce qu’ils ont du céder.
Pour cela, la défaite de la Russie leur semble nécessaire.

Mais l’hypothèse la plus crédible tient à la crise profonde du capitalisme au niveau mondiale, et notamment en Europe où le taux de croissance s’est effondré.
Les perspectives économiques sont plutôt sombres en raison d’un endettement chronique, des politiques d’austérité budgétaire (voire les 10 milliards de coupe budgétaire supplémentaire en France), de la baisse de la productivité, de l’augmentation de la pauvreté, de la chute du pouvoir d’achat, du renchérissement du crédit, …
Dans ce contexte, la seule branche industrielle qui paraît être permettre en mesure de faire à nouveau fonctionner l’économie, c’est, comme à d’autres époques, : les industries d’armement
Quoi de mieux qu’entretenir une ambiance guerrière pour faire admettre aux populations que les finances publiques doivent être mobilisées en priorité pour la production d’équipements militaires, d’armes, de munitions, de moyens de transport ?

Et donc mettre en place une économie de guerre, avec tout ce que cela implique comme régression des droits économiques, sociaux et démocratiques.

Sauf que ces matériels ne sont pas prévus seulement pour être stockés : ils sont destinés à être utilisés, détruits, remplacés,  .. Pour induire de nouvelles productions
Et donc à faire vraiment la guerre !

Il faut dès à présent enrayer cet engrenage funeste et agir pour les forces de paix s’unissent avant qu’un dérapage ou une provocation ne suscite l’embrasement.

L'affirmation de la paix est le plus grand des combats

Illustration 2

Jean Jaurès

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