Dans le film « Le talentueux Mr Ripley » de 1999, l’acteur Matt Damon incarne un jeune arriviste qui usurpe l’identité d’un riche héritier après l’avoir assassiné.
Mais il s’agit en réalité d’un « remake » du film du cinéaste René Clément « Plein soleil » qui a marqué en 1960 la carrière d’un autre talentueux arriviste, Alain Delon.
Le milliardaire Bernard Arnault ne manque pas d’y faire penser.
Certes il est bien évident que Monsieur Arnault n’a certainement jamais assassiné personne.
Si personne ne peut nier qu’il ait du talent, nombreux sont ceux qui estiment qu’il serait, d’une certaine manière, un menteur, un usurpateur, si ce n’est un imposteur.
Dans sa récente diatribe en direction des responsables politiques, il leur enjoignait de réduire les impôts des entreprises au risque de mettre en cause l’avenir de l’industrie nationale
Mais il ne peut guère prétendre représenter un véritable porte-parole du "Made in France"
Ainsi, sur les 213 000 salariés directs du groupe LVMH dont il est le Président, seuls 40 000 exercent en France, soit environ 18,5 % de l’effectif mondial total seulement.
Il est aisé de comparer ce pourcentage avec celui des autres zones dans lesquelles LVMH possède des établissements :
- 22% dans le reste de l’Europe
- 20,5 % aux USA
- 29,5 % en Asie (Japon compris)

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On se souvient notamment que Monsieur Arnault s’était rendu au Texas en 2019 pour inaugurer un nouvel atelier de maroquinerie en compagnie du président Trump.
Il amorçait ainsi une ligne « made in USA » des fameux sacs et bagages de la marque Louis Vuitton, maison historique du groupe multinational qu’il préside, qui a été créée en 1854 à Paris par un artisan et qui est à l’origine des initiales « LV » de son acronyme.
Cette inauguration a eu lieu quelque temps avant le rachat par LVMH de la prestigieuse joaillerie Tiffany pour 16 milliards de dollars, et notamment de son magasin prestigieux de Manhattan, principal décor du film de Blake Edwards « Beakfast at Tiffany’s » (la version française est titrée : « Diamants sur canapé »)

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Sa proximité avec l’ancien et nouveau président des USA s’est concrétisée à nouveau par la présence en bonne place de la famille Arnault dans les différentes phases de la récente cérémonie d’investiture de Donald Trump il y a quelques semaines.
C’est probablement à cette occasion qu’il a été envisagé d’accroître les investissements de LVMH aux États-Unis, ainsi que le rapporte le site Boursorama (29 janvier 2025), selon une interview dans laquelle le patron du groupe indique qu'il est disposé à accroître prochainement la présence de sa société aux États-Unis.
"Il est clair que nous sommes fortement poussés par les autorités américaines à continuer de développer notre présence. Dans le contexte actuel, c'est quelque chose que nous envisageons sérieusement", a-t-il déclaré aux journalistes après la présentation des résultats trimestriels de l’entreprise.
On remarquera qu’il explique que c’est essentiellement parce qu’il y est incité par l’administration Trump qu’il envisage d’investir aux USA, et non en raison d'éventuelles augmentations d’impôts en France.
On peut penser qu’anticipant sur l’augmentation des droits de douane que Trump veut appliquer aux pays européens, il préfère produire US pour continuer à vendre US, les ventes LVMH aux USA représentant déjà plus de 25% de celles du groupe.
Par ailleurs, il a déclaré que les usines basées aux États-Unis bénéficient de conditions fiscales attrayantes et que Trump encourage les investissements dans ce qu'il a qualifié de marché "très dynamique" (on comprend à demi-mot ce que cela signifie dans le contexte de l’ultralibéralisme protectionniste du nouveau mandat de Trump).
Sa critique sur le caractère insupportable, selon lui, de la taxation des entreprises en France apparaît donc plutôt comme un prétexte pour justifier par avance ses choix au yeux du public français.
Nul doute que les médias qu’il contrôle, notamment « Les Échos » et « le Parisien – Aujourd’hui en France » auront à cœur de relayer largement cette « bonne parole ».

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M. Arnault et sa famille ont assisté à l'investiture du nouveau président US pour un second mandat.
Avec son épouse et deux de de ses enfants, Delphine et Alexandre, il était assis à quelques mètres du pupitre de Trump, aux côtés d'autres milliardaires, dont le fondateur de Tesla Elon Musk et le patron de Meta Mark Zuckerberg.
Outre ce que cette proximité physique fait supposer de connivence objective entre ploutocrates, elle nous rappelle que, pour Monsieur Arnaud, le tropisme américain à des fins profitables et mercantiles n’est pas une nouveauté.
On se rappelle en effet que, lors de l’élection en 1981 du socialiste François Mitterrand à la présidence de la République, craignant les conséquences économiques et fiscales pour les Français les plus fortunés (sans compter la perspective fantasmée de l’arrivée des chars soviétiques à Paris !), il quitta la France pour se réfugier à New York où il tenta, sans succès, de faire fortune dans l’immobilier.
C’est de cette époque que date son amitié avec Trump, lui-même investi dans les affaires immobilières, qu’il connut lors de son séjour new-yorkais.
Cet épisode peu glorieux de la carrière de celui qui se présente comme un immense entrepreneur en dit long sur la réalité de son attachement à son pays natal, comme les aristocrates émigrés pendant la Révolution française.
Comme, il y a une quinzaine d'années, le transfert d’une grande partie des actifs de LVMH en Belgique, ce qui lui a permis d’échapper à l’impôt en France.
La sincérité de sa récente déclaration d’amour au « Made in France » n’en est que plus sujette à caution.
Suite à la nomination de Laurent Fabius à Matignon en 1984, rassuré sur les faibles «risques qui pourraient lui être causés par la politique économique conduite par les socialistes, il revient en France pour chercher une nouvelle voie après ses échecs dans l’immobilier.
La faillite de l’empire Boussac lui en offre l’opportunité : il s’en porte acquéreur, non pas tant qu’il soit intéressé par l’industrie textile, mais en raison de la présence, parmi toutes les marques contrôlées par Boussac, de la maison de haute couture Christian Dior, dont l’acquisition correspond à son choix d’investir dorénavant dans l’industrie du luxe.
Grace à ses appuis dans le monde de la finance et dans l’appareil d’État, il réussit à négocier l’achat de l’ensemble du groupe pour un montant de 400 millions de F, avec un apport personnel d’à peine 90 millions F provenant de la vente du groupe de BTP de sa famille.
La liquidation rapide de celles des sociétés du groupe qu’il considérait comme des « poids morts » lui permet en peu de temps de devenir un des hommes les plus riches de France, et d’acquérir la réputation d'"homme d’affaires à succès" qui lui ouvrira ensuite bien des portes.
Quand on connaît les manigances qui lui ont permis par la suite d’acquérir LVMH, on mesure combien sa réputation de chantre de l’innovation semble usurpée, à moins de considérer bien sûr que le fait d’avoir des pratiques immorales soit faire preuve de créativité.
Pour celles et ceux qui ne connaîtraient pas l’origine de la fortune de M Arnault, il leur suffirait de se référer à ce qu’en écrit le philosophe Marc Joly dans son récent livre « La pensée perverse au pouvoir » (Anamosa – octobre 2024 – 288 pp) pour décrire la prise de pouvoir sur LVMH à partir de 1987 le chapitre 5 – Un chaînon inattendu).

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« Henri Racamier et Alain Chevalier dirigent LVMH. Bernard Arnault, repreneur avec l’aide de l’État du groupe Boussac, se présente aux yeux d’Henri Racamier comme un allié fiable, respectueux des anciens. Bernard Arnault arbore un air de parfaite innocence pour mieux usurper la confiance d’Henri Racamier. Bien informé, multipliant les pièges et les mensonges, changeant de fusil d’épaule, jouant tantôt la carte Racamier, tantôt la carte Chevalier, acquérant dans leur dos et dans le plus grand secret des titres de LVMH, s’appuyant sur un nouveau partenaire pour faire la différence, il évince les deux patrons en conflit et prend seul la direction du groupe. Henri Racamier résiste : Bernard Arnault, furieux, utilise des méthodes barbouzardes, fabrique des fausses lettres. C’est significatif d’un capitalisme de plus en plus asservi à la spéculation. Vérité ou mensonge, peu importe : c’est l’efficience qui compte. »
C’est cette violence, ce cynisme et cette duplicité que symbolisera le magazine économique « L’expansion » dans la Une de son n° d’avril 1989, sous le titre : « Arnault tombe le masque », accompagné d’un personnage au visage de loup retirant un masque à l’effigie de l’étoile montante du capitalisme français.
Son principal « mérite » est d’avoir construit par des méthodes plus que douteuses un empire transnational dans le domaine du luxe, secteur d’activité dont on ne peut pas dire qu’il soit destiné à satisfaire les besoins sociaux de la population française,
Si on peut lui reconnaître un certain talent sur le plan financier et juridique, prétendre qu’il serait aussi, malgré son immense fortune, plus ou moins bien acquise et plus ou moins bien utilisée, un grand « capitaine d’industrie » relèverait plutôt de l’imposture
Cela ne l’autorise surtout pas, quand on connaît en outre sa pratique de l’optimisation, voire de l’évasion fiscale, à usurper le rôle de porte-parole des véritables entrepreneurs qui veulent participer à la réindustrialisation de notre pays.
Cela ne l’autorise pas non plus à formuler des conseils, a fortiori des injonctions, aux élus politiques qui ont la responsabilité de décider le budget de la Nation.
Mais cela ne l'a pas empêché de se faire élire récemment l'Académie des sciences morales et politiques !
C'est vraiment indécent.
MISTER ARNAULT

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