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Billet de blog 5 octobre 2025

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LA FABRIQUE DES MARTYRS … ET DE LEURS ENNEMIS.

La lourde condamnation à 5 ans de prison de Nicolas Sarkozy pour association de malfaiteurs a donné lieu à une avalanche de critiques et de protestations de la part de de ses « amis » politiques et médiatiques. Elle a surtout généré de leur part d‘incroyables accusations contre les magistrats. Au point de faire de l’ancien président la victime d’une véritable « mise à mort » politique.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Rassurons-nous, Sarkozy n’est pas mort : il parle encore !
Il n’est pas non plus emprisonné, même si sa condamnation a été prononcée avec exécution provisoire et mandat de dépôt différé.
Bien au contraire, à écouter la plupart de ses supporters, il serait totalement innocent des faits pour lesquels il a été mis en cause et sa condamnation serait non seulement illégitime et mais aussi illégale.

Illustration 1

Bref, il serait la victime expiatoire d’une guerre menée contre les options politiques qu’il représente et contre lui en tant que symbole, porte-parole et inspirateur.

Un véritable martyr qui, comme Saint Sébastien, criblé des flèches de ses nombreuses ennemis, mériterait d’être considéré comme un héros, voire comme un saint laïc.

Rappelons toutefois, ce qui semble anodin pour ceux qui utilisent à tout propos l’accusation d’apologie du terrorisme, qu’il a été prouvé qu’il existait un pacte de corruption auquel Sarkozy a bel et bien participé (d‘où sa condamnation pour association de malfaiteurs) et pour lequel plusieurs de ses comparses ont été condamnés également (parfois plus lourdement que lui).

Et surtout que le principal protagoniste libyen est un terroriste avéré, à l’époque déjà condamné par contumace par la justice pour un attentat ayant fait plus de 50 victimes françaises en 1989.

Illustration 2

Excusez du peu pour quelqu’un qui, comme Sarkozy, visait à devenir Président de la République !

Mais c’est un malheureux martyr, victime du complot des « juges rouges » et cloué au pilori de la scène médiatique.

Illustration 3

Le narratif hagiographique qui nous est proposé au sujet de Nicolas Sarkozy se retrouve dans d’autres cas, souvent parfois plus dramatiques.

Ces entreprises de propagande politique ont toujours trois volets plus ou moins synchronisés.

1- Tout d’abord nier les aspects les plus sombres de celui que l’on veut mettre en scène

2- Ensuite mettre en exergue ses actions les plus positives, qu’elles soient ou non réelles.

3- Enfin accuser les auteurs, réels ou supposés, des opérations néfastes qu’il aurait subies

On peut observer ces caractéristiques dans l’exploitation politique de deux assassinats récents, même s’ils n’ont pas eu des retentissements équivalents.

Celui du politicien ukrainien Andriy Paroubiy et celui du propagandiste américain Charlie Kirk.


Andriy Volodymyrovytch Paroubiy a été assassiné en pleine rue à Lviv (Ukraine), le 30 août 2025.
 Il nous a été présenté unanimement en France par l’ensemble des médias main stream comme un important homme d'État ukrainien.
Et surtout il a été encensé comme une « figure » de la révolution pro-européenne de Maidan à Kiev en 2014.

Il est exact que, membre du parti de l’ancien président oligarque Petro Porochenko (2014-2019) a été successivement secrétaire du Conseil de sécurité nationale et de la défense d'Ukraine, puis, de 2016 à 2019, président de la Rada (assemblée nationale de l’Ukraine). Il avait été réélu député en 2019.

Les responsables de cet assassinat, défini évidemment comme « politique » en raison de l’identité de sa victime, ont immédiatement été désignés comme étant très probablement les services secrets de la Russie (en application du vieil adage selon lequel « on ne prête qu’aux riches ») qui auraient voulu éliminer un homme influent.
Comme le titrait le quotidien Libération.

Illustration 4

Mais en réalité, il s’est avéré après quelques jours seulement que l’auteur de l’assassinat était un simple citoyen ukrainien aux motivations privées.
Son fils ayant été tué dans les combats contre l’armée russe, il n’avait pas réussi depuis à récupérer son corps, ce dont il rendait responsable l’ensemble de la classe politique de son pays.
Son désir de vengeance ne s’est pas dirigé sur Paroubiy en tant que tel, mais seulement parce que celui-ci il habitait dans le même quartier que lui.

Évidemment, la propagande antirusse qui s’était une nouvelle fois manifestée à cette occasion a rapidement disparu sans apporter bien sur quelque démenti que ce soit.

Ce rapide silence-radio a opportunément permis à ses auteurs de ne pas avoir à évoquer le passé plutôt sulfureux (pour ne pas dire plus) du sieur Paroubiy.

Illustration 5

C'était en réalité un ultra-nationaliste, anticommuniste bien sûr, qui a contribué à la réhabilitation des Ukrainiens collaborateurs des nazis, comme Stepan BANDERA.

Il faut savoir que Bandera était l'un des dirigeants de l'Armée insurrectionnelle ukrainienne qui luttait contre l’Union soviétique (UPA) et le chef de file de l'Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN-B), à tendance fasciste.
Dans sa lutte pour l'indépendance de l'Ukraine contre la Pologne et l'Union soviétique, qui avait annexé chacune une partie de l’Ukraine, il collabora avec l'Allemagne nazie en créant la Légion ukrainienne, sous commandement de la Wehrmacht, pour combattre l’armée Rouge soviétique.

C’est ce sinistre individu que Paroubiy contribua a faire désigner officiellement comme un héros de l’Ukraine après la « révolution de Maidan » en 2014.

Quant à Paroubiy lui-même, après s’être occupé de la restauration de la mémoire des combattants ukrainiens sous l’uniforme nazi, il fut, dès 1991, un des fondateurs du parti fasciste « Parti social-national d'Ukraine », rebaptisé en 2004 "Svoboda", dot l’emblème était la fameuse Wolfsangel (littéralement en allemand, crampon ou crochet de loup) symbole de la Waffen SS Das Reich (responsable du massacre d’Oradour sur Glane).

Illustration 6

Il est arboré à présent par le bataillon néo-nazi Azov, intégré depuis officiellement à l’armée ukrainienne contre les troupes russes.

A la tête du groupe paramilitaire « Les patriotes d’Ukraine », il est considéré comme l’instigateur des tirs de snipers ayant fait une dizaine de morts parmi les manifestants pacifiques de la place Maidan, massacre qui provoqua la destitution du président ukrainien pourtant démocratiquement élu et le changement de régime que certains nomment le « coup d’État d’EuroMaidan ».

Ainsi que du massacre de la maison des syndicats d’Odessa en mai 2014.
En tant que chef des activités dites « antiterroristes » dans l’est de l’Ukraine à partir de 2014, il est incontestablement un des principaux responsables de la répression des populations russophones et de la guerre du Donbass contre les républiques séparatistes.

Rares sont les médias français qui ont mentionné que si son parti se nommait « Svoboda » (ce qui signifie « Liberté »), il était en réalité issu d’un parti ouvertement fasciste.

Comme de sa proximité de longue date, en France, avec le Front National et avec Jean-Marie Le Pen en particulier.

Illustration 7

Aussi il aurait été pour le moins incongru de vouloir continuer à le présenter, ainsi plusieurs médias mainstream l’ont tenté, comme un homme politique plutôt respectable, à la conviction nationaliste inoffensive, et adhérent avec sincérité aux valeurs fondatrices de l’Union européenne.
Étant « dans le camp du Bien » contre le diabolique ogre russe.

Heureusement pour nos thuriféraires de Zelensky, la rapide découverte du véritable auteur de l’assassinat de Paroubiy leur a évité de sombrer dans le négationnisme, et, plus grave, dans le ridicule.


Charlie KIRK, militant trumpiste de 32 ans, a été assassiné par un tir de sniper le 10 septembre 2025 pendant un meeting qu’il organisait sur le campus de l’université de l’Utah (État des USA ouvertement dirigé par les membres de l’Église des Saints des Derniers Jours, c’est-à-dire les Mormons).

Comme dans le cas de Paroubiy, la victime fut immédiatement présentée sous un jour relativement neutre, si ce n’est plutôt positif, par la presse française.

Illustration 8

La plupart des médias mainstream ont fait le choix de qualifier Charlie Kirk de « conservateur », ou d’« influenceur », ou de « porte-drapeau de la jeunesse pro-Trump ».

Ils n’ont même pas rechigné à reprendre les termes de Trump qui lui a décerné immédiatement le titre de « Martyr de la liberté » (sic).

Certains éditocrates ont même fait le choix de reprendre sans trop de précaution les propos du président milliardaire américain accusant ce qu’il nomme « l’extrême gauche »" d’être responsable de ce meurtre.

Illustration 9

Cette accusation a permis à Trump d’inscrire le mouvement AntiFa (antifasciste) sur la liste des organisations terroristes.
Et de menacer, au même titre, tous ceux qui feraient mine de ne pas pleurer la mort de ce grand martyr, érigé presque au rang de Saint.

Il a ainsi organisé un rand rassemblement dans le stade de Phoenix, en Arizona, pour lui rendre un hommage public et officiel.
Près de 64 000 personnes s’y sont rassemblées, arborant les de casquettes rouges uniformes du mouvement trumpiste Maga (Make America Great Again) et brandissant des panneaux affichant le tire du mouvement créé par cette figure de l’extrême droite américaine, « Turning Point »,

Bras tendus, visages tournés vers le ciel, la foule laissait  éclater à intervalle régulier des chants religieux.

Illustration 10

En réalité la presse, au lieu de nous présenter Charlie Kirk comme un conservateur pacifique, aurait pu nous expliquer qu’il était en réalité un suprémaciste militant assumé.

Il considérait que tous les musulmans étaient des terroristes en puissance, et que tous les noirs étaient potentiellement des assassins de blancs.
Homophobe, il appelait à lapider à mort les homosexuels.
Misogyne, il voulait abroger les droits des femmes et les soumettre aux volonté de leur mari.
Raciste, il appelait à tirer sur les migrants.
Militant pro-Israël, il niait l'existence de la Palestine et déshumanisait les Palestiniens,
Partisan de la liberté de posséder des armes sans contrainte, il professait que les meurtres par arme à feu aux USA étaient un « compromis raisonnable » pour préserver cette  liberté, une sorte de mal nécessaire, et les morts des victimes collatérales.
Il justifiait ce droit non seulement par la Constitution des USA, mais aussi par la Bible : un droit issu de la volonté de Dieu.

Peu de nos médias ont choisi d’évoquer le caractère sulfureux de Kirk, et parmi ceux qui l’ont fait, certains ont insisté malgré tout sur les grandes qualités de débatteur d’un individu qui n’hésitait pas à prendre le risque de se confronter publiquement à des contradicteurs, ce qui pouvait le rendre un peu moins antipathique.

Mais il n’en est rien.
Ceux qui ont le temps et le courage de visionner de tells « confrontations » s’aperçoivent aisément qu’il s’agit plutôt de mise en scène médiatique, digne de la télé-réalité.
Kirk trône dans l’assemblée comme un « parrain » et reçoit dans sa cour plusieurs jeunes, souvent inexpérimentés, qui, après avoir attendu patiemment leur tour dans la file d’attente, viennent contester un peu timidement telle ou telle de ses positions devant un public totalement acquis au « gourou ».

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L’échange tourne en général assez court et se termine évidemment à l’avantage du « maitre du jeu », sous les applaudissements de l’assistance, tant ses opposants manquent d’arguments et d’assurance pour résister à sa logomachie condescendante et méprisante : ils en ressortent très souvent particulièrement humiliés.

En ce qui concerne les responsables de cet assassinat, la rapide arrestation du jeune homme qui s’est lui-même livré à la police, et dont le FBI a retrouvé l’arme qu’il aurait utilisée, bat en brèche l’accusation proférée par Trump mettant en cause la gauche radicale.
En effet, ce jeune homme est issu d’une famille engagée dans le mouvement MAGA dont il est lui-même un sympathisant déclaré.

Dans un pays intoxiqué de plus en plus par la culture complotiste, cette arrestation  a généré dès lors les plus folles hypothèses.
Certains évoquent la possibilité d’un règlement de compte à l’intérieur du mouvement MAGA, celui-ci étant marqué par des divisions importantes au sujet de la politique étrangère de Trump.
D’autres vont même jusqu’à envisager, à partir de plusieurs coïncidences et certains propos critiques de Charlie Kirk sur l’action d’Israël à Gaza, l’intervention des services secrets israéliens.
Même si cette théorie ne s’appuie évidemment sur aucune preuve, cela n’empêche pas qu’elle soit relayée assez régulièrement dans les milieux MAGA eux-mêmes .

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Une commission d’enquête a été constituée, mais peu d’Américains ont vraiment confiance dans les conclusions qu’elle rendra publiques à la suite de ses travaux.

Quoi qu’il en soit, la piste de la « gauche radicale », pourtant relayée sans trop de précautions par nos médias parait d’ores et déjà à écarter.

Il est vrai que nous sommes habitués à ce que nos éditocrates ne cachent pas leur excitation dès qu’il est possible d’incriminer sr quoi que ce soit la gauche « de rupture ».
Mais si on veut bien prendre en compte que, depuis 2016, date de l’arrivée de Trump au pouvoir, les Etats-Unis connaissent le pire cycle de violences politiques depuis les années 1970, on aurait pu s’attendre de leur part un peu plus de circonspection.

Ne pas accuser aveuglement la gauche, ne pas invisibiliser l’idéologie raciste de Kirk

Mais analyser la violence politique systémique qui est enracinée dans la culture américaine.

Violence que Trump lui-même attise sans cesse par son comportement brutal : rafles de migrants et d'immigrés légaux sans l'accord des juges, garde nationale armée dans les villes démocrates, menaces d'arrestation de ses opposants politiques.
Sans compter la grâce accordée à ses sympathisants condamnés pour des violences lors de l’assaut du Capitole qui a, de fait, légitimé la violence politique au plus haut niveau.

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C’est de ce climat de violence, dont il était lui-même un promoteur, que Charlie Kirk a été victime : cela ne peut en faire en aucune façon un martyr !


Ces exemples illustrent clairement ce que l’on commence à bien comprendre.

La fonction des médias dominants n’est plus vraiment de nous informer à partir des analyses précises des événements et es situations.
Ils sont devenus les vecteurs, plus ou moins conscients ou consentants, d’une propagande placée au service des courants idéologiques les plus réactionnaires, des tenants de l’oligarchie financière et de leurs relais politiciens.

Le culte des héros du camp du Bien et la diabolisation des partisans du camp du Mal en sont des éléments particulièrement efficaces.
Ces pratiques médiatiques véreuses, avec leur cortège de violences de toutes sortes, n’ont manifestement pas cours seulement outre Atlantique dorénavant.

Si nous n’y prenons pas garde, cette propagande pourrait totalement submerger de manière irréversible l’espace public.
Non seulement, comme l’a écrit George Orwell, la vérité deviendrait mensonge, mais le mensonge serait devenu vérité.

C’est pourquoi il est devenu de plus en plus vital de favoriser l’émergence et le développement de médias indépendants et libres, fondés sur une déontologie journalistique rigoureuse.
Ils devraient permettre à chacun d’exercer son esprit critique, et de confronter son point de vue avec d’autres en toute liberté.

Il n’est peut-être pas trop tard … ?

Illustration 14

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