Plus connu en France sous le titre de « docteur Folamour », le film de Stanley Kubrick de 1964 traite d’une manière faussement humoristique le risque guerre nucléaire, au cœur des préoccupations mondiales dans les années 60,
Il met en scène la paranoïa antirusse d’un général américain qui décide seul de lancer des bombes atomiques contre Moscou ce qui provoque l’embrasement planétaire.
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Ce film sous-titré par la phrase « comment j'ai appris à ne plus m'en faire et à aimer la bombe » est considéré par l'American Film Institute, depuis une vingtaine d’années, comme un des 3 meilleurs films humoristiques américains (avec Certains l'aiment chaud de Billy Wilder et Tootsie de Sydney Pollack), en raison notamment de son importance historique.
Cela peut sembler paradoxal si on considère qu’il égrène les failles successives du système de contrôle des forces nucléaires américaines (et soviétiques), failles autant humaines que techniques, qui aboutissent au déclenchement de l’holocauste malgré tous les efforts des dirigeants des deux camps pour l’éviter.
Mais la folie guerrière des militaires alimentée par une propagande hystérique ont raison de leurs efforts car, in fine, le commandant d’un des bombardiers en mission n’hésitera pas à chevaucher la bombe qu’il vient de réussir à larguer sur la Russie.
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Dans l’ambiance de course aux armements nucléaires de l’époque, après la crise de l’installation des missiles soviétiques à Cuba, on ne peut pas dire que Stanley Kubrick incitait vraiment ses spectateurs à l’optimisme.
La remarquable performance d’acteur de Peter Sellers (qui y incarne 3 rôles, dont celui du docteur Folamour, nazi très peu repenti) vient lui donner un caractère comique indéniable, qui ne cache cependant pas vraiment la noirceur du propos.
La récente escalade verbale entre plusieurs responsables états-uniens et russes à propos de la guerre d’Ukraine nous fait inévitablement penser à un épisode d’affrontement analogue.
Ainsi le sénateur de Caroline du Sud Lindsey Graham, un des pires bellicistes parmi les politiciens américains et réputé proche de Trump, qui avait affirmé en 2022 que l’assassinat de Poutine était la « seule solution » pour ramener la paix, vient de menacer directement le président russe d’une intervention directe des USA en Ukraine et d’un renforcement important des sanctions.
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De fait, ces déclaration ont été rapidement suivies par un ultimatum du président états-unien adressé à la Russie en vue de son acceptation d’un cessez le feu inconditionnel, selon les désiderata de l’Ukraine et des pays de l’Union Européenne.
La succession de ces événements, et notamment l’éventuelle cobelligérante des USA aux côtés de l’Ukraine n’a pas manqué d’être interprétée par la partie russe comme les prémisses d’une escalade pouvant aboutir à un engagement nucléaire.
D’autant plus que, parallèlement, le général américain Christopher Donahue, sans être démenti par quiconque, s’est permis lui aussi de provoquer le Kremlin en affirmant publiquement qu’il était prêt, avec l’Otan, à détruire en quelques jours la province de Kaliningrad, exclave russe située entre la Pologne et la Lituanie, région fortement militarisée avec notamment la présence d’armements nucléaires.
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Comment s’étonner dans ces conditions, que parmi les dirigeants russes, l’ancien président Medvedev, actuel vice-président du conseil de sécurité russe, réplique de manière virulente (au point d’être considéré comme étant lui-même le provocateur).
Pour bien marquer qu’il avait compris le sens des menaces américaines, il déclara que « la Russie n'est pas l'Iran » et que « jouer des ultimatums » pourrait aboutir à une guerre entre la Russie et les États-Unis, allusion à peine voilée à la récente tentative de « frappe de décapitation » sur l’Iran effectuée par Israël avec le soutien de Washington.
Pour bien préciser les choses, il alla jusqu’à rappeler que la Russie est toujours dotée du système de riposte nucléaire dit « de la main morte » qui se déclencherait automatiquement en cas d’attaque nucléaire anéantissant le gouvernement russe.
On peut noter que ce dispositif est expliqué au président des USA par l’ambassadeur soviétique dans le film de Kubrick, et que c’est son activation qui conduit à l’embrasement final.
Vladimir Poutine lui-même a franchi début aout un degré supplémentaire dans cette escalade qui n’est plus seulement que verbale, en annonçant que la Russie sortait du traité interdisant la possession de missiles à charge conventionnelle ou nucléaire, lancés depuis le sol, ayant une portée intermédiaire (comprise entre 500 et 5500 kilomètres), traité conclu en 1987, mais dont les USA se sont déjà retirés unilatéralement depuis 2019.
Cette décision lorsqu’elle sera effective, pourrait mettre notamment tous les pays d’Europe à portée des missiles russes, comme cela était le cas lors de la crise des euromissiles (SS20 soviétiques et Pershing II américains) de 1977 à 1987).
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Cette décision illustre très certainement que, pour la Russie, l’enjeu de la fin de la guerre en Ukraine n’est pas principalement les frontières de l’Ukraine (même si des gains territoriaux seront certainement exigés en fonction de la réalité de la ligne de front).
Ce qu’attend la Russie, ainsi que Poutine l’a fait savoir constamment depuis 2014, ce sont des garanties pour sa sécurité, compte tenu de la présence des forces de l’Otan à proximité de sa frontière ouest et de l’hostilité manifeste de la grande majorité des pays de l’Occident collectif.
Cela est d’autant plus probable qu’il semble avéré que la doctrine de politique étrangère des USA (en tout cas celle de la CIA, du complexe militaro industriel et des élus qui en sont les obligés pour des raisons de financement électoral) reste celle qui a été définie en son temps par Zbigniew Brzeziński.
Ce très influent géopoliticien (conseiller à la sécurité nationale du président Carter, puis conseiller aux affaires étrangères du président Obama) expose notamment dans son ouvrage « Le grand échiquier (1997) les conditions nécessaires selon lui pour que les USA conservent à l’avenir leur leadership mondial (ce qui a toujours été leur objectif manifeste).
Une de ces conditions est à ses yeux, non seulement de contenir la Russie comme l’avait fait le président Reagan, mais de l’encercler par des pays « amis » des USA ou de l’Otan.
C’est à partir de cette lecture qu’on peut comprendre pourquoi l’adhésion de l’Ukraine à l’Otan est si importante pour les tenants de cette doctrine.
Évidemment, les Russes n’ignorent pas la perspective à long terme de cette politique étrangère américaine occulte, notamment après la tentative (écartée pour l’instant mais jusqu »à quand ?) de faire adhérer la Géorgie à l’Otan.
Et ils y sont d’autant plus attentifs qu’ils constatent sans plaisir que Trump vient d’obtenir que les USA s’implantent dans le Caucase, autrefois région intégrée à l’empire tsariste) dans le cadre d’un accord de paix signé entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan sous l’égide de Trump.
On ignore du reste si cet accord pourra être durable vu les forts ressentiments de la population de l’Arménie après l’abandon, concédée unilatéralement par ses dirigeants, de la province du Haut Karabakh enclavée dans l’Azerbaïdjan, dont les habitants, très majoritairement arméniens, ont du s’exiler précipitamment lors de la guerre éclair lancée par le régime de Bakou en 2023.
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Cet accord risque d’ajouter à l’encerclement de la Russie sur son flanc Sud-Ouest.
Il fragilise également l’Iran qui est frontalier du futur corridor de Zangezour, géré sous administration américaine, qui reliera à travers l’Arménie et le long de la frontière iranienne, la province azeri enclavée du Nakhitchevan au territoire de l’Azerbaïdjan, et qui se poursuivra jusqu’au territoire de la Turquie qui, comme chacun sait, est membre de l’Otan.
Après le remplacement du régime criminel syrien, allié de la Russie, par un groupe djihadiste adoubé par les anglo-américains, il ne resterait plus aux USA qu’à obtenir un retournement d’alliance du Kazakhstan (par ailleurs un des principaux producteurs mondiaux d’uranium) pour compléter cet encerclement au sud, sa frontière avec le Kazakhstan étant longue de près de 7 000 km.
Comme par hasard, des manifestations « spontanées » antirusses sont apparues depuis quelques temps à la capitale Astana, à l’image du mouvement de Maiden de 2014 à Kiev en Ukraine : le MI6 e la CIA ont un savoir-faire reconnu en la matière !
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A l’approche du sommet Trump-Poutine prévu en Alaska (ancienne terre russe vendue par le tsar Alexandre II aux USA en 1867 pour faire face à ses difficultés financières suite à sa défaite dans de la guerre de Crimée) on ne peut que s’interroger sur l’apparente incompréhension de ces enjeux déterminants de la part du président américain.
En effet, se présentant toujours comme un médiateur entre les deux belligérants, et en évoquant, comme piste de règlement du conflit, de seuls échanges de territoires, il accrédite de fait la thèse selon laquelle il s’agirait seulement d’un conflit entre deux pays, la Russie et l’Ukraine, le premier étant l’agresseur et le second l’agressé, ayant débuté en février 2022 par « l’opération militaire spéciale » décrétée par Poutine.
Celle-ci était officiellement motivée en réaction contre la rupture par l’Ukraine (avec le soutien de la France, de l’Allemagne et des USA) de l’accord de Minsk 2 qui prévoyait l’autonomie des provinces ukrainiennes du Donbass .
C’est bien sur la thèse défendue par l’Union européenne qui milite, comme l’Ukraine, pour un cessez-le-feu inconditionnel qui ne mettrait fin, ni à la guerre, ni aux sanctions contre la Russie.
Comme celle-ci est en position de force sur le champ de bataille, il est totalement irréaliste de croire qu’elle accepterait une telle proposition laquelle, en outre n’apporterait aucun début de solution au risque d’encerclement par l’Otan, risque qu’elle estime existentiel pour sa propre sécurité.
Pour la Russie, le conflit en cours est en réalité un affrontement entre l’Otan (donc les USA) et la Russie, par l’intermédiaire de l’Ukraine.
Dans la poursuite de la volonté américaine de l’encercler par l’Otan.
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S’accrocher à l’exigence d’un cessez-le-feu inconditionnel, comme le font l’Ukraine et l’Union européenne, avec semble-t-il l’accord implicite de Trump, c’est décider en réalité la poursuite des combats, e espérant pouvoir, à terme, vaincre la Russie.
Une telle perspective (vaincre la Russie) existe dans l’esprit de plusieurs dirigeants européens, notamment au Royaume Uni, en Allemagne et en France).
C’est pourquoi ils ont fait obstacle au plan de paix proposé par l’Ukraine à Istanbul en avril 2022, deux mois à peine après le début des hostilités.
Ce plan prévoyait la neutralité de l’Ukraine, l’abandon de son adhésion à l’Otan, l’autonomie effective des provinces du Donbass, ainsi que le retrait des troupes russes de la totalité des territoires occupés.
La Russie l’avait accepté formellement, mais les dirigeants de l’Otan ont fait pression pour que l’Ukraine retire sa proposition.
Si ce plan avait été entériné, la guerre serait terminée depuis longtemps !
Mais ce n’était manifestement pas le projet de l’Otan et de Biden.
Mais la perspective de "vaincre la Russie" suppose clairement, à la fois l’engagement effectif de troupes de l’Otan sur le terrain ukrainien, mais surtout d’organiser des frappes offensives en profondeur sur la territoire de la Russie.
C’est-à-dire d’entrer en guerre ouverte, avec ou sans l’Otan et les USA.
Avec le danger, comme l’expose Stanley Kubrick à sa manière, d’un dérapage plus ou moins contrôlé, de la part de militaires ou de politiciens inconséquents, enclenchant un possible affrontement nucléaire localisé ou général.
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La manière imprévisible, pour ne pas dire erratique, avec laquelle Trump collectionne ses déclarations officielles ou officieuses, ne permet pas de savoir précisément quel est son point de vue (pour autant qu’il en ait un et un seul !).
On ignore en outre si son comportement relève d’une sorte de confusion mentale, ou bien d’une tactique de négociation destinée à « enfumer » ses partenaires.
A-t-il vraiment compris quelles sont les attentes de Poutine pour obtenir un nouveau traité de sécurité collective en Europe ?
Rien ne conduit à le penser avec certitude, ni le contraire …
Les conclusions du sommet du 15 août en Alaska nous diront si nous pouvons raisonnablement espérer aller vers la paix.