Le ministre de l’Intérieur et nouveau président du parti dénommé (par antiphrase ?) « Les Républicains » vient d’affirmer vouloir représenter la France des honnêtes gens.
C’est à dire, pour lui, ceux qui « croient au travail, à l'effort, au mérite, qui ne cassent rien, ne manifestent pas, paient leurs impôts... La France du silence, que plus personne n'écoute. » (fin de citation).
Cette orientation est plutôt étonnante quand on connaît le pedigree judiciaire de certain.es de ses ami.es politiques.
Sans parler de l’ancien président Nicolas Sarkozy auquel il a apporté son soutien après ses condamnations par la justice, affirmant qu’elles ne seraient ni justifiées ni même légitimes, voici quelques références parmi ses collègues du gouvernement :
- Manuel Valls, ministre d’État, ministre des outre-mer, ancien premier ministre : condamné pour financement illégal de campagne électorale en Espagne
- Gérald Darmanin, ministre de la justice, ancien ministre de l’intérieur : accusé de viol, d’agression sexuelle et d’abus de faiblesse, non poursuivi en raison des délais de prescription
- Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles : mise en examen pour abus de confiance
- Sébastien Lecornu, ministre des armées : accusé de prise illégale d’intérêt
- Rachida Dati, ministre de la culture : mise en examen pour corruption passive et trafic d’influences passif
- Laurent Marcangeli, ministre de la fonction publique : condamné par la Cour des comptes pour non-exécution d’une décision de justice
- Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des PME et de l’économie sociale et solidaire : condamnée pour licenciement abusif
- François Rebsamen : ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation : condamné pour diffamation
- Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique : accusée de conflit d’intérêt
- Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l’égalité homme-femme et de la lutte contre les discriminations : accusée de faux- témoignages
Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie : accusé de conflit d’intérêt
- Philippe Tabarot, ministre chargé des transports : accusé de prise illégale d’intérêt et de détournement de fonds publics
- Patricia Miralles, ministre déléguée chargée de la mémoire des anciens combattants : condamnée à rembourser ses frais de mandat
et surtout François Bayrou, premier ministre : poursuivi pour détournement de fonds publics au détriment du Parlement européen
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Revendiquer l’honnêteté comme vertu cardinale pour les citoyens devrait imposer au moins une certaine cohérence de la part des gouvernants.
Outre le cas des responsables politiques dont on pourrait attendre une certaine forme d’exemplarité, l'honnêteté consiste avant tout à respecter la loi et l'État de droit.
Dès lors il n’y aurait pas lieu de s'offusquer, par exemple, quand Nicolas Sarkozy, condamné à un an de prison ferme, perd sa décoration, comme le prévoit le code de l’ordre de la Légion d’honneur.
Il n’y aurait pas lieu non plus de traiter comme des criminels des militants écologistes qui manifestent contre des méga bassines (que la justice a finalement interdites !), alors que des agriculteurs qui saccagent des bâtiments publics bénéficient d’une totale impunité, quand ce n’est pas de la protection de la police.
Il n’y aurait pas lieu non plus, dans la lutte pour améliorer les finances publiques, de mettre l’accent sur la fraude des usagers de la protection sociale, alors que toutes les études montrent que la fraude sociale est principalement le fait des professionnels de santé, et des fraudes dans le versement des charges patronales à l’Urssaf, sans compter la fraude et l’optimisation fiscales des hauts revenus.
Quant à la volonté du Garde des sceaux, Gérald Darmanin, exprimée dans sa récente lettre adressée aux magistrats, de réduire les peines pour la délinquance financière en cols blancs afin de désengorger les prisons, elle instaure de fait une différence de traitement entre une malhonnêteté « tolérée » et une malhonnêteté « réprimée », répression qui s’exprime notamment avec brutalité lors des comparutions immédiates en voie de généralisation.
Indépendamment de l’imposture d’une classe politique qui se prétend « honnête » en dépit de la réalité, cette notion exprime aussi la prétention à se définir comme détentrice de la respectabilité, au sens le plus traditionnel et conservateur tel que l’aurait défini en son temps Adolphe Thiers.
La droite, rejoignant ainsi une fois de plus l’extrême droite (on rappelle que Jean-Marie Le Pen avait déjà fait appel aux honnêtes gens contre « la pègre » en 1995), créée une catégorie de « gens honnêtes » selon ses propres critères, en les opposant de fait, sans les nommer, à des gens qui seraient « non honnêtes » et/ou malhonnêtes.
Cela est très significatif quand on prend connaissance des différentes versions du tract diffusé par le parti « Les Républicains » à l’occasion de cette campagne : les personnages mis en avant sont respectivement : un agriculteur, une policière, un cuisinier, une infirmière, un pompier.
Ils sont tous présentés de dos, sans visage, anonymes, comme sans réelle identité, dans un décor manifestement issu de l’IA.
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L’utilisation de la notion d’« honnêteté » pourrait faire penser à la volonté de faire appel à la morale, à la moralité, dans toutes les sphères de la politique (comme certains l’utilisent de manière excessive en politique étrangère …).
Mais la définition de cette vertu, illustrée par ses principaux synonymes : dignité - droiture - intégrité - loyauté - moralité – probité, montre bien que cela n’est pas de cela qu’il s’agit quand on connaît la réalité des mœurs politiques de nos dirigeants.
Quoi qu’il en soit, l’histoire montre que faire appel à la vertu, à la morale publique, pour asseoir une démarche politique peut produire des effets dramatiques pour les libertés : les exemples ne manquent pas …
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Ici, en tout cas, on voit bien qu’il n’en est rien puisque Monsieur Retailleau ne définit pas ceux qu’il nomme les « honnêtes gens » comme des citoyens dignes et probes.
Non, il veut des personnes qui acceptent le sort qui leur est fait, qui restent « à leur place » et surtout, qui ne manifestent pas.
Pas de morale dans tout ça, mais du conformisme social et de l’obéissance aux puissants.
Ce que les gouvernants, chargés de gérer les affaires de l’oligarchie, veulent promouvoir chez les citoyens, c’est donc bien de la soumission volontaire
Ce qui est la négation des concepts mêmes de citoyenneté et de République.
C’est pourquoi il faut résolument combattre la campagne des pseudo « honnêtes gens » du parti qui ne mérite plus de se référer à la République.
Mais cela est-il étonnant puisque ce parti a choisi d’être dirigé par un admirateur zélé de la révolte antirépublicaine des Chouans !
Et que le président de la République en a fait son ministre de l’intérieur !
avec l’accord tacite de la direction du PS …
RAPPELONS-LEUR QUE NOUS SOMMES DES CITOYENS, ET NON DES SUJETS.
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