Depuis quelques jours, l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) est la cible de vives accusations de la part du gouvernement d’Israël, relayées par certains des pays qui soutiennent encore inconditionnellement ses actions criminelles contre la population palestinienne (USA, Royaume-Uni, Australie, Canada, Pays-Bas, Italie, ...).
Ils s’appuyent sur la déclaration du commissaire général de l’agence annonçant avoir licencié 13 salariés pour suspicion de liens avec le Hamas, Israël prétendant être à l’origine des informations.
La direction de l’UNRWA précise que les enquêtes internes sont en cours et que, les cas échant, les accusés seront déférés à la justice.
Remarquons que l’agence onusienne emploie 50 000 personnes en Palestine, dont 13 000 à Gaza : si les 13 salariés sont effectivement tous coupables, il s’agirait d’un taux de 1/1000.
Est-il suffisant pour incriminer l’ensemble de l’organisation, même si sa direction peut être taxée de manque de vigilance.
Quelle organisation, quelle armée, pourrait prétendre avoir un taux de « brebis galeuses » inférieur à 1 pour 1000 ?
Et pourquoi certains se précipitent à clouer l’UNRWA au pilori et lui supprimer ses ressources, sans attendre les résultats de l’enquête interne ?
Au cours des semaines précédentes, plusieurs installations de l’agence à Gaza ont été bombardées par l’armée israélienne, ce qui a causé de nombreux morts et blessés, y compris parmi le personnel de l’ONU, sans que les mêmes pays ne manifestent une quelconque émotion.
En réalité, les accusations d’Israël contre l’UNRWA ne sont pas récentes.
L’UNRWA a été fondée par l’assemblée générale ONU en 1949, à la suite de l’expulsion de plus de 700 000 palestiniens hors des zones annexées par la force par Israël après sa victoire dans la guerre israélo-arabe de 1948.
Elle a l’obligation de fournir une assistance humanitaire et une protection aux réfugiés palestiniens enregistrés dans sa zone d’opérations, « dans l’attente d’une solution juste et durable à leur situation ».
Cette solution juste et durable à leur situation, les réfugiés et leurs descendants l’attendent depuis 75 ans !!!
Les gouvernements israéliens successifs l’ont toujours refusée, y compris lors de la négociation des accords d’Oslo en 1993.
Il n’est pas inutile de rappeler que, lors de la guerre des 6 jours en 1967, le gouvernement de Tel-Aviv accusait déjà la direction de l’époque de l’UNRWA d’être responsable des préparatifs de guerre de l’Égypte, de la Jordanie et de la Syrie.
Pourtant, la création de l’agence en 1948 est une initiative des USA qui redoutait que l’Union soviétique n’utilise le drame des l’exil forcé des habitants des zones occupées par Israël pour déstabiliser les régimes arabes voisins pro-occidentaux.
Il valait mieux pour Washington mettre en place une aide sociale aux réfugiés pour éviter l’installation, dans les camps, de foyers d’activistes anti-israéliens.
Moscou ne s’y est pas trompé puisque sa représentation à l’ONU s’est opposée à la création de cette agence, sans pour autant aller jusqu’à l’empêcher.
Au demeurant on peut constater que les USA ont été dès l’origine le principal contributeur étatique au fonctionnement de l’UNRWA, et qu’ils ont fourni depuis sa création près de la moitié des nombreux directeurs (nommés commissaires généraux depuis 1962) qui s'y sont succédé.
Comment expliquer dans ces conditions les attaques politiques et médiatiques actuelles contre l’UNRWA ?
Tout d’abord, il convient de les replacer dans le contexte des dénonciations systématiques à l’encontre de l’ONU, de ses agences et de ses missions, par la direction israélienne, exaspérée par sa volonté de faire respecter le droit international
La hargne vis-à-vis de la décision de la Cour internationale de justice, organe de l’ONU en est une preuve éclatante
Dans le même « esprit », Netanyahou a interdit aux médecins israéliens ayant traité les victimes du 7 octobre et les otages de parler aux membres de la mission médicale de l’ONU chargée de faire un bilan de ces événements tragiques, sous le prétexte que certains membres de cette commission seraient « antisémites »
Mettre en cause la légitimité de l’ONU permet facilement de justifier de ne pas appliquer ses décisions, comme Israël le fait par principe constant.
Ce qui ne l'a pas empêché récemment de menacer son voisin le Liban d'intervention militaire sous prétexte que le Hezbollah ne respecterait pas la résolution 1701 les Nations Unies relative à la présence a la frontière entre les 2 pays, alors que lui-même l’a violée plusieurs milliers de fois par les incursions de son aviation et qu’il refuse toujours de restituer au Liban la zone proche de la Syrie qu’il occupe.
Ensuite, il est notoire que les USA, en connivence avec Israël, depuis la signature des accords d’Oslo, mais surtout à partir de l’arrivée au pouvoir de Trump, mettent en cause radicalement le « droit au retour » : ils considèrent donc que l’UNRWA est dépassée et que son action auprès des réfugiés palestiniens n’est plus légitime
Ils demandaient en 2018 purement et simplement son démantèlement et le transfert de ses services aux pays qui accueillent des réfugiés (Liban, Jordanie, Syrie, etc.) et à des ONG.
Pour atteindre cet objectif et asphyxier l’agence, Trump supprima la contribution des USA qui était, en 2018, d e300 millions de dollars
En vain, cette perte de ressources ayant été compensée rapidement par des dons exceptionnels des pays arabes, européens et asiatiques, Biden gelant cette décision après son élection.
En réalité, ce que ses détracteurs reprochent à l’UNRWA, c’est bien sûr de les avoir empêchés de faire oublier les drames de l’exil de 1948 et 1967, et la nécessité de leur apporter une solution équitable, comme l’énonce la résolution 3236 (22 novembre 1974) de l’Assemblée générale des Nations unies
Elle réaffirme clairement le « droit inaliénable des Palestiniens de retourner dans leurs foyers et vers leurs biens, d’où ils ont été déplacés et déracinés, et demande leur retour » et le droit à l’autodétermination du peuple palestinien.
De fait, de par ses activités éducatives, sociales, sanitaires, culturelles et économiques, et en dépit d'éventuelles insuffisances ou erreurs (comme toute organisation humaine), l’UNWRA a contribué également au développement du sentiment national palestinien, et par voie de conséquence à l’esprit de résistance à l’encontre de l’occupation israélienne.
C’est évidemment un faute impardonnable aux yeux de ceux qui ont très longtemps nié l’existence d’un peuple palestinien en tant que tel, et son droit à disposer de son propre État sur sa terre.
Comment ne pas voir que les attaques contre l’UNRWA, et surtout la suspension du versement des contributions financières dont elle a besoin, sont de nature à réduire encore plus l’action humanitaire à la population de Gaza qui meurt sous les bombes israéliennes, compte tenu du blocus général décrété par Israël.
Serait-ce pour y augmenter encore le nombre de morts et le nettoyage ethnique en cours ?
Cela y ressemble beaucoup en tout cas …
Au fond, cette polémique est bien commode pour détourner l’attention des décisions historiques de la Cour internationale de justice qui vient de demander à Israël de tout mettre en œuvre pour éviter des actions pouvant conduire à un génocide à Gaza.
C’est une diversion bien utile pour Israël et ses soutiens inconditionnels, USA et Union européenne en tête.
Par ailleurs, comme l’ONU, chaque État membre de l’ONU sera appelé à participer à l’application de ces décisions en prenant des actes concrets si Israël refusait de donner suite aux injonctions de la CIJ.
Le choix de certains d’entre eux de suspendre leurs contributions à l’UNRWA signifie-t-il que, comme l’a laissé entendre le ministère des affaires étrangères britannique, ils refuseraient de les appliquer ?
Iraient-ils jusqu’à contester la légitimité de la CIJ ?
On peut malheureusement le craindre, tant le droit international est mis à mal à propos de la Palestine depuis si longtemps.
Et il faut bien constater que c'est loin d'être le seul cas
Et pourtant, malgré leurs imperfections, l’ONU et le droit international sont essentiels pour tenter de garantir la paix.

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