Manifestement, les experts en polémologie (politistes, historiens, sociologues, philosophes) rivalisent d'imagination et surtout de raisons pour servir le "système de guerre" (1). S'il est vrai que la guerre est en même temps le fond et le dôme de la politique en sorte qu'elle tenaille tous les peuples, quels polémologues ne voudraient pas s'affairer à son institution, à sa fonction et à sa continuité espace-temps? Oui, au diable la guerre comme événement, crise ou rupture !
Appelons ce système de guerre "l'Armement", qui est toujours déjà... un réarmement. Pourquoi s'armer ainsi en mobilisant à la fois institution, fonction et temporalité de la guerre? C'est que lesdits polémologues ont pris conscience (2) qu'ils devaient sauver le soldat inconnu le capitalisme financier qui vit par la prédation (3) pour "la finitude" (4). Des efforts de systémisation leur sont donc demandés pour "vendre" ledit Armement aux petits bourgeois et aux populaires occidentaux.
L'Ukraine paraît être leur meilleur terrain d'excercice. Tout comme "nos" polémologues, Trump n’a rien d'un pacifiste, il ne fait que reconnaître la défaite stratégique de l’Otan dans cette guerre de position apparente. Mais la réalité polémologique est autre: les US menaient une guerre de préemption et les Russes une guerre de prévention. D'où cette défaite de l'Otan et la victoire des US sur... l'Ukraine. Les "élites" européennes ne pourront pas refuser bien longtemps cette évidence: l'Ukrainotan fait pschitt... et son dépeçage va enrichir le capital financier cher à Trump et à Poutine. Ainsi, ce dernier sera arrimé à la finance occidentale et sauvé des griffes chinoises. Mais il faut comprendre que l'Armement comme système doit en permanence faire de la politique pour sauver la finance : « US versus Chine » sera la prochaine "sortie" guerrière. On est loin d'une course aux armements fonctionnant comme un « keynésianisme de guerre ». Eh oui, l'économie n'est plus "industrielle" mais financiarisée – au grand dam des marchands d'armes européens.
En attendant la "sortie", Trump & Co (ses polémologues) demandent déjà aux petits bourgeois occidentaux des efforts de fascisation – pas de gros efforts puisqu'on sait que la liberté, l'égalité et la fraternité sont des pelures chez "ces gens-là". Leur programme est affiché : détruire au plus vite l'État dit social en bénéficiant de la privatisation des services publics, mais aussi jouir de la fragmentation politique de l’Union européenne: à chacune (des petites bourgeoisies) sa dette pour l'armement, et partant l'encadrement fasciste des populaires.
Que peut-on demander aux populaires pour satisfaire l'Armement entendu comme système politico-financier? Des efforts de prolétarisation, évidemment. Les plèbes occidentales semblent les plus faibles, les plus désorientées, les plus dépendantes, les plus désarmées de toute l’histoire du capitalisme. Pour le coup, c'est presque sans effort que le système de guerre peut activer ces populaires désarmés et prolétariser ce populariat devenu incapable de contrer les innovations stratégiques (le techno-féodalisme) du capital financier. Cette asymétrie des rapports de force interdit pour longtemps la guerre des classes et autorise toutes les inégalités (5). Paradoxalement, seule une guerre inter-impérialiste pourrait sauver le populariat occidental des affres du prolétariat.
Notes
(1) Claudio Napoleoni, 1986 : Quand nous parlons de système de guerre, nous entendons un système tel que celui qui est en vigueur et qui suppose que la guerre, même si elle n’est que planifiée et non combattue, est le fondement et le sommet de l’ordre politique, c’est-à-dire des relations entre les peuples et entre les hommes.
(2) Audoin-Rouzeau : Nous sommes encore très loin d’une vraie prise de conscience des efforts que le réarmement va nous demander. https://www.mediapart.fr/journal/culture-et-idees/290325/stephane-audoin-rouzeau-la-victoire-russe-est-moralement-inacceptable-mais-ce-n-est-malheureusem
(3) https://tlaxcala-int.blogspot.com/2025/03/maurizio-lazzarato-sarmer-pour-sauver.html
(4) https://blogs.mediapart.fr/bouillaud/blog/290325/sur-le-capitalisme-de-la-finitude
(5) W. Scheidel, Une histoire des inégalités de l'âge de pierre au 21ème siècle, 2021.