
Le 2 août nous reprenons une voiture pour une douzaine de jours, ce qui nous permettra de franchir une nouvelle frontière, cette fois vers l'Estonie. Sur le chemin nous nous arrêtons au Château de Wenden à Cēsis. Dans ce château fort, le mieux conservé de l’Ordre Teutonique en Lettonie, on nous remet une lanterne à bougie pour découvrir ses ruines particulièrement bien mises en scène, à grand renfort de projections intégrées dans les décors d'époque. Fondé en 1214 par des chevaliers Porte-Glaive, des moines-soldats originaires du Saint-Empire romain germanique, il fut mis à sac par le tsar Ivan le Terrible en 1577.


Toujours En Lettonie, le hameau d'Annas est à la hauteur de nos espérances.
À la fin des années 70 et au début des années 80, j'habitais justement 7 rue de l'espérance à Paris, ce qui correspond au sommet de la Butte aux cailles. Suite à la séparation d'un couple d'amis, lui journaliste au journal Le Monde, elle responsable des programmes à France Culture et France Musique, j'héritai d'un loyer loi de 1948 dite surface corrigée. Pour une somme dérisoire, j'avais deux chambres et, donnant sur la cuisine, une cave aménagée en salon et studio où j'enregistrerai, entre autres, les deux premiers albums d'Un Drame Musical Instantané, Trop d'adrénaline nuit et Rideau !, et un garage ! La salle de bain, qui donnait sur la cuisine, d'où la loi de 48 (si l'échelle de meunier et la trappe au milieu de la cuisine n'avaient pas suffi !), avait une porte s'ouvrant sur une cour minuscule dont je n'avais aucune utilité, mais qui me faisait rêver. Je trouvais le logement idéal (il sera largement détrôné par l'immense loft de la future mère de ma fille en face du cimetière du Père Lachaise), mais, certains jours d'ébriété, j'imaginais que cette porte mystérieuse pourrait déboucher sur un parc avec des biches et des cerfs. "C'était tout ce qui me manquait !", disais-je, comblé. Dans la durée réalité la cour n'était occupée que par les toilettes à la turque de nos charmants voisins, un petit couple de vieux communistes, Angèle et Maurice, qui reposent au cimetière de Gentilly.
Notre halte à Annas fera glisser le rêve formulé un demi-siècle plus tôt vers une réalité quasi magique. La cabane située au bord d'un lac où s'écoule une rivière où nous pouvons nager est entourée d'un troupeau de 150 biches et cerfs. Ici on les appelle des rennes. En prenant tout de même mille précautions, nous caressons leur poils rêches et leur museaux humides. Je filme aussi leurs cavalcades dans les prés qu'ils ont ravagés, car il ne reste pratiquement aucun arbre sur les 40 hectares qui leur sont attribués.


Nos hôtes, dont les rennes sont leur passion, nous offrent une délicieuse liqueur de coing et nous font chauffer un jacuzzi à l'ancienne dont nous profitons à la nuit tombée en admirant les étoiles.


L'endroit est totalement idyllique. Nous nous baignons devant la maison et nous en faisons le tour à la rame.


Je fais durer le plaisir en publiant plusieurs photos, photographies qu'il me faut choisir tout au long du voyage parmi toutes celles que j'ai prises et qui me rappellent ces délicieux moments lorsque, de retour au bercail, j'aurai l'impression d'avoir rêvé ces cinq semaines de voyage dans les pays baltes.