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Billet de blog 8 octobre 2025

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Roger Ballen en couleurs

Les tableaux "vivants" de Roger Ballen oscillent entre l'énigme de l'inconscient et l'absurdité de la réalité. Les 91 Illustrations grand format sont des instants figés d'installations scénographiques où évoluent parfois des bestioles qui peuvent terrifier : rats, reptiles, oiseaux, humains, etc.

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Illustration 1

Découverte grâce à son exposition à la Halle Saint-Pierre, l'œuvre de Roger Ballen provoque en moi mille variations psychiques qui m'emballent totalement. En 2019, avec le contrebassiste américain Nicholas Christenson et le clarinettiste Jean-Brice Godet nous avions choisi certaines de ses photos comme sujets de nos improvisations. L'album Duck Soup plut tant au photographe sud-africain que trois ans plus tard il sonorisa son exposition à la Biennale de Venise (représentant son pays) avec nos compositions instantanées ! Dans l'ouvrage Le monde selon Roger Ballen il avait déjà publié des photographies en couleurs, mais cette fois il n'y en a plus aucune en noir et blanc comme il s'en ait barbouillé pendant cinquante ans. Je ne résiste donc pas devant le superbe Spirits and Spaces qui vient de sortir chez l'éditeur Thames & Hudson.


Les 91 Illustrations grand format sont des instants figés d'installations scénographiques où évoluent parfois des bestioles qui peuvent terrifier : rats, reptiles, oiseaux, humains, etc. Certains sont vivants, d'autres empaillés. S'il se réclame de Cartier Bresson, Walker Evans, Diane Arbus et Elliot Erwitt, ses nouvelles photographies me font penser aux natures mortes de Joel-Peter Witkin, mais, contrairement au photographe américain qui fraie avec le morbide, ses hominidés sont essentiellement des mannequins ! Ballen cite aussi fort à propos Beckett, Kafka, Jung et Artaud. La ligne jaune est tout de même savamment dépassée. Il abandonne là le réalisme social pour une mise en scène graphique tout aussi psychologique, renvoyant à de sombres fantasmes. Ses tableaux "vivants" oscillent entre l'énigme de l'inconscient et l'absurdité de la réalité. Ces photos s'inspirent de ses installations mises en scène, narrations qui laissent au spectateur la liberté, certes cadrée, de son interprétation. Chaque image réclame qu'on prenne le temps d'en faire le tour. L'intégration de dessins rappelant l'art brut me rappelle également les contrastes de certaines œuvres du couple Ella & Pitr, sauf qu'ici, si l'on approche le conte de fées, c'est sa version cauchemardesque originale qui nous est infligée. Dans la perspective intime et impudique de l'artiste égocentrique, les six chapitres intitulés Enfance, Spectre, Âme, Ombre, Libido et Chaos poussent le lecteur dans ses propres retranchements, sans que l'auteur sache exactement quels fantômes révèlent ses photographies. Vous m'en direz tant.

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