
C'est pour l'instant la partie la moins excitante du voyage. Un chevreuil passe. Des moustiques trépassent. Nous leur faisons la chasse jusqu'à ce qu'il n'en reste plus aucun dans la cabane perdue au milieu des bois si nous voulons dormir ce soir. Ils sont plus gros et plus lents que les minuscules énervés qui me dévoreront à mon retour à Bagnolet. Nous sommes d'ailleurs surpris d'avoir été si peu ennuyés par ces morphales culicidés, contre toute attente. C'est là question de vent, d'humidité et de température. Nous sommes miraculeusement passés au travers des nuées voraces.


Le lendemain matin nous roulons jusqu'à Podmotsa regarder la Russie qui est à cent mètres de l'autre côté du lac. On y aperçoit les dômes d'une église orthodoxe.


Côté estonien, l'église orthodoxe Saint-Georges de Värska est fermée, comme chaque fois que nous espérons en voir l'intérieur polychrome. Nous nous contentons de nous promener dans le cimetière qui l'entoure, très fleuri comme de coutume, avec beaucoup de charme. C'est en général le propre des cimetières où que ce soit sur la planète.


Nous déjeunons à la ferme de Värska, préservée ou reconstituée comme on aime le faire dans les pays du nord. Les femmes, qui servent à table ou gardent la ferme-musée sont en costume traditionnel. Il y a une vache, des moutons, des poules, un lapin. On ne rentre pas dans l'étable, interdite pour risque de fièvre aphteuse ! Je prends la photo d'un vieux sauna. Je n'en ai utilisé aucun de ceux qui étaient disponibles dans les divers Airbnb, peut-être parce que je trouve le mien au fond du jardin beaucoup plus agréable que ceux qui jouxtent la douche, un peu étriqués.


Plus loin, toujours en Estonie, puisque nous avons franchi la frontière sans qu'il n'en soit fait mention, nous arrivons à Tartu, la ville universitaire du pays. Mais, avant, je dois régler un problème très contrariant, avec le loueur de la première voiture. Il nous facture 210 euros pour un pneu crevé, sauf que ce n'est pas notre Skoda que j'ai heureusement filmée avant d'en rendre les clés. La place du parking n'est pas celle où nous l'avons garée, et, en faisant un gros plan sur le pneu, je constate qu'il n'est pas de la même marque. Je réponds aussitôt au bureau de Vilnius qu'il y a un problème avec leur succursale de Riga où nous avons laissé l'engin, une voiture automatique affligée d'un ordinateur de bord qui produit des tas d'alarmes variées, passages à niveaux non gardés, commentaires sur ma façon de conduire, etc. Je critique, mais sa caméra m'aurait m'aurait évité de m'embourber dans un fossé plein d'eau avec la Skoda actuelle. Nos hôtes durent nous sortir de l'ornière en nous treuillant avec leur 4.4. Mais revenons à l'arnaque qui nous fiche en pétard. J'avais commandé la location, il y a plusieurs mois avec ma carte American Express, or elle n'est jamais acceptée dans les pays baltes ; j'ai donc versé la caution avec la Visa. Or, si l'intégralité n'est pas payée avec la même carte, ni l'American Express, ni la banque n'offrent d'assurance complète en cas de dommage ou litige. Vous êtes prévenus ! Je prouve donc et menace si la question n'est pas réglée dans les plus brefs délais. C'est efficace. Le surlendemain, le loueur m'explique que le dommages incombent au conducteur suivant, manière de se disculper alors que leur photo ne montre pas la voiture que nous avons louée. Il n'y figure d'ailleurs aucune plaque d'immatriculation ! Les "indélicats" appartiennent donc à la succursale de Riga. Au retour il faudra encore que je menace pour être finalement remboursé.


Comme nous sommes heureux d'avoir eu gain de cause, nous fêtons cela en déjeunant au Pussirohukelder, l'ancienne poudrière, soit la plus haute cave d'Europe. Je dois demander un doggy-bag pour remporter la moitié du jarret de porc que j'ai fait glisser avec un verre de kvass. Nous avons donc bien adopté cette boisson fermentée depuis le début de nos aventures, et nous comptons bien la mettre à la mode dès notre retour à Paris. Cette boisson délicieuse et désaltérante remplace le Coca qu'il est plus que jamais important de boycotter, d'une part comme produit de l'Amérique trumpiste, d'autre part pour son implantation en Israël.
Plus on monte vers la Scandinavie, plus les autochtones font penser à leurs voisins du nord. Les pelouses ressemblent à des crânes de G.I., et tout semble pensé pour qu'aucune pensée ne vienne perturber l'équilibre des habitants. La grande majorité des Airbnb où nous résidons sont exclusivement conçus pour la location. On sent que tout a été prévu, mais il manque des tas de choses parce que les loueurs n'y ont jamais vécu. Ou bien ils ne lisent jamais (aucune lampe de chevet) ou encore ils ne boivent que du café et de la bière (ni bouilloire, ni théière) ? Il n'empêche que nous avons choisi des maisons ou des appartements plutôt agréables, avec presque toujours accès à un espace extérieur, balcon, terrasse ou jardin.


À Tartu notre promenade préférée est celle du magnifique jardin botanique, le plus beau que j'ai vu jusqu'à maintenant. Et nous admirons toujours les nuages, absolument somptueux. Mais nous voilà déjà repartis vers la Baltique...