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Billet de blog 11 novembre 2025

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Phantastama d'Eric Vernhes à la Galerie Charlot

Une fois de plus je suis fasciné par les créations d'Eric Vernhes. Si Meeting Philip, son hommage critique à Philip K. Dick, fait un carton à la Biennale Nemo, son exposition à la Galerie Charlot rassemble des pièces anciennes ou récentes comme Dormeurs éveillés qui s'empare d'un texte incroyable de Gaston Bachelard...

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Illustration 1

Une fois de plus je suis fasciné par les créations d'Eric Vernhes. Si Meeting Philip, son hommage critique à Philip K. Dick, fait un carton à la Biennale Nemo, son exposition à la Galerie Charlot rassemble des pièces anciennes ou récentes comme Dormeurs éveillés qui s'empare d'un texte incroyable de Gaston Bachelard. Dit par l'écrivain lui-même, intégré à la composition musicale de Vernhes, il semble avoir été écrit pour l'I.A. ou du moins pour la virtualité dans laquelle nous sommes immergés quotidiennement devant nos écrans, alors qu'il date de 1954. Le rêve nocturne agence les images comme un cadavre exquis où elles se fondent par le truchement graphique de l'intelligence artificielle tandis que le jour impose des formes abstraites quasi géométriques. Les figures fantasmatiques, identifications à des personnages cinématographiques (Bergman, Antonioni...), sont recomposées. La boucle de huit minutes qui s'étale sur deux écrans peut être vue et entendue comme un court métrage onirique où se cognent l'élasticité du morphing et les lignes de fuite brisées par les couleurs vives.

Illustration 3

Ligne de fuite est justement une installation de 2022, sorte de machine markerienne se jouant aléatoirement des souvenirs qui ont marqué notre vie. La mémoire répète ses instants choisis, quitte à les figer ou les plonger dans un abîme dont l'écho est d'autant plus déstabilisant. "Les captations vidéo de quelques-uns de ces moments glissent à la surface d’un écran horizontale. Ces images viennent se placer aléatoirement sous une caméra d’observation qui les diffuse sur un second écran en tant que continuité cinématographique. Sur cet écran se condensent les hachures du temps, les décompositions d’instants notables de la ligne “pellicule” de la vie. Souvent, la caméra re-filme les images qu’elle vient de capter. Le processus de “feedback” qui en découle provoque une dégradation de la qualité des images, évocation du processus d’érosion de la mémoire et de finitude." C'est le principe-même de toute œuvre d'art, et de la mémoire proprement dite.

Fantasmata © eric vernhes


Ne pensez pas que les danseurs de Fantasmata obéissent servilement au rythme du balancier. Ils sont à l'affût des spectateurs qui les regardent et interagissent au gré d'une fantaisie qui va au delà de la figure de danse du XVème siècle, consistant en un arrêt momentané, une pause pendant laquelle le corps reste suspendu entre l’accomplissement d’un mouvement et l’appréhension de celui qui va venir.
La galerie Charlot expose également Bashô, des mots transformés en idéogrammes comme une langue hiéroglyphique imaginaire, Spectres, vingt images carrées crées avec l'I.A., ou les scènes programmées par Oslo Kahn dans son monde totalement artificiel, ou encore l'installation Suspendus, un nid habité sur une branche d'arbre où les chants d'oiseaux aspirent le visiteur.
Les œuvres d'Eric Vernhes ont souvent trait à la mémoire, des événements dont on se souvient ou qu'on invente en y croyant dur comme fer. Mais cette mémoire n'est pas toujours tournée vers le passé, elle peut aussi annoncer l'avenir. Il faut toute la panoplie des conjugaisons pour effleurer ce qui transparaît. Il est impossible de tricher avec ses machines, terriblement humaines parce qu'elles sont le fruit de son intarissable imagination et qu'il nous laisse ensuite le plaisir de nous les approprier par la magie de notre interprétation, nous renvoyant à nos interrogations les plus nécessaires.
→ Eric Vernhes, Phantastama, exposition à la Galerie Charlot, jusqu'au 17 janvier 2026

MEETING PHILIP - Extract and presentation © eric vernhes

→ Eric Vernhes, Meeting Philip, dans le cadre de la Biennale Némo au Cent-Quatre, jusqu'au 11 janvier 2026 (sur ce Blog + 5 articles)

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